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20/11/2013 | FRANCE | N°360562

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 20 novembre 2013, 360562


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juin et 28 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Perrin et fils, dont le siège social est route de Jonquières, Quartier la Ferrière, à Orange (84100) ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n°1101143 du 27 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations primitives et supplémentaires de taxe foncière auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006

et 2007 et des cotisations primitives de taxe foncière auxquelles elle a ét...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juin et 28 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Perrin et fils, dont le siège social est route de Jonquières, Quartier la Ferrière, à Orange (84100) ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n°1101143 du 27 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations primitives et supplémentaires de taxe foncière auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007 et des cotisations primitives de taxe foncière auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Vié, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la Societe Perrin Et Fils ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 1382 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : (...) 6° a. Les bâtiments qui servent aux exploitations rurales, tels que granges, écuries, greniers, caves, celliers, pressoirs et autres, destinés soit à loger les bestiaux des fermes et métairies ainsi que le gardien de ces bestiaux, soit à serrer les récoltes (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'exonération qu'elles prévoient s'applique aux bâtiments affectés à un usage agricole, servant ainsi à l'exercice d'opérations qui s'insèrent dans le cycle biologique de la production agricole ou de l'élevage, ou qui constituent le prolongement d'une activité agricole ou d'élevage ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Perrin et fils a pour activités, d'une part, l'achat de raisins à des viticulteurs, la vinification et l'élevage du vin et, d'autre part, l'achat de vin jeune en vrac élevé jusqu'à sa mise en bouteille, ainsi que le négoce du vin ainsi produit ; que les opérations ayant pour objet de transformer le raisin, acheté auprès de tiers viticulteurs, en vue de sa vinification et de l'élevage du vin, ne sauraient être regardées comme s'insérant dans le cycle biologique du raisin et ne présentent donc pas un caractère agricole ; qu'il en est de même des opérations d'élevage du vin acheté à des tiers producteurs ; qu'ainsi, le tribunal administratif de Nîmes n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, pour écarter l'argumentation de la société requérante selon laquelle les opérations de vinification et d'élevage de vin s'inscrivaient dans un cycle biologique agricole, qu'elle ne cultivait pas la vigne ni n'exploitait de domaine viticole et en en déduisant, après avoir relevé que ses activités de transformation de produits achetés à des tiers ne constituaient pas le prolongement ou l'accessoire d'une activité agricole, qu'elle ne pouvait revendiquer le bénéfice de l'exonération prévue au 6° de l'article 1382 du code général des impôts ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que tant la réponse ministérielle à M. A..., sénateur, publiée au Journal officiel du Sénat du 13 janvier 2000, que la réponse ministérielle à M.B..., sénateur, publiée au Journal officiel du Sénat du 10 janvier 2006, précisent que " Sont exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties conformément aux dispositions de l'article 1382 (6°) du code général des impôts les bâtiments qui servent aux exploitations rurales tels que granges, écuries, greniers, caves, celliers, pressoirs et autres destinés soit à loger les bestiaux des fermes et métairies ainsi que le gardien de ces bestiaux, soit à serrer les récoltes. De nombreuses décisions du Conseil d'Etat intervenues en la matière, il résulte que constitue un bâtiment rural toute construction affectée de façon permanente et exclusive à un usage agricole (...) " ; que la première réponse ajoute que : " (...) Dans ces conditions, les locaux des exploitations agricoles sont exonérés de taxe foncière lorsqu'ils sont affectés à la vinification, à la conservation et à la manipulation du vin. En revanche, ils deviennent imposables lorsqu'ils constituent des magasins de vente (...) " ; que la seconde précise que : " peuvent bénéficier de l'exonération les bâtiments affectés à un usage agricole par une société à forme commerciale passible de l'impôt sur les sociétés. Inversement, l'exonération ne saurait être étendue à des locaux affectés à un usage non agricole, tel que la location d'une salle de réunion, quand bien même les revenus tirés de cette activité accessoire seraient imposés dans la catégorie des bénéfices agricoles en application de l'article 75 du code général des impôts. Toutefois, lorsque de tels locaux font partie d'un ensemble, ils ne sont imposables à la taxe foncière sur les propriétés bâties qu'à concurrence de la surface spécialement aménagée pour l'activité extra-agricole (...) " ; qu'en indiquant que l'exonération prévue au 6° de l'article 1382 est soumise à la condition que les bâtiments concernés soient affectés à un usage agricole, les réponses ministérielles précitées ne peuvent être regardées comme comportant une interprétation différente du sens et de la portée de cette disposition législative, susceptible d'être invoquée sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que c'est, par suite, sans erreur de droit que le tribunal administratif de Nîmes a jugé que la société requérante n'était pas fondée à se prévaloir de ces réponses ;

4. Considérant, en troisième lieu, que les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont différemment définies, à l'article 1496 du code général des impôts, pour ce qui est des " locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice d'une profession autre qu'agricole, commerciale, artisanale ou industrielle ", à l'article 1498 en ce qui concerne " tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés à l'article 1496-I et que les établissements industriels visés à l'article 1499 ", et à l'article 1499 s'agissant des " immobilisations industrielles " ; que revêtent un caractère industriel, au sens de cet article, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant ;

5. Considérant qu'après avoir relevé, d'une part, l'importance de la valeur comptable nette et brute des installations techniques, matériels et outillages, et celle de la valeur du matériel industriel en 2002, d'autre part, la circonstance que la société requérante, qui invoquait un prix de revient beaucoup plus faible de ses fûts, barriques et cuves, n'apportait aucune explication sur la consistance des autres matériels et outillages figurant à ses bilans, le tribunal administratif s'est fondé sur la nature et l'importance des moyens techniques mis en oeuvre pour en déduire que l'établissement exploité par la société présentait un caractère industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient la société requérante, le tribunal administratif ne s'est pas borné à prendre en compte la valeur comptable des installations techniques, matériels et outillages pour procéder à la qualification d'établissement industriel, mais s'est fondé, sans commettre d'erreur de droit, sur l'ensemble des éléments, qu'il a souverainement appréciés, permettant de reconnaître le rôle prépondérant des moyens techniques dans l'activité ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Perrin et fils n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société Perrin et fils est rejeté

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Perrin et fils et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 360562
Date de la décision : 20/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

AGRICULTURE ET FORÊTS - EXPLOITATIONS AGRICOLES - FISCALITÉ - TAXE FONCIÈRE SUR LES PROPRIÉTÉS BÂTIES - EXONÉRATION EN FAVEUR DES BÂTIMENTS QUI SERVENT AUX EXPLOITATIONS RURALES (ART - 1382 - 6° DU CGI) - 1) NOTION DE BÂTIMENTS AFFECTÉS À UN USAGE AGRICOLE - 2) TRANSFORMATION DU RAISIN - ACHETÉ AUPRÈS DE TIERS VITICULTEURS - EN VUE DE SA VINIFICATION ET DE L'ÉLEVAGE DU VIN - ET ÉLEVAGE DU VIN ACHETÉ À DES TIERS PRODUCTEURS - CARACTÈRE AGRICOLE - ABSENCE - 3) ESPÈCE.

03-03 1) L'exonération prévue par les dispositions du a du 6° de l'article 1382 du code général des impôts (CGI) en faveur des bâtiments qui servent aux exploitations rurales s'applique aux bâtiments affectés à un usage agricole, servant ainsi à la réalisation d'opérations qui s'insèrent dans le cycle biologique de la production agricole ou de l'élevage, ou qui constituent le prolongement d'une activité agricole ou d'élevage.,,,2) Les opérations ayant pour objet de transformer le raisin, acheté auprès de tiers viticulteurs, en vue de sa vinification et de l'élevage du vin, ne sauraient être regardées comme s'insérant dans le cycle biologique du raisin et ne présentent donc pas un caractère agricole. Il en est de même des opérations d'élevage du vin acheté à des tiers producteurs.... ,,3) En l'espèce, société ayant pour activités, d'une part, l'achat de raisins à des viticulteurs, la vinification et l'élevage du vin et, d'autre part, l'achat de vin jeune en vrac élevé jusqu'à sa mise en bouteille, ainsi que le négoce du vin ainsi produit. Cette société ne cultive pas la vigne et n'exploite pas de domaine viticole. Ses activités de transformation de produits achetés à des tiers ne constituent pas le prolongement ou l'accessoire d'une activité agricole. Par suite, elle ne peut revendiquer le bénéfice de l'exonération prévue au 6° de l'article 1382 du CGI.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES - TAXES FONCIÈRES - TAXE FONCIÈRE SUR LES PROPRIÉTÉS BÂTIES - EXONÉRATION EN FAVEUR DES BÂTIMENTS AFFECTÉS À UN USAGE AGRICOLE (ART - 1382 - 6° DU CGI) - 1) NOTION - 2) TRANSFORMATION DU RAISIN - ACHETÉ AUPRÈS DE TIERS VITICULTEURS - EN VUE DE SA VINIFICATION ET DE L'ÉLEVAGE DU VIN - ET ÉLEVAGE DU VIN ACHETÉ À DES TIERS PRODUCTEURS - CARACTÈRE AGRICOLE - ABSENCE - 3) ESPÈCE.

19-03-03-01-04 1) L'exonération prévue par les dispositions du a du 6° de l'article 1382 du code général des impôts (CGI) en faveur des bâtiments qui servent aux exploitations rurales s'applique aux bâtiments affectés à un usage agricole, servant ainsi à la réalisation d'opérations qui s'insèrent dans le cycle biologique de la production agricole ou de l'élevage, ou qui constituent le prolongement d'une activité agricole ou d'élevage.,,,2) Les opérations ayant pour objet de transformer le raisin, acheté auprès de tiers viticulteurs, en vue de sa vinification et de l'élevage du vin, ne sauraient être regardées comme s'insérant dans le cycle biologique du raisin et ne présentent donc pas un caractère agricole. Il en est de même des opérations d'élevage du vin acheté à des tiers producteurs.... ,,3) En l'espèce, société ayant pour activités, d'une part, l'achat de raisins à des viticulteurs, la vinification et l'élevage du vin et, d'autre part, l'achat de vin jeune en vrac élevé jusqu'à sa mise en bouteille, ainsi que le négoce du vin ainsi produit. Cette société ne cultive pas la vigne et n'exploite pas de domaine viticole. Ses activités de transformation de produits achetés à des tiers ne constituent pas le prolongement ou l'accessoire d'une activité agricole. Par suite, elle ne peut revendiquer le bénéfice de l'exonération prévue au 6° de l'article 1382 du CGI.


Publications
Proposition de citation : CE, 20 nov. 2013, n° 360562
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Vié
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:360562.20131120
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