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03/06/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0278.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 03 juin 2020, P.20.0278.F


N° P.20.0278.F
I. S. O.
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maitre Olivier Martins, avocat au barreau de Bruxelles ;
II. B. F.
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Romain Delcoigne, avocat au barreau de Bruxelles,
les deux pourvois contre
ACTIVA, société anonyme, dont le siège social est établi à Evere, rue Carli, 13,
partie civile,
défenderesse en cassation,
III. ACTIVA, société anonyme, mieux qualifiée ci-dessus,
partie civile,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître

Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. S. O.,
2. B. F.,
mieux qualifiés ci-dessus,
prévenus,
d...

N° P.20.0278.F
I. S. O.
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maitre Olivier Martins, avocat au barreau de Bruxelles ;
II. B. F.
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Romain Delcoigne, avocat au barreau de Bruxelles,
les deux pourvois contre
ACTIVA, société anonyme, dont le siège social est établi à Evere, rue Carli, 13,
partie civile,
défenderesse en cassation,
III. ACTIVA, société anonyme, mieux qualifiée ci-dessus,
partie civile,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. S. O.,
2. B. F.,
mieux qualifiés ci-dessus,
prévenus,
défendeurs en cassation,
ayant respectivement pour conseils Maîtres Olivier Martins et Romain Delcoigne, avocats au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 12 février 2020 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
La demanderesse société anonyme Activa invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
L'avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe le 19 mai 2020.
A l'audience du 3 juin 2020, le président chevalier Jean de Codt a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur les pourvois des demandeurs, prévenus :
1. En tant que les pourvois sont dirigés contre les décisions rendues sur l'action publique exercée à leur charge :
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les décisions sont conformes à la loi.
2. En tant que les pourvois sont dirigés contre les décisions rendues sur l'action civile exercée par la société anonyme Activa :
Il n'apparaît pas, des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, que les pourvois aient été signifiés à la partie contre laquelle ils sont dirigés.
Les pourvois sont irrecevables.
B. Sur le pourvoi de la demanderesse société anonyme Activa, partie civile :
1. La seconde défenderesse oppose au moyen une fin de non-recevoir déduite de l'affirmation qu'un motif justifiant légalement la décision peut suppléer la motivation jugée lacunaire par la demanderesse.
La Cour ne substitue pas un motif à une absence de motif.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
2. Le moyen est pris, notamment, de la violation des articles 1382 et 1383 du Code civil.
La décision critiquée est le refus des juges d'appel de condamner les prévenus à payer, à la demanderesse, la somme de 244.675, 75 euros à titre de remboursement des indemnités mensuelles qu'elle a dû verser à la prévenue F. B. par application de l'article 9 de la loi du 19 mars 1991 portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel.
L'arrêt fonde ce refus sur la seule affirmation que l'obligation de payer ces indemnités trouve sa source dans la loi, ce qui explique qu'elle n'est pas en lien de causalité directe avec les préventions déclarées établies.
Selon la demanderesse, le fait que ces débours trouvent leur source dans une obligation légale n'empêche pas de les identifier à un dommage causé par l'infraction, puisque sans l'escroquerie perpétrée par la défenderesse B., celle-ci n'aurait pas pu bénéficier des versements qu'elle a reçus.
3. Il ressort des constatations des juges du fond que
- la société anonyme Activa a engagé F. B.en qualité d'inspectrice chargée de superviser les équipes de nettoyage mises par cette société à la disposition de ses clients ;
- F. B. a ensuite obtenu de son employeur le recrutement d'O. S. comme ouvrier nettoyeur ;
- Au bout d'un an et demi, la société Activa s'est rendue compte qu'O.S. n'avait jamais effectué aucune des prestations de nettoyage pour lesquelles il avait été rémunéré ;
- les salaires perçus par O. S. l'ont été à la faveur de fausses fiches de prestations établies par F.B. ;
- par une lettre du 29 août 2012, la société Activa a exprimé à F. B. son intention de la licencier pour motif grave. Une procédure a été introduite à cette fin auprès des juridictions du travail ;
- F. B. étant un travailleur protégé du fait de son statut syndical, la société Activa a dû lui payer, à partir du 1er septembre 2012, du fait de la suspension de l'exécution de son contrat de travail, les indemnités qui, par application de l'article 9 de la loi du 9 mars 1991, complètent les allocations de chômage de manière à assurer au délégué un revenu égal à sa rémunération nette ;
- ces versements ont été consentis jusqu'au 31 août 2019, date à laquelle F. B. a démissionné de son emploi.
4. En vertu de l'article 1382 du Code civil, celui qui, par sa faute, cause un dommage à autrui est tenu de le réparer intégralement, ce qui implique le rétablissement du préjudicié dans l'état où il serait demeuré si l'acte dont il se plaint n'avait pas été commis.
L'existence d'une obligation légale, réglementaire ou contractuelle peut empêcher qu'un dommage survienne au sens de l'article 1382 précité, particulièrement lorsqu'il ressort du contenu ou de l'économie de la loi, du règlement ou de la convention, que la dépense à intervenir doit rester définitivement à charge de celui à qui il incombe de l'exposer.
La seule existence d'une telle obligation n'empêche pas nécessairement que ce payement puisse constituer un dommage.
5. L'employeur qui est privé des prestations de son employé parce que celui-ci a commis à son détriment un délit rendant impossible la poursuite de la relation de travail, et qui est tenu de verser à cet employé, en vertu de son statut de travailleur protégé, pendant la durée de la procédure de licenciement, les indemnités prescrites par la loi, peut subir de ce fait un dommage consistant dans le fait de devoir consentir à des décaissements sans obtenir de prestation de travail.
Il n'en irait autrement que s'il résultait de la loi, du règlement ou de la convention que lesdites dépenses doivent rester à charge de celui qui les a exposées, ce que l'arrêt ne dit pas être le cas.
Le dommage consistant dans l'absence de contrepartie, l'arrêt ne constate pas non plus que ce préjudice se serait produit même en l'absence du délit ayant entraîné la suspension de l'exécution du contrat de travail.
Les juges d'appel n'ont, dès lors, pas légalement justifié leur décision.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.

PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué, en tant qu'il statue sur la demande de la société anonyme Activa tendant à la condamnation des défendeurs, prévenus, au payement de la somme de 244.675, 75 euros ;
Rejette les pourvois d'O. S. et de F. B. ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Condamne les demandeurs O. S.et F. B., chacun, aux frais de son pourvoi ;
Réserve les frais du pourvoi de la société anonyme Activa pour qu'il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause à la cour d'appel de Bruxelles, autrement composée.
Lesdits frais taxés en totalité pour les deux premiers demandeurs à la somme de cent quarante-quatre euros septante centimes dont I) sur le pourvoi d'O. S. : septante-deux euros trente-cinq centimes dus et II) sur le pourvoi de F.B. : septante-deux euros trente-cinq centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du trois juin deux mille vingt par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.20.0278.F
Date de la décision : 03/06/2020
Type d'affaire : Droit civil

Analyses

En vertu de l'article 1382 du Code civil, celui qui, par sa faute, cause un dommage à autrui est tenu de le réparer intégralement, ce qui implique le rétablissement du préjudicié dans l'état où il serait demeuré si l'acte dont il se plaint n'avait pas été commis (1). (1) Voir les concl. du MP.

RESPONSABILITE HORS CONTRAT - OBLIGATION DE REPARER - Généralités - Réparation intégrale du dommage - Notion [notice1]

L'existence d'une obligation légale, réglementaire ou contractuelle peut empêcher qu'un dommage survienne au sens de l'article 1382 du Code civil, particulièrement lorsqu'il ressort du contenu ou de l'économie de la loi, du règlement ou de la convention, que la dépense à intervenir doit rester définitivement à charge de celui à qui il incombe de l'exposer; la seule existence d'une telle obligation n'empêche pas nécessairement que ce payement puisse constituer un dommage (1). (1) Voir les concl. du MP.

RESPONSABILITE HORS CONTRAT - DOMMAGE - Dommage matériel. Eléments et étendue - Employeur - Délit commis par un employé - Dépense due en vertu d'une obligation légale, réglementaire ou contractuelle - Indemnisation - Dépense constitutive du dommage - Condition [notice2]

L'employeur qui est privé des prestations de son employé parce que celui-ci a commis à son détriment un délit rendant impossible la poursuite de la relation de travail, et qui est tenu de verser à cet employé, en vertu de son statut de travailleur protégé, pendant la durée de la procédure de licenciement, les indemnités prescrites par la loi, peut subir de ce fait un dommage consistant dans le fait de devoir consentir à des décaissements sans obtenir de prestation de travail; il n'en irait autrement que s'il résultait de la loi, du règlement ou de la convention que lesdites dépenses doivent rester à charge de celui qui les a exposées (1). (1) Voir les concl. du MP.

RESPONSABILITE HORS CONTRAT - DOMMAGE - Dommage matériel. Eléments et étendue - Employeur - Délit commis par un employé au préjudice de son employeur - Dépense due en vertu d'une obligation légale, réglementaire ou contractuelle - Travailleur protégé - Indemnités versées durant la procédure de licenciement pour motifs graves - Décaissements sans obtenir de prestation de travail - Indemnisation de l'employeur - Condition [notice3]


Références :

[notice1]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1382 - 30 / No pub 1804032150

[notice2]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1382 - 30 / No pub 1804032150

[notice3]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1382 - 30 / No pub 1804032150 ;

L. du 19 mars 1991 - 19-03-1991 - Art. 9 - 32 / No pub 1991012215


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : VANDERMEERSCH DAMIEN
Assesseurs : DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-06-03;p.20.0278.f ?

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