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03/06/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0302.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 03 juin 2020, P.20.0302.F


N° P.20.0302.F
D. J.
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Marie-Françoise Dubuffet et Rosetta Albelice, avocats au barreau Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 19 février 2020 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur

le premier moyen :
Quant à la première branche :
Le demandeur a déposé des conclusions soutenant...

N° P.20.0302.F
D. J.
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Marie-Françoise Dubuffet et Rosetta Albelice, avocats au barreau Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 19 février 2020 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Le demandeur a déposé des conclusions soutenant que son opposition aux arrêts rendus le 2 octobre 2019 est recevable dès lors qu'il n'a pas comparu à l'audience de plaidoirie du 3 septembre 2019 et que l'avocat qui s'y est présenté n'avait pas été chargé par lui de plaider en son nom. Le demandeur a fait valoir que le respect dû aux droits de la défense et le droit à un procès équitable impliquent que le prévenu puisse, nonobstant la présomption instituée par l'article 440, alinéa 2, du Code judiciaire, demander au juge du fond de tenir pour inexistante sa représentation par un avocat non mandaté à cette fin.
Pour conclure à l'irrecevabilité de l'opposition, l'arrêt considère
- qu'à l'audience du 3 septembre 2019, le précédent conseil du prévenu a demandé de le représenter, a entendu les réquisitions du ministère public à charge de son client et a présenté sa défense ;
- que l'article 440, alinéa 2, du Code judiciaire établit une présomption en vertu de laquelle l'avocat déclarant représenter son client devant une juridiction ne doit pas justifier des pouvoirs que celui-ci lui a conférés à cette fin ;
- que la cour d'appel ne peut dès lors pas procéder à la vérification des pouvoirs de l'avocat ayant plaidé pour le demandeur, d'autant plus que ce dernier a comparu à une audience d'introduction en étant assisté de ce même avocat ;
- que la cour d'appel ne peut pas davantage permettre au demandeur d'introduire une procédure en désaveu de son ancien avocat, les dispositions du Code judiciaire relatives à cette procédure n'étant pas applicables en matière pénale ;
- qu'un arrêt du 22 février 2018 de la Cour constitutionnelle dit que l'application, à la procédure pénale, des articles 848 à 850 du Code judiciaire serait contraire aux objectifs de célérité et d'intérêt général poursuivis par le Code d'instruction criminelle.
Ces considérations écartent la défense selon laquelle le droit à un procès équitable implique celui, pour le prévenu, d'obtenir de la juridiction pénale la vérification des pouvoirs de l'avocat qui l'a représenté.
Le moyen manque en fait.
Quant à la seconde branche :
Le demandeur reproche à l'arrêt de violer l'article 440, alinéa 2, du Code judiciaire en donnant un caractère irréfragable à la présomption que cette disposition institue.
En vertu de la disposition légale invoquée, la simple affirmation de l'avocat vaut présomption de son pouvoir de représenter une partie dans le cadre d'une procédure.
Devant les juridictions répressives, cette présomption ne peut être renversée, les articles 848 et 849 du Code judiciaire n'étant pas applicables.
Reposant sur l'affirmation du contraire, le moyen manque en droit.
Sur le deuxième moyen :
Quant à la première branche :
Le moyen reproche à l'arrêt de violer l'article 6 du Code judiciaire en donnant une portée générale et réglementaire à la jurisprudence de la Cour relative à l'inapplication, à la procédure pénale, des articles 848 et 849 dudit code. Selon le moyen, l'arrêt n'indique pas pourquoi il se rallie à cette jurisprudence.
Mais la cour d'appel en a donné la raison, fût-ce par référence à l'arrêt de la Cour constitutionnelle dont elle a reproduit un des motifs : ouvrir au prévenu la procédure en désaveu d'avocat pourrait, selon l'extrait cité, engendrer la création d'incidents incompatibles avec les impératifs liés à la procédure pénale en termes de célérité et de priorité donnée à l'intérêt général.
Le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la deuxième branche :
Il est reproché à l'arrêt de ne pas constater en quoi, dans les circonstances de l'espèce, l'ouverture de la procédure en désaveu d'avocat aurait porté atteinte aux objectifs de célérité et d'intérêt général propres à l'action publique.
La cour d'appel n'avait pas à détailler les motifs de ses motifs ou à opérer la constatation que le moyen dit manquer à l'arrêt. En effet, celui-ci écarte la prétention du demandeur par l'affirmation d'un principe dont le caractère général ne s'accommode pas d'une application au cas par cas.
Par ailleurs, de la circonstance qu'au pénal comme au civil, un avocat peut être amené à accomplir des actes de procédure excédant son mandat, il ne se déduit pas qu'il doive en rendre compte à la juridiction pénale devant laquelle il plaide ou a plaidé.
Le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la troisième branche :
Critiquant le refus de la cour d'appel de lui laisser la possibilité de désavouer son précédent conseil, le demandeur invoque la violation de l'article 6.3, c, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit de se défendre soi-même ou d'avoir l'assistance du défenseur de son choix.
Le moyen repose sur l'affirmation que le demandeur a démontré, ou affirmé avec une vraisemblance suffisante, que son avocat n'avait pas le pouvoir de le représenter et qu'il aurait été mieux défendu s'il avait pu le faire en personne.
Exigeant une appréciation en fait des éléments de la cause, laquelle n'est pas au pouvoir de la Cour, le moyen est irrecevable.
Quant à la quatrième branche :
Selon le demandeur, le refus de la procédure de désaveu viole les articles 2, 848 et 849 du Code judiciaire, ainsi que le respect des droits de la défense et le droit à un procès équitable. Le moyen ajoute qu'il y a lieu, le cas échéant, de poser à la Cour constitutionnelle une question préjudicielle relative à la constitutionnalité et à la conventionnalité des articles 848 et 849 précités, dans l'interprétation selon laquelle ces articles ne s'appliquent pas à la procédure suivie pour le jugement de l'action publique.
Une question est préjudicielle lorsque sa réponse est nécessaire pour la solution du pourvoi ou du litige.
Le droit à un procès équitable n'implique pas le droit, pour un prévenu qui conteste une condamnation prononcée à sa charge en degré d'appel, d'obtenir un nouvel examen de la cause par la juridiction répressive, à la faveur d'une procédure civile en désaveu de l'avocat qui l'a représenté lors des débats clôturés par la condamnation.
Soutenant le contraire, le moyen manque en droit.
Le contrôle de conventionnalité étant effectué, il n'y a pas lieu d'en faire l'objet d'un renvoi préjudiciel combiné avec le contrôle de constitutionnalité.
Quant à ce dernier, il n'y a pas lieu d'en saisir à nouveau la juridiction compétente, celle-ci s'étant déjà prononcée par son arrêt n° 21/2018 du 22 février 2018. Elle a décidé en effet qu'en s'abstenant de conférer aux articles 848 à 850 du Code judiciaire la portée générale que le demandeur entend leur donner, la loi ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, dès lors que l'application des dispositions invoquées à la procédure pénale nuirait manifestement aux impératifs qui la caractérisent.
La demande de renvoi préjudiciel ne peut être accueillie.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de nonante euros quatre-vingt-un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du trois juin deux mille vingt par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.20.0302.F
Date de la décision : 03/06/2020
Type d'affaire : Autres - Droit international public

Analyses

En vertu de l'article 440, alinéa 2, du Code judiciaire, la simple affirmation de l'avocat vaut présomption de son pouvoir de représenter une partie dans le cadre d'une procédure; devant les juridictions répressives, cette présomption ne peut être renversée, les articles 848 et 849 du Code judiciaire n'étant pas applicables (1). (1) Voir les concl. « dit en substance » du MP.

AVOCAT - Matière répressive - Pouvoir de représentation - Présomption - Caractère - Matière répressive - Désaveu - Dispositions du Code judiciaire - Application [notice1]

De la circonstance qu'au pénal comme au civil, un avocat peut être amené à accomplir des actes de procédure excédant son mandat, il ne se déduit pas qu'il doive en rendre compte à la juridiction pénale devant laquelle il plaide ou a plaidé (1). (1) Voir les concl. « dit en substance » du MP.

AVOCAT - Matière répressive - Pouvoir de représentation - Actes de procédure excédant le mandat de l'avocat - Examen par la juridiction pénale

Le droit à un procès équitable n'implique pas le droit, pour un prévenu qui conteste une condamnation prononcée à sa charge en degré d'appel, d'obtenir un nouvel examen de la cause par la juridiction répressive, à la faveur d'une procédure civile en désaveu de l'avocat qui l'a représenté lors des débats clôturés par la condamnation (1). (1) Voir les concl. « dit en substance » du MP.

AVOCAT - Matière répressive - Représentation devant la juridiction pénale - Représentation en degré d'appel - Actes de procédure excédant le mandat de l'avocat - Contestation de la condamnation à la faveur d'une procédure civile en désaveu de l'avocat - Droit à une nouvel examen de sa cause - Droit à un procès équitable - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 1er - Droit à un procès équitable - Matière répressive - Représentation du prévenu par l'avocat devant la juridiction d'appel - Actes de procédure excédant son mandat - Contestation de la condamnation à la faveur d'une procédure civile en désaveu de l'avocat - Droit à une nouvel examen de sa cause - OPPOSITION - Matière répressive - Arrêt rendu de façon contradictoire - Représentation du prévenu par l'avocat devant la juridiction d'appel - Actes de procédure excédant son mandat - Contestation de la condamnation à la faveur d'une procédure civile en désaveu de l'avocat - Droit à une nouvel examen de sa cause [notice4]


Références :

[notice1]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 440, al. 2, 848 et 849 - 01 / No pub 1967101052

[notice4]

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 - 04-11-1950 - Art. 6 - 30 / Lien DB Justel 19501104-30 ;

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 848 et 849 - 01 / No pub 1967101052 ;

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 187 - 30 / No pub 1808111701


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : VANDERMEERSCH DAMIEN
Assesseurs : DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-06-03;p.20.0302.f ?

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