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11/09/2020 | BELGIQUE | N°C.19.0448.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 septembre 2020, C.19.0448.N


N° C.19.0448.N
V. P.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. F. L.,
2. A. L.,
3. S. L.,
4. T.P.M., s.a.,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 7 février 2019 par la cour d’appel d’Anvers.
Le président de section Koen Mestdagh a fait rapport.
Le premier avocat général Ria Mortier a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée

conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
1. Aux termes de l...

N° C.19.0448.N
V. P.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. F. L.,
2. A. L.,
3. S. L.,
4. T.P.M., s.a.,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 7 février 2019 par la cour d’appel d’Anvers.
Le président de section Koen Mestdagh a fait rapport.
Le premier avocat général Ria Mortier a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
1. Aux termes de l’article 962, alinéa 1er, du Code judiciaire, le juge peut, en vue de la solution d’un litige porté devant lui ou en cas de menace objective et actuelle d’un litige, charger des experts de procéder à des constatations ou de donner un avis d’ordre technique.
Le juge peut refuser d’ordonner une expertise lorsque le demandeur ne fonde sa demande d’expertise sur aucun élément rendant vraisemblables les faits avancés à l’appui de sa demande ou que cette mesure ne peut être ordonnée de manière utile.
2. S’agissant des constatations de l’expert désigné unilatéralement à propos du projet « The Lodge » auquel le demandeur se réfère pour étayer ses prétentions, l’arrêt considère que :
- la demande à cet égard est prescrite ;
- la transaction a eu lieu en toute transparence et les comptes annuels dont ressortent la vente et le produit de celle-ci ont été déposés ;
- une faute manifestement grave n’a pas davantage été démontrée puisque « l’appartement en question [était] en vente depuis longtemps et n’[a] pas été vendu, de telle sorte qu’il n’a que la valeur qu’une personne est désireuse de payer », « par conséquent, la vente à un prix inférieur ne [constitue] pas ipso facto une faute » et « le tribunal de commerce s’est d’ailleurs [prononcé] [à ce sujet également] dans le jugement du 28 avril 2011 où la valeur du produit de 212.504,00 euros a été acceptée ».
L’arrêt constate donc que l’élément relatif au projet « The Lodge » n’est plus utile pour une expertise puisque cette question était entre autres prescrite et que le tribunal de commerce de Turnhout avait déjà statué à ce sujet par un jugement rendu le 28 avril 2011.
3. Par ailleurs, pour soutenir ses prétentions concernant le projet « De Swaen », le demandeur s’est référé aux constatations de l’expert désigné unilatéralement et à la lettre du 30 mai 2012 adressée au ministère public par le curateur où celui-ci constate, selon le demandeur, plusieurs irrégularités lors de la vente des appartements visés.
S’agissant du projet « De Swaen », l’arrêt considère que :
- le premier juge constate à juste titre que le tribunal de commerce a déjà pris position concernant la valeur de ces appartements et des emplacements de stationnement par un jugement rendu le 28 avril 2011 et a accepté le produit de 490.000 euros ;
- le demandeur en a accepté la considération et le calcul et ne peut être suivi dans son argumentation selon laquelle les défendeurs auraient commis des fautes lors de ces ventes et des moyens auraient ainsi été soustraits à la société Anbi ;
- le demandeur renvoie à tort au rapport d’expertise ;
- il semble y avoir de bonnes raisons pour lesquelles ces actifs ont été vendus aux prix auxquels ils l’ont été, puisque les appartements étaient en vente depuis longtemps et n’étaient pas terminés en 2009 et se trouvaient encore en phase de gros œuvre, ce qui rend vraisemblable que les appartements suscitaient moins d’intérêt parce qu’ils n’étaient pas immédiatement accessibles, entraînant un effet négatif sur le prix.
L’arrêt constate donc que les éléments relatifs au projet « De Swaen » ne sont pas utiles pour une expertise puisque le tribunal de commerce de Turnhout avait déjà pris position à ce sujet par un jugement rendu le 28 avril 2011 et que le demandeur en avait accepté la considération et le calcul.
4. Enfin, à la page 12 de ses deuxièmes conclusions d’appel, le demandeur se réfère au rapport d’un expert désigné unilatéralement en rapport avec les indemnités de management de 662.500 euros payées par la société Anbi à la quatrième défenderesse.
À cet égard, l’arrêt considère que :
- ces indemnités ont été approuvées par l’assemblée générale ;
- le demandeur a oublié de mentionner que le montant de 662.500 euros concerne plusieurs exercices et concerne même 53 mois, de sorte que les indemnités s’élevaient à 12.500 euros par mois ;
- l’allocation de telles indemnités n’est pas excessive et ne peut simplement être considérée comme une faute manifestement grave.
Il s’ensuit que l’arrêt donne à connaître que la désignation d’un expert judiciaire n’était plus utile puisque les éléments ont été approuvés par l’assemblée générale ou ont été reproduits de manière incomplète par le demandeur.
5. L’arrêt considère donc que ni les constatations de l’expert désigné unilatéralement ni la lettre du curateur n’étayent la demande de désignation d’un expert judiciaire.
Dans la mesure où il soutient que le demandeur « a bel et bien fait référence à des éléments concrets rendant vraisemblables les faits avancés à l’appui de sa demande », le moyen critique l’appréciation en fait des juges d’appel et est irrecevable.
6. Le droit à la preuve est le droit de toute partie au procès de produire les éléments de preuve dont elle dispose et de demander au juge que les éléments de preuve dont elle ne dispose pas soient collectés au moyen de certaines mesures d’instruction, sur lesquelles le juge statue. Le droit à la preuve n’est pas un droit illimité et n’exclut pas, par conséquent, la liberté d’appréciation du juge.
7. En décidant qu’il n’existe aucun motif d’ordonner une expertise puisque le demandeur n’appuie sa demande d’expertise sur aucun élément rendant vraisemblables les faits avancés à l’appui de sa demande, l’arrêt ne méconnaît pas son droit à la preuve.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
6. Par les motifs reproduits ci-dessus, l’arrêt indique les éléments sur lesquels il fonde sa décision.
Dans la mesure où il soutient que l’arrêt ne répond pas aux éléments concrets invoqués par le demandeur et se limitent à des considérations générales, le moyen repose sur une lecture inexacte de l’arrêt et manque par conséquent en fait.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, les présidents de section Koen Mestdagh et Geert Jocqué, les conseillers Maxime Marchandise et Sven Mosselmans, et prononcé en audience publique du onze septembre deux mille vingt par le président de section Eric Dirix, en présence du premier avocat général Ria Mortier, avec l’assistance du greffier Vanity Vanden Hende.
Traduction établie sous le contrôle du président de section Mireille Delange et transcrite avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Formation : Chambre 1n - eerste kamer
Numéro d'arrêt : C.19.0448.N
Date de la décision : 11/09/2020
Type d'affaire : Autres - Droit civil

Analyses

Le juge peut refuser d'ordonner une expertise lorsque le demandeur ne fonde sa demande d'expertise sur aucun élément rendant vraisemblables les faits avancés à l'appui de sa demande ou que cette mesure ne peut être ordonnée de manière utile (1). (1) Voir Cass. 15 juin 2012, RG C.11.0721.F, Pas. 2012, n° 390; Cass. 15 juin 2012, RG C.11.0682.F, Pas 2012, n° 389.

EXPERTISE - Matière civile - Demande d'expertise - Appréciation par le juge - Refus - Conditions - PREUVE - MATIERE CIVILE - Charge de la preuve. Liberté d'appréciation - Demande d'expertise - Appréciation par le juge - Refus - Conditions [notice1]

Le droit à la preuve est le droit de toute partie au procès de produire les éléments de preuve dont elle dispose et de demander au juge que les éléments de preuve dont elle ne dispose pas soient collectés au moyen de certaines mesures d'instruction, sur lesquelles le juge statue, mais le droit à la preuve n'est pas un droit illimité et n'évince pas, par conséquent, la liberté d'appréciation du juge.

PREUVE - MATIERE CIVILE - Charge de la preuve. Liberté d'appréciation - Droit à la preuve - Notion - Etendue - EXPERTISE - Matière civile - Mesure d'instruction demandée - Droit à la preuve - Appréciation [notice3]


Références :

[notice1]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 962, al. 1er - 01 / No pub 1967101052

[notice3]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 962, al. 1er - 01 / No pub 1967101052


Composition du Tribunal
Président : DIRIX ERIC
Greffier : VANDEN HENDE VANITY
Ministère public : MORTIER RIA
Assesseurs : MESTDAGH KOEN, JOCQUE GEERT, MARCHANDISE MAXIME, MOSSELMANS SVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-09-11;c.19.0448.n ?

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