CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Damase,
contre un arrêt de la Cour d'assises de la Martinique en date du 22 janvier 1986 qui l'a condamné pour coups mortels à 8 ans de réclusion criminelle et contre l'arrêt du même jour qui s'est prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 329, 330, 335 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce qu'il résulte des énonciations du procès-verbal des débats que le témoin Mme Y... Muguette a été entendue sans prestation de serment à titre de renseignements ;
" aux motifs qu'elle était la concubine de l'accusé ;
" alors que les témoins régulièrement cités et notifiés sont acquis aux débats et ne peuvent être entendus sans avoir prêté serment ; que les dérogations à cette règle concernent uniquement les cas énumérés par l'article 335 du Code de procédure pénale dont la liste est limitative et n'inclut pas le concubin de l'accusé " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout témoin cité et dénoncé régulièrement est acquis aux débats et doit, à peine de nullité, avant de déposer, prêter le serment prescrit par l'article 331 du Code de procédure pénale ; qu'il ne peut être entendu sans prestation de serment, en vertu du pouvoir discrétionnaire du président, que s'il se trouve dans l'un des cas d'empêchement ou d'incapacité prévus par la loi, ou si le Ministère public et l'accusé ont renoncé à son audition ;
Attendu, en l'espèce, que le procès-verbal des débats constate que " Mme Y... Muguette, concubine de l'accusé, a été entendue en vertu du pouvoir discrétionnaire du président sans prestation de serment, à titre de renseignements, compte tenu des vingt et une années de concubinage avec l'accusé bien que ce cas n'est pas prévu par le Code de procédure pénale " ;
Attendu cependant que ce témoin, dès lors qu'il était acquis aux débats, devait prêter le serment prescrit par l'article 331 du Code de procédure pénale ;
Qu'en effet, les dérogations prévues par l'article 335 du même Code ne peuvent être étendues au-delà des cas fixés par ce texte et que les dispositions dudit article ne sont donc pas applicables à la concubine de l'accusé, même si les liens qui l'unissent à celui-ci présentent un certain caractère de stabilité ;
Que la violation des textes visés au moyen doit entraîner la cassation ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 310, 329, 331 du Code de procédure pénale, ensemble violation du principe de l'oralité des débats et des droits de la défense ;
" en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats qu'en vertu de son pouvoir discrétionnaire, le président de la Cour d'assises a donné lecture de la déposition en date du 18 mars 1985 (cote D. 70) consistant en la confrontation, lors de l'instruction, entre l'accusé et les témoins, MM. Roland Z..., Wilfor A..., Alain Y..., Eddy B..., Mmes Emilienne C... et Sabrina D..., et a ensuite entendu ces mêmes témoins cités et notifiés en leur déposition orale " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il est de principe que, devant la Cour d'assises, le débat doit être oral ; qu'en application de cette règle, le président ne peut donner lecture du procès-verbal d'audition d'un témoin présent qu'après avoir reçu sa déposition orale ;
Attendu, en l'espèce, qu'il résulte des constatations du procès-verbal des débats que le président a donné lecture du procès-verbal de confrontation de l'accusé avec plusieurs témoins alors que certains de ceux-ci régulièrement cités et signifiés étaient présents et n'avaient pas encore été entendus ;
Attendu qu'en procédant ainsi, le président a violé le principe ci-dessus rappelé ;
Que l'arrêt encourt encore de ce chef la cassation ;
Par ces motifs et sans qu'il soit besoin d'examiner le premier moyen :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la Cour d'assises de la Martinique en date du 22 janvier 1986, condamnant X... à 8 ans de réclusion criminelle, ensemble la déclaration de la Cour et du jury et les débats qui l'ont précédée ;
Et par voie de conséquence,
CASSE ET ANNULE l'arrêt du 22 janvier 1986 par lequel la Cour a statué sur les intérêts civils, et pour être statué à nouveau conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'assises de la Guadeloupe.