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14/12/2000 | FRANCE | N°99-87015

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 décembre 2000, 99-87015


CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... Patrick, Y... Olivier, Z... Philippe,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 13 septembre 1999, qui, pour recel du délit de fraude fiscale, a condamné les deux premiers à 1 an d'emprisonnement avec sursis, 15 000 francs d'amende et 5 ans d'interdiction des droits visés à l'article 131-26. 3° et 4° du Code pénal, à l'exception du droit de représenter ou d'assister une partie en justice, et a condamné le troisième à 2 ans d'emprisonnement avec sursis, 25 000 francs d'amende, 5 ans d'inter

diction des droits civiques, civils et de famille, à l'exception du ...

CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... Patrick, Y... Olivier, Z... Philippe,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 13 septembre 1999, qui, pour recel du délit de fraude fiscale, a condamné les deux premiers à 1 an d'emprisonnement avec sursis, 15 000 francs d'amende et 5 ans d'interdiction des droits visés à l'article 131-26. 3° et 4° du Code pénal, à l'exception du droit de représenter ou d'assister une partie en justice, et a condamné le troisième à 2 ans d'emprisonnement avec sursis, 25 000 francs d'amende, 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, à l'exception du droit de représenter ou d'assister une partie en justice, et 5 ans d'interdiction d'exercer la profession d'avocat.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour Olivier Y..., pris de la violation des articles 111-4 et 321-1 du Code pénal, 460 de l'ancien Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Olivier Y... coupable de recel de fraude fiscale commis de janvier 1992 au 7 février 1997 pour un montant de 900 000 francs ;
" aux motifs qu'Alain A... a été embauché au sein de Ace pour un salaire modeste seulement à partir du 4 novembre 1993 et qu'en 1991 il ne disposait d'aucun revenu déclaré ; qu'il résulte que les fonds très importants dont il disposait fin 1991 provenaient de l'activité commerciale partiellement non déclarée de la société Ace, et résultaient d'une fraude fiscale par dissimulation de recettes et prestations sans facture ; que la réalité de cette fraude a été révélée par plusieurs déclarations au dossier ; que M. B... a reconnu la réalité d'un contrôle fiscal sur la comptabilité d'Ace sur les années antérieures à 1992, contrôle qui avait donné lieu à un redressement à l'origine des difficultés financières de la société ; que, de même, le dossier de poursuite pour banqueroute par défaut de comptabilité contre M. B... révèle que l'expert comptable de la SARL Ace avait déploré l'absence d'un nombre important de factures clients et fournisseurs pour les exercices 1990 et 1991 ; qu'Olivier Y... a reconnu que l'argent ne pouvait avoir qu'une origine frauduleuse ;
" alors que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que le recel suppose la constatation certaine que les fonds reçus ont eu une origine frauduleuse, soit qu'ils aient été " enlevés, détournés ou obtenus " à l'aide d'un crime ou d'un délit, selon la formule de l'ancien Code pénal, soit qu'ils aient été " le produit " d'un crime ou d'un délit, selon la formule du nouveau Code pénal ; que la méconnaissance partielle par une entreprise commerciale de ses obligations déclaratives à l'administration fiscale ne peut servir de support à un prétendu délit de recel de fraude fiscale dès lors que, si cette méconnaissance a pu avoir pour effet de porter atteinte à la créance du Trésor public, elle n'emporte pas cette conséquence nécessaire que tous fonds sortis même en espèces du patrimoine de cette entreprise et ce, pour un montant sans rapport avec une fraude dont le montant est resté indéterminé aient été " obtenus " à l'aide d'un délit de fraude fiscale ou en soient " le produit " " ;
Sur le moyen unique de cassation, en ses 1re, 2e, 5e et 6e branches, proposé pour Patrick X..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 460 de l'ancien Code pénal, 321-1 du nouveau Code pénal, 1741 du Code général des impôts, 228 du Livre des procédures fiscales, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; ensemble violation du principe " nullum crimen sine lege ", défaut et contradiction de motifs, et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, requalifiant l'infraction de recel de blanchiment du produit de trafic de stupéfiants en recel de délit de fraude fiscale a déclaré Patrick X... coupable de ce délit et est entré en voie de répression à son encontre ;
" aux motifs que les déclarations de M. C... passées hors procès-verbal d'audition à un stade très troublé de son existence et celles de M. B..., qui faisant de simples affirmations peut avoir un intérêt à dissimuler la situation réelle, ne peuvent suffire à établir l'existence d'un trafic important de stupéfiants qui aurait ensuite permis à Alain A... d'investir 900 000 francs ; que Philippe Z... a déclaré (...) qu'Alain A... était associé dans la société Ace créée en octobre 1988 sans avoir cherché à vérifier cette assertion, affirmant avoir cru que la somme de 900 000 francs apportée en espèces à son cabinet par Alain A... provenait d'une fraude fiscale au sein de la société Ace ; que si Philippe Z... a agi avec un profond mépris pour les règles de sa profession, maniant sans hésitation des espèces hors comptabilité Carpa, la seule connaissance qu'Alain A... avait été par le passé emprisonné ne peut suffire pour affirmer qu'il savait fin décembre 1991, que cette somme était le produit d'un trafic de stupéfiants ; (...) qu'en revanche, il résulte suffisamment des déclarations de Philippe Z... et Kamel D...qu'Alain A... avait des intérêts dans la société Ace ; que Kamel D...précisait même qu'Alain A... avait investi des fonds dans le capital de cette société mais ne voulait pas apparaître sur les documents officiels ; que Philippe Z... admettait même que les sommes d'argent importantes dont Alain A... disposait provenaient de l'imprimerie Ace dans laquelle ce dernier affirmait avoir investi des fonds de l'ordre de 400 000 francs (...) ; que le projet de création d'une société Finitions devant reprendre l'activité d'Ace et sur lequel l'avocat avait été consulté était à l'initiative d'Alain A... ce que M. B... confirmait ; que ceci confirme l'implication d'Alain A... dans Ace ; que les pièces du dossier révèlent qu'Alain A... a été embauché au sein de Ace pour un salaire modeste seulement à partir du 4 novembre 1993, et qu'en 1991 il ne disposait d'aucun revenu déclaré ; qu'il résulte que les fonds très importants dont il disposait fin 1991 provenaient de l'activité commerciale partiellement non déclarée de la société Ace et résultaient d'une fraude fiscale par dissimulation de recettes et prestations sans facture ; que la réalité de cette fraude a été révélée par plusieurs déclarations au dossier ; que M. B... a reconnu la réalité d'un contrôle fiscal sur la comptabilité d'Ace sur les années antérieures à 1992, contrôle qui avait donné lieu à un redressement à l'origine des difficultés financières de la société ; que, de même, le dossier de poursuite pour banqueroute et défaut de comptabilité contre M. B... révèle que l'expert-comptable de la SARL Ace avait déploré l'absence d'un nombre important de factures clients et fournisseurs pour les exercices 1990 et 1991 ; que Philippe Z... a reconnu qu'Alain A... lui avait avoué que la somme investie dans l'hôtel avait été sortie en espèces d'Ace pour éviter les conséquences d'un contrôle fiscal et d'un contrôle de l'URSSAF (...) ; que Philippe Z... connaissait la réalité des problèmes fiscaux d'Alain A... puisqu'il était venu le consulter au sujet du contrôle fiscal intervenu en 1992 dans la société Ace et portant sur les 4 années antérieures (...), procédure dont l'avocat n'avait pas voulu s'occuper ;
qu'il est donc avéré que les fonds dont disposait Alain A... fin 1991, alors qu'il n'avait eu auparavant et n'avait aucune activité salariée, provenaient d'une activité non comptabilisée et non déclarée de l'entreprise dans laquelle il était intéressé et donc du délit de fraude fiscale de l'article 1741 du Code général des impôts par dissimulation de recettes pour les faire échapper à l'impôt des sociétés et par dissimulation de revenus personnels d'Alain A... ; que Philippe Z... avait connaissance de la provenance frauduleuse de cette somme de 900 000 francs environ lorsqu'il l'a reçue puis transmise, puisqu'il a lui même expliqué à Patrick X... les conditions et causes dans lesquelles cette somme avait été sortie de l'imprimerie Ace ;
" et aux motifs encore que Patrick X... et Olivier Y... sont poursuivis pour avoir recelé une somme de 900 000 francs en 1992 et depuis temps non couvert par la prescription, somme qu'ils savaient provenir du délit de blanchiment d'argent provenant du trafic de stupéfiants ; que cette dernière infraction n'étant pas établie contre Philippe Z..., les poursuites ne peuvent être retenues en l'état ; que, cependant, les éléments du dossier imposent de requalifier la prévention en recel d'une somme de 900 000 francs provenant d'un délit ; qu'en effet, pour caractériser le recel, il n'est pas nécessaire que le receleur ait eu connaissance précise de la nature et de l'auteur de l'infraction préalable ; qu'en l'espèce, Patrick X... et Olivier Y... qui étaient à la recherche d'une somme d'argent en espèces, pour pouvoir la remettre dans le cadre de l'achat d'un fonds de commerce sous la forme d'un " dessous de table " non déclaré, ne pouvaient avoir aucun doute sur l'origine frauduleuse d'une somme particulièrement importante, remise en espèces, par un avocat, en dehors de la comptabilité de celui-ci et de son compte Carpa ; que Philippe Z... a déclaré qu'il avait lui même expliqué à Patrick X... que cet argent en espèces avait été sorti de la société d'imprimerie par Alain A..., afin d'éviter les conséquences d'un contrôle fiscal et URSSAF ; qu'Olivier Y... et Patrick X... ont également reconnu qu'ils avaient alors pensé que cet argent provenait d'une activité commerciale non facturée et non déclarée, peu important leur incertitude sur la nature de l'activité concernée ; qu'ainsi, les conditions matérielles de la remise de cette somme, son importance même, l'usage auquel elle était destinée parfaitement connu d'Olivier Y... et Patrick X... et la personnalité de l'investisseur décrite par les prévenus qui ont effectivement rencontré Alain A..., ne leur permettaient pas d'ignorer au moment où ils les recevaient que ces fonds provenaient d'un délit de fraude fiscale ;
" alors, de première part, que, ne peut être receleur celui qui a reçu des fonds d'une personne à qui ils appartenaient à la date de la remise, peu important que celle-ci se fût rendue coupable de fraude fiscale, circonstance qui la rendait seulement débitrice envers le Trésor mais ne la dessaisissait pas de la propriété de ces fonds ; que, dès lors, en entrant en voie de répression d'un délit de recel de fraude fiscale qui ne peut légalement exister, la cour d'appel a violé les textes susvisés, spécialement l'article 460 de l'ancien Code pénal, ensemble le principe " nullum crimen sine lege " ;
" alors, de deuxième part, que, à supposer même que le délit de recel de fraude fiscale puisse résulter des dispositions de l'article 321-1 du nouveau Code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994, Patrick X... ne pouvait légalement être déclaré coupable de ce délit pour avoir détenu des fonds qui lui avaient été remis en janvier 1992 ; qu'ainsi, en toute hypothèse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, de cinquième part, que, plus subsidiairement encore, les personnes physiques ne répondent, en qualité d'auteur principal, du délit de fraude fiscale d'une personne morale que si elles la dirigent en droit ou en fait ; que, dès lors, en se bornant à affirmer qu'Alain A... avait des intérêts dans la société Ace dirigée par M. B..., sans aucunement rechercher s'il pouvait être assimilé en 1991 à un dirigeant de fait de cette société, la cour d'appel n'a pas légalement caractérisé l'existence du délit originaire de fraude fiscale, ni subséquemment celle du recel de ce délit, et a, de ce chef, également violé les textes susvisés ;
" alors, de sixième part, que, et à titre infiniment subsidiaire, ayant expressément constaté que Patrick X... et Olivier Y... étaient à la recherche d'une somme d'argent en espèces, pour pouvoir la remettre dans le cadre de l'achat d'un fonds de commerce sous la forme d'un dessous de table, la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, se fonder ensuite sur les conditions matérielles de la remise de cette somme pour en déduire qu'elles ne permettaient pas aux prévenus d'ignorer au moment où ils les recevaient que les fonds provenaient d'un délit de fraude fiscale ; que, ce faisant, elle n'a pas légalement caractérisé l'élément intentionnel du délit de recel, en violation, une fois encore, des textes susvisés " ;
Et sur le moyen de cassation relevé d'office pour Philippe Z..., pris de la violation des articles 111-4, 321-1 et 460 ancien du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, et manque de base légale :
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 321-1 du Code pénal ;
Attendu que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relever tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ;
Attendu que, pour déclarer Patrick X..., Olivier Y... et Philippe Z... coupables de recel du délit de fraude fiscale, les juges du second degré se prononcent par les motifs repris aux moyens et, notamment, énoncent que Philippe Z... a admis que les sommes d'argent importantes dont disposait Alain A..., qui n'avait aucun revenu apparent, provenaient de l'activité partiellement non déclarée d'une société Ace, dans laquelle ce dernier avait investi des fonds sans apparaître officiellement, et résultaient d'une fraude fiscale par dissimulation de recettes et prestations sans facture et qu'il connaissait donc la provenance frauduleuse de la somme prêtée ;
Qu'ils ajoutent que Philippe Z... avait indiqué l'origine de la somme litigieuse à Patrick X... ; que, pour caractériser le recel, il n'est pas nécessaire que le receleur ait une connaissance précise de la nature et de l'auteur de l'infraction préalable ; que les prévenus avaient reconnu s'être doutés que l'argent provenait d'une activité commerciale non facturée et non déclarée et que les circonstances de la remise des fonds ne leur permettaient pas d'ignorer qu'ils résultaient d'une fraude fiscale ;
Mais attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, qui ne caractérisent pas le délit principal de fraude fiscale faute d'avoir constaté l'existence d'une plainte préalable de l'Administration et de la procédure fiscale antérieure, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Caen, en date du 13 septembre 1999, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-87015
Date de la décision : 14/12/2000
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

RECEL - Eléments constitutifs - Elément légal - Infraction originaire - Fraude fiscale - Procédure - Constatations nécessaires.

Encourt la cassation l'arrêt de la cour d'appel qui déclare un prévenu coupable de recel de fraude fiscale sans caractériser le délit principal de fraude fiscale, faute d'avoir constaté l'existence d'une plainte préalable de l'Administration et de la procédure fiscale antérieure. .


Références :

Code pénal 321-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen (chambre correctionnelle), 13 septembre 1999


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 déc. 2000, pourvoi n°99-87015, Bull. crim. criminel 2000 N° 381 p. 1181
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2000 N° 381 p. 1181

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Cotte
Avocat général : Avocat général : M. Launay.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme de la Lance.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Piwnica et Molinié, MM. Cossa, de Nervo.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:99.87015
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