LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 18 novembre 2008), que Mmes X..., Y..., Z..., A..., B..., C..., D... et E..., salariées de la société Gamaver, qui a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 21 octobre 2004, ont été licenciées pour motif économique par lettre du 15 novembre 2004, notifiées par Mme F..., ès qualités de liquidateur ;
Attendu que Mme F... fait grief à l'arrêt de déclarer sans cause réelle et sérieuse les licenciements des salariées et de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Gamaver à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, diverses sommes alors, selon le moyen :
1° / qu'en interrogeant préalablement à la notification des licenciement l'ensemble des sociétés du groupe sur leurs possibilités respectives d'emploi, au moyen d'un courrier individuel comportant en annexe la liste des emplois et des qualifications des salariés dont le licenciement était envisagé, mettant ainsi les destinataires de telles correspondances en mesure d'y répondre en toute connaissance de cause, le liquidateur judiciaire a effectué une recherche valable de reclassement des salariées concernés ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'inféraient de ses propres constatations en violation de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
2° / qu'en se déterminant, pour juger que le liquidateur judiciaire n'aurait pas satisfait à son obligation de reclassement, par le motif selon lequel la description des postes occupés par les salariés dont le reclassement était recherché, ne figurait « qu'en annexe » à la lettre s'adressant aux filiales, la cour d'appel a mis à la charge de l'employeur une exigence formelle qui n'est prévue par aucun texte, violant de plus fort l'article L. 1233-4 du code du travail ;
3° / qu'il appartient au juge de se prononcer sur tous les éléments de preuve versés aux débats par l'employeur pour justifier avoir rempli son obligation de rechercher un reclassement ; qu'en se déterminant, pour juger que le liquidateur judiciaire n'avait pas rempli son obligation de reclassement, par la considération que l'annexe comportant la description des postes occupés par les salariés candidats au reclassement n'aurait pas été pas produite, cependant que ladite annexe avait bel et bien été versée aux débats, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
4° / que lorsque l'obligation de reclassement incombe au mandataire d'une société en liquidation judiciaire, le respect par ce dernier de cette obligation doit être apprécié à l'aune de l'article L. 3253-8-2° du code du travail aux termes duquel, pour que le CGEA garantisse les créances résultant de la rupture des contrats de travail, les licenciements doivent être prononcés « dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation », ce qui laisse moins de quinze jours au liquidateur pour mener à bien la recherche d'un reclassement ; qu'en s'abstenant de prendre en considération cette donnée fondamentale sur laquelle son attention avait pourtant été spécialement attirée, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé, ensemble l'article L. 1233-4 du même code ;
Mais attendu d'abord, que la constatation de l'arrêt relative au défaut de production de pièces ne peut être contestée que par la voie de l'inscription de faux ;
Attendu ensuite que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, et qui a relevé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, qu'aucune recherche sérieuse et individualisée de reclassement n'avait été effectuée, le liquidateur judiciaire s'étant borné à envoyer à diverses entreprises spécialisées dans le même secteur d'activité, une lettre identique, sans que soient précisées les caractéristiques des emplois occupés par les salariées, ni leur qualification, a par ce seul motif légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme F..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme F..., ès qualités, à payer à Mmes E..., X..., A..., B... et C..., chacune la somme de 300 euros, à Mme Y... 432, 87 euros, à Mme Z... 242, 64 euros et à Mme D... 181, 46 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils pour Mme F..., ès qualités.
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré sans cause réelle et sérieuse les licenciements de Mmes X..., Y..., Z..., A..., B..., C..., D... et E... et d'AVOIR en conséquence fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société GAMAVER, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 37. 000 € au profit de Mme X..., 37. 000 € au profit de Mme Y..., 32. 000 € au profit de Mme Z..., 32. 000 € au profit de Mme A..., 32. 000 € au profit de Mme B..., 39. 000 € au profit de Mme C..., 30. 000 € au profit de Mme D..., et 43. 000 € au profit de Mme E... ;
AUX MOTIFS QUE « l'employeur était tenu de s'acquitter de bonne foi de son obligation de reclassement, celle-ci incombant également au mandataire liquidateur ; qu'il ressort des documents produits que le mandataire liquidateur s'est adressé par une lettre identique à de multiple entreprises spécialisées dans le travail du verre, y compris ALPHAVER ; que ses recherches n'étaient cependant pas individualisées, ne comprenaient qu'en annexe une description des postes concernés par les risques de licenciement qui n'est d'ailleurs pas produite ; que par ailleurs, il ne saurait être fait grief à Mme C... d'avoir refusé l'unique proposition de reclassement géographiquement très éloignée de son domicile mais surtout intervenue postérieurement à son licenciement ; que les licenciements sont donc sans cause réelle et sérieuse » ;
ALORS 1°) QU'en interrogeant préalablement à la notification des licenciement l'ensemble des sociétés du groupe sur leurs possibilités respectives d'emploi, au moyen d'un courrier individuel comportant en annexe la liste des emplois et des qualifications des salariés dont le licenciement était envisagé, mettant ainsi les destinataires de telles correspondances en mesure d'y répondre en toute connaissance de cause, le liquidateur judiciaire a effectué une recherche valable de reclassement des salariées concernés ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'inféraient de ses propres constatations en violation de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
ALORS 2°) QU'en se déterminant, pour juger que le liquidateur judiciaire n'aurait pas satisfait à son obligation de reclassement, par le motif selon lequel la description des postes occupés par les salariés dont le reclassement était recherché, ne figurait « qu'en annexe » à la lettre s'adressant aux filiales (arrêt, p. 6, 1er al.), la cour d'appel a mis à la charge de l'employeur une exigence formelle qui n'est prévue par aucun texte, violant de plus fort l'article L. 1233-4 du code du travail ;
ALORS 3°) QU'il appartient au juge de se prononcer sur tous les éléments de preuve versés aux débats par l'employeur pour justifier avoir rempli son obligation de rechercher un reclassement ; qu'en se déterminant, pour juger que le liquidateur judiciaire n'avait pas rempli son obligation de reclassement, par la considération que l'annexe comportant la description des postes occupés par les salariés candidats au reclassement n'aurait pas été pas produite (arrêt, p. 6, 1er al.), cependant que ladite annexe avait bel et bien été versée aux débats, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
ALORS 4°) QUE lorsque l'obligation de reclassement incombe au mandataire d'une société en liquidation judiciaire, le respect par ce dernier de cette obligation doit être apprécié à l'aune de l'article L. 3253-8-2° du code du travail aux termes duquel, pour que le CGEA garantisse les créances résultant de la rupture des contrats de travail, les licenciements doivent être prononcés « dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation », ce qui laisse moins de quinze jours au liquidateur pour mener à bien la recherche d'un reclassement ; qu'en s'abstenant de prendre en considération cette donnée fondamentale sur laquelle son attention avait pourtant été spécialement attirée (conclusions de maître F..., p. 11, al. 9, reprises à la barre), la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé, ensemble l'article L. 1233-4 du même code.