N° F.19.0022.N
G. L.,
Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 12 juin 2018 par la cour d'appel de Gand.
Le 14 mai 2020, l’avocat général Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Bart Wylleman a fait rapport et l’avocat général
Johan Van der Fraenen a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
[…]
Quant à la deuxième branche :
3. L'utilisation par l'administration d'une preuve obtenue illégalement doit être appréciée à la lumière des principes de bonne administration et du droit à un procès équitable.
Sauf lorsque le législateur prévoit des sanctions particulières, l'utilisation d'une preuve obtenue illégalement en matière fiscale ne peut être écartée que si les moyens de preuve sont obtenus d'une manière tellement contraire à ce qui est attendu d'une autorité agissant selon le principe de bonne administration que cette utilisation ne peut en aucune circonstance être admise, ou si celle-ci porte atteinte au droit du contribuable à un procès équitable.
Le juge fiscal peut notamment tenir compte dans son appréciation d'une ou de plusieurs des circonstances suivantes : le caractère purement formel de l'irrégularité, sa répercussion sur le droit ou la liberté protégé par la norme transgressée, le caractère intentionnel ou non de l'illégalité commise par l'autorité et la circonstance que la gravité de l'infraction l’emporte sur l'illégalité commise.
4. Le juge fiscal n'est pas lié par ce que le juge pénal a décidé concernant l'admissibilité des éléments de preuve produits, mais doit évaluer de manière indépendante leur valeur sur la base des critères énoncés au considérant 3.
5. Le juge d’appel a constaté et considéré que :
- l'administration fiscale n'a pas participé aux irrégularités constatées ;
- l'administration fiscale a pris connaissance régulièrement des résultats du dossier répressif ;
- l'exactitude matérielle des preuves n'est pas contestée ;
- le demandeur a pu exercer tous ses droits de défense ;
- il n’y a pas d’indices d’« abus de droit ou violations des principes de bonne administration » ;
- il doit être tenu compte de l'intérêt général d’une imposition équitable et juste.
6. En considérant alors que « l'ensemble de ces considérations et leur mise en balance avec, d'une part, les droits fondamentaux [du demandeur] et, d'autre part, les constatations, non contestées sur le fond, d'une fraude fiscale de grande ampleur commise par [le demandeur] depuis des années, amènent à conclure qu'il n'y a pas lieu d'exclure les données du dossier pénal » de sorte que l'administration « a pu utiliser ces données à l'appui de l'imposition », le juge d’appel a légalement justifié sa décision.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
[…]
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, les conseillers Filip Van Volsem, Bart Wylleman, Koenraad Moens et François Stévenart Meeûs, et prononcé en audience publique du onze juin deux mille vingt par le président de section Eric Dirix, en présence de l’avocat général Johan Van der Fraenen, avec l’assistance du greffier Vanity Vanden Hende.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Marie-Claire Ernotte et transcrite avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.