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06/01/2021 | BELGIQUE | N°P.20.0028.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 janvier 2021, P.20.0028.F


N° P.20.0028.F
D. L.
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Eric Soccio, avocat au barreau de Mons.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 20 décembre 2019 par la cour d'appel de Mons, chambre correctionnelle.
Dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme, le demandeur invoque un moyen et rejette l'éventuelle fin de non-recevoir déduite de la peine légalement justifiée, qui lui serait opposée.
Le 28 décembre 2020, l'avocat général Damien Vandermeersch a déposé des co

nclusions au greffe.
A l'audience du 6 janvier 2021, le conseiller Eric de Formanoir a fait r...

N° P.20.0028.F
D. L.
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Eric Soccio, avocat au barreau de Mons.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 20 décembre 2019 par la cour d'appel de Mons, chambre correctionnelle.
Dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme, le demandeur invoque un moyen et rejette l'éventuelle fin de non-recevoir déduite de la peine légalement justifiée, qui lui serait opposée.
Le 28 décembre 2020, l'avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe.
A l'audience du 6 janvier 2021, le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Pris notamment de la violation de l'article 4 du Protocole n° 7 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le moyen fait grief à l'arrêt de condamner le demandeur du chef d'entrave méchante à la circulation routière, alors qu'il a déjà été condamné pour les mêmes faits sous des qualifications d'infraction à la loi relative à la police de la circulation routière.
2. L'article 4.1 du Protocole n° 7 dispose que nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat.
Cette disposition interdit que de nouvelles poursuites soient engagées, ou une condamnation prononcée, contre une personne qui a déjà été acquittée ou condamnée, par une décision passée en force de chose jugée, en raison de faits identiques ou qui, en substance, sont les mêmes que ceux qui ont fait l'objet de cette décision. La notion de faits identiques ou substantiellement les mêmes vise un ensemble de circonstances concrètes concernant un même suspect qui, indépendamment de leur qualification juridique ou des éléments constitutifs de l'infraction, sont indissociablement liées entre elles dans le temps et dans l'espace.
Le juge apprécie souverainement si les faits visés par la nouvelle poursuite sont identiques ou substantiellement les mêmes, la Cour se bornant à vérifier si les critères retenus peuvent, ou non, justifier légalement la décision.
3. L'arrêt attaqué déclare établie la prévention d'entrave méchante à la circulation routière et condamne le demandeur à une peine pour avoir, à Mons, le 4 juin 2016, « refusé d'obtempérer aux injonctions de la police et ce en procédant à un délit de fuite, en roulant à vive allure, en franchissant plusieurs feux tricolores alors qu'ils sont en phase rouge pour terminer sa course dans le mur de façade d'un garage, [et] abandonné le véhicule sur place pour continuer sa fuite pédestrement ».
La cour d'appel a constaté, et il ressort des pièces de la procédure, que le demandeur avait été condamné par défaut, le 3 novembre 2017, pour avoir commis le 4 juin 2016, à Mons, notamment les infractions suivantes : ne pas avoir eu constamment le contrôle de son véhicule, ne pas avoir réglé sa vitesse, avoir franchi un feu rouge, ne pas avoir obtempéré aux injonctions des officiers de police et avoir commis un délit de fuite. L'arrêt relève que cette décision est passée en force de chose jugée, sous la condition résolutoire d'une opposition faite dans le délai extraordinaire d'opposition et déclarée recevable.
4. Selon les juges d'appel, les deux poursuites visent des faits différents, nonobstant leur commission par la même personne, au même endroit et au même moment.
Pour justifier cette différence, l'arrêt retient que la prévention d'entrave à la circulation contient un élément moral, l'intention méchante, et un élément matériel, le franchissement d'un plus grand nombre de feux rouges, non compris dans la poursuite précédente du chef d'infractions au code de la route.
Dès lors que l'hétérogénéité des éléments constitutifs de deux qualifications pénales n'établit pas, à elle seule, l'existence de deux faits pénaux distincts, les juges d'appel n'ont pu, sur le fondement des considérations précitées, justifier légalement leur décision.
5. Pour rejeter l'exception de chose jugée, l'arrêt se réfère également à la circonstance que le code de la route sanctionne la violation des normes réglementaires de la circulation routière, tandis que la répression de l'entrave méchante a pour objet l'atteinte portée à la sécurité des autres usagers.
Mais il s'agit, dans les deux cas, d'une action pénale diligentée par le ministère public pour assurer la réalisation d'un objectif d'intérêt général qui est d'assurer la sécurité et la libre circulation de tous les usagers de la voie publique.
Pas plus que le précédent, le second motif donné par les juges d'appel ne justifie légalement leur décision.
6. Dans cette mesure, le moyen est fondé.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les frais pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge de renvoi ;
Renvoie la cause à la cour d'appel de Liège.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du six janvier deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.20.0028.F
Date de la décision : 06/01/2021
Type d'affaire : Droit pénal - Droit international public - Autres

Analyses

L'article 4.1 du Protocole n° 7 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales interdit que de nouvelles poursuites soient engagées, ou une condamnation prononcée, contre une personne qui a déjà été acquittée ou condamnée, par une décision passée en force de chose jugée, en raison de faits identiques ou qui, en substance, sont les mêmes que ceux qui ont fait l'objet de cette décision: la notion de faits identiques ou substantiellement les mêmes vise un ensemble de circonstances concrètes concernant un même suspect qui, indépendamment de leur qualification juridique ou des éléments constitutifs de l'infraction, sont indissociablement liées entre elles dans le temps et dans l'espace (1). (1) Voir les concl. du MP.

ACTION PUBLIQUE - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Divers [notice1]

Le juge apprécie souverainement si les faits visés par la nouvelle poursuite sont identiques ou substantiellement les mêmes, la Cour se bornant à vérifier si les critères retenus peuvent, ou non, justifier légalement la décision (1). (1) Voir les concl. du MP.

APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Divers [notice3]

L'hétérogénéité des éléments constitutifs de deux qualifications pénales n'établit pas, à elle seule, l'existence de deux faits pénaux distincts (1). (1) Voir les concl. du MP.

ACTION PUBLIQUE - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Divers [notice5]


Références :

[notice1]

Protocole n° 7 à la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales - 22-11-1984 - Art. 4, § 1er - 33 / Lien DB Justel 19841122-33

[notice3]

Protocole n° 7 à la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales - 22-11-1984 - Art. 4, § 1er - 33 / Lien DB Justel 19841122-33

[notice5]

Protocole n° 7 à la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales - 22-11-1984 - Art. 4, § 1er - 33 / Lien DB Justel 19841122-33


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : VANDERMEERSCH DAMIEN
Assesseurs : DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-01-06;p.20.0028.f ?

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