Vu le recours et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 décembre 1992 et 27 janvier 1993 au greffe de la cour, présentés par le MINISTRE DU BUDGET ;
Le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 2 juillet 1992 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a accordé à la société à responsabilité limitée "Le Mousquetaire" décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1981 au 31 décembre 1983 ;
2°) de remettre à la charge de la société à responsabilité limitée "Le Mousquetaire" les droits litigieux et les pénalités correspondantes ; Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 février 1994 :
- le rapport de M. DESRAME, conseiller ;
- les observations de M. Claude X..., gérant de la société à responsabilité limitée "Le Mousquetaire" ;
- et les conclusions de M. LABORDE, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société à responsabilité limitée "Le Mousquetaire", qui a exploité à Bordeaux un fonds de commerce de restaurant, a fait l'objet en 1985 d'une vérification de comptabilité qui a porté en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er janvier 1981 au 31 décembre 1983, que les redressements qui en ont résulté ont été notifiés le 18 décembre 1985 selon la procédure de rectification d'office, que l'administration a néanmoins soumis le litige à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui a rendu son avis le 14 novembre 1986 ; que la mise en recouvrement des impositions est intervenue le 10 novembre 1988, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée dus au titre de la période concernée, au motif que du fait de la suppression de la procédure de rectification d'office à compter du 1er janvier 1987, le service aurait dû adresser au contribuable une nouvelle notification de redressements selon les règles de la procédure contradictoire fixées aux articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 108 de la loi de finances pour 1993 :
"I. sauf disposition contraire, les règles de procédure fiscale ne s'appliquent qu'aux formalités accomplies après leur date d'entrée en vigueur, quelle que soit la date de mise en recouvrement des impositions. II. les dispositions du I s'appliquent aux formalités accomplies avant la publication de la présente loi."
Considérant qu'il résulte de ces dispositions, dont le caractère rétroactif est expressément prévu par la loi que lorsqu'une loi de procédure fiscale modifie les conditions dans lesquelles doit s'exécuter un acte de procédure, l'administration n'est pas tenue de reprendre les formalités régulièrement effectuées sous l'empire de l'ancienne législation ; qu'il s'en suit que le MINISTRE DU BUDGET est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a estimé que la notification de redressement du 18 décembre 1985, régulièrement effectuée dans le cadre des dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales alors applicable en matière de rectification d'office, devait être recommencée, dans le cadre des dispositions applicables à la procédure de redressement contradictoire ;
Considérant toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner l'ensemble des moyens soulevés par la société à responsabilité limitée "Le Mousquetaire" tant devant la cour que devant le tribunal administratif ;
Considérant que si la société à responsabilité limitée "Le Mousquetaire" soutient que la vérification de l'année 1984 aurait commencé avant l'envoi de vérification du 9 octobre 1985 du fait de la réalisation en février 1985 par le vérificateur d'un inventaire du stock de boissons, il résulte de l'instruction que la comptabilité de l'année 1984 n'a pas été remise en cause, le chiffre d'affaires déclaré ayant été retenu par l'administration ; que dès lors le moyen est inopérant ;
Considérant que la société à responsabilité limitée "Le Mousquetaire" n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations selon lesquelles il n'y aurait pas eu lors de la vérification de débat oral et contradictoire ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté qu'une copie de l'inventaire réalisé en février 1985 a été adressée par la société à responsabilité limitée "Le Mousquetaire" le 30 octobre 1986, soit avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses, que la société à responsabilité limitée "Le Mousquetaire" n'établit pas par les pièces qu'elle verse au dossier avoir demandé plus tôt copie de ce document ; qu'en tout état de cause l'administration établit que cet inventaire n'a pa servi à l'établissement des impositions des années 1981 à 1983, les achats revendus de 1984, qui ont servi à la détermination du coefficient de bénéfice brut retenu pour les années 1981 à 1983, ayant été évalués en fonction des stocks d'entrée et de sortie déclarés au titre de l'année 1984 ;
Considérant qu'il résulte également de l'instruction que le rapport et les documents mentionnés à l'article L. 60 du livre des procédures fiscales ont été tenus à la disposition du contribuable pendant plus de dix jours au secrétariat de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, conformément aux exigences de l'article R. 60-1 du même livre, que dès lors la circonstance qu'un envoi postal des mêmes documents ait été fait neuf jours seulement avant la réunion de la commission est sans influence sur la légalité de l'avis émis par cette dernière, lequel est par ailleurs suffisamment motivé ;
Considérant que si la notification adressée le 12 décembre 1985 à la société à responsabilité limitée "Le Mousquetaire" ne reproduit pas dans le détail toutes les opérations du vérificateur et notamment les relevés de prix ayant servi à déterminer les coefficients de bénéfice brut sur les liquides et sur les menus, elle comporte les modalités de détermination des recettes et des résultats reconstitués qui ont servi de base aux impositions supplémentaires contestées, que la requérante n'est donc pas fondée à soutenir que la notification des bases d'imposition est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il appartient à la société à responsabilité limitée "Le Mousquetaire" régulièrement imposée d'office compte tenu des irrégularités graves entachant sa comptabilité, d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'impositions retenues par le service ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant que les impositions ayant été établies selon la procédure de rectification d'office, l'administration qui a fourni devant le juge de l'impôt sa méthode détaillée de calcul pour la détermination des coefficients de bénéfice brut, s'est ainsi valablement acquittée de l'obligation de faire connaître sa méthode de reconstitution du chiffre d'affaires ;
Considérant que l'administration admet que le coefficient concernant les desserts a été à tort retenu pour un montant de 4,5 au lieu de 4,05, que le montant des droits rappelés doit être ramené en conséquence :
à 49 400 F au titre de la période du 1er janvier 1981 au 31 décembre 1981, à 58 620 F au titre de la période du 1er janvier 1982 au 31 décembre 1982, à 49 061 F au titre de la période du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1983 ;
Considérant que la société, à qui incombe la charge de la preuve, n'établit pas l'exagération des bases d'impositions ainsi retenues par le service ;
Sur les pénalités :
Considérant que la société à responsabilité limitée "Le Mousquetaire" ne saurait valablement, pour échapper aux pénalités pour mauvaise foi qui lui ont été appliquées invoquer l'incompétence de ses comptables ou des détournements, au demeurant non prouvés, opérés par certains membres de son personnel ;
Sur la demande d'expertise :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, la mesure d'expertise sollicitée ne pourrait présenter qu'un caractère frustratoire ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé la société à responsabilité limitée "Le Mousquetaire" des impositions supplémentaires mises à sa charge, et à demander en conséquence le rétablissement de cette société à l'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée à concurrence de 157 081 F assorties de la majoration correspondante ;
Article 1er : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la société à responsabilité limitée "Le Mousquetaire" a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1981 au 31 décembre 1983 sont remis à sa charge à concurrence de 157 081 F, assortis de la majoration correspondante.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 2 juillet 1992 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.