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06/01/2021 | BELGIQUE | N°P.20.1246.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 janvier 2021, P.20.1246.F


N° P.20.1246.F
B. F.
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Patrick Huget, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 4 décembre 2020 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président chevalier Jean de Codt a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LES FAITS
Le demandeur a été plac

é sous mandat d'arrêt le 12 mai 2020 du chef de vente de stupéfiants. Par un jugement du 31 août 20...

N° P.20.1246.F
B. F.
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Patrick Huget, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 4 décembre 2020 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président chevalier Jean de Codt a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LES FAITS
Le demandeur a été placé sous mandat d'arrêt le 12 mai 2020 du chef de vente de stupéfiants. Par un jugement du 31 août 2020 du tribunal correctionnel de Bruxelles, il a été condamné de ce chef à une peine d'emprisonnement de deux ans avec sursis pour ce qui excède la détention préventive. Le même jour, il a fait l'objet d'un ordre de quitter le territoire avec maintien en vue d'éloignement, accompagné d'une interdiction d'entrée d'une durée de trois ans.
Cette décision se réfère notamment aux articles 7, alinéa 1er, 1° et 3°, et 74/14, § 3, 1°, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers : le demandeur n'est pas en possession d'un passeport muni d'un visa valable ; sa condamnation pénale objective l'existence d'une atteinte possible à l'ordre public ou à la sécurité nationale ; son manque de collaboration avec les autorités et le fait qu'il ne se soit pas présenté dans les délais prescrits à l'administration communale du lieu où il loge accrédite également l'existence d'un risque de fuite.
Le 30 octobre 2020, la privation de liberté du demandeur a été prolongée de deux mois par application de l'article 7, alinéa 5, de la loi du 15 décembre 1980.
A l'effet de ramener le demandeur dans son pays natal, une place a été réservée pour lui à bord d'un vol à destination de Nador le 12 novembre 2020.
Ayant refusé de subir le test sanitaire qui conditionne l'entrée au Maroc, le demandeur a fait l'objet, le 9 novembre 2020, d'un nouvel écrou fondé sur l'article 27, §§ 1 et 3, de la loi du 15 décembre 1980.
Depuis sa mise à la disposition de l'Office des étrangers, le demandeur a déposé trois requêtes de mise en liberté. La dernière, introduite le 12 novembre 2020, est celle qui a donné lieu au contrôle de légalité effectué par la chambre du conseil le 18 novembre 2020 et par la chambre des mises en accusation le 4 décembre 2020. Il s'agit de l'arrêt attaqué.
III. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le demandeur soutient que l'arrêt viole l'article 15.6 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
Le grief de violation de la norme européenne repose sur l'affirmation que le demandeur avait le droit de s'opposer, le 9 novembre 2020, au rapatriement prévu le 12, dès lors qu'à cette date, la chambre des mises en accusation n'avait pas encore statué sur l'appel qu'il avait interjeté contre l'ordonnance de la chambre du conseil du 6 novembre 2020 le déboutant de sa deuxième requête de mise en liberté.
Le demandeur en déduit que, l'opposition à son éloignement étant licite, l'administration pouvait, tout au plus, en vertu de l'article 15.6 susdit, prolonger la privation de liberté mais pas délivrer un titre nouveau et autonome.
L'article 15.6 de la directive Retour permet de prolonger, d'une durée n'excédant pas douze mois supplémentaires, la rétention d'un étranger faisant l'objet d'une procédure d'éloignement, lorsque celle-ci dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l'intéressé ou des retards subis pour obtenir, du pays tiers, les documents nécessaires.
La disposition précitée n'a pas pour effet de rendre licite la transgression, par l'étranger, d'un ordre de quitter le territoire. Cette transgression constitue un délit passible des peines prévues à l'article 75 de la loi du 15 décembre 1980. Partant, l'article 15.6 n'interdit pas aux Etats membres de prévoir un nouvel acte de contrainte aux fins d'assurer l'éloignement d'un étranger dont le séjour illégal continué requiert cette mesure, et qui fait obstacle à son rapatriement.
Reposant sur l'affirmation du contraire, le moyen manque en droit.
Le demandeur sollicite le renvoi préjudiciel de la cause à la Cour de justice de l'Union européenne, pour le cas où il faudrait considérer que le nouvel écrou du 9 novembre 2020 est conforme à la loi.
La première question préjudicielle libellée au moyen porte sur la compatibilité de l'article 27 de la loi du 15 décembre 1980 avec l'article 15.6 de la directive Retour : il s'agit de vérifier si, au regard du droit européen, la loi belge peut prévoir la délivrance d'un nouveau titre de privation de liberté alors que l'opposition persistante du demandeur à son éloignement est rendue licite par l'introduction des procédures visant à le soustraire aux mesures de contrainte dont il fait l'objet.
Mais l'introduction de ces procédures et leur éventuelle multiplication n'enlèvent pas, à la transgression répétée de l'ordre de quitter le territoire, son caractère illicite.
Reposant sur une interprétation inexacte de la loi, cette question ne doit pas être posée.
La seconde question préjudicielle porte sur la compatibilité de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne avec l'article 5.4 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : il s'agit de vérifier si la garantie du délai raisonnable peut justifier le refus du renvoi préjudiciel.
Mais ce n'est pas au titre du délai raisonnable que ledit renvoi est décliné.
Dénué de pertinence, la seconde question ne doit pas non plus être posée.
Sur le second moyen :
Le demandeur reproche à la chambre des mises en accusation d'avoir décliné le renvoi préjudiciel qu'il postulait, en fondant son refus sur l'obligation faite à cette juridiction de statuer dans les quinze jours de l'appel interjeté par l'étranger privé de liberté contre l'ordonnance rejetant sa requête.
Selon le demandeur, l'obligation de statuer à bref délai n'inclut pas celle, pour les juges d'appel, de vider leur saisine. Poser une question préjudicielle revient à statuer en la cause, de sorte que l'urgence invoquée ne s'oppose pas à ce que la chambre des mises en accusation rende, avant l'échéance du terme, un arrêt interrogeant la Cour de justice de l'Union européenne pour, une fois la réponse reçue, statuer sur les mérites de l'appel.
Mais ce que les articles 71 et 72 de la loi du 15 décembre 1980 imposent aux juridictions d'instruction, c'est de vérifier, dans les délais très brefs qui y sont stipulés, si les mesures privatives de liberté et d'éloignement du territoire sont conformes à la loi. Et l'étranger est remis en liberté si ce contrôle de légalité n'est pas effectué dans le terme prescrit.
Reposant sur l'affirmation que l'obligation de statuer à bref délai est satisfaite par un arrêt qui y sursoit, le moyen manque en droit.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de cinquante-huit euros trente centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du six janvier deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.20.1246.F
Date de la décision : 06/01/2021
Type d'affaire : Droit administratif - Droit européen

Analyses

L'article 15.6 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier permet de prolonger, d'une durée n'excédant pas douze mois supplémentaires, la rétention d'un étranger faisant l'objet d'une procédure d'éloignement, lorsque celle-ci dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l'intéressé ou des retards subis pour obtenir, du pays tiers, les documents nécessaires.

ETRANGERS - UNION EUROPEENNE - DROIT MATERIEL - Politique [notice1]

L'article 15.6 de la directive Retour n'a pas pour effet de rendre licite la transgression, par l'étranger, d'un ordre de quitter le territoire, cette transgression constituant un délit passible des peines prévues à l'article 75 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers; partant, l'article 15.6 n'interdit pas aux Etats membres de prévoir un nouvel acte de contrainte aux fins d'assurer l'éloignement d'un étranger dont le séjour illégal continué requiert cette mesure, et qui fait obstacle à son rapatriement (1). (1) Cass. 11 décembre 2019, RG P.19.1157.F, Pas. 2019, n° 661.

ETRANGERS - UNION EUROPEENNE - DROIT MATERIEL - Politique [notice3]

Les articles 71 et 72 de la loi du 15 décembre 1980 imposent aux juridictions d'instruction, de vérifier, dans les délais très brefs qui y sont stipulés, si les mesures privatives de liberté et d'éloignement du territoire sont conformes à la loi et l'étranger est remis en liberté si ce contrôle de légalité n'est pas effectué dans le terme prescrit; cette obligation de statuer à bref délai n'est pas satisfaite par un arrêt qui y sursoit.

ETRANGERS [notice5]


Références :

[notice1]

Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour desressortissants de pays tiers en séjour irrégulier - 16-12-2008 - Art. 15.6

[notice3]

Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour desressortissants de pays tiers en séjour irrégulier - 16-12-2008 - Art. 15.6

[notice5]

L. du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers - 15-12-1980 - Art. 71 et 72 - 30 / No pub 1980121550


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : VANDERMEERSCH DAMIEN
Assesseurs : DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-01-06;p.20.1246.f ?

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