La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/11/2020 | BELGIQUE | N°C.15.0087.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 novembre 2020, C.15.0087.F


N° C.15.0087.F
D. R.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,
contre
1. A. M.,
2. W. M.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 8 févr

ier 2013 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L'avocat...

N° C.15.0087.F
D. R.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,
contre
1. A. M.,
2. W. M.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 8 février 2013 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
En vertu de l'article 17 du Code judiciaire, l'action ne peut être admise si le demandeur n'a pas intérêt pour la former.
L'intérêt, au sens de cette disposition, doit être légitime ; il n'est illégitime que si l'action tend au maintien d'une situation contraire à l'ordre public ou à l'obtention d'un avantage illicite.
Il s'ensuit que l'intérêt n'est pas illégitime par le fait que le demandeur saisit le juge d'une demande contradictoire tendant à lui faire dire une chose et son contraire.
Dans la mesure où il soutient le contraire, le moyen, en cette branche, manque en droit.
Pour le surplus, d'une part, le moyen, en cette branche, invoque la méconnaissance d'un principe de cohérence et d'un principe selon lequel nul ne peut se contredire aux dépens d'autrui, alors qu'il n'existe pas de tels principes généraux du droit.
D'autre part, le moyen, qui, en cette branche, fait grief à l'arrêt de décider que les défendeurs n'ont pas exercé l'option héréditaire, se borne à critiquer les motifs sur lesquels l'arrêt fonde cette disposition, mais ne dénonce pas l'illégalité de la décision disant l'action des défendeurs recevable et ne saurait, partant, entraîner la cassation de cette décision.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Enfin, l'arrêt, qui relève que les défendeurs « sont les héritiers légaux et réservataires de leur mère » et considère que « le fait qu'ils n'aient pas encore exercé d'option héréditaire ne les prive pas du droit d'agir à titre conservatoire [...] pour leur permettre de prendre attitude quant à l'option successorale à exercer », ne considère pas que l'action visant à requalifier la vente est introduite à titre conservatoire au sens de l'article 18 du Code judiciaire en ce qu'elle ne viserait pas à entendre statuer définitivement sur une question litigieuse, mais se borne à relever que cette action est un acte conservatoire du patrimoine du défunt ne valant pas acte d'adition d'hérédité au sens de l'article 779 du Code civil.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la seconde branche :
L'arrêt confirme le jugement entrepris disant pour droit que la vente de la nue-propriété de l'immeuble de la défunte au demandeur réalisée le 17 juillet 1997 est une donation et, statuant pour le surplus, déclare non fondée la demande des défendeurs tendant à entendre dire pour droit qu'il y a lieu de rapporter la valeur de l'immeuble et de réduire la donation à la quotité disponible.
Contrairement à ce que suppose le moyen, en cette branche, la décision requalifiant la vente en donation n'implique pas que l'arrêt statue, fût-ce partiellement, sur l'étendue des droits des défendeurs en leur qualité d'héritier réservataire.
Pour le surplus, il suit de la réponse à la première branche du moyen que l'arrêt ne qualifie pas l'action des défendeurs de conservatoire au sens de l'article 18 du Code judiciaire, mais la tient pour un acte conservatoire ne valant pas adition d'hérédité au sens de l'article 779 du Code civil.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Quant à la première branche :
Le grief que le moyen, en cette branche, fait à l'arrêt de violer les règles relatives à la charge de la preuve est étranger à la violation des articles 920 à 930 du Code civil, qui portent sur la réduction des donations et legs.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Pour le surplus, après avoir énoncé que le demandeur « estime que [les défendeurs] ne prouvent ni l'appauvrissement sans contrepartie ni l'intention libérale », l'arrêt considère que celle-ci résulte « d'un faisceau de présomptions, graves, précises et concordantes ».
Il considère, par appropriation des motifs du premier juge, qu'en ce qui concerne l'absence de paiement de la rente, « c'est, bien entendu, aux [défendeurs] qu'incombe la charge de la preuve ». Il relève ainsi, par appropriation de ces mêmes motifs, que « l'acte prévoyait un versement au compte du crédirentier mais lui laissait la liberté d'encaisser son dû autrement » et que, précisément, le demandeur « soutient qu'il paya toujours de la main à la main ».
L'arrêt considère que l'affirmation du demandeur n'est pas établie dès lors que :
- le demandeur ne produit pas « des reçus mensuels et systématiques [...] du paiement de la main à la main de la rente mensuelle », lesquels, « seuls, [...] constitueraient une preuve valable du paiement », mais uniquement une « déclaration sur l'honneur du 25 janvier 2007, signée de la main de [la mère des défendeurs], mais sous un texte écrit de la main d'un tiers » et établi à un moment où celle-ci « était hospitalisée en gériatrie à l'Hôpital français après avoir effectué un séjour aux soins intensifs » ;
- « les attestations établies par les amis et collègues [du demandeur], produites pour la première fois en degré d'appel, ne sont pas plus convaincantes » dès lors que, « outre le fait que ces personnes sont des proches [du demandeur], il est curieux de constater qu'elles se souviennent avec autant de précision, plusieurs années plus tard, que celui-ci ‘prélevait 425 euros dans la caisse chaque début du mois pour régler la rente viagère' ou qu'il ‘payait chaque début du mois, de la main à la main, sans quittance, 425 euros [à la mère des défendeurs] pour la rente viagère', un ‘témoin' [faisant] même remonter le paiement de la rente à une époque antérieure à son exigibilité » ;
- alors que le demandeur « révèle pour la première fois en degré d'appel être titulaire de ‘nombreux comptes bancaires bien fournis' », « l'on s'étonne [qu'il] n'ait pas eu l'élémentaire prudence de payer les rentes mensuelles par virement bancaire ».
Contrairement à ce que soutient le moyen, en cette branche, l'arrêt, qui déduit de ces énonciations qu'il « ne peut que constater la gratuité ou l'absence de contrepartie pour le transfert de la nue-propriété de l'immeuble », ne fonde pas la requalification de la vente sur le fait que le demandeur n'a pas prouvé l'existence d'une contrepartie effective à cette vente, mais, en application du principe que les défendeurs doivent prouver la gratuité, constate que cette preuve est rapportée par l'absence de tout paiement par virement bancaire et, rencontrant la défense du demandeur soutenant qu'il payait de la main à la main, considère que celle-ci n'est pas établie.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la seconde branche :
Il suit des considérations reproduites dans la réponse à la première branche du moyen que l'arrêt écarte l'affirmation du demandeur qu'il payait la rente de la main à la main par des motifs étrangers à sa capacité financière.
L'arrêt n'était pas tenu de répondre aux conclusions du demandeur reproduites au moyen, en cette branche, que sa décision privait de pertinence.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de six cent vingt-quatre euros trente-cinq centimes envers la partie demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Françoise Roggen, Marie-Claire Ernotte, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du douze novembre deux mille vingt par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1f - première chambre
Numéro d'arrêt : C.15.0087.F
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Autres

Analyses

L'intérêt, au sens de l'article 17 du Code judiciaire, doit être légitime; il n'est illégitime que si l'action tend au maintien d'une situation contraire à l'ordre public ou à l'obtention d'un avantage illicite (1) ; il s'ensuit que l'intérêt n'est pas illégitime par le fait que le demandeur saisit le juge d'une demande contradictoire tendant à lui faire dire une chose et son contraire. (1) Voir Cass. 6 décembre 2018, RG C.17.0666.F, Pas. 2018, n° 688.

DEMANDE EN JUSTICE - Intérêt - Notion - Condition [notice1]


Références :

[notice1]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 17 - 01 / No pub 1967101052


Composition du Tribunal
Président : STORCK CHRISTIAN
Greffier : DE WADRIPONT PATRICIA
Ministère public : WERQUIN THIERRY
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, ERNOTTE MARIE-CLAIRE, MARCHANDISE MAXIME, MORIS MARIELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-11-12;c.15.0087.f ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award