Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 décembre 1992), que le trésorier-payeur général des Bouches-du-Rhône (le trésorier-payeur général) a obtenu la remise matérielle d'un certain nombre de bons au porteur souscrits par une société auprès de la banque Crédit lyonnais (la banque), dont il a réclamé le paiement ; que la banque s'y est opposée en faisant état de l'expiration, le 26 mai 1983, de la prescription conventionnelle de trois ans attachée au remboursement des bons ; que la demande en paiement a été en conséquence déclarée irrecevable ;
Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la banque :
Attendu que la banque soutient que, n'étant pas le comptable public chargé du recouvrement des impôts à l'occasion duquel la saisie mobilière avait été effectuée, le trésorier-payeur général est sans qualité à former pourvoi contre la décision le déboutant ;
Mais attendu qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'une instance de nature fiscale, mais d'une action qui, tendant au paiement de bons de caisse à leur porteur, obéit aux règles procédurales de droit commun ; qu'il s'ensuit que le trésorier-payeur général a qualité à former pourvoi ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que le trésorier-payeur général reproche à l'arrêt d'avoir déclaré sa demande irrecevable parce que prescrite alors, selon le pourvoi, qu'aux termes de l'article 189 bis du Code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par 10 ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ; qu'en l'absence de texte prévoyant une prescription plus courte pour le remboursement des bons de caisse, c'est la prescription décennale qui est seule applicable, la volonté des parties étant impuissante à placer les bons de caisse sous le régime de la prescription des effets de commerce, qui leur est étranger ainsi que le constate la cour d'appel ; qu'en estimant pourtant que la prescription de trois ans figurant sur les bons de caisse émis par le Crédit lyonnais avait été valablement stipulée et pouvait être opposée au Trésor public, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Mais attendu qu'après avoir retenu, par une disposition non critiquée par le pourvoi, que la prescription litigieuse était celle prévue par l'article 189 bis, et non par l'article 179 du Code de commerce, ce dont ils ont déduit à bon droit que le délai pouvait en être conventionnellement réduit, les juges d'appel ont, appréciant souverainement la portée des éléments de preuve qui leur étaient soumis, décidé que telle avait été l'intention des parties à la remise des fonds ; que le moyen n'est pas fondé en sa première branche ;
Sur les deuxième et troisième branches du moyen, réunies :
Attendu que le trésorier-payeur général reproche encore à l'arrêt d'avoir écarté son moyen relatif à l'impossibilité d'agir pendant le délai conventionnel de prescription, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la prescription ne court pas à l'encontre de celui qui, confronté à un obstacle insurmontable, se trouve dans l'impossibilité d'agir ; qu'estimant que le trésorier-payeur général ne démontrait pas l'existence d'un cas de force majeure qui l'aurait empêché d'assigner la banque avant le 26 mai 1983, date de la prescription de l'action en remboursement des bons retenue par la cour d'appel, tout en énonçant qu'il avait dès le 14 août 1981 fait procéder à la saisie-arrêt des bons entre les mains du greffier du tribunal, qu'il avait obtenu un jugement de validité de la saisie le 11 mai 1982 et une décision l'autorisant à vendre les bons en date du 8 mars 1983, mais que ces initiatives s'étaient heurtées à la décision du juge d'instruction de garder ces bons sous-main de justice jusqu'au 10 octobre 1985, ce qui démontrait nécessairement que le Trésor avait été jusqu'à cette date dans l'impossibilité absolue d'exercer ses droits sur les bons litigieux, l'existence d'un cas de force majeure interrompant la prescription étant dès lors caractérisée, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences qui s'en évinçaient et a violé l'article 189 bis du Code de commerce ; et alors, d'autre part, que l'ignorance de son droit, lorsqu'elle a une cause légitime d'agir, constitue une cause de suspension de la prescription ; qu'en constatant d'un côté que la banque avait émis ses bons en stipulant un délai de prescription abrégé, dérogatoire du droit commun, tout en constatant d'un autre côté que le trésorier-payeur général n'avait pu prendre possession des bons que le 10 octobre 1985, ce dont il résultait que jusqu'à cette date, il était resté dans l'ignorance de la prescription abrégée qui courait contre lui, la cour d'appel, qui refuse néanmoins de considérer que la prescription s'était trouvée interrompue, a de nouveau violé le même texte ;
Mais attendu qu'il incombait à la cour d'appel d'apprécier et de préciser les circonstances de nature à constituer pour le trésorier-payeur général l'obstacle insurmontable à l'exercice de son action contre la banque ; que l'arrêt relève que l'opposition faite en août 1981 avait été validée en mai de l'année suivante ; que l'agent de change chargé de vendre les titres n'avait été désigné que dix mois plus tard et que ce n'est qu'en juillet 1985 qu'avait été constaté le refus du magistrat instructeur de remettre les titres ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu décider que le trésorier-payeur général n'apportait pas la preuve de son impossibilité absolue d'agir pendant le délai de la prescription ; que les griefs des deuxième et troisième branches ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.