N° S.19.0012.N
AG INSURANCE, s.a.,
Me Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation,
contre
I.D.S.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 4 octobre 2018 par la cour du travail de Gand, division de Gand.
L’avocat général Henri Vanderlinden a déposé des conclusions écrites le 31 mars 2020.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L’avocat général Henri Vanderlinden a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
1. Conformément à l’article 34, alinéa 1er, de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, on entend par rémunération de base la rémunération à laquelle le travailleur a droit pour l'année qui a précédé l'accident, en raison de la fonction exercée dans l'entreprise au moment de l'accident. Selon l’alinéa 2 de cet article, la période de référence n'est complète que si le travailleur a effectué durant toute l'année des prestations en tant que travailleur à temps plein.
L’article 36, § 1er, alinéa 1er, de ladite loi du 10 avril 1971 dispose que, lorsque la période de référence telle qu'elle est fixée par l'article 34, alinéa 2, est incomplète ou lorsque la rémunération du travailleur à cause de circonstances occasionnelles est inférieure à la rémunération qu'il gagne normalement, la rémunération à laquelle le travailleur a droit est complétée par une rémunération hypothétique pour les journées, en dehors des temps de repos, pour lesquelles le travailleur n'a pas reçu de rémunération.
En vertu de l’article 37bis, § 1er, de ladite loi du 10 avril 1971, lorsque la victime est engagée dans les liens d'un contrat en qualité de travailleur à temps partiel, la rémunération de base, pour le calcul des indemnités d'incapacité temporaire de travail, est fixée exclusivement en fonction du salaire dû aux termes dudit contrat de travail.
2. En vertu de l’article 34, alinéa 3, de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, pour l’application de la section 4 relative à la rémunération de base de cette loi et ses arrêtés d'exécution, les définitions des données relatives au temps de travail sont celles déterminées par l'arrêté royal du 10 juin 2001 portant définition uniforme de notions relatives au temps de travail à l'usage de la sécurité sociale, en application de l'article 39 de la loi du 26 juillet 1996 portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux des pensions.
En vertu de l’article 9, 1°, de l'arrêté royal du 10 juin 2001 portant définition uniforme de notions relatives au temps de travail à l'usage de la sécurité sociale, par « travailleur à temps plein », on entend : le travailleur dont la durée contractuelle normale de travail correspond à la durée de travail maximale en vigueur dans l'entreprise en vertu de la loi.
En vertu de l’article 10 du même arrêté royal, sans préjudice de l’article 9, 2°, on entend par « travailleur à temps partiel » le travailleur dont la durée contractuelle normale de travail est en moyenne inférieure à la durée du travail de la personne de référence.
3. En vertu de l’article 3, § 1er, 2°, de la Convention collective de travail n° 77bis du 19 décembre 2001, conclue au sein du Conseil national du Travail, remplaçant la convention collective de travail n° 77 du 14 février 2001 instaurant un système de crédit-temps, de diminution de carrière et de réduction des prestations de travail à mi-temps (ci-après CCT n° 77bis), tel qu’applicable en l’espèce, les travailleurs visés à l’article 2 ont un droit au crédit-temps pour une durée maximum d’un an sur l’ensemble de la carrière, en réduisant à mi-temps leurs prestations de travail pour autant qu'ils soient occupés au moins au 3/4 d'un temps plein dans l'entreprise pendant les 12 mois qui précèdent l'avertissement écrit opéré conformément à l'article 12.
En vertu de l’article 13, § 1er, 2°, alinéa 1er, de la CCT n° 77bis, lorsque le droit au crédit-temps visé à l'article 3 est exercé, les prestations de travail sont réduites à mi-temps et le contrat de travail est constaté par écrit; cet écrit mentionne le régime de travail et l'horaire convenus conformément au prescrit de l'article 11bis de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail.
4. La circonstance que l'article 13, § 1er, 2°, alinéa 1er, de la CCT n° 77bis oblige les parties à fixer par écrit dans un contrat de travail le régime de travail et l’horaire convenus, conformément à l'article 11bis de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, n'implique pas que les prestations de travail réduites à mi-temps doivent être considérées comme la durée contractuelle normale de travail du travailleur concerné au sens des articles 9, 1°, et 10 de l'arrêté royal précité du 10 juin 2001. La durée de travail qui était applicable avant la suspension partielle temporaire de l'exécution de l’emploi à temps plein demeure la durée contractuelle normale de travail.
Il s'ensuit que, en cas d'accident du travail survenant pendant la durée d'un crédit-temps ainsi pris, il y a lieu d’appliquer l'article 36, § 1er, de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, et non l'article 37bis, § 1er, de ladite loi, pour déterminer la rémunération de base pour le calcul des indemnités pour incapacité temporaire de travail.
Le moyen, qui est fondé sur une autre prémisse juridique, manque en droit.
Sur les dépens :
5. Conformément à l’article 68 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, il y a lieu de condamner la demanderesse aux dépens.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section Koen Mestdagh et Mireille Delange, les conseillers Antoine Lievens et Eric de Formanoir, et prononcé en audience publique du onze mai deux mille vingt par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Henri Vanderlinden, avec l’assistance du greffier Mike Van Beneden.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Françoise Roggen et transcrite avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.