LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf mars mil neuf cent quatre vingt treize, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller DUMONT, les observations de la société civile professionnelle LEMAITRE et MONOD et de Me BOULLEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... François, contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 26 mars 1992 qui, pour stationnement illicite de caravane, l'a condamné à une amende de 15 000 francs et a ordonné, à peine d'astreinte, la mise en conformité de l'utilisation du terrain et qui a déclaré irrecevable la constitution de la partie civile ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur la recevabilité du mémoire en défense :
Attendu que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la commune de Longeville-sur-Mer qui n'invoquait pas de préjudice distinct autre que l'atteinte à l'intérêt social dont la protection est assurée par l'exercice de l'action publique ; que cette disposition de l'arrêt est devenue définitive en l'absence de pourvoi de la partie civile et que cette dernière, qui n'est plus dans la cause, n'est pas recevable à présenter un mémoire devant la Cour de Cassation ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles R. 443-4 du Code de l'urbanisme, 4 du Code pénal, 8 du Code de procédure pénale, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif a déclaré X... en infraction au Code de l'urbanisme en faisant stationner une caravane pendant plus de trois mois sans autorisation ;
"aux motifs que si elle a mis X... à l'abri de poursuites concernant les actes de construction du bâtiment antérieurs à 1969, la prescription de l'action pbulique ne saurait conférer audit bâtiment un caractère régulier et à son propriétaire les droits y afférents ; le bénéfice de l'article R. 443-4 n'est ouvert qu'aux constructions réalisées en accord avec les prescriptions du Code de l'urbanisme ; X... ne saurait donc s'en prévaloir ; les taxes foncières et d'habitation auxquelles il est soumis par l'administration fiscale et qui grèvent tout bien immobilier, ne lui donnent aucun titre ; l'article R. 443-4 soumet tout stationnement pendant plus de trois mois par an à l'autorisation de l'autorité administrative ; X... ne peut se prévaloir régulièrement d'aucune dérogation ;
"alors qu'en vertu de l'article 4 du Code pénal, la loi pénale est d'interprétation stricte et que l'article R. 443-4 du Code de l'urbanisme qui dispense d'autorisation le stationnement pendant plus de trois mois d'une caravane sur le terrain où est implantée la résidence de son utilisateur, ne distingue pas selon que la construction de cette résidence a ou non un caractère régulier au
regard du Code de l'urbanisme, de sorte que l'arrêt qui a ajouté au texte une condition qu'il ne comportait pas, en subordonnant le bénéfice de la dispense d'autorisation de l'article R. 443-4 précité du caractère régulier de la construction, méconnaissant ainsi le but même de la réglementation sur le stationnement des caravanes destiné à assurer le respect de l'environnement et de l'hygiène lesquels ne sont nullement menacés dans le cas du stationnement sur un terrain où l'utilisateur a sa résidence, a violé par fausse interprétation les textes susvisés ;
"et alors que la prescription de l'action publique, de trois ans pour les délits aux termes de l'article 8 du Code de procédure pénale, efface le caractère délictueux des faits incriminables si bien qu'en l'espèce l'arrêt qui a constaté que le délit de construction sans permis était prescrit tout en se fondant sur une prétendue irrégularité de ladite construction au regard du Code de l'urbanisme pour refuser à X... le bénéfice de l'article R. 443-4 dudit Code n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations et violé le texte susvisé par refus d'application" ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que la prescription de l'action publique ôte aux faits poursuivis tout caractère délictueux ;
Attendu, en outre, que la loi pénale est d'interprétation stricte ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, sur un terrain dont il est propriétaire, François X... a édifié en 1969 une construction ; que, bien qu'il n'eût pas demandé de permis de construire, il n'a pas été poursuivi ; qu'en 1991, il a laissé stationner sur ce terrain une caravane pendant plus de trois mois ; qu'il a été cité devant le tribunal correctionnel du chef de stationnement illicite de caravane pour ne pas avoir demandé l'autorisation prévue par l'article R. 443-4 du Code de l'urbanisme ; que les premiers juges l'ont relaxé en se fondant sur les dispositions du troisième alinéa de ce texte selon lesquelles l'autorisation n'est pas nécessaire si le stationnement a lieu sur le terrain où est implantée la résidence de l'utilisateur ;
Attendu que, pour infirmer ce jugement et déclarer le prévenu coupable, la juridiction du second degré énonce que la prescription de l'action publique acquise depuis 1972 ne peut conférer à la construction réalisée avant 1969 un caractère régulier et que le bénéfice des dispositions du troisième alinéa du texte précité n'est donné que si les constructions ont été réalisées conformément aux prescriptions du Code de l'urbanisme ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la caravane était stationnée sur un terrain où son utilisateur avait implanté sa résidence, ce qui dispensait le prévenu d'autorisation, et alors que, en raison de la prescription de l'action publique, cette implantation n'avait plus de caractère délictueux, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comportait pas, a méconnu les textes susvisés ;
D'où il suit que la censure est encourue de ce chef ;
Par ces motifs,
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, en date du 26 mars 1992, en toutes ses dispositions ;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;