Attendu que, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 17 juin 1997), a été déclaré le 6 novembre 1995 un groupement se prévalant de la qualité de syndicat professionnel et qui a pris la dénomination de Front national de la Police (FNP) ; qu'estimant qu'il n'était qu'une émanation d'un parti politique dont il reprenait le nom et qu'il s'appropriait une dénomination identique à celle des policiers membres du Comité national de la Résistance, le Syndicat national des policiers en tenue (SNPT), la Confédération générale du travail (CGT) et la Fédération autonome des syndicats de Police (FASP) l'ont assigné aux fins de lui voir interdire de se prévaloir de la qualité de syndicat et d'utiliser la dénomination de Front national de la Police ; que la Fédération générale des syndicats de Police nationale CGT, la Fédération nationale des syndicats CFDT des personnels du ministère de l'Intérieur, des collectivités locales et de leurs services publics ou privés, du ministère des Relations extérieures, du ministère des Affaires sociales (INTERCO-CFDT) et le syndicat CFDT Police Ile-de-France sont intervenus volontairement dans l'instance ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que le FNP fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen, que, d'une part, l'interdiction qui lui a été faite de bénéficier des droits réservés aux syndicats professionnels et de se prévaloir, en toute circonstance et par tout moyen d'expression, de la qualité de syndicat professionnel, pour un syndicat légalement constitué et déclaré, équivaut à prononcer la dissolution dudit syndicat dont l'existence même se trouve déniée et que seul le procureur de la République était compétent pour solliciter une telle dissolution ; alors que, d'autre part, les interdictions ordonnées à l'encontre du FNP légalement déclaré constituant une violation de l'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 2 de la Convention internationale du travail n° 87 du 9 juillet 1948 et de l'alinéa 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'arrêt a violé le principe de la liberté syndicale et les textes précités ;
Mais attendu que si, en vertu du principe de la liberté syndicale consacré par l'alinéa 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 2 de la Convention internationale du travail n° 87, les syndicats peuvent se constituer librement, ce principe ne fait pas obstacle à ce qu'indépendamment du droit pour le procureur de la République de demander la dissolution d'un syndicat dans les conditions prévues par l'article L. 481-1 du Code du travail en cas d'infractions commises par ses dirigeants ou administrateurs, toute personne justifiant d'un intérêt à agir soit recevable à contester la qualité de syndicat professionnel d'un groupement dont l'objet ne satisfait pas aux exigences des articles L. 411-1 et L. 411-2 du Code du travail ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que les syndicats avaient un intérêt légitime à agir, a décidé, à bon droit, que leur action était recevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que le FNP fait encore grief à l'arrêt d'en avoir ainsi décidé, alors, selon le moyen, que la cour d'appel ne pouvait déduire du fait qu'il ait adopté pour partie la même dénomination qu'un parti politique, le Front national, ce que nul texte ne prohibe, que l'activité du FNP n'ait pas été rigoureusement conforme à l'objet figurant à ses statuts, à savoir l'étude et la défense des droits de ses adhérents syndiqués et qu'un tel motif consacre une fausse application de l'article L. 411-1 du Code du travail ; alors que rien, ni dans les statuts du FNP, ni dans son action, ni dans les déclarations de ses dirigeants ne révélant que l'action du FNP ait été subordonnée à des objectifs politiques, rien ne lui interdisait la poursuite des buts professionnels de ses adhérents par référence aux tendances et options d'un parti politique, la cour d'appel ne pouvait justifier sa décision par seule référence à ces tendances et à ces options, motif inopérant, sans rechercher si le FNP n'avait pas un objet et n'exerçait pas une activité strictement conforme à la définition que donne du syndicat professionnel l'article L. 411-1 du Code du travail ; alors, enfin, que la cour d'appel ne pouvait se contenter d'affirmer sans la moindre motivation et sans la moindre justification que le FNP tendait à " promouvoir la doctrine du Front national sous la dépendance duquel il se trouve " ou qu'il avait été " conçu et créé comme vecteur " de ce parti dans le milieu professionnel de la Police, et que son arrêt se trouve entaché de ce fait d'insuffisance de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, par application combinée des articles 1131 du Code civil, L. 411-1 et L. 411-2 du Code du travail, un syndicat professionnel ne peut pas être fondé sur une cause ou en vue d'un objet illicite ; qu'il en résulte qu'il ne peut poursuivre des objectifs essentiellement politiques ni agir contrairement aux dispositions de l'article L. 122-45 du Code du travail et aux principes de non-discrimination contenus dans la Constitution, les textes à valeur constitutionnelle et les engagements internationaux auxquels la France est partie ;
Et attendu que l'arrêt attaqué, par motifs propres et adoptés, retient souverainement que le FNP n'est que l'instrument d'un parti politique qui est à l'origine de sa création et dont il sert exclusivement les intérêts et les objectifs en prônant des distinctions fondées sur la race, la couleur, l'ascendance, l'origine nationale ou ethnique ; qu'en l'état de ces énonciations, le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
MOYENS ANNEXES
Moyens produits par M. Pradon, avocat aux Conseils, pour le syndicat Le Front national de la Police (FNP).
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement qui avait dit que le FNP n'avait pas un objet conforme aux dispositions de l'article L. 411-1 du Code du travail et d'avoir en conséquence décidé qu'il ne pouvait " bénéficier des droits réservés aux syndicats professionnels " et de lui avoir " fait interdiction de se prévaloir en toute circonstance et par tout moyen d'expression de la qualité de syndicat professionnel de la fonction publique sous les dénominations syndicat professionnel Front national Police ou sous le sigle FNP ou par l'utilisation accolée ou non à un autre mot ou signe du sigle distinctif (du parti politique Front national) ", et qui avait en conséquence déclaré recevable en leur action ou en leur intervention les syndicats demandeurs ;
AUX MOTIFS D'UNE PART QUE certes seul " le procureur de la République a qualité pour agir en dissolution d'un syndicat ", mais que l'action exercée contre le FNP tend, non pas à obtenir sa dissolution, mais à faire constater qu'il ne constitue pas un syndicat professionnel, partant à lui interdire de se prévaloir de cette qualité, qu'aucun texte ne réserve l'exercice d'une telle action au procureur de la République ;
ET AUX MOTIFS D'AUTRE PART que le FNP " n'est pas fondé à qualifier celle-ci d'entrave à l'exercice du droit syndical dès lors qu'à raison de son objet elle ressortit non de l'exercice, mais à l'existence même du droit syndical ;
ALORS QUE D'UNE PART l'interdiction faite au FNP de bénéficier des droits réservés aux syndicats professionnels et de se prévaloir, en toute circonstance et par tout moyen d'expression, de la qualité de syndicat professionnel, pour un syndical légalement constitué et déclaré, équivaut à prononcer la dissolution dudit syndicat dont l'existence même se trouve déniée et que seul le procureur de la République était compétent pour solliciter une telle dissolution ;
ALORS QUE D'AUTRE PART les interdictions ordonnées à l'encontre du syndicat FNP légalement constitué et déclaré constituant une violation des articles 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 2 de la Convention internationale du Travail n° 87 de l'OIT du 9 juillet 1948 et l'alinéa 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'arrêt sera cassé pour violation du principe de la liberté syndicale et des textes précités ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement qui avait dit que le FNP n'avait pas un objet conforme aux dispositions de l'article L. 411-1 du Code du travail et d'avoir en conséquence décidé qu'il ne pouvait "bénéficier des droits réservés aux syndicats professionnels" et de lui avoir "fait interdiction de se prévaloir en toute circonstance et par tout moyen d'expression de la qualité de syndicat professionnel de la fonction publique sous les dénominations syndicat professionnel Front national Police ou sous le sigle FNP ou par l'utilisation accolée ou non à un autre mot ou signe du sigle distinctif (du Parti politique Front national)" ;
AUX MOTIFS QUE, selon l'article L. 411-1 du Code du travail les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux tant collectifs qu'individuels des personnes visées par leurs statuts, que certes aux termes de ses statuts actuels le FNP "l'objet de cette organisation est de procéder à l'étude et à la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels de tous les fonctionnaires appartenant au ministère de l'Intérieur et des collectivités territoriales", mais "qu'en adoptant la dénomination Front national de la Police, ladite organisation s'est, relativement à son identification, ostensiblement confondue avec le parti politique dénommé "Front national" ; qu'en outre selon les déclarations du président du parti politique Front national, "le FNP a été délibérément conçu et créé par le Front national comme vecteur de l'action de ce parti politique dans le milieu professionnel de la Police", qu'il est ainsi établi que, sous couvert d'un objet formellement conforme à l'article L. 411-1 du Code du travail, le FNP "tend en réalité à promouvoir la doctrine politique du Front national sous la dépendance duquel il se trouve" ; qu'il ne satisfait pas aux exigences légales auxquelles est subordonné l'octroi de la qualité de syndicat professionnel,
ALORS QUE D'UNE PART la Cour ne pouvait déduire du fait que le syndicat "Front national de la Police" ait "adopté" pour partie une même dénomination qu'un parti politique, le Front national, ce que nul texte ne prohibe, que l'activité du FNP n'ait pas été rigoureusement conforme à l'objet figurant à ses statuts, à savoir l'étude et la défense des droits de ses adhérents syndiqués et qu'un tel motif consacre une fausse application de l'article L. 411-1 du Code du travail ;
ALORS QUE D'AUTRE PART rien, ni dans les statuts du FNP, ni dans son action, ni dans les déclarations de ses dirigeants ne révélant que l'action syndicale du FNP ait été subordonnée à des objectifs politiques, rien n'interdisait au syndicat la poursuite des buts professionnels de ses adhérents par référence aux tendances et options d'un parti politique, la Cour ne pouvait justifier sa décision par seule référence à ces tendances et à ces options motif inopérant, sans rechercher si le syndicat le FNP n'avait pas un objet et n'exerçait pas une activité strictement conforme à la définition que donne du syndicat professionnel l'article L. 411-1 du Code du travail ;
ALORS QU'ENFIN la Cour ne pouvait se contenter d'affirmer sans la moindre motivation et sans la moindre justification que le FNP tendait à "promouvoir la doctrine du Front national sous la dépendance duquel il se trouve" ou qu'il avait été "conçu et créé comme vecteur" de ce parti dans le milieu professionnel de la Police, et que son arrêt se trouve entaché de ce fait d'insuffisance de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.