N° C.19.0273.N
ALGEMENE BOUWONDERNEMING L. THYS, s.a.,
Me Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation,
contre
CELIS CHRIS NOTARIS, s.p.r.l., société civile,
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2019 par la cour d'appel d'Anvers.
Le conseiller Bart Wylleman a fait rapport.
Le premier avocat général Ria Mortier a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Quant à la première branche :
1. En vertu de l'article 9, § 1er, alinéa 3, de la loi sur le notariat, le notaire informe toujours entièrement chaque partie des droits, des obligations et des charges découlant des actes juridiques dans lesquels elle intervient et conseille les parties en toute impartialité. Ce devoir de conseil et d'information, qui comprend également un devoir de recherche et d'enquête, est une obligation de moyen dont le respect sera apprécié par rapport au comportement d'un notaire normalement diligent placé dans les mêmes circonstances. À cet égard, il sera notamment tenu compte de la connaissance et de l'expérience des parties, de leurs attentes légitimes et des informations dont dispose le notaire.
2. Les juges d'appel ont constaté et considéré que :
- dans l'acte de base notarié relatif à un immeuble à appartements à construire dénommé « residentie Chablis », situé à Schoten, Paalstraat 401 - coin Eksterdreef, passé devant le notaire Roevens le 2 février 2006, l'appartement C.0.1. situé au rez-de-chaussée de l'immeuble dénommé C, est décrit comme suit : a) en propriété privée et exclusive : - porte d'entrée, hall d'entrée, toilettes, salon avec accès au jardin est « T5 », cuisine, débarras avec installation de chauffage central, salle de bain et douche, et deux chambres, dont une avec accès au jardin ouest « T5 » ;
- dans l'acte notarié passé devant le même notaire le 15 mai 2006 concernant l'achat-vente, l'appartement en question était décrit de la même manière que dans l'acte de base ;
- il est apparu par la suite que l'appartement C.0.1. a été construit conformément aux plans de construction autorisés le 30 août 2005, lesquels ne prévoyaient pas de chambre à coucher avec accès au jardin ouest « T5 ». Au contraire, dans cette chambre à coucher, il n'y avait qu'un œil-de-bœuf ;
- la demanderesse reproche à la défenderesse, en tant que notaire instrumentant, des « manquements manifestes », à son devoir de recherche et d'enquête, ainsi qu'à son devoir d'information. Plus précisément, la demanderesse prétend que la défenderesse a commis une faute professionnelle en faisant figurer une description fautive du bien concerné dans l'acte de base du 2 février 2006 et dans l'acte notarié du 15 mai 2006. Spécialement, ces actes notariés stipulaient que l'appartement C.0.1. en question avait accès au jardin, alors que tel n'était pas le cas selon les plans urbanistiques que la demanderesse a transmis à la défenderesse.
3. Les juges d'appel, qui ont considéré qu'on ne peut attendre d'un notaire, dans le cadre des obligations qui lui incombent en vertu de l'article 9, § 1er, alinéa 3, de la loi sur le notariat, qu'il vérifie, lors de la description du bien immobilier concerné dans les actes qu'il doit rédiger, si celle-ci correspond aux plans techniques de construction tels qu'ils ont été approuvés sur le plan urbanistique, même s'il dispose de ces plans, sans vérifier in concreto si cela s'applique également à la rédaction d'actes qui concernent la construction d'un immeuble à appartements, n'ont pas légalement justifié leur décision que le notaire n'a pas commis de faute.
4. Il existe un lien de causalité entre la faute et le dommage si, sans la faute, le dommage n'eût pu se produire tel qu'il s'est réalisé.
Dans la mesure où les juges d'appel ont considéré que la responsabilité de la défenderesse n'est pas engagée parce que la demanderesse elle-même a été négligente et doit par conséquent supporter les conséquences de sa propre négligence, l'arrêt n'est pas davantage légalement justifié.
5. Le moyen, en cette branche, est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, le président de section Koen Mestdagh, les conseillers Bart Wylleman, Ilse Couwenberg et Sven Mosselmans, et prononcé en audience publique du sept mai deux mille vingt par le président de section Eric Dirix, en présence du premier avocat général Ria Mortier, avec l'assistance du greffier Vanity Vanden Hende.