N° C.19.0449.N
1. E. D.,
2. D. B.,
3. L. G.,
4. G. V. D.,
5. ZUET, s.r.l.,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. S. A.,
2. N. J.,
3. CHILDWOOD EUROPE, s.r.l.,
Me Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 20 février 2018 par le tribunal de première instance d’Anvers, division de Malines, statuant en degré d’appel.
Le 4 mai 2020, le premier avocat général Ria Mortier a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Eric Dirix a fait rapport.
Le premier avocat général Ria Mortier a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
Sur la recevabilité du moyen, en cette branche :
1. Les défendeurs opposent une fin de non-recevoir déduite de ce que, dans la mesure où il soutient que le juge d’appel n’aurait pas pu décider sur la base de ses constatations de fait que la voirie a reçu une destination publique, le moyen, en cette branche, critique une appréciation qui gît en fait.
2. Bien que le juge constate souverainement les faits dont il déduit l’existence ou l’inexistence d’une servitude publique de passage, la Cour peut vérifier si, des faits qu’il a constatés, le juge a pu légalement déduire cette décision.
La fin de non-recevoir doit être rejetée.
Sur le fondement du moyen, en cette branche :
3. Un droit de passage sur un domaine privé peut être obtenu en tant que servitude d’utilité publique au profit des habitants de la commune et de tous les intéressés par un usage trentenaire continu et ininterrompu, public et non ambigu d’une parcelle de terrain par chacun, pour la circulation publique, à condition que cette utilisation de la parcelle se fasse dans cet objectif et ne repose pas sur une simple tolérance du propriétaire du bien sur lequel le passage est exercé.
4. Le jugement attaqué constate et considère que :
- un ancien rapport d’expertise du 2 juin 1969 constate que la voirie est asphaltée depuis les années 60 et a été utilisée régulièrement ;
- l’expert s’est également basé sur d’anciennes cartes militaires d’état-major ;
- l’expert a pu confirmer que la route était également entretenue par la ville de Lierre ;
- il ressort de photographies aériennes et de plans cadastraux que d’autres parcelles situées le long de cette voirie n’ont pas d’autre d’issue que par cette voirie asphaltée ;
- dans les années soixante, une procédure concernant cette voirie a été menée, non sur l’existence de la servitude, mais sur la largeur de la voirie dans le virage ;
- la circonstance que la route est une voie sans issue n’empêche pas la naissance d’un droit public de passage, même si elle était destinée à atteindre une seule parcelle ;
- en l’espèce, il s’agit de la dernière portion de la voirie qui donne sur la parcelle des défendeurs, mais d’autres parcelles qui n’ont pas d’autre issue donnent également sur la voirie.
5. Sur la base de ces motifs, le jugement attaqué n’a pu légalement considérer que la voirie a été utilisée pendant plus de trente ans par chacun pour la circulation publique.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant le tribunal de première instance du Limbourg, siégeant en degré d’appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, les présidents de section Koen Mestdagh et Geert Jocqué, les conseillers Maxime Marchandise et Sven Mosselmans, et prononcé en audience publique du onze septembre deux mille vingt par le président de section Eric Dirix, en présence du premier avocat général Ria Mortier, avec l’assistance du greffier Vanity Vanden Hende