REQUETE de la ville de Cherbourg, représentée par son maire en exercice, à ce dûment autorisé, tendant à l'annulation d'un jugement du 6 mars 1962 par lequel le Tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du préfet de la Manche en date du 8 mars 1961 déclarant d'utilité publique l'opération de rénovation de l'îlot insalubre n° 1 de la place Divette à Cherbourg, ensemble au rejet de la demande de la dame veuve Y... tendant à l'annulation de l'arrêté précité ;
2° REQUETE semblable de la Société d'économie mixte immobilière de la ville de Cherbourg ;
Vu la Constitution ; l'ordonnance du 23 octobre 1958 ; les décrets du 31 décembre 1958, du 6 juin 1959 et du 15 juin 1959 ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; le Code général des impôts ;
CONSIDERANT que les requêtes susvisées de la ville de Cherbourg et de la société d'économie mixte immobilière de la ville de Cherbourg sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger la même question ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 6 juin 1959, portant règlement d'administration publique relatif à la procédure de l'expropriation, le commissaire-enquêteur ou les membres de la commission d'enquête sont choisis par le préfet sur une liste nationale établie chaque année par le ministre de la Construction ou sur l'une quelconque des listes départementales établies annuellement par les préfets. Les personnes choisies par le préfet ne doivent pas appartenir à l'administration expropriante ni participer à son contrôle et ne doivent avoir aucun, intérêt à l'opération ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la nomination du sieur X... en qualité d'architecte de liaison de l'opération de rénovation de l'îlot insalubre de la Place Divette à Cherbourg est postérieure à sa désignation en qualité de commissaire enquêteur ; qu'elle ne saurait dès lors avoir eu une influence sur la validité de celle-ci et sur la légalité de l'arrêté du préfet de la Manche du 8 mars 1961 portant déclaration d'utilité publique et de cessabilité d'immeubles sis à Cherbourg dans l'îlot susmentionné ;
Considérant que de tout ce qui précède il résulte que le motif tiré de ce que le sieur X... ne pourrait être regardé, au sens des dispositions ci-dessus rappelées du décret du 6 juin 1959, comme n'ayant aucun intérêt à l'opération sur lequel le Tribunal administratif s'est fondé pour annuler l'arrêté du préfet de la Manche en date du 8 mars 1961 attaqué par la dame veuve Y..., ne saurait justifier le dispositif dudit jugement ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la dame veuve Y... à l'appui de sa demande dirigée contre l'arrêté préfectoral précité ;
Sur le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été notifié dans des conditions irrégulières :
Considérant qu'en admettant que la notification de l'arrêté du 8 mars 1961 ait été irrégulière, cette circonstance ne serait pas de nature à en entraîner l'annulation ; que, dès lors, le moyen susénoncé ne saurait être retenu ;
Sur le moyen tiré de l'illégalité de l'article 13 du décret du 15 juin 1959 :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 du décret du 15 juin 1959 : "Dans le cas où l'opération est réalisée par une société d'économie mixte à participation publique majoritaire visée à l'article 78-1° du Code de l'urbanisme et de l'habitation, la convention passée avec la commune peut porter concession de l'opération à cette société. En ce cas, les expropriations nécessaires peuvent être poursuivies directement par la société concessionnaire d'une opération de rénovation" ;
Considérant, d'une part, que si l'article 34 de la Constitution réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux du régime de la propriété, la faculté reconnue à l'Administration par les dispositions réglementaires ci-dessus rappelées d'attribuer à un concessionnaire chargé d'une opération de rénovation urbaine le droit de poursuivre les expropriations nécessaires à la réalisation d'une telle opération ne saurait être regardée comme portant atteinte à l'un de ces principes et comme relevant, à ce titre, du domaine de la loi ;
Considérant d'autre part, que si le décret du 31 décembre 1958 relatif à la rénovation urbaine a été pris après avis du Conseil d'Etat, en application de l'article 37 de la Constitution, il n'avait pas le caractère d'un règlement d'administration publique ; qu'il pouvait, dès lors, être modifié par un décret simple tel que le décret du 15 juin 1959 susvisé ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du décret du 31 décembre 1958 relatif à la rénovation urbaine :
Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que la dame veuve Y... a été mise en mesure d'exercer l'option prévue par l'article 5 du décret du 31 décembre 1958 précité ; qu'il suit de là qu'elle n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir qu'aucune tentative d'accord amiable n'a eu lieu en l'espèce ;
Sur le moyen tiré de l'illégalité de la convention passée le 6 octobre 1960 entre la ville de Cherbourg et la société d'économie mixte immobilière de la ville de Cherbourg et, par voie de conséquence, de l'arrêté préfectoral en date du 18 novembre 1960 approuvant cette convention :
Considérant que si l'article 2 du décret du 15 juin 1959 prévoit que la convention passée entre une commune et l'organisme chargé des opérations de rénovation urbaine doit comporter des clauses types qui sont fixées par décret, ledit article n'a pu avoir pour effet de subordonner à l'intervention du décret qu'il prévoit, la passation des conventions dont s'agit ; que l'article 3 du décret précité du 15 juin 1959 énumère les indications que doivent comporter lesdites conventions ; que l'article 7 de la convention passée entre la ville de Cherbourg et la société d'économie mixte immobilière prévoit que la ville et la société d'économie mixte immobilière assureront le relogement provisoire ou définitif des occupants, soit dans les locaux mis à la disposition de ces derniers par la ville, soit dans les nouveaux logements à construire ; que ces dispositions permettent à elles seules de vérifier l'existence en l'espèce, des mentions auxquelles l'article 3 précité a reconnu un caractère obligatoire ; qu'il suit de là que le moyen susénoncé ne saurait être retenu ;
Sur le moyen tiré de ce que les enquêtes d'utilité publique et parcellaire ont été faites au nom de la ville de Cherbourg et non pas au nom de la Société mixte immobilière de la ville de Cherbourg :
Considérant que si, dans l'arrêté ordonnant l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique et de cessibilité d'un ensemble d'immeubles sis à Cherbourg dans l'îlot urbain n° 1 à rénover, dit Place Divette, la ville de Cherbourg était seule désignée comme devant réaliser les acquisitions à la suite de la déclaration d'utilité publique à intervenir, celle circonstance ne faisait pas obstacle à ce que le préfet, au moment où il a prononcé ladite déclaration, autorisât un concessionnaire de la commune à réaliser les acquisitions d'immeubles par achat amiable ou par voie d'expropriation ;
Considérant que de tout ce qui précède, il résulte que c'est à tort que, par le jugement susvisé, le Tribunal administratif de Caen a, sur la demande de la Dame veuve Y..., annulé l'arrêté du préfet de la Manche en date du 8 mars 1961 déclarant d'utilité publique l'acquisition par la société d'économie mixte immobilière de la ville de Cherbourg d'un ensemble d'immeubles sis à Cherbourg, dans l'îlot urbain à rénover "Place Divette" et a déclaré cessibles les propriétés désignées dans ledit arrêté ; Annulation du jugement ; rejet de la demande de la veuve Y... .