N° C.19.0109.N
GEMINI CORPORATION, s.a.,
Me Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation,
contre
KRONOSPAN LUXEMBOURG, société de droit luxembourgeois,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 24 octobre 2018 par la cour d'appel d'Anvers.
Le premier avocat général Ria Mortier a déposé des conclusions le 7 février 2020.
Le conseiller Bart Wylleman a fait rapport.
Le premier avocat général Ria Mortier a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
1. Ne viole pas le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense, le juge qui fonde sa décision sur des éléments dont les parties pouvaient attendre, vu le déroulement des débats, qu'il les incluerait dans son jugement et qu'elles ont pu contredire.
Lorsque les parties invoquent des faits à l'appui de leur demande, sans indiquer un quelconque fondement juridique, le juge qui assigne un fondement juridique à ces faits sans permettre aux parties d'en débattre, ne viole pas leurs droits de défense, puisque, dans ces circonstances, les parties doivent s'attendre à ce que le juge applique le fondement juridique approprié.
Lorsque le juge, à défaut de fondement juridique invoqué par les parties, applique d'office une disposition légale de droit supplétif, il est uniquement tenu de vérifier si les parties n'ont pas contractuellement dérogé à cette disposition et il ne doit interroger les parties sur ce point que si les informations régulièrement soumises à son appréciation contiennent quelque indication dans ce sens.
2. Le moyen, qui, en cette branche, ne critique pas l'arrêt lorsqu'il applique d'office la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises à défaut de fondement juridique invoqué par les parties, fait valoir que les juges d'appel ont méconnu les droits de la défense en n'ayant pas invité les parties à prendre position sur la question de savoir si elles ont fait usage de la possibilité que leur offre l'article 6 de ladite Convention de Vienne d'exclure son application ou de déroger à ses dispositions. Il ne soutient cependant pas qu'il y ait eu dans le dossier quelque indication dans ce sens.
3. Dans la mesure où il reproche à l'arrêt de méconnaître les droits de la défense en appliquant d'office la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises sans inviter les parties à prendre position sur la question de savoir si elles ont ou non fait usage de la possibilité offerte par l'article 6 de ladite convention, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
4. La violation prétendue de l'article 6 de ladite Convention de Vienne est tout entière déduite de la violation, vainement alléguée, des droits de la défense.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
[...]
Sur le second moyen :
20. Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que la demanderesse a fait valoir dans ses conclusions d'appel de synthèse que « les intérêts de retard ne peuvent en aucun cas être calculés sur la base du taux d'intérêt légal luxembourgeois majoré de 50 p.c., ainsi que le prévoient les conditions générales [de la défenderesse]. En effet, ces conditions générales ne s'appliquent pas aux contrats d'achat/de vente en question (...). En l'espèce, seul peut s'appliquer le taux d'intérêt belge sur les transactions commerciales ».
En considérant qu'il n'y a pas de contestation en ce qui concerne la débition de principe des intérêts de retard au taux d'intérêt conventionnel, les juges d'appel ont considéré que les conclusions d'appel de la demanderesse ne contiennent pas quelque chose qui y figure bien et ont violé la foi due à ces conclusions.
Le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il déclare l'extension de la demande reconventionnelle de la défenderesse fondée, condamne complémentairement la demanderesse au paiement d'intérêts moratoires et statue sur les dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, le président de section Koen Mestdagh, les conseillers Bart Wylleman, Ilse Couwenberg et Sven Mosselmans, et prononcé en audience publique du sept mai deux mille vingt par le président de section Eric Dirix, en présence du premier avocat généralRia Mortier, avec l'assistance du greffier Vanity Vanden Hende.