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02/10/2020 | BELGIQUE | N°C.19.0085.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 02 octobre 2020, C.19.0085.N


N° C.19.0085.N
BNP PARIBAS FORTIS, s.a.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
APRA LEVEN, s.a., en liquidation,
Me Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 8 janvier 2019 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le 8 mai 2020, le premier avocat général Ria Mortier a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Geert Jocqué a fait rapport et le premier avocat général Ria Mortier a été entendu en ses conclusions.
II.

Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée co...

N° C.19.0085.N
BNP PARIBAS FORTIS, s.a.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
APRA LEVEN, s.a., en liquidation,
Me Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 8 janvier 2019 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le 8 mai 2020, le premier avocat général Ria Mortier a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Geert Jocqué a fait rapport et le premier avocat général Ria Mortier a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen pris dans son ensemble :
1. En vertu de l’article 16, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d’assurances, tel qu’il s’applique au litige, les entreprises d’assurances sont tenues de calculer et de comptabiliser sous le nom de réserves ou provisions techniques les obligations qui leur incombent tant pour l’exécution des contrats d’assurance et pour les opérations qu’elles ont souscrits, que pour l’application des dispositions légales ou réglementaires relatives à ces opérations d’assurance.
L’article 16, § 2, alinéas 1 et 2, de cette loi, tel qu’il s’applique au litige, prévoit que les réserves ou provisions techniques visées au premier paragraphe de cet article, afférentes aux contrats d’assurance et aux obligations dérivant des dispositions législatives ou réglementaires relatives aux opérations d’assurance, ainsi que les dettes techniques déterminées par le Roi, doivent être représentées à tout moment par des actifs équivalents appartenant en pleine propriété à l’entreprise d’assurances et affectés spécialement à la garantie des obligations par gestion distincte, et que ces actifs sont désignés sous le nom de « valeurs représentatives ».
En vertu de l’article 16, § 3, alinéas 1 à 3, de la même loi, tel qu’il s’applique au litige, toute entreprise d’assurances doit tenir à son siège social un registre spécial, appelé inventaire permanent, des valeurs représentatives de chaque gestion distincte, le montant total des valeurs représentatives inscrites doit, à tout moment, être au moins égal au montant des provisions techniques et, lorsque les valeurs représentatives inscrites sont grevées d’un droit réel au profit d’un créancier ou d’un tiers avec pour conséquence de rendre indisponible une partie du montant de ces valeurs représentatives pour la couverture des engagements, il est fait état de cette situation dans le registre et il n’est pas tenu compte du montant non disponible dans le calcul du total précité.
L’article 17, alinéa 2, de ladite loi, tel qu’il s’applique au litige, précise que les valeurs représentatives mobilières visées au premier alinéa sont insaisissables, sauf au profit des créanciers titulaires de droits ou privilèges acquis de bonne foi en vertu d’une formalité accomplie avant l’affectation desdites valeurs.
Suivant l’article 18, alinéas 1 et 2, tel qu’il s’applique au litige, l’ensemble des valeurs représentatives forme, par gestion distincte, un patrimoine spécial réservé par priorité à l’exécution des engagements envers les assurés ou bénéficiaires d’assurance relevant de cette gestion et le patrimoine spécial de chaque gestion distincte est constitué par le contenu de l’inventaire permanent prescrit par l’article 16.
En vertu de l’article 6 du règlement n° 12 de l’Office de contrôle des assurances fixant les règles concernant l’inventaire permanent des valeurs représentatives, si une valeur inscrite au registre de l’inventaire permanent est grevée d’un droit réel au profit d’un tiers, il en est fait mention dans le registre.
L’article 10, § 9, 3°, de l’arrêté royal du 22 février 1991 portant règlement général relatif au contrôle des entreprises d’assurances prévoit que les créances sur un tiers, reprises comme valeurs représentatives, sont évaluées, déduction faite des dettes envers ce tiers, afin de déterminer la valeur d’affectation des valeurs représentatives des provisions et dettes techniques.
2. L’article 12 de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851 dispose que le privilège est un droit que la qualité de la créance donne à un créancier d’être préféré aux autres créanciers, même hypothécaires.
3. Il suit de ces dispositions légales et de leur rapprochement que les entreprises d’assurances sont tenues de conserver un patrimoine spécial à titre de garantie du respect des obligations qui leur incombent pour l’exécution des contrats d’assurance et des opérations d’assurance et que les valeurs représentatives constituées des actifs de ce patrimoine doivent, à tout moment, être au moins égales à ces obligations. L’inclusion d’un élément d’actif dans le patrimoine spécial n’empêche cependant pas la constitution d’une hypothèque sur cet élément par un tiers créancier. Le privilège des assurés et des bénéficiaires sur le patrimoine spécial prend cependant rang avant cette hypothèque.
4. Les juges d’appel ont constaté et considéré que :
- le 18 février 2008, la demanderesse a accordé une ouverture de crédit à la défenderesse pour le financement de l’achat d’un bien immobilier ;
- le 29 février 2008, une hypothèque de premier rang sur le bien immobilier a été conférée à la demanderesse en garantie de la bonne exécution du crédit ;
- ce bien immobilier appartenant en pleine propriété à la défenderesse a été inscrit dans l’inventaire permanent à titre de valeur représentative, non jusqu’à concurrence de la totalité de valeur estimée, de 1.138.000 euros, mais sous déduction du montant de 596.000 euros restant dû dans le cadre du crédit garanti par l’hypothèque, de sorte que c’est une valeur d’affectation de 542.000 euros qui constituait la valeur représentative pour le patrimoine spécial ;
- après le retrait de son agrément par la Commission bancaire, financière et des assurances, la défenderesse a été dissoute et mise en liquidation ;
- à la suite de cette décision, la demanderesse a mis fin à l’ouverture de crédit ;
- en vertu de la clause compensatoire (clause de netting) et de son droit d’hypothèque, la demanderesse a ensuite débité le compte-68 de la défenderesse du montant de 645.594,96 euros afin d’apurer le crédit ;
- la défenderesse avait ouvert le compte bancaire -68 pour y recevoir les paiements de primes par les preneurs d’assurances, effectuer les versements aux preneurs d’assurances, recevoir les versements des réassureurs et payer les frais liés aux activités d’assurance ;
- les fonds présents sur le compte bancaire -68 à la date du débit faisaient intégralement partie du patrimoine spécial de la défenderesse ;
- la défenderesse pouvait librement disposer des avoirs du compte -68, dont le solde était fluctuant ;
- la défense de la demanderesse concernant la méconnaissance de ses droits en tant que titulaire de bonne foi d’une sûreté doit être rejetée, dès lors que la défenderesse a tenu compte de la créance de la demanderesse en déduisant du montant du bien immobilier à inscrire au patrimoine spécial le solde restant dû, de sorte que la défenderesse ne devait pas tenir compte une seconde fois de cette créance dans l’état du solde du compte bancaire -68.
5. En considérant que l’inscription du compte bancaire dans l’inventaire permanent a pour conséquence que les fonds qui figuraient sur ce compte faisaient partie à tout moment du patrimoine spécial et que, eu égard au privilège absolu des assurés et des bénéficiaires sur ce patrimoine spécial, privilège qui est d’ordre public et auquel il ne peut être dérogé, la demanderesse n’était pas autorisée, sur la base de dispositions contractuelles contenues dans son règlement général des opérations et dans ses conditions générales de crédit, qui prévoient une clause de netting à son profit, à procéder à une compensation entre les avoirs du compte bancaire -68 et le montant de sa créance résultant d’un crédit pour lequel la défenderesse lui avait conféré une hypothèque de premier rang, les juges d’appel ont légalement justifié leur décision et se sont conformés au prescrit de l’article 149 de la Constitution.
Le moyen, en chacune de ses branches, ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, les présidents de section Koen Mestdagh et Geert Jocqué, les conseillers Ilse Couwenberg et Sven Mosselmans, et prononcé en audience publique du deux octobre deux mille vingt par le président de section Eric Dirix, en présence du premier avocat général Ria Mortier, avec l’assistance du greffier Vanity Vanden Hende.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Sabine Geubel et transcrite avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1n - eerste kamer
Numéro d'arrêt : C.19.0085.N
Date de la décision : 02/10/2020
Type d'affaire : Droit commercial - Droit civil - Droit financier

Analyses

L’obligation selon laquelle les valeurs représentatives, constituées des actifs du patrimoine spécial que les entreprises d’assurance sont tenues de conserver à titre de garantie du respect des obligations qui leur incombent pour l’exécution des contrats d’assurance et des opérations d’assurance, doivent, à tout moment, au moins être égales à ces obligations n’empêche pas la constitution par un tiers créancier d’une hypothèque sur un élément inscrit à ce patrimoine spécial, mais le privilège des assurés et des bénéficiaires sur le patrimoine spécial prend rang avant cette hypothèque (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

ASSURANCES - GENERALITES - Entreprise d'assurances - Formation d'un patrimoine spécial - Hypothèque constituée sur un élément patrimonial - Conséquence - PRIVILEGES ET HYPOTHEQUES - GENERALITES - BANQUE. CREDIT. EPARGNE - OPERATIONS DE CREDIT [notice1]


Références :

[notice1]

L. du 9 juillet 1975 relative aux contrôle des entreprises d'assurances - 09-07-1975 - Art. 16, § 1er, al. 1er, § 2, al. 1er et 2, et § 3, al. 1er à 3, 17, al. 2, et 18, al. 1er et 2 - 30 / No pub 1975070904 ;

Règlement n° 12 de l'Office de Contrôle des Assurances fixant les règles concernant l'inventaire permanent des valeurs représentatives - 22-01-2001 - Art. 6 - 34 / Lien DB Justel 20010122-34 ;

A.R. du 22 février 1991 - 22-02-1991 - Art. 10, § 9, 3° - 33 / No pub 1991011037 ;

Code civil - Livre III - Titre XVIII: Des privilèges et hypothèquesL. Loi hypothécaire - 16-12-1851 - Art. 12 - 01 / No pub 1851121650


Composition du Tribunal
Président : DIRIX ERIC
Greffier : VANDEN HENDE VANITY
Ministère public : MORTIER RIA
Assesseurs : MESTDAGH KOEN, JOCQUE GEERT, COUWENBERG ILSE, MOSSELMANS SVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-10-02;c.19.0085.n ?

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