Vu, 1°) sous le n° 268918, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 juin et 21 octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CAMPENON BERNARD, dont le siège est 5, cours Ferdinand de Lesseps à Rueil Malmaison (92851) ; la SOCIETE CAMPENON BERNARD demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 22 avril 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 17 décembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a déclarée solidairement responsable, avec les sociétés Bouygues, Muller T.P., Demathieu et Bard, D.T.P. Terrassement et Nord France Boutonnat, des conséquences dommageables du dol dont a été victime la Société nationale des chemins de fer français (S.N.C.F.) à l'occasion de la passation du marché ayant pour objet le lot 43-C des travaux d'interconnexion entre la ligne de train à grande vitesse (T.G.V.) Nord et les réseaux Sud-Est et Atlantique ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'une part, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 17 décembre 1998 et de rejeter la demande de la S.N.C.F. devant ce tribunal, d'autre part, de condamner la S.N.C.F. à lui verser une somme de 1 500 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
3°) de mettre à la charge de la S.N.C.F., par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 20 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu, 2°) sous le n° 269280, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin et 2 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS, dont le siège est Challenger, 1, avenue Eugène Freyssinet à Guyancourt (78280), et la SOCIETE D.T.P. TERRASSEMENT, dont le siège est Challenger, 1, avenue Eugène Freyssinet à Guyancourt (78280) ; la SOCIETE BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS et la SOCIETE D.T.P. TERRASSEMENT demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 22 avril 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leurs requêtes tendant à l'annulation du jugement du 17 décembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris les a déclarées solidairement responsables, avec les sociétés Campenon-Bernard, Muller T.P., Demathieu et Bard et Nord France Boutonnat, des conséquences dommageables du dol dont a été victime la Société nationale des chemins de fer français (S.N.C.F.) à l'occasion de la passation du marché ayant pour objet le lot 43-C des travaux d'interconnexion entre la ligne de train à grande vitesse (T.G.V.) Nord et les réseaux Sud-Est et Atlantique ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 17 décembre 1998 et de rejeter la demande de la S.N.C.F. devant ce tribunal ;
3°) de mettre à la charge de la S.N.C.F., par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 15 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
....................................................................................
Vu, 3°) sous le n° 269293, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin et 28 octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE DEMATHIEU ET BARD, dont le siège est 14, rue Saint-Louis à Verdun (55100), agissant par ses représentants légaux en exercice, élisant domicile, pour les besoins de la présente procédure, 17, rue Vénizélos, B.P. 80330 à Montigny-lès-Metz (Cedex 57953) ; la SOCIETE DEMATHIEU ET BARD demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 22 avril 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 17 décembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a déclarée solidairement responsable, avec les sociétés Bouygues, Campenon-Bernard, Muller T.P., D.T.P. Terrassement et Nord France Boutonnat, des conséquences dommageables du dol dont a été victime la Société nationale des chemins de fer français (S.N.C.F.) à l'occasion de la passation du marché ayant pour objet le lot 43-C des travaux d'interconnexion entre la ligne de train à grande vitesse (T.G.V.) Nord et les réseaux Sud-Est et Atlantique ;
2°) de mettre à la charge de la S.N.C.F., par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 97-137 du 13 février 1997 portant création de l'établissement public Réseau ferré de France en vue du renouveau du transport ferroviaire ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hubert Legal, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE CAMPENON-BERNARD, de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SOCIETE BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS et de la SOCIETE D.T.P. TERRASSEMENT, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la SOCIETE DEMATHIEU ET BARD, de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la société Nord France Boutonnat, de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société Razel frères et de Me Odent, avocat de la Société nationale des chemins de fer français,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées tendent à l'annulation d'un même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par une seule décision ;
Sur le moyen tiré de l'incompétence de la juridiction administrative :
Considérant que, pour confirmer le jugement du tribunal administratif de Paris déclarant six sociétés de travaux publics solidairement responsables des conséquences dommageables subies par la S.N.C.F. en raison du dol commis lors de la passation du marché de travaux du lot 43-C du T.G.V. Nord, la cour administrative d'appel de Paris a estimé, dans l'arrêt attaqué, que le marché conclu par la S.N.C.F. en vue de la réalisation du lot 43-C était un contrat administratif, que le litige, mettant en cause les conditions dans lesquelles le marché a été attribué et formé, relevait de la compétence de la juridiction administrative et qu'ainsi le tribunal administratif de Paris avait, à bon droit, rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Nord France Boutonnat ;
Considérant que, dans son pourvoi provoqué, la société Nord France Boutonnat soutient que l'action en responsabilité fondée sur des manoeuvres dolosives tendant à induire une personne en erreur en vue de la déterminer à passer un contrat n'a pas de caractère contractuel, que l'action tendant à engager la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle de personnes privées ressortit à la seule compétence des juridictions de l'ordre judiciaire et que c'est, dès lors, à tort que la cour administrative d'appel de Paris a jugé que l'exception d'incompétence des juridictions de l'ordre administratif soulevée par la société avait été à bon droit rejetée par les premiers juges ;
Considérant que les litiges nés à l'occasion du déroulement de la procédure de passation d'un marché public relèvent, comme ceux relatifs à l'exécution d'un tel marché, de la compétence des juridictions administratives, que ces litiges présentent ou non un caractère contractuel ;
Considérant, que le présent litige a pour objet l'engagement de la responsabilité de sociétés en raison d'agissements dolosifs susceptibles d'avoir conduit une personne publique à contracter avec elles à des conditions de prix désavantageuses et tend à la réparation d'un préjudice né des stipulations du contrat lui-même et résultant de la différence éventuelle entre les termes du marché de travaux publics effectivement conclu et ceux auxquels il aurait dû l'être dans des conditions normales ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'ainsi que l'a jugé à bon droit la cour administrative d'appel de Paris un tel litige relève de la compétence des juridictions administratives, alors même qu'il met en cause une méconnaissance par les sociétés de leur obligation de respecter les règles de la concurrence et non une faute contractuelle ;
Sur les moyens relatifs à la motivation de l'arrêt attaqué :
Considérant que le moyen tiré du défaut d'une analyse suffisante des moyens des parties manque en fait ;
Considérant que la cour a suffisamment motivé son arrêt, au regard des moyens soulevés devant elle par les sociétés requérantes, en se référant, après avoir exposé les faits, aux constatations du Conseil de la concurrence pour caractériser la faute et en qualifiant, au vu de l'instruction, de dolosif le comportement des entreprises ; que, de même, elle n'a pas entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation en jugeant que le préjudice subi par la S.N.C.F. correspondait au surcoût supporté à raison des manoeuvres dolosives des entreprises et, plus spécifiquement, en estimant que la Société Nord France Boutonnat était, au regard de l'instruction, partie prenante à ces manoeuvres dolosives ;
Considérant que, s'il est reproché à la cour de n'avoir répondu ni au moyen tiré de ce que l'impact de l'entente sur la concurrence n'avait pas été établi par les autorités judiciaires, ni à celui tiré de ce que la S.N.C.F. disposait d'indices sérieux de l'existence d'une entente, faisant obstacle à ce que les manoeuvres aient pu vicier son consentement, il ressort des termes mêmes de l'arrêt attaqué que la cour, qui a regroupé les éléments de sa réponse aux divers moyens des parties, a répondu à l'ensemble des moyens soulevés devant elle ; qu'elle n'était pas tenue de répondre point par point à chacun des arguments avancés par les entreprises requérantes ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens relatifs à l'insuffisance de motivation de l'arrêt doivent être écartés ;
Sur les moyens relatifs au contrôle de la régularité de la procédure devant le tribunal administratif :
Considérant qu'en estimant que le tribunal administratif avait respecté les exigences de la procédure contradictoire sur l'ensemble des éléments invoqués par les parties et qu'il n'avait pas à faire droit à des demandes de mesures d'instruction complémentaires relatives à la connaissance des manoeuvres litigieuses qu'aurait acquise la S.N.C.F. avant la passation du contrat, mesures dont la nécessité relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, la cour n'a méconnu ni les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit à un procès équitable, ni l'article R. 611-1 du code de justice administrative, ni le principe du contradictoire ;
Sur les moyens relatifs à l'intérêt à agir de la S.N.C.F. :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 13 février 1997 portant création de l'établissement public "Réseau ferré de France" en vue du renouveau du transport ferroviaire: "Réseau ferré de France est substitué à la Société nationale des chemins de fer français pour les droits et obligations liés aux biens qui lui sont apportés, à l'exception de ceux afférents à des dommages constatés avant le 1er janvier 1997 et à des impôts ou taxes dont le fait générateur est antérieur à cette même date....";
Considérant que les sociétés requérantes soutiennent que l'action relative à la responsabilité du surcoût éventuellement supporté pour l'acquisition d'ouvrages d'infrastructure ferroviaire appartient entièrement, en vertu de la loi du 13 février 1997, à Réseau ferré de France, auquel les ouvrages ont été apportés à leur valeur nette comptable, la S.N.C.F. ne pouvant plus dès lors subir aucun préjudice à raison du prix qui a été payé ; qu'elles ajoutent que, si l'article 6 de la loi du 13 janvier 1997 fait une exception à la substitution de Réseau ferré de France à la S.N.C.F. pour les droits afférents à des dommages liés aux biens transférés constatés avant le 1er janvier 1997, la cour a commis une erreur de droit en jugeant que la constatation des dommages était antérieure à cette date, puisqu'elle ne pouvait intervenir avant la saisine du tribunal administratif, elle-même postérieure au transfert, et en admettant que les dommages en cause pouvaient être regardés comme liés aux biens apportés en propriété à Réseau ferré de France ;
Considérant que, pour admettre l'intérêt à agir de la S.N.C.F., la cour s'est fondée, en premier lieu, sur ce que le dommage, et non seulement l'entente à l'origine de celui-ci, avait été constaté notamment par la Cour des comptes avant le 1er janvier 1997 et, en second lieu, sur ce que la S.N.C.F. conservait, en dépit de la transmission de propriété à Réseau ferré de France, un intérêt direct et certain à demander, en tant que maître d'ouvrage, la réparation d'un préjudice lié à un marché de travaux dont elle avait signé le 28 décembre 1992 le décompte général et définitif ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 6 de la loi du 13 février 1997 que l'action en responsabilité non-contractuelle intentée à raison d'un dol subi en 1989 par la S.N.C.F., dont les effets se sont de surcroît réalisés dans les termes d'un contrat dont l'exécution s'est achevée en 1992 et dont le caractère dommageable a été constaté avant le 1er janvier 1997, ainsi qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond, n'a pas été transférée à Réseau ferré de France comme liée aux biens et immeubles qui lui ont été apportés en propriété ; que c'est dès lors sans erreur de droit que la cour a retenu l'intérêt de la S.N.C.F. à agir en réparation du préjudice que lui a occasionné le comportement des sociétés requérantes à raison des dommages constatés avant le 1er janvier 1997 à des biens dont elle avait alors la propriété ;
Sur les moyens tirés d'erreurs de droit relatives à la responsabilité fondée sur le dol :
Considérant que, pour juger que la responsabilité pécuniaire des entreprises co-contractantes de la S.N.C.F. était engagée, les juges du fond ont estimé qu'il leur appartenait, en présence de manoeuvres dolosives qui, sans être la cause déterminante de la volonté de contracter de la partie qui en a subi les effets, l'ont amenée à accepter des conditions plus onéreuses que celles auxquelles elle aurait dû normalement souscrire, non de prononcer la résolution du contrat, mais de réparer le préjudice subi par cette partie en lui octroyant des dommages-intérêts ;
Considérant que les sociétés requérantes soutiennent que la cour a, à cet égard, commis des erreurs de droit, respectivement en confondant les responsabilités contractuelle et délictuelle, en jugeant que le dol était incident et n'affectait pas de nullité tout le contrat et en ne relevant donc pas la nullité du marché litigieux, alors qu'une erreur sur le prix vicie nécessairement le contrat ;
Considérant que les actions en nullité devant le juge du contrat et en responsabilité quasi-délictuelle auxquelles peut donner lieu un dol viciant le consentement d'une partie à entrer dans des liens contractuels sont indépendantes l'une de l'autre et qu'il appartient à la partie qui en a subi les effets de choisir de s'engager dans l'une ou l'autre des deux actions, ou dans les deux ; que, la S.N.C.F. ayant opté pour une action visant non à la constatation de la nullité du contrat mais à l'octroi d'une indemnité réparant son préjudice, a placé le litige, ainsi qu'elle en avait la possibilité, sur le terrain de la responsabilité quasi-délictuelle des entreprises mises en cause ; que les fautes des entreprises, au regard des règles du doit de la concurrence, ont été effectivement examinées par la cour sur ce terrain ; que, si la cour a relevé à tort que le dol, bien qu'affectant le consentement sur le prix offert, ne devait pas entacher de nullité l'ensemble du contrat, cette circonstance a été sans incidence sur les motifs sur lesquels elle s'est fondée pour retenir la responsabilité des entreprises dès lors qu'elle ne s'est pas prononcée en qualité de juge du contrat sur la validité de celui-ci, mais a statué, ainsi qu'il a été dit, sur la responsabilité quasi-délictuelle des entreprises à raison de leurs agissements dolosifs ;
Considérant que, si les requérantes font en outre valoir que la cour aurait entaché son arrêt d'erreur de droit en présumant le dol, il ne ressort pas de l'arrêt attaqué que la cour, en qualifiant de dol les comportements soumis à son appréciation, ait mis en oeuvre une telle présomption ; que, s'il est également reproché à la cour de s'être fondée, pour caractériser les comportements en cause, sur une décision du Conseil de la concurrence ultérieurement annulée par la cour d'appel de Paris, la référence faite par l'arrêt attaqué aux circonstances de fait retenues par le Conseil de la concurrence, et qui ont au demeurant été confirmées en substance par l'autorité judiciaire, n'est pas constitutive d'une erreur de droit ;
Considérant que les requérantes soutiennent enfin, d'une part, que le dol constitue une qualification juridique erronée en raison de ce que la S.N.C.F. ne pouvait qu'avoir connaissance des manoeuvres, compte tenu de son expérience de tels marchés et de l'exigence d'une vigilance raisonnable qui s'imposait à elle, d'autre part, que constitue une erreur de droit le fait d'avoir estimé que la signature par la S.N.C.F, en connaissance de cause, du décompte général et définitif du marché ne faisait pas obstacle à son action ; que, toutefois, en retenant que ni l'expérience de maître d'ouvrage de la S.N.C.F., ni l'exigence d'une vigilance normale, ni la signature du décompte général et définitif, à une date à laquelle le dol n'avait pas encore été établi dans toute son ampleur, ne faisaient obstacle à ce que puisse être constaté, en l'espèce, l'effet dolosif des manoeuvres dirigées contre l'entreprise publique, la cour, qui a souverainement apprécié les faits soumis à son examen, n'a commis ni erreur de droit ni erreur de qualification juridique ;
Considérant que si, pour écarter le moyen tiré de ce que la S.N.C.F. aurait eu connaissance des agissements des entreprises en cause à une date qui lui permettait encore de ne pas contracter avec elles, la cour a relevé qu'une convention passée entre la S.N.C.F. et la société Eurodisneyland Corporation ne lui permettait plus de passer un nouvel appel d'offres, elle n'a pas, ce faisant, commis l'erreur de droit consistant à interpréter comme opposable aux tiers ladite convention, mais a souverainement apprécié une circonstance de fait et l'a regardée comme contraignante pour l'entreprise publique et comme telle pertinente aux fins de la constitution des éléments du dol ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés d'erreurs de droit relatives à la responsabilité fondée sur le dol doivent être écartés ;
Sur le moyen relatif à la prescription quinquennale :
Considérant que, l'action indemnitaire engagée par la victime du dol n'étant pas une action en nullité ou rescision au sens de l'article 1117 du code civil, les requérantes ne sauraient en tout état de cause se prévaloir de ce que l'article 1304 de ce code prévoit qu'une telle action " dure cinq ans " ; que le moyen doit dès lors être écarté ;
Sur les moyens relatifs au préjudice et au lien de causalité :
Considérant que les moyens tirés de ce que la cour n'aurait pas procédé à une recherche concrète du préjudice mais en aurait seulement postulé l'existence à partir du constat des pratiques anti-concurrentielles, et de ce que le rapport de l'expertise diligentée par le tribunal administratif démontrerait l'absence de préjudice réel supporté par la S.N.C.F. sont inopérants dès lors que la cour était saisie en appel d'un jugement avant-dire droit par lequel le tribunal administratif avait réservé la question de l'évaluation du préjudice ;
Considérant que, si la cour a écarté comme irrecevable la contestation devant elle des opérations d'expertise diligentées par le tribunal administratif, au motif qu'elle était nouvelle en appel, elle n'a pas ce faisant méconnu les dispositions de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, dès lors que cette contestation était, en toute hypothèse, inopérante eu égard aux conclusions dont était saisi le juge d'appel ;
Considérant qu'en retenant qu'il existait entre les agissements dolosifs des entreprises en cause et l'excès de prix supporté par la S.N.C.F. pour l'exécution des travaux un lien de causalité engageant la responsabilité de ces entreprises, la cour, qui a souverainement apprécié l'existence de ce lien de causalité, n'a pas commis une erreur de qualification en lui attribuant un caractère direct ;
Sur les moyens relatifs au partage de responsabilité :
Considérant que, si les requérantes invoquent les erreurs de droit et de qualification juridique qu'aurait commises la cour en omettant de prendre en compte, en vue du partage de responsabilité, le défaut de vigilance attribué à la S.N.C.F. dans la négociation des termes du contrat, la cour toutefois, après avoir exactement qualifié de dol le comportement des entreprises, qualification qui implique que les manoeuvres aient eu un caractère déterminant, n'a ensuite commis ni erreur de droit ni erreur de qualification juridique en excluant toute faute de la S.N.C.F. de nature à exonérer les auteurs des manoeuvres dolosives d'une partie de leur responsabilité ; que les moyens relatifs au partage de responsabilité doivent dès lors être écartés ;
Sur les moyens relatifs à la solidarité entre les sociétés requérantes :
Considérant que les requérantes contestent que leur responsabilité solidaire à raison des manoeuvres ait pu être déduite par la cour de leur seule convention de groupement, laquelle ne concernait que l'exécution du contrat, sans que le rôle particulier de chacune des entreprises dans les faits reprochés ait été recherché, en inférant en particulier la participation à l'entente des entreprises Muller T.P., D.T.P. Terrassement et Demathieu et Bard du seul bénéfice qu'elles ont tiré du marché et en regardant la Société Nord France Boutonnat comme partie prenante ;
Considérant que l'évaluation du degré de participation de chacune des entreprises concernées à l'entente dolosive organisée au détriment de la S.N.C.F. relève de l'appréciation souveraine des juges du fond ; que, s'il est vrai que celle-ci ne peut pas être conduite sur le fondement du seul fait qu'elles ont constitué entre elles une convention de groupement et ont bénéficié du marché, la responsabilité étant recherchée sur une base quasi-délictuelle, donc individuelle, et un tel groupement n'ayant , en lui-même, aucun caractère illégal et ayant pour objet la réalisation des travaux, qui est étrangère au litige, une telle circonstance peut toutefois être prise en compte comme un indice de la participation à une entente, lorsque celle-ci est constituée ; que l'arrêt attaqué a nécessairement pris en compte la convention de groupement de cette manière; que, l'entente ayant été établie par l'autorité judiciaire pour l'ensemble des marchés en cause et les entreprises en cause s'étant vu infliger des sanctions pécuniaires définitives à ce titre, leur solidarité s'agissant du marché relatif au lot 43-C pouvait, sans erreur de droit, être déduite par la cour de l'ensemble des éléments dont elle disposait, alors qu'elle n'était saisie d'aucun appel en garantie de la part des entreprises ; que, dès lors, les moyens relatifs à la solidarité doivent être écartés ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les requêtes doivent être rejetées ;
Sur les conclusions relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la S.N.C.F., qui n'est pas la partie perdante dans l'instance, le paiement d'une somme à ce titre ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de chacune des trois sociétés ou groupes de sociétés requérants, la SOCIETE CAMPENON BERNARD, la SOCIETE BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS ensemble avec la SOCIETE D.T.P. TERRASSEMENT et la SOCIETE DEMATHIEU ET BARD la somme de 2 500 euros que la S.N.C.F. demande, dans chacune des affaires, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de la SOCIETE CAMPENON BERNARD, des SOCIETES BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS et D.T.P. TERRASSEMENT et de la SOCIETE DEMATHIEU ET BARD et les conclusions du pourvoi provoqué de la SOCIETE NORD FRANCE BOUTONNAT sont rejetées.
Article 2 : La SOCIETE CAMPENON BERNARD, d'une part, la SOCIETE BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS ensemble avec D.T.P. TERRASSEMENT d'autre part, la SOCIETE DEMATHIEU ET BARD enfin paieront chacune à la S.N.C.F. une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CAMPENON BERNARD, aux SOCIETES BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS ET D.T.P. TERRASSEMENT, à la SOCIETE DEMATHIEU ET BARD, à la S.N.C.F. et à la société Nord France Boutonnat.