Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mars et 19 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la communauté de communes d'Epinal-Golbey, dont le siège est 2 rue Jules Ferry à Golbey (88191), représentée par son président ; la communauté de communes demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 10NC01230 de la cour administrative d'appel de Nancy du 26 janvier 2012 en tant qu'il a, après avoir ramené, à la demande de la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL), à 53 005, 36 euros, par déduction d'une franchise contractuelle, la somme que cette dernière avait été condamnée à lui verser en exécution d'un contrat d'assurance de dommages aux biens par un jugement du tribunal administratif de Nancy du 22 juin 2010, rejeté sa demande de condamnation de cette société à l'indemniser, en sa qualité d'assureur de responsabilité de l'auteur du dommage, du montant du préjudice restant à sa charge;
2°) de mettre à la charge de la SMACL le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Stéphane Bouchard, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de la communauté de communes d'Epinal-Golbey et à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat de la société mutuelle d'assurance des collectivités locales ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 124-3 du code des assurances : " Le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune d'Epinal a souscrit auprès de la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL), le 22 décembre 2003, un contrat d'assurance de responsabilité civile ainsi que, le 23 janvier 2004, un contrat d'assurance de dommages aux biens couvrant notamment la patinoire municipale ; que, la compétence en matière d'aménagement, d'entretien et de fonctionnement de cet équipement sportif ayant été transférée à la communauté de communes d'Epinal-Golbey, cette dernière a été substituée à la commune, par un avenant du 1er juillet 2005, comme bénéficiaire de ce second contrat ; que le 17 septembre 2006, la patinoire a été inondée à la suite du débordement d'un bassin de rétention appartenant à la commune d'Epinal, ouvrage distinct et non transféré à la communauté de communes ; que, par un jugement du 22 juin 2010, le tribunal administratif de Nancy a condamné la SMACL, assureur de la commune d'Epinal au titre du bassin de rétention mais aussi de la communauté de communes au titre de la patinoire, à verser à cette dernière une somme de 129 005,36 euros en réparation du dommage causé à cette patinoire sur le fondement du contrat d'assurance de dommages aux biens ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Nancy, après avoir réduit ce montant pour tenir compte de la franchise prévue au contrat couvrant la patinoire municipale, a rejeté les conclusions de la communauté de communes tendant à ce que la SMACL soit condamnée, en tant qu'assureur de responsabilité civile de la commune d'Epinal à l'indemniser du préjudice non couvert du fait de cette franchise ;
3. Considérant que, pour juger que la communauté de communes ne pouvait demander à l'assureur de la commune l'indemnisation du préjudice restant à sa charge à raison de la franchise incluse dans son contrat d'assurance de dommages aux biens, la cour administrative d'appel s'est fondée sur ce que la première n'était pas partie au contrat d'assurance de responsabilité civile conclu par la seconde ; qu'en statuant ainsi, alors que, par dérogation à l'effet relatif des contrats, l'article L. 124-3 du code des assurances ouvre une action directe au bénéfice du tiers lésé contre l'assureur de responsabilité de l'auteur du préjudice qu'il allègue, la cour a commis une erreur de droit ;
4. Considérant, il est vrai, que la SMACL fait valoir devant le Conseil d'Etat que la communauté de communes avait la possibilité d'émettre contre elle un titre exécutoire pour le recouvrement de la créance dont elle se prévalait et que, dès lors, elle n'était pas recevable a saisir le juge d'une telle action ;
5. Mais considérant que la faculté d'émettre un titre exécutoire dont dispose une personne publique ne fait pas obstacle à ce qu'elle saisisse le juge de l'action directe ouverte par l'article L. 124-3 du code des assurances, laquelle trouve son origine dans le contrat passé entre le responsable du dommage et son assureur ; qu'en conséquence, la SMACL n'est pas fondée à demander que le motif qu'elle invoque soit substitué au motif erroné retenu par l'arrêt attaqué ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy doit être annulé en tant qu'il rejette la demande d'indemnisation de la communauté de communes d'Epinal-Golbey dirigée contre la SMACL en sa qualité d'assureur de responsabilité de la commune d'Epinal ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
8. Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que la communauté de communes d'Epinal-Golbey est en droit d'obtenir, par le biais de l'action directe ouverte par l'article L. 124-3 du code des assurances, que la part de son préjudice résultant de l'inondation de la patinoire dont elle a la charge, non indemnisé dans le cadre du contrat d'assurance de dommages aux biens passé avec la SMACL, à raison d'une franchise prévue par ce contrat, soit indemnisée par cette société en tant qu'assureur de responsabilité de la commune d'Epinal, propriétaire du bassin de rétention à l'origine du dommage ; qu'il résulte de ce qui précède que la SMACL n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy l'a condamnée à verser à la communauté de communes d'Epinal-Golbey une somme de 129 005,36 euros en réparation de la totalité du préjudice subi ;
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SMACL la somme de 4 500 euros à verser à la communauté de communes d'Epinal-Golbey au titre de la procédure suivie devant le Conseil d'Etat et la cour administrative d'appel de Nancy, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la communauté de communes d'Epinal-Golbey qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 26 janvier 2012 est annulé en tant qu'il rejette la demande d'indemnisation de la communauté de communes d'Epinal-Golbey dirigée contre la société mutuelle d'assurance des collectivités locales en sa qualité d'assureur de responsabilité de la commune d'Epinal.
Article 2 : La requête présentée par la société mutuelle d'assurance des collectivités locales devant la cour administrative d'appel de Nancy et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La société mutuelle d'assurance des collectivités locales versera une somme de 4 500 euros à la communauté de communes d'Epinal-Golbey au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la communauté de communes d'Epinal-Golbey et à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales.