Vu le jugement n°1112149/6-1 du 15 juin 2012, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 15 juin 2012, par lequel le tribunal administratif de Paris, avant de statuer sur la demande de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), subrogé en application des articles L. 1142-15 et L. 1142-17 dans les droits de Mme Séverine Wagner, tendant à la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser différentes indemnités, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :
1° La circonstance que la victime d'un dommage médical indemnisé par l'ONIAM en application des dispositions de l'article L. 1142-15 ou de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique n'ait pas contesté, dans le délai de recours contentieux, la décision de rejet opposée à sa demande indemnitaire préalable par l'établissement public de santé responsable du dommage, rend-elle irrecevable, devant le juge administratif, le recours subrogatoire que les mêmes dispositions ouvrent à l'ONIAM contre ledit responsable '
2° L'ONIAM, saisi d'une demande d'indemnisation d'un dommage médical sur le fondement des dispositions de l'article L. 1142-15 ou de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique, est-il toujours tenu d'indemniser la victime, quand bien même celle-ci n'aurait pas contesté, dans le délai de recours contentieux, la décision de rejet opposée à sa demande indemnitaire préalable par l'établissement public de santé responsable du dommage '
3° La circonstance que la victime d'un dommage n'ait pas contesté, dans le délai de recours contentieux, la décision de rejet opposée à sa demande indemnitaire préalable par la personne publique responsable du dommage rend-elle irrecevable la demande présentée par une caisse de sécurité sociale, dans le cadre de la subrogation prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, tendant à ce que cette personne publique soit condamnée à lui rembourser les débours correspondant aux prestations qu'elle a servies dans l'intérêt de la victime '
Vu les observations, enregistrées le 22 août 2012, présentées pour l'ONIAM ;
Vu les observations, enregistrées le 3 septembre 2012, présentées par l'Assistance Publique- Hôpitaux de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique, modifié notamment par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mme Domitille Duval-Arnould, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les observations de la SCP Roger, Sevaux avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;
les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;
- La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Roger, Sevaux avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;
REND L'AVIS SUIVANT
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I - Sur les deux premières questions posées par le tribunal administratif de Paris :
1. La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a créé une procédure de règlement amiable des litiges relatifs aux accidents médicaux, aux affections iatrogènes et aux infections nosocomiales graves, confiée aux commissions régionales de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), selon des modalités fixées aux articles L. 1142-5 et suivants du code de la santé publique.
2. La CRCI peut être saisie par toute personne s'estimant victime d'un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins, ou par les ayants droit d'une personne décédée à la suite d'un acte de prévention, de diagnostic ou de soins, et cette saisine " suspend les délais de prescription et de recours contentieux jusqu'au terme de la procédure " en vertu du dernier alinéa de l'article L. 1142-7 du même code.
3. Lorsque les dommages subis présentent un certain caractère de gravité, prévu au II de l'article L. 1142-1 et fixé à l'article D. 1142-1, la commission émet, en application du premier alinéa de l'article L. 1142-8, " un avis sur les circonstances, les causes, la nature et l'étendue des dommages, ainsi que sur le régime d'indemnisation applicable ". Si la commission estime que le dommage engage la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé, il résulte de l'article L. 1142-14 que l'assureur de la personne considérée comme responsable adresse à la victime, dans un délai de quatre mois, une offre d'indemnisation. Enfin l'article L. 1142-15 prévoit que, si l'assureur s'abstient de faire une offre ou si le responsable n'est pas assuré, l'ONIAM lui est substitué et que lorsqu'il a, à ce titre, versé une indemnité à la victime, l'office est subrogé dans les droits de celle-ci contre la personne responsable du dommage ou son assureur.
4. Dans le cas où le dommage est imputé à un établissement public de santé, ces dispositions législatives doivent être combinées avec les dispositions du code de justice administrative relatives à l'exercice des recours contentieux.
5. En vertu de l'article R. 421-1 et du 1° de l'article R. 421-3 de ce code, la personne qui a saisi une collectivité publique d'une demande d'indemnité et qui s'est vu notifier une décision expresse de rejet dispose d'un délai de deux mois à compter de cette notification pour rechercher la responsabilité de la collectivité devant le tribunal administratif. Conformément aux dispositions de l'article R. 421-5, ce délai n'est toutefois opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.
6. Si la CRCI est saisie, avant l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification, par un établissement public de santé, d'une décision rejetant une demande d'indemnisation, ce délai se trouve suspendu conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 1142-7 du code de la santé publique. Eu égard à l'objectif poursuivi par le législateur en instituant une procédure de règlement amiable des litiges, la notification de la décision rejetant la demande d'indemnité doit indiquer non seulement que le tribunal administratif peut être saisi dans le délai de deux mois mais aussi que ce délai est suspendu en cas de saisine de la CRCI. La notification ne fait pas courir le délai si elle ne comporte pas cette double indication.
7. En revanche, en l'absence de toute disposition en ce sens, le délai de recours contentieux n'est pas rouvert par une saisine de la CRCI postérieure à son expiration. Dans le cas où une telle saisine déboucherait sur un avis selon lequel le dommage engage la responsabilité de l'établissement et où l'ONIAM indemniserait la victime en lieu et place de l'assureur de celui-ci, puis exercerait devant le tribunal administratif le recours subrogatoire prévu à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, le caractère définitif de la décision rejetant la demande d'indemnité de la victime pourrait être utilement opposé par l'établissement. En effet, en prévoyant cette subrogation, le législateur n'a pas dérogé au principe selon lequel le subrogé, qui ne saurait avoir plus de droits que le subrogeant, ne peut engager l'action que pour autant que la victime le pourrait encore.
8. Le législateur n'ayant pas entendu que la charge définitive de l'indemnisation incombe à l'ONIAM, en dehors des cas, prévus aux II de l'article L. 1142-1 et à l'article L. 1142-1-1, où le dommage ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale, l'office est fondé à refuser de verser l'indemnité en lieu et place de l'assureur de l'établissement lorsqu'une demande d'indemnité a été rejetée par une décision devenue définitive.
9. Il ne peut toutefois le faire qu'au vu de cette décision, des justificatifs de sa notification régulière et de l'absence de recours contentieux exercé dans le délai. Il appartient à l'établissement, s'il ne l'avait pas déjà fait devant la CRCI, de communiquer ces éléments à l'office à la suite de l'avis de la CRCI. Faute d'avoir procédé à cette communication avant que l'office n'ait fait une offre d'indemnité à la victime, l'établissement perd la possibilité d'opposer le caractère définitif de la décision pour faire échec à un recours subrogatoire.
II - Sur la troisième question :
10. L'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ouvre aux caisses de sécurité sociale la possibilité de poursuivre le remboursement, par le responsable d'un dommage corporel, des dépenses qu'elles ont exposées en faveur de la victime, indépendamment de l'exercice par celle-ci ou par ses ayants droit d'un recours indemnitaire au titre des préjudices qui sont demeurés à sa charge.
11. Bien que cette disposition qualifie de subrogatoires les recours dont disposent les caisses de sécurité sociale contre les tiers, la circonstance que la victime n'a pas, dans le délai du recours contentieux, contesté la décision par laquelle la collectivité publique à laquelle le dommage est imputé a rejeté sa demande indemnitaire n'a pas pour effet de rendre irrecevables les conclusions des caisses tendant au remboursement par cette collectivité des dépenses qu'elles ont engagées à la suite de l'accident.
Le présent avis sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la Caisse d'assurance maladie des industries électriques et gazières, à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et à la ministre des affaires sociales et de la santé.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.