Le Conseil constitutionnel a été saisi, d'une part, le 18 avril 1991, par MM Bernard Pons, Jacques Chirac, Alain Juppé, Jean-Pierre Delalande, Jean-Louis Debré, Pierre Mazeaud, Patrick Ollier, Michel Giraud, Pierre Pasquini, Mme Michèle Alliot-Marie, MM Eric Raoult, Arthur Dehaine, Jean-Louis Goasduff, Jacques Toubon, Jean-Yves Chamard, Mme Nicole Catala, MM Bernard Debré, Christian Cabal, Mme Roselyne Bachelot, MM Philippe Auberger, Robert Pandraud, Pierre Bachelet, Gautier Audinot, Michel Terrot, Mme Christiane Papon, MM Jean-Luc Reitzer, Georges Tranchant, Lucien Guichon, Régis Perbet, Guy Drut, Alain Cousin, Robert Poujade, Gérard Léonard, Claude-Gérard Marcus, Jean-Paul Charie, Louis de Broissia, Jean Besson, Bernard Schreiner, Eric Dolige, Richard Cazenave, Didier Julia, Jean de Lipkowski, Jean-François Mancel, Edouard Balladur, Michel Péricard, Jean Valleix, René Couveinhes, Roland Nungesser, Jean-Michel Couve, René Galy-Dejean, Mme Françoise de Panafieu, MM Gabriel Kaspereit, Claude Barate, Patrick Balkany, Georges Gorse, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM Olivier Dassault, Jean-Paul de Rocca-Serra, Jacques Masdeu-Arus, Maurice Menou, Pierre Mauger, Pierre-Rémy Houssin, Bruno Bourg-Broc, Léon Vachet, Jacques Baumel, Jacques Limouzy, Nicolas Sarkozy, Jean Tiberi, députés, d'autre part, les 19 avril 1991 et 22 avril 1991, par MM Paul Girod, Michel Rufin, Michel Alloncle, Jean Amelin, Hubert d'Andigné, Alphonse Arzel, Honoré Bailet, Henri Belcour, Jacques Bérard, Roger Besse, Christian Bonnet, Amédée Bouquerel, Yvon Bourges, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Mme Paulette Brisepierre, MM Camille Cabana, Guy Cabanel, Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Pierre Camoin, Paul Caron, Ernest Cartigny, Joseph Caupert, Auguste Cazalet, Jean Chamant, Jean-Paul Chambriard, Michel Chauty, Jean Chérioux, Henri Collard, Henri Collette, Maurice Couve de Murville, Michel Crucis, Etienne Dailly, Désiré Debavelaere, Luc Dejoie, Jean Delaneau, Jacques Delong, Charles Descours, Michel Doublet, Franz Duboscq, Alain Dufaut, Pierre Dumas, Jean Dumont, Marcel Fortier, Jean-Pierre Fourcade, Philippe François, Jean François-Poncet, Philippe de Gaulle, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginesy,
Mme Marie-Fanny Gournay, MM Adrien Gouteyron, Paul Graziani, Georges Gruillot, Yves Guéna, Bernard Guyomard, Hubert Haenel, Mme Nicole de Hauteclocque, MM Daniel Hoeffel, Bernard Hugo, Roger Husson, André Jourdain, Lucien Lanier, Gérard Larcher, René-Georges Laurin, Marc Lauriol, Jean-François Le Grand, Max Lejeune, Maurice Lombard, Paul Masson, Serge Mathieu, Michel Maurice-Bokanowski, Jacques de Menou, Michel Miroudot, Mme Hélène Missoffe, MM Geoffroy de Montalembert, Paul Moreau, Jean Natali, Lucien Neuwirth, Jacques Oudin, Soséfo Makapé Papilio, Charles Pasqua, Alain Pluchet, Christian Poncelet, Claude Prouvoyeur, Henri de Raincourt, Roger Rigaudière, Jean-Jacques Robert, Mme Nelly Rodi, MM Josselin de Rohan, Roger Romani, Marcel Rudloff, Bernard Seillier, Jean Simonin, Jacques Sourdille, Pierre-Christian Taittinger, Jean-Pierre Tizon, René Trégouët, Jacques Valade, Serge Vinçon, Jean Grandon, Philippe Adnot, Jacques Habert, Charles Ornano, Hubert Durand-Chastel, François Delga, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi instituant une dotation de solidarité urbaine et un fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France, réformant la dotation globale de fonctionnement des communes et des départements et modifiant le code des communes ;
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi n° 85-1628 du 29 novembre 1985 relative à la dotation globale de fonctionnement ;
Vu la loi n° 90-669 du 30 juillet 1990 relative à la révision générale des immeubles retenus pour la détermination des bases des impôts directs locaux, ensemble la décision n° 90-277 DC du 25 juillet 1990 ;
Vu le mémoire en rectification d'erreur matérielle présenté au nom des sénateurs auteurs de la seconde saisine, enregistré au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 24 avril 1991 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les députés auteurs de la première saisine contestent la conformité à la Constitution de l'article 14 de la loi instituant une dotation de solidarité urbaine et un fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France, réformant la dotation globale de fonctionnement des communes et des départements et modifiant le code des communes ; que les sénateurs critiquent le même article et font valoir, en outre, que sont contraires à la Constitution, d'une part, l'entrée en vigueur dès 1991 des articles 4, 5, 7, 10 et 17 de la loi et, d'autre part, l'article 18 de la loi ainsi que le paragraphe II de l'article L. 234-16-1 du code des communes issu de l'article 19, qui en est inséparable ;
- SUR LES ARTICLES 4, 5, 7, 10 ET 17 DE LA LOI :
2. Considérant que les sénateurs auteurs de la seconde saisine demandent au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution "les articles 4, 5, 7, 10 et 17 de la loi déférée" en critiquant les conditions de leur entrée en vigueur ; qu'il est soutenu que les dispositions de ces articles affectent les budgets des communes pour l'exercice 1991 et portent ainsi atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales ;
. En ce qui concerne les articles 4 et 5 de la loi :
3. Considérant que par l'effet de l'article 4 de la loi, l'article L. 234-12 du code des communes dispose que la proportion des ressources affectée aux concours particuliers institués au sein de la dotation globale de fonctionnement des communes est fixée non plus à 2 p. 100 de cette dotation mais à 3 p. 100 et que le comité des finances locales peut porter cette proportion non plus seulement à 3 p. 100 mais jusqu'à 4 p. 100 ;
4. Considérant qu'en vertu de la modification apportée par l'article 5 de la loi à l'article L. 214-13 du code des communes, le montant annuel des crédits affectés au concours particulier intitulé "dotation supplémentaire aux communes touristiques ou thermales" est fixé par le comité des finances locales non plus à un montant compris entre 50 p. 100 et 60 p. 100 du total des sommes affectées aux concours particuliers mais à un montant qui ne peut être inférieur à 30 p. 100 ni supérieur à 40 p. 100 de ces sommes ;
5. Considérant qu'il est spécifié au paragraphe II tant de l'article 4 que de l'article 5 de la loi que les modifications apportées respectivement aux articles L. 234-12 et L. 234-13 du code des communes entreront en vigueur pour la répartition de la dotation globale de fonctionnement de l'exercice 1994 ;
6. Considérant, dès lors, qu'il ne saurait être valablement soutenu que les articles 4 et 5 de la loi puissent avoir pour conséquence d'affecter les conditions d'exécution des budgets adoptés par les communes pour l'exercice 1991 ; que l'argumentation invoquée est par suite inopérante à l'encontre des articles 4 et 5 de la loi ;
. En ce qui concerne les articles 7, 10 et 17 de la loi :
7. Considérant que l'article 7 de la loi présentement soumise à l'examen du Conseil constitutionnel insère dans le code des communes un article L. 234-14-1 à l'effet d'ajouter, au sein de la dotation globale de fonctionnement des communes, un concours particulier nouveau appelé "dotation de solidarité urbaine", afin "de contribuer à l'amélioration des conditions de vie dans les communes urbaines confrontées à une insuffisance de leurs ressources et supportant des charges élevées" ; que l'article 7 de la loi détermine les critères et les modalités d'attribution de cette dotation ; que le montant des crédits qui lui sont affectés est fixé à 400 millions de francs en 1991, 700 millions de francs en 1992 et un milliard de francs en 1993 ; qu'à compter de 1994 le taux de progression de la dotation est arrêté chaque année par le comité des finances locales sans que son montant puisse être inférieur à 35 p. 100 des sommes affectées aux concours particuliers ;
8. Considérant que l'article 10 de la loi a pour objet d'assurer le financement de la dotation de solidarité urbaine sans qu'il en résulte sur un plan d'ensemble une majoration du montant de la dotation globale de fonctionnement des communes ; qu'en conséquence, l'article 10 modifie les dispositions de l'article L. 234-19-1 du code des communes à l'effet de limiter, pour les communes qui répondent aux conditions posées au paragraphe II ou au paragraphe III dudit article, l'importance des sommes qui leur sont versées au titre de la garantie minimale d'évolution de la dotation globale de fonctionnement ;
9. Considérant que l'article 17 de la loi tire les conséquences des articles 7 et 10 s'agissant des modalités d'attribution aux communes de la dotation globale de fonctionnement ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 17 "pour chaque commune concernée, la différence entre les attributions au titre de la dotation globale de fonctionnement initialement notifiées pour l'exercice 1991 et les attributions résultant de l'application de la présente loi est imputée sur la régularisation de la dotation globale de fonctionnement afférente à l'exercice 1990 versée en 1991" ; que selon le deuxième alinéa de l'article 17, "au cas où, pour certaines communes, la modification du montant de l'attribution de la dotation globale de fonctionnement pour l'exercice 1991 serait supérieure au montant de la régularisation afférente à l'exercice 1990, le solde de l'ajustement serait opéré sur les versements afférents à la dotation globale de fonctionnement 1991" ; qu'en vertu du troisième alinéa de l'article 17, l'application de la garantie de progression minimale des attributions de la dotation globale de fonctionnement sera fondée en 1992 sur les attributions de la dotation globale de fonctionnement résultant pour 1991 de l'application des nouvelles dispositions législatives ;
10. Considérant que les sénateurs auteurs de la seconde saisine font valoir que l'institution dès l'année 1991 de la dotation de solidarité urbaine implique que soit modifié pour 1991 le montant attribué à certaines communes au titre de la dotation globale de fonctionnement ; qu'il en va spécialement ainsi pour les communes qui contribuent au financement de la nouvelle dotation, par le biais d'une minoration du taux d'évolution minimale garanti de leur dotation globale de fonctionnement ; qu'il est soutenu que cette minoration porte atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales dans la mesure où les communes concernées ont adopté, avant le 31 mars 1991, leur budget en se fondant sur les montants de dotation globale de fonctionnement qui leur avaient été notifiés pour l'année 1991 ;
11. Considérant que si, en vertu de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales "s'administrent librement par des conseils élus", chacune d'elles le fait "dans les conditions prévues par la loi" ; que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources ;
12. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 234-1 du code des communes "une dotation globale de fonctionnement est instituée en faveur des communes et de certains de leurs groupements. Elle se compose d'une dotation de base, d'une dotation de péréquation, d'une dotation de compensation et, le cas échéant, de concours particuliers" ; qu'en vertu du même article, chaque année, le montant de la dotation globale de fonctionnement des communes est arrêté, par le comité des finances locales, pour être inscrit dans le projet de loi de finances ; que selon l'article L. 234-19 du code précité, la dotation de base, la dotation de péréquation et la dotation de compensation font l'objet de versements mensuels alors que les concours particuliers font l'objet d'un versement annuel, avant la fin de l'exercice en cours, avec la possibilité d'acomptes ; que l'article L. 234-19-1 ajouté au code des communes par la loi n° 85-1268 du 29 novembre 1985 a instauré un mécanisme d'attribution de garantie minimale ;
13. Considérant que dans le cadre de ces dispositions les communes ont arrêté avant le 31 mars 1991, terme imparti par l'article 7 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée, leur budget primitif pour l'exercice 1991 ; que si l'article 10 de la loi déférée réduit pour certaines catégories de communes de plus de 10 000 habitants disposant notamment d'un potentiel fiscal par habitant élevé la garantie de progression minimale des attributions de la dotation globale de fonctionnement, les conséquences qui en résultent pour les communes concernées ne peuvent être regardées comme constituant une entrave à la libre administration des collectivités territoriales ; qu'en effet, l'application de l'article 10 de la loi n'est susceptible d'entraîner, dans l'hypothèse la plus défavorable, qu'une diminution minime de la progression de leur dotation globale de fonctionnement, laquelle ne constitue d'ailleurs qu'une partie des recettes de fonctionnement des communes ;
14. Considérant dans ces conditions que le moyen tiré de ce que les articles 7, 10 et 17 de la loi seraient contraires au principe de libre administration des collectivités territoriales doit être écarté ;
- SUR L'ARTICLE 14 RELATIF A LA SOLIDARITE ENTRE LES COMMUNES D'ILE-DE-FRANCE :
15. Considérant que l'article 14 de la loi introduit dans le code des communes une section intitulée "Fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France", comprenant des articles L. 263-13 à L. 263-16 ;
16. Considérant que l'article L. 263-13 crée, à compter du 1er janvier 1991, un fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France, afin de contribuer à l'amélioration des conditions de vie dans les communes urbaines de cette région qui supportent des charges particulières au regard de besoins sociaux de leur population ; que le même article L. 263-13 fixe la procédure de répartition des crédits du fonds qu'il institue en prévoyant l'intervention, à titre consultatif, d'un comité d'élus de la région ;
17. Considérant que l'article L. 263-14 dispose que le fonds de solidarité précité "est alimenté par un prélèvement sur les ressources fiscales des communes de la région d'Ile-de-France" ; qu'il est posé en principe que sont soumises au prélèvement les communes "dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à une fois et demie le potentiel fiscal moyen par habitant des communes de la région" ; que le taux du prélèvement est fonction de l'ampleur du potentiel fiscal par habitant au-delà du seuil ainsi fixé ; qu'il est spécifié cependant par le cinquième alinéa de l'article L. 263-4 que le prélèvement ne peut excéder 5 p. 100 du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune ;
18. Considérant que l'article L. 263-15 détermine, dans un paragraphe I, les catégories de communes qui bénéficient d'une attribution du fonds, à l'effet de tenir compte de l'insuffisance de leurs ressources fiscales et des charges particulièrement élevées qu'elles supportent ; que le paragraphe II de l'article L. 263-15 fixe les critères généraux de répartition des ressources du fonds ;
19. Considérant que l'article L. 263-16 du code des communes dispose que le Gouvernement présente annuellement au comité d'élus institué par l'article L. 263-13 un rapport qui retrace les actions entreprises par les communes ayant bénéficié du fonds de solidarité ;
20. Considérant que les auteurs des saisines font grief à l'article 14 de la loi de méconnaître aussi bien le principe d'égalité que le principe de libre administration des collectivités territoriales ; que les sénateurs auteurs de la seconde saisine estiment, en outre, que cet article viole les dispositions de l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
. En ce qui concerne le moyen tiré de l'atteinte au principe d'égalité :
21. Considérant qu'il est soutenu par les auteurs de la saisine que la spécificité de la région d'Ile-de-France ne suffit pas à justifier l'institution d'un dispositif de solidarité intercommunale qui ne serait applicable qu'à l'intérieur de cette région ; que les députés auteurs de la première saisine font observer également que le respect de l'égalité fonde le principe républicain selon lequel il appartient à l'État d'organiser la péréquation des ressources entre les collectivités ; Quant aux responsabilités respectives de l'État et des communes en matière de solidarité :
Quant aux responsabilités respectives de l'État et des communes en matière de solidarité :
22. Considérant que le principe de solidarité nationale proclamé par le douzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et réaffirmé par le Préambule de la Constitution de 1958, ne fait pas obstacle à l'institution par la loi d'un mécanisme de solidarité entre les habitants d'une même région ;
23. Considérant que le principe constitutionnel d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit ;
24. Considérant que la région d'Ile-de-France présente, en ce qui concerne la situation des communes urbaines au regard des besoins sociaux de leur population, des traits spécifiques : la masse de sa population, l'importance globale de ses ressources et la présence de la capitale ; que la répartition des emplois entre le centre et la périphérie entraîne, en règle générale, une distribution très inégale du potentiel fiscal des communes à population équivalente ; qu'il en découle d'importants écarts dans les niveaux d'équipement et de service que les communes sont en mesure d'offrir à leurs habitants ;
25. Considérant que l'ampleur et le cumul de ces éléments justifient que le législateur institue pour la région d'Ile-de-France, indépendamment de la création de la dotation de solidarité urbaine, un mécanisme intercommunal de redistribution de ressources ayant pour objet de contribuer à l'amélioration des conditions de vie dans celles des communes qui supportent des charges particulières sans disposer d'un potentiel fiscal par habitant élevé ;
26. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la création d'un mécanisme de solidarité financière intercommunale propre à la région d'Ile-de-France, n'est pas contraire au principe d'égalité ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la violation du principe de libre administration des collectivités territoriales :
27. Considérant que les auteurs des saisines soutiennent que l'institution d'un prélèvement sur les ressources fiscales des communes est contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales ; que, pour les auteurs de la première saisine, ce principe implique qu'une commune puisse déterminer seule le montant de ses impôts locaux et la destination des fonds ainsi prélevés ; que les auteurs de la seconde saisine estiment que l'article 14 de la loi entrave la libre administration des communes du fait de l'ampleur du prélèvement fiscal qu'il opère ainsi que de ses effets sur le budget des communes dont les ressources sont par ailleurs diminuées au titre de la dotation de solidarité urbaine ;
28. Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, le principe de libre administration des collectivités territoriales reçoit application "dans les conditions prévues par la loi" ; qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution il appartient au législateur de déterminer les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources, ainsi que de fixer les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ;
29. Considérant que dans l'exercice de sa compétence en matière fiscale le législateur n'est pas tenu de laisser à chaque collectivité territoriale la possibilité de déterminer seule le montant de ses impôts locaux ;
30. Considérant de même que le législateur peut, à titre exceptionnel, décider que le produit d'un impôt communal pourra en partie être attribué à une autre collectivité territoriale ; qu'un prélèvement sur les ressources fiscales d'une collectivité est assimilable par ses effets à une charge obligatoire ;
31. Considérant toutefois que le prélèvement sur les ressources fiscales d'une collectivité territoriale dans le but d'accroître les ressources d'autres collectivités territoriales doit être défini avec précision quant à son objet et sa portée et qu'il ne saurait avoir pour conséquence d'entraver la libre administration des collectivités territoriales concernées ;
32. Considérant que le prélèvement sur les ressources fiscales de certaines communes de la région d'Ile-de-France institué par l'article 14 de la loi n'est pas contraire à ces exigences ; qu'il y a lieu de relever que les communes assujetties à ce prélèvement sont déterminées en fonction de critères objectifs ; que la loi procède à la fixation du taux applicable compte tenu du potentiel fiscal des communes concernées ; que la finalité du prélèvement, qui commande l'utilisation de son produit, est définie par le législateur ; que, comme le prescrit le cinquième alinéa de l'article L. 263-14 du code des communes, le prélèvement ne pourra excéder 5 p. 100 du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune ;
33. Considérant sans doute que quelques communes auront à supporter tant une minoration de la garantie minimale d'évolution de la dotation globale de fonctionnement que la charge du prélèvement sur leurs ressources fiscales ;
34. Considérant toutefois que l'article 16 de la loi énonce, dans son paragraphe I, que les dispositions de l'article L. 263-14 du code des communes qui instituent le prélèvement sur les ressources fiscales n'entreront en vigueur qu'à compter du 1er janvier 1992 ; que si, dans son paragraphe II, l'article 16 prévoit l'attribution dès 1991 aux communes remplissant les conditions définies à l'article L. 263-15 du code des communes de prêts alloués par la Caisse des dépôts et consignations dans la limite d'une enveloppe globale de 300 millions de francs, le remboursement ultérieur de ces prêts par le fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France est échelonné sur six années et s'impute par priorité sur les ressources de ce fonds ; qu'à compter de 1992, si l'application des dispositions conjuguées des articles 7, 10 et 14 de la loi conduira, dans les limites déterminées par celle-ci, à un accroissement des charges de quelques communes, cette situation ne concernera que des communes dont le potentiel fiscal par habitant est très élevé ; que, dans ces conditions, ni dans l'immédiat, ni à terme, il n'en résultera une entrave à la libre administration de la collectivité communale ;
35. Considérant qu'il suit de là que le moyen tiré de la violation de l'article 72 de la Constitution ne saurait être accueilli ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen :
36. Considérant que les sénateurs auteurs de la seconde saisine estiment que le principe d'un prélèvement direct de l'État sur les ressources fiscales d'une collectivité territoriale au profit d'une ou plusieurs autres collectivités porte atteinte aux dispositions de l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; qu'en effet, les citoyens "d'une commune ponctionnée" en application de l'article 14 de la loi déférée, pas plus que leurs représentants, ne pourront suivre l'emploi de la partie du produit de leur imposition locale destinée à alimenter le budget d'autres communes ;
37. Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la Déclaration de 1789 : "Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée" ;
38. Considérant que si ces dispositions réaffirmées par le Préambule de la Constitution de 1958 ont valeur constitutionnelle, les règles touchant à la compétence des représentants des citoyens qu'elles édictent, doivent être mises en œuvre en fonction des dispositions de la Constitution qui fondent la compétence du législateur ;
39. Considérant que selon l'article 72 de la Constitution les collectivités territoriales de la République s'administrent librement par des conseils élus dans les conditions fixées par la loi ; qu'en vertu de l'article 34 il revient au législateur de déterminer les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources ainsi que de fixer les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions ;
40. Considérant que le législateur tient des dispositions précitées des articles 34 et 72 de la Constitution le pouvoir de décider que le produit d'une imposition perçue au profit d'une catégorie de collectivités territoriales pourra, dans des conditions respectant le principe de libre administration de ces collectivités, être affecté pour partie à une ou plusieurs autres collectivités territoriales ; que la loi déférée implique qu'il revient au Conseil municipal de la commune bénéficiaire de régler par ses délibérations la destination des sommes qui lui seront allouées par le fonds de solidarité ; qu'au surplus, l'article L. 263-16 du code des communes, tel qu'il résulte de l'article 14 de la loi ainsi que l'article 15 prévoient des mesures d'information sur les actions entreprises par les communes bénéficiaires ;
41. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'article 14 de la loi déférée n'est pas contraire à la Constitution ;
- SUR LES DISPOSITIONS INSTITUANT UN PRELEVEMENT SUR LA DOTATION GLOBALE DE FONCTIONNEMENT DE CERTAINS DEPARTEMENTS :
42. Considérant que l'article 18 de la loi déférée ajoute à la loi n° 85-1268 du 29 novembre 1985 un article 34 bis qui comprend trois paragraphes ; que le paragraphe I institue, à compter de 1992, un mécanisme de solidarité financière entre des départements contributifs et, d'une part, des départements bénéficiaires au sein de la dotation globale de fonctionnement des départements afin de contribuer à l'amélioration des conditions de vie en milieu rural et, d'autre part,des communes urbaines confrontées à des difficultés particulières de développement social ; que le paragraphe II détermine ceux des départements qui bénéficient de cette ressource ; que le paragraphe III range les départements contributifs en deux catégories en fonction de l'importance de leur potentiel fiscal par habitant et fixe le taux du prélèvement pratiqué selon le cas à 15 p. 100 ou à 24 p. 100 de la dotation globale de fonctionnement ; qu'il est spécifié que le prélèvement ne peut excéder 5 p. 100 du montant des dépenses réelles de fonctionnement du département ; que, pour 1992, le taux du prélèvement est ramené selon le cas à 10 p. 100 ou à 16 p. 100 de la dotation globale de fonctionnement ;
43. Considérant que l'article 19 de la loi introduit dans le code des communes un article L. 234-16-1 qui comprend deux paragraphes ; que le paragraphe I institue une "dotation particulière de solidarité urbaine" ; qu'il ressort du paragraphe II que le financement de cette dotation est assuré par un prélèvement sur les ressources dégagées par l'application de l'article 34 bis de la loi n° 85-1268 du 29 novembre 1985 ; que le même paragraphe précise que le montant de ce prélèvement, fixé à 150 millions de francs pour 1992, évolue pour les années ultérieures comme la dotation globale de fonctionnement des départements ;
44. Considérant que les sénateurs auteurs de la seconde saisine soutiennent que l'ampleur du prélèvement résultant de l'article 18 de la loi déférée et du paragraphe II de l'article L. 234-16-1 du code des communes a pour effet de restreindre les ressources de certains départements au point d'entraver leur libre administration ; qu'il en va d'autant plus ainsi qu'en vertu du 5 du paragraphe II de l'article 56 de la loi n° 90-669 du 30 juillet 1990, le produit de la taxe départementale sur le revenu ne pourra pas, en 1992, être supérieur au produit perçu l'année précédente par le département au titre de la taxe d'habitation due pour les résidences principales majoré de 4 p. 100 ; que les auteurs de la seconde saisine en déduisent que l'article 18 de la loi déférée est inconstitutionnel de même que le paragraphe II de l'article L. 234-16-1 du code des communes issu de l'article 19, qui en est inséparable ;
45. Considérant que l'article 18 prescrit que le prélèvement qu'il institue ne peut excéder 5 p. 100 du montant des dépenses réelles de fonctionnement du département constatées dans le compte administratif afférent au pénultième exercice ; que les sommes constituant, en vertu de l'article 31 de la loi n° 85-1268 du 29 novembre 1985, la dotation globale de fonctionnement des départements ne représentent qu'une proportion réduite des recettes des budgets départementaux ; que, pour l'année 1992, le taux du prélèvement applicable aux départements dont le potentiel fiscal par habitant est élevé, n'est égal qu'à 10 p. 100 ou 16 p. 100 de la dotation globale de fonctionnement des départements ; que, dans ces conditions, et en admettant même que les prescriptions de l'article 56 de la loi n° 90-669 du 30 juillet 1990 entreraient en vigueur dès 1992, l'application conjuguée des dispositions de cet article et de celles des articles 18 et 19 de la loi déférée ne serait pas de nature à entraver la libre administration de la collectivité départementale ;
Décide :
Article premier :
La loi instituant une dotation de solidarité urbaine et un fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France, réformant la dotation globale de fonctionnement des communes et des départements et modifiant le code des communes n'est pas contraire à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.