AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Dominique X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 6 octobre 1999 par la cour d'appel de Paris (21e chambre, section A), au profit du Centre national des jeunes agriculteurs, dont le siège est ...,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 juillet 2001, où étaient présents : M. Le Roux-Cocheril, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, M. Texier, Mme Lemoine Jeanjean, conseillers, M. Poisot, Mme Bourgeot, conseillers référendaires, M. Benmakhlouf, premier avocat général, M. Nabet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Le Roux-Cocheril, conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. X..., de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat du Centre national des jeunes agriculteurs, les conclusions de M. Benmakhlouf, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. X..., engagé le 10 juin 1987 en qualité de rédacteur en chef et de chef de service de presse du journal "Jeunes Agriculteurs" par le Centre national des jeunes agriculteurs (CNJA), a été licencié le 31 janvier 1996 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 6 octobre 1999) de l'avoir débouté de sa demande tendant à ce que soit prononcée la nullité de son licenciement, alors, selon le moyen :
1 / qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les griefs matériellement vérifiables énoncés dans la lettre de licenciement n'étaient pas établis ; qu'il s'en déduit que le licenciement de M. Dominique X... était fondé sur "un désaccord sur les orientations politiques et rédactionnelles du journal "Jeunes Agriculteurs"", et donc sur ses opinions politiques, contrairement aux exigences de l'article L. 122-45 du Code du travail, ainsi violé ;
2 / que le désaccord exprimé portait expressément sur les "orientations" du journal et non sur la seule conception de la revue, ainsi qu'il a été jugé ; que, sous couvert d'interprétation, la cour d'appel a donc méconnu la portée de la lettre de licenciement, violant ainsi l'article L. 122-14-2 du Code du travail ;
Mais attendu que c'est par une interprétation que les termes ambigus de la lettre de licenciement rendaient nécessaire que les juges du fond ont estimé que le licenciement avait été prononcé, non en raison des opinions politiques du salarié mais en raison de son désaccord sur les orientations, le contenu et le mode d'élaboration de la revue, sur un manque de transparence et de concertation vis-à-vis de l'équipe dirigeante ayant engendré des déficiences dans la rédaction du journal ;
que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que M. X... n'avait pas la qualité de journaliste professionnel, alors, selon le moyen :
1 / qu'aux termes de l'article L. 761-2 du Code du travail, le journaliste professionnel est celui qui a pour occupation principale régulière et rétribuée l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques, sans qu'il soit exigé que ce soit dans une entreprise dont l'objet principal est la presse ; qu'une publication, au sens de cet article, se trouve caractérisée par la présence d'articles d'information et d'opinion revêtant un intérêt général ; que, dès lors, la cour d'appel a ajouté aux dispositions dudit article L. 761-2, ainsi violé, une condition qu'il ne comporte pas, violant en outre les articles 1 et 2 de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse ;
2 / que la cour d'appel ne pouvait affirmer qu'il n'était pas démontré que la publication du journal des "Jeunes Agriculteurs" soit autre chose que le vecteur médiatique de la ligne du mouvement syndical sans répondre aux conclusions de l'intéressé qui soulignait que l'attribution d'un numéro par la commission paritaire des publications et des agences de presse démontrait que celle-ci estimait que le journal relevait du régime de la presse et comportait suffisamment d'articles d'information ou d'opinion revêtant un caractère général ; que, de ce chef, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, enfin, qu'aux termes de l'article R. 761-3 du Code du travail, la carte d'identité des journalistes prévue par les articles L. 761-15 et L. 761-16 du même Code, "ne peut être délivrée qu'aux personnes répondant aux conditions fixées par l'article L. 761-2" ;
qu'en écartant le fait quel'intéressé était titulaire d'une carte d'identité de journaliste, laquelle valait reconnaissance par l'autorité administrative de la satisfaction aux critères dudit article L. 761-2, la cour d'appel a méconnu tant les articles L. 761-15 et R. 761-3 du Code du travail que le principe de la séparation des pouvoirs ;
Mais attendu qu'ayant retenu que le Centre national des jeunes agriculteurs, syndicat professionnel, n'était pas une entreprise de journaux ou périodiques, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions invoquées, a décidé, à bon droit, que M. X... ne pouvait avoir la qualité de journaliste professionnel, peu important qu'une carte de journaliste professionnel lui ait été remise ou qu'un numéro ait été attribué à la revue par la commission paritaire des publications et des agences de presse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille un.