N° C.19.0235.N
1. IMMO LEDUC DE HAMONT, s.a.,
2. M. V.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
KETELSLEGERS PK, société agricole,
en présence de
ROEBBEN Elke et VELKENEERS Kathleen, avocats, en qualité de curateurs de la s.p.r.l. VEEHANDEL VEKO, en liquidation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 28 janvier 2019 par le tribunal de première instance du Limbourg, division de Tongres, statuant en degré d’appel.
Le conseiller Bart Wylleman a fait rapport.
L’avocat général Els Herregodts a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
1. Suivant l’article 30 de la loi du 4 novembre 1969 sur les baux à ferme, le preneur de biens ruraux ne peut sous-louer en tout ou en partie le bien loué ou céder son bail en tout ou en partie sans l’autorisation du bailleur. Cette autorisation doit, à peine de nullité, être préalable à la sous-location ou à la cession et être donnée par écrit.
Selon l’article 34, alinéa 1er, de cette loi, le preneur peut cependant, sans l’autorisation du bailleur, céder la totalité de son bail à ses descendants ou enfants adoptifs ou à ceux de son conjoint ou aux conjoints desdits descendants ou enfants adoptifs.
L’article 34, alinéa 2, de la même loi dispose que le cessionnaire est subrogé à tous les droits et obligations dérivant du bail.
2. Conformément à l’article 838 du Code des sociétés, pour l’application de la loi sur les baux à ferme, l’exploitation à titre d’associé gérant d’une société agricole est assimilée à l’exploitation personnelle. Cette règle s’applique tant au preneur qu’au bailleur dont les droits et obligations subsistent intégralement.
3. Il ne résulte d’aucune des dispositions légales précitées que le preneur puisse, sans l’autorisation du bailleur, céder le bail à une société agricole dont lui-même ou son descendant est associé gérant.
4. Le juge d’appel a constaté que :
- le preneur initial, J.-P. K., a cédé les droits découlant du bail à ferme à ses fils ;
- à partir du mois d’août 2010, les fils ont exploité les terrains qui leur avaient été donnés en fermage, par l’intermédiaire de la défenderesse, une société agricole ;
- la défenderesse s’est chargée de l’exploitation des prairies et s’est acquittée des fermages ;
- par acte du 20 novembre 2013, le bien affermé a été vendu à la s.p.r.l. Veehandel Veko, puis par acte du 21 janvier 2015 aux demandeurs.
Il a considéré que :
- il n’est pas contesté que, conformément à l’article 838 du Code des sociétés, le preneur puisse, sans l’autorisation du bailleur, loger son exploitation agricole et les droits découlant du bail à ferme y afférents dans une société agricole civile conformément à l’article 789 du Code des sociétés ;
- les fils étaient donc autorisés à loger, au sein de la défenderesse, l’exploitation des droits découlant du bail à ferme qui leur avait été cédés, sans l’autorisation expresse du bailleur.
5. En considérant, d’une part, que les fils pouvaient céder à la défenderesse les droits découlant du bail à ferme proprement dits, sans l’autorisation du bailleur, d’autre part, que le droit de préemption de la défenderesse a dès lors été méconnu et que celle-ci peut, conformément à l’article 51 de la loi du 4 novembre 1969 sur les baux à ferme, être subrogée aux demandeurs dans l’acte de vente du 21 janvier 2015, le juge d’appel n’a pas légalement justifié sa décision.
Le moyen est fondé.
Sur la demande en déclaration d’arrêt commun :
6. La demande en déclaration d’arrêt commun est fondée.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Déclare le présent arrêt commun aux parties appelées en déclaration d’arrêt commun ;
Renvoie la cause devant le tribunal de première instance de Louvain, siégeant en degré d’appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, le président de section Geert Jocqué, et les conseillers Bart Wylleman, Koenraad Moens et Sven Mosselmans, et prononcé en audience publique du dix-huit juin deux mille vingt par le président de section Eric Dirix, en présence de l’avocat général Els Herregodts, avec l’assistance du greffier Vanity Vanden Hende.