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23/09/2019 | BELGIQUE | N°C.19.0053.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 23 septembre 2019, C.19.0053.N


N° C.19.0053.N
ING BELGIQUE, s.a., venant aux droits et obligations de la société anonyme Record Bank,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre
1. VILLA CLAUSA, société de droit néerlandais,
2. W.H.,
3. G.R.,
4. J.S.,
Me Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 7 mai 2018 par la cour d'appel d'Anvers.
Par ordonnance du 28 mai 2019, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le président de sectio

n Eric Dirix a fait rapport.
L'avocat général Henri Vanderlinden a conclu.
II. Le moyen de cassation
...

N° C.19.0053.N
ING BELGIQUE, s.a., venant aux droits et obligations de la société anonyme Record Bank,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre
1. VILLA CLAUSA, société de droit néerlandais,
2. W.H.,
3. G.R.,
4. J.S.,
Me Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 7 mai 2018 par la cour d'appel d'Anvers.
Par ordonnance du 28 mai 2019, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le président de section Eric Dirix a fait rapport.
L'avocat général Henri Vanderlinden a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Quant aux première et deuxième branches :
1. En vertu de l'article 1451 du Code judiciaire, dès la réception de l'acte contenant saisie-arrêt, le tiers saisi ne peut plus se dessaisir des sommes ou effets qui font l'objet de la saisie, à peine de pouvoir être déclaré débiteur pur et simple des causes de la saisie sans préjudice des dommages-intérêts envers la partie s'il y a lieu.
Le tiers saisi ne peut, de sa propre autorité, se dessaisir de l'objet de la saisie au motif qu'il estime que la saisie est illégale. Cette libération n'est licite qu'après que l'ordonnance de mainlevée de la saisie a été signifiée ou que la mainlevée volontaire a été notifiée au tiers saisi.
2. Il ressort des constatations de l'arrêt que :
- le 2 février 2016, les défendeurs ont procédé à une saisie-arrêt conservatoire à charge de la société anonyme Grondvest (ci-après : la société) entre les mains de l'auteur de la demanderesse (ci-après : la banque) ;
- au moment de la saisie, la société faisait l'objet d'une réorganisation judiciaire ;
- dans sa déclaration de tiers saisi du 3 février 2016, la banque a communiqué que le solde du compte à vue de la société s'élevait à 91.499,04 euros ;
- le 8 février 2016, la banque fit savoir que la saisie était irrégulière parce qu'il ne pouvait y être procédé en vertu de l'article 30 de la loi relative à la continuité des entreprises et elle communiqua à l'huissier de justice son intention de libérer le compte ;
- la société a pu continuer à utiliser le compte et le solde s'est finalement élevé à 78,96 euros ;
- le plan de réorganisation n'a pas été homologué et la procédure de réorganisation judiciaire a été clôturée ;
- les défendeurs intentent une action en vertu de l'article 1451 du Code judiciaire afin d'entendre déclarer la banque débiteur des causes de la saisie.
3. Les juges d'appel, qui ont considéré qu'il n'appartenait « en aucune façon [à la banque], en sa qualité de tiers saisi, d'ignorer simplement la saisie ou de la considérer comme inexistante et de procéder en faisant cavalier seul à la remise des fonds saisis au motif qu'elle considérait elle-même la saisie comme contraire à l'article 31 de la loi relative à la continuité des entreprises », que « la violation de l'article 31 de la loi relative à la continuité des entreprises » par les créanciers saisissants n'y change rien et que la banque « ne peut, en sa qualité de tiers saisi, mettre en cause la légalité de la saisie et [...] aurait dû à tout le moins s'adresser au juge des saisies compétent » et, par ces motifs, ont condamné la demanderesse, sur la base de l'article 1451 du Code judiciaire, aux causes de la saisie, ont légalement justifié leur décision.
Le moyen, en ces branches, ne peut être accueilli.
Quant à la troisième branche :
4. En vertu de l'article 1395 du Code judiciaire, toutes les demandes qui ont trait aux voies d'exécution sont portées devant le juge des saisies. Partant, le juge des saisies peut également connaître des litiges relatifs à la responsabilité survenant au cours de l'exécution, tant que celle-ci n'a pas pris fin.
5. Les juges d'appel, qui, dans le cadre de l'instance relative à l'action intentée par les défendeurs contre la demanderesse sur la base de l'article 1451 du Code judiciaire, se sont déclarés incompétents pour connaître de l'action en responsabilité intentée par la demanderesse contre les défendeurs en raison de la prétendue illégalité commise lors de la saisie, n'ont pas légalement justifié leur décision.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Quant à la quatrième branche :
6. La condamnation totale ou partielle aux causes de la saisie constitue, en vertu de l'article 1451 du Code judiciaire, une sanction de droit privé qui peut être infligée au tiers saisi qui fait obstacle à la saisie du fait de son action ou de son omission. Le juge dispose, pour l'application de cette sanction, d'un pouvoir d'appréciation et de modération et peut, dans des cas exceptionnels, décider soit de ne pas l'infliger, soit de la réduire.
Si le juge apprécie de manière souveraine sur la base des circonstances de la cause s'il y a lieu d'infliger une sanction ou de la modérer, la Cour exerce néanmoins un contrôle marginal de la proportionnalité entre la gravité de l'infraction et la sanction infligée.
7. Les juges d'appel, qui, après avoir constaté que la saisie a été effectuée en violation de l'article 31 de la loi relative à la continuité des entreprises, ont considéré qu'il n'y avait pas lieu de modérer la sanction, n'ont pas légalement justifié leur décision.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Par ces motifs,
La Cour,
statuant à l'unanimité,
Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il admet la responsabilité de la demanderesse sur la base de l'article 1451 du Code judiciaire ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Gand.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, le président de section Alain Smetryns et le conseiller Koen Mestdagh, et prononcé en audience publique du vingt-trois septembre deux mille dix-neuf par le président de section Eric Dirix, en présence de l'avocat général Henri Vanderlinden, avec l'assistance du greffier Mike Van Beneden.
Traduction établie sous le contrôle du président de section Christian Storck et transcrite avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Formation : Chambre 3n - derde kamer
Numéro d'arrêt : C.19.0053.N
Date de la décision : 23/09/2019
Type d'affaire : Autres

Analyses

Le tiers saisi ne peut, de sa propre autorité, se dessaisir de l'objet de la saisie au motif qu'il estime que la saisie est illégale; cette libération n'est licite qu'après que l'ordonnance de mainlevée de la saisie a été signifiée ou que la mainlevée volontaire a été notifiée au tiers saisi.

SAISIE - SAISIE CONSERVATOIRE - Tiers saisi - Sommes ou effets saisis - Interdiction de se dessaisir - Portée - Conséquence [notice1]

En vertu de l'article 1395 du Code judiciaire, toutes les demandes qui ont trait aux voies d'exécution sont portées devant le juge des saisies; partant, le juge des saisies peut également connaître des litiges relatifs à la responsabilité survenant au cours de l'exécution, tant que celle-ci n'a pas pris fin.

SAISIE - GENERALITES - Juge des saisies - Compétence - Action en dommages-intérêts - COMPETENCE ET RESSORT - MATIERE CIVILE - Compétence - Compétence d'attribution - Juge des saisies - Action en dommages-intérêts

La condamnation totale ou partielle aux causes de la saisie constitue, en vertu de l'article 1451 du Code judiciaire, une sanction de droit privé qui peut être infligée au tiers saisi qui fait obstacle à la saisie du fait de son action ou de son omission (1). (1) Cass. 21 avril 2017, RG C.16.0458.N, Pas 2017, n° 277.

SAISIE - GENERALITES - Saisie-arrêt - Tiers saisi - Déclaration - Défaut de déclaration ou imprécision - Condamnation aux causes de la saisie - Nature - But [notice4]

Le juge dispose, pour l'application de cette sanction, d'un pouvoir d'appréciation et de modération et peut, dans des cas exceptionnels, décider soit de ne pas l'infliger, soit de la réduire (1). (1) Cass. 21 avril 2017, RG C.16.0458.N, Pas 2017, n° 277.

SAISIE - GENERALITES - Saisie-arrêt - Tiers saisi - Déclaration - Défaut de déclaration ou imprécision - Sanction - Condamnation aux causes de la saisie - Juge des saisies - Compétence - Etendue [notice5]

Si le juge apprécie de manière souveraine sur la base des circonstances de la cause s'il y a lieu d'infliger une sanction ou de la modérer, la Cour exerce néanmoins un contrôle marginal de la proportionnalité entre la gravité de l'infraction et la sanction infligée (1). (1) Cass. 21 avril 2017, RG C.16.0458.N, Pas 2017, n° 277.

SAISIE - GENERALITES - Saisie-arrêt - Tiers saisi - Déclaration - Défaut de déclaration ou imprécision - Sanction - Condamnation aux causes de la saisie - Juge des saisies - Compétence - Imposition ou modération de la sanction - Appréciation - Nature - Cour de cassation - Contrôle - Nature - APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND - Saisie - Généralités - Saisie-arrêt - Tiers saisi - Déclaration - Défaut de déclaration ou imprécision - Sanction - Condamnation aux causes de la saisie - Juge des saisies - Compétence - Imposition ou modération de la sanction - Appréciation - Nature - Cour de cassation - Contrôle - Nature - CASSATION - DE LA COMPETENCE DE LA COUR DE CASSATION - Divers - MOYEN DE CASSATION - MATIERE CIVILE - Appréciation souveraine par le juge du fond [notice6]


Références :

[notice1]

Code Judiciaire - 09-10-1967 - Art. 1451

[notice4]

Code Judiciaire - 09-10-1967 - Art. 1452, al. 1er, 1456, 1539 et 1542

[notice5]

Code Judiciaire - 09-10-1967 - Art. 1452, al. 1er, 1456, 1539 et 1542

[notice6]

Code Judiciaire - 09-10-1967 - Art. 1452, al. 1er, 1456, 1539 et 1542


Composition du Tribunal
Président : DIRIX ERIC
Greffier : VAN BENEDEN MIKE
Ministère public : VANDERLINDEN HENRI
Assesseurs : SMETRYNS ALAIN, MESTDAGH KOEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-09-23;c.19.0053.n ?

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