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25/09/2020 | BELGIQUE | N°F.19.0056.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 25 septembre 2020, F.19.0056.N


N° F.19.0056.N
ALCOPA, s.a.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 19 décembre 2017 par la cour d’appel d’Anvers.
Le 18 juin 2020, l’avocat général Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Bart Wylleman a fait rapport et l’avocat général Johan Van der Fraenen a été entendu en ses conclus

ions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certi...

N° F.19.0056.N
ALCOPA, s.a.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 19 décembre 2017 par la cour d’appel d’Anvers.
Le 18 juin 2020, l’avocat général Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Bart Wylleman a fait rapport et l’avocat général Johan Van der Fraenen a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
1. L’article 202, § 1er, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu’il s’applique au litige, dispose que, des bénéfices de la période imposable sont également déduits, dans la mesure où ils s’y retrouvent, les dividendes, à l’exception des revenus qui sont obtenus à l’occasion de la cession à une société de ses propres actions ou parts ou lors du partage total ou partiel de l’avoir social d’une société.
L’article 205, § 2, de ce code, tel qu’il s’applique au litige, dispose que la déduction prévue à l’article 202 est limitée au montant des bénéfices de la période imposable, tel qu’il subsiste après application de l’article 199.
L’article 207, alinéa 2, du même code, tel qu’il s’applique au litige, prévoit qu’aucune déduction ne peut être opérée sur la partie des bénéfices qui provient d’avantages anormaux ou bénévoles visés à l’article 79, ni sur l’assiette de la cotisation distincte spéciale établie sur les dépenses non justifiées conformément à l’article 219.
En vertu de cette disposition, aucune déduction des dividendes au sens de l’article 202, § 1er, 1°, ne peut donc être opérée sur la partie des bénéfices qui provient d’avantages anormaux ou bénévoles.
2. L’article 207, alinéa 2, précité du Code des impôts sur les revenus 1992 vise à garantir la taxation des bénéfices qui artificiellement sont déplacés entre des sociétés appartenant à un même groupe vers la société disposant d’un montant important en postes déductibles, mais dont les bénéfices sont insuffisants pour réaliser entièrement les déductions. Ce déplacement a pour objectif de réduire le bénéfice imposable de la société transférante et de compenser par ailleurs les bénéfices déplacés vers la société bénéficiaire par les déductions. Afin d’empêcher ce résultat, aucune déduction ne peut cependant être opérée, en vertu de la disposition précitée, sur les bénéfices déplacés.
3. L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents dispose que cette directive ne fait pas obstacle à l’application de dispositions nationales ou conventionnelles nécessaires afin d’éviter les fraudes et abus.
4. Selon une jurisprudence constante, la Cour de justice de l’Union européenne considère qu’une réglementation légale nationale vise à éviter les fraudes et les abus lorsqu’elle a pour objectif spécifique de faire obstacle à des comportements consistant à créer des montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique, dont le but est de bénéficier indûment d’un avantage fiscal (C.J.U.E, arrêt Cadbury Schweppes, 12 septembre 2006,, C-196/04, point 55 ; C.J.U.E, arrêt Eqiom sas, 7 septembre 2017, C-6/16, point 30 ; C.J.U.E, arrêt Deister Holding AG, 20 décembre 2017, affaires jointes C-504/16 et C-613/16, point 60).
5. L’article 4, paragraphe 1er, de la directive 90/435/CEE dispose que, lorsqu’une société mère reçoit, à titre d’associée de sa société filiale, des bénéfices distribués autrement qu’à l’occasion de la liquidation de celle-ci, l’État de la société mère :
- soit s’abstient d’imposer ces bénéfices,
- soit les impose, tout en autorisant cette société à déduire du montant de son impôt la fraction de l’impôt de la filiale afférente à ces bénéfices et, le cas échéant, le montant de la retenue à la source perçue par l’État membre de résidence de la filiale en application des dispositions dérogatoires de l’article 5, dans la limite du montant de l’impôt national correspondant.
6. Dans l’arrêt État Belge/Cobelfret NV C-138/07 du 12 février 2009, la Cour de justice a décidé que l’article 4, paragraphe 1er, précité, de la directive 90/435/CEE s’oppose à ce que les dividendes perçus par une société mère soient inclus dans la base imposable de celle-ci, pour en être par la suite déduits à hauteur de 95 p.c. dans la mesure où, pour la période imposable concernée, un solde bénéficiaire positif subsiste après déduction des autres bénéfices exonérés, sans que la partie non utilisée de la déduction puisse être reportée sur un exercice d’imposition ultérieur.
Dans l’arrêt État Belge/KBC Bank NV et Beleggen, Risicokapitaal, Beheer NV/État Belge C-439/07 et C-499/07 du 4 juin 2009, la Cour de justice a cependant décidé qu’il convient d’interpréter l’article 4, paragraphe 1er, de la directive 90/435/CEE en ce sens qu’il n’oblige pas les États membres à autoriser que les bénéfices distribués à la société mère établie dans cet État par sa filiale ayant son siège dans un autre État membre soient intégralement déductibles du montant des bénéfices de l’exercice d’imposition de la société mère et que la perte qui en découle soit susceptible d’être reportée sur un exercice d’imposition ultérieur. Il laisse les États membres libres de déterminer, compte tenu tant des nécessités de leur ordre juridique interne que de la faculté prévue à l’article 4, paragraphe 2, les modalités selon lesquelles le résultat prescrit au paragraphe 1er, premier tiret, du même article est atteint.
7. Il ressort ainsi clairement du rapprochement des articles 1, paragraphe 2, et 4, paragraphe 1er, de la directive 90/435/CEE et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que l’article 4, paragraphe 1er, de cette directive ne constitue pas un obstacle à l’application de l’article 207, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus 1992, qui entend préserver l’imposition des bénéfices provenant d’un avantage anormal ou bénévole qui est le résultat d’un déplacement entièrement artificiel de bénéfices effectué dans le but que ces bénéfices déplacés soient, autant que possible, compensés par des déductions, notamment par la déduction de dividendes sur la base de la directive 90/435/CEE.
8. Il s’ensuit manifestement que la portée de l’article 4, paragraphe 1er, de cette directive n’est pas telle que, lorsque, après déduction des autres bénéfices exonérés, le solde bénéficiaire de la société mère est insuffisant pour déduire entièrement de la base imposable les dividendes qu’elle a perçus d’une filiale établie dans un autre État membre, ces dividendes doivent immédiatement être déduits des bénéfices provenant d’un avantage anormal ou bénévole au sens de l’article 207, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus 1992. Dans ce cas, le résultat prévu à l’article 4, paragraphe 1er, de la directive 90/435/CEE est atteint du fait que la partie non utilisée de la déduction des dividendes est, conformément à ce que la Cour de justice a décidé dans son arrêt État Belge/Cobelfret SA du
12 février 2009 (C-138/07), reporté sur une période imposable ultérieure.
9. Le moyen, qui repose sur le soutènement que l’article 4, paragraphe 1er, de la directive 90/435/CEE requiert que les dividendes perçus par la société mère soient, en tous les cas, immédiatement déduits de la base imposable, même si, de ce fait, cette déduction doit, en cas de solde bénéficiaire insuffisant, être opérée sur la partie des bénéfices provenant d’un avantage anormal ou bénévole, manque en droit.
10. Il n’y a pas lieu de poser la question préjudicielle.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, les conseillers Filip Van Volsem, Bart Wylleman, Koenraad Moens et Sven Mosselmans, et prononcé en audience publique du vingt-cinq septembre deux mille vingt par le président de section
Eric Dirix, en présence de l’avocat général Johan Van der Fraenen, avec l’assistance du greffier Vanity Vanden Hende.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Marie-Claire Ernotte et transcrite avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1n - eerste kamer
Numéro d'arrêt : F.19.0056.N
Date de la décision : 25/09/2020
Type d'affaire : Droit fiscal

Analyses

La portée de l’article 4, paragraphe 1er, de la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents n’est pas telle que, lorsque, après déduction des autres bénéfices exonérés, le solde bénéficiaire de la société mère est insuffisant pour déduire entièrement de la base imposable les dividendes qu’elle a perçus d’une filiale établie dans un autre État membre, ces dividendes doivent immédiatement être déduits des bénéfices provenant d’un avantage anormal ou bénévole au sens de l’article 207, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus 1992; dans ce cas, le résultat prévu à l’article 4, paragraphe 1er, de la directive 90/435/CEE est atteint du fait que la partie non utilisée de la déduction des dividendes est, conformément à ce que la Cour de justice a décidé dans son arrêt État belge/Cobelfret SA du 12 février 2009 (C-138/07), reporté sur une période imposable ultérieure (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

IMPOTS SUR LES REVENUS - IMPOT DES SOCIETES - Détermination du revenu global net imposable - Revenus définitivement taxés - Avantages anormaux ou bénévoles - Interdiction de déduire - Conformité avec la directive 90/435/CEE [notice1]


Références :

[notice1]

Côde des impôts sur les revenus 1992 - 12-06-1992 - Art. 202, § 1er, 1°, 205, § 5, et 207, al. 2 - 30 / No pub 1992003455


Composition du Tribunal
Président : DIRIX ERIC
Greffier : VANDEN HENDE VANITY
Ministère public : VAN DER FRAENEN JOHAN
Assesseurs : VAN VOLSEM FILIP, WYLLEMAN BART, MOENS KOENRAAD, MOSSELMANS SVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-09-25;f.19.0056.n ?

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