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13/05/1986 | FRANCE | N°85-95317

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 mai 1986, 85-95317


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... André,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux, en date du 8 octobre 1985 qui, pour infractions à l'article L. 221-17 du Code du travail, l'a condamné à deux amendes de 1 000 F chacune.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 221-17 et R. 262-1 du Code du travail, de l'arrêté du préfet de la Gironde du 22 mars 1972, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X

..., directeur d'un supermarché Casino, adhérent au syndicat des maisons d'alimenta...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... André,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux, en date du 8 octobre 1985 qui, pour infractions à l'article L. 221-17 du Code du travail, l'a condamné à deux amendes de 1 000 F chacune.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 221-17 et R. 262-1 du Code du travail, de l'arrêté du préfet de la Gironde du 22 mars 1972, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X..., directeur d'un supermarché Casino, adhérent au syndicat des maisons d'alimentation et succursales, coupable d'avoir ouvert au public le poste de distribution de carburant de ce supermarché le jour de repos hebdomadaire fixé par arrêté du préfet de la Gironde du 22 mars 1972 prescrivant la fermeture des stations-service en fonction d'un roulement établi par la Chambre syndicale du commerce et de la réparation automobile ;
" aux motifs que " le préfet n'avait pas, pour l'organisation en vertu de l'article L. 221-17 du Code du travail de la fermeture hebdomadaire des stations-service délivrant des carburants à consulter le syndicat des maisons d'alimentation et succursales qui n'est pas intéressé. Il ressort du dossier que les organisations professionnelles consultées avaient exprimé la volonté de la majorité des membres de la profession concernée, à savoir les débitants de carburants et qu'il n'y a pas à retenir d'indivisibilité des activités du magasin Casino qui peut très bien fonctionner alors que sa station-service est seule fermée " ;
" alors que, d'une part, les magasins à commerces multiples ayant par définition pour objet d'offrir à la clientèle les produits les plus divers sans qu'aucun ait un caractère accessoire par rapport aux autres relèvent d'une catégorie professionnelle particulière ; qu'en l'absence d'accord entre les syndicats ouvriers et patronaux relevant de cette catégorie professionnelle, un arrêté préfectoral fixant les conditions d'application de repos hebdomadaire dans un commerce spécialisé est inapplicable au point de vente correspondant à un magasin à commerces multiples ; qu'en refusant de considérer que le point de vente de carburant du supermarché Casino dirigé par X... formait un tout indivisible avec le restant de ce magasin à commerces multiples, et en lui appliquant un arrêté préfectoral fixant les dates de fermeture après consultation de la seule Chambre syndicale nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors que, d'autre part, l'article L. 221-17 du Code du travail exige qu'un accord entre syndicats d'employeurs et de salariés de la profession intéressée soit conclu pour qu'un arrêté préfectoral ordonnant la fermeture le jour du repos soit valablement pris ; que si un accord entre syndicats représentant la majorité de la profession suffit, il est indispensable que tous les syndicats intéressés aient été consultés ; qu'en admettant même que l'arrêté du 22 mars 1972 ait pu être considéré comme applicable au supermarché Casino, il n'en a pas moins été irrégulièrement pris puisque le syndicat des maisons d'alimentation et succursales auquel adhèrent les différents supermarchés distribuant du carburant (et parmi eux les supermarchés Casino), tous intéressés par l'organisation de la fermeture hebdomadaire des points de vente n'a pas, aux côtés du syndicat du commerce et de la réparation automobile, été consulté par le préfet ;
" alors qu'enfin, en toute hypothèse, un arrêté préfectoral ordonnant la fermeture des établissements d'une profession pendant le repos hebdomadaire ne peut être pris qu'après accord des syndicats intéressés et sur la demande desdits syndicats ; qu'il ressort des visas de l'arrêté du 22 mars 1972 sur le fondement duquel X... est poursuivi qu'aucun accord entre organisations syndicales n'est intervenu depuis le précédent arrêté du 2 mars 1971 auquel l'arrêté du 22 mars 1972 se substitue, et que ce dernier a été pris sur proposition du directeur départemental du travail et non sur la demande des syndicats ; que, quoiqu'il en soit, l'arrêté du 22 mars 1972 est donc nul " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que les juges sont tenus de répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont ils sont régulièrement saisis ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que X..., directeur du supermarché " Casino " de Talence, magasin à commerces multiples auquel est annexée une station de distribution de carburants, a été poursuivi pour avoir contrevenu, les dimanches 23 novembre et 11 décembre 1983, à un arrêté du préfet de la Gironde, en date du 22 mars 1972, prescrivant la fermeture au public, un dimanche sur deux, des stations-service implantées dans les communes appartenant à la communauté urbaine de Bordeaux qui en possèdent plusieurs, tel étant le cas à Talence ;
Attendu que le prévenu a contesté la légalité de l'arrêté préfectoral, lui faisant grief d'avoir, en méconnaissance de l'article L. 221-17 du Code du travail, entériné un accord syndical sans qu'il fût établi qu'ait été consulté le syndicat des maisons d'alimentation à succursales multiples, supermarchés et hypermarchés, auquel sont affiliés le supermarché " Casino " et des établissements de même nature, ni qu'il fût démontré que ledit accord exprimât la volonté de la majorité des professionnels concernés ;
Attendu que, pour déclarer la prévention établie, la Cour d'appel énonce que, pour l'organisation de la fermeture hebdomadaire des stations-service distribuant des carburants en application de l'article L. 221-17 du Code précité, le préfet n'avait pas à consulter le syndicat des maisons d'alimentation " qui n'est pas intéressé " ; qu'il ressort du dossier que les organisations professionnelles consultées avaient exprimé la volonté de la majorité des membres de la profession concernée, à savoir les débitants de carburants, et " qu'il n'y a pas à retenir l'indivisibilité des activités du magasin " Casino " qui peut très bien fonctionner lorsque sa station-service est, seule, fermée " ;
Attendu cependant qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, la Cour d'appel, qui a limité la notion de " professions concernées " aux négociants qui se livrent exclusivement au commerce envisagé, sans tenir compte de ceux qui l'exercent en même temps que d'autres commerces, n'a pas répondu aux conclusions du prévenu selon lesquelles il est contraire au texte de l'article L. 221-17 du Code du travail d'imposer à des chefs d'établissement des décisions prises en vertu d'accords conclus avec des organisations professionnelles qui leur sont étrangères ; qu'ainsi, elle n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 221-17, R. 260-2 et R. 262-1 du Code du travail, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné X... à deux amendes de 1 000 F, deux autres arrêts rendus le même jour le condamnant respectivement à trois amendes et cinq amendes de 1 000 F ;
" alors que s'il n'y a pas récidive, le nombre d'amendes prononcées en cas de pluralité d'infractions ne peut excéder le nombre de personnes irrégulièrement employées ; que la Cour d'appel, en condamnant X... à un nombre d'amendes égal au nombre d'infractions sans rechercher le nombre de personnes irrégulièrement employées, a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 260-2 et R. 262-1 du Code du travail " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte de l'article R. 260-2 alinéa 1 du Code du travail qu'en cas de poursuite unique embrassant plusieurs infractions aux dispositions relatives au repos hebdomadaire, visées par l'article R. 262-1 du même Code, l'amende est appliquée autant de fois qu'il y a de personnes employées dans des conditions contraires aux prescriptions légales ; qu'aux termes du second alinéa du même texte, en cas de pluralité de contraventions entraînant les peines de la récidive, l'amende est appliquée autant de fois qu'il a été relevé de nouvelles infractions ;
Qu'en prévoyant, en cas de récidive seulement, le cumul des peines contraventionnelles, et, en tout autre cas, le prononcé d'un nombre d'amendes égal au nombre des personnes employées, ces dispositions ont institué, en la matière, un système de répression spécial qui déroge au droit commun et selon lequel, s'il n'y a pas récidive, le nombre d'amendes prononcées en cas de pluralité d'infractions ne peut excéder le nombre des personnes irrégulièrement employées ;
Attendu qu'en prononçant, contre X..., deux amendes de 1 000 F chacune, sans constater qu'il fût en état de récidive et sans rechercher quel était le nombre des salariés employés les dimanches 23 novembre et 11 décembre 1983, la Cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est également encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux en date du 8 octobre 1985, et pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel de Poitiers.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 85-95317
Date de la décision : 13/05/1986
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° LOIS ET REGLEMENTS - Arrêté préfectoral - Légalité - Travail - Repos hebdomadaire - Fermeture dominicale - Accord des syndicats intéressés - Volonté de la majorité des professionnels concernés - Constatations nécessaires.

TRAVAIL - Repos hebdomadaire - Fermeture des établissements - Arrêté préfectoral - Légalité - Accord des syndicats intéressés - Volonté de la majorité des professionnels concernés - Recherches nécessaires.

1° . L'arrêté préfectoral pris en application de l'article L. 221-17 du Code du travail et ordonnant la fermeture de certaines catégories de magasins le dimanche doit être pris après accord des syndicats patronaux et ouvriers intéressés. Sa légalité est toutefois subordonnée à la condition qu'il exprime la volonté de la majorité des professionnels concernés. Il appartient, dès lors, aux juges du fond, saisis de poursuites exercées contre un commerçant du chef de violation d'un arrêté préfectoral pris en application dudit article, de rechercher, lorsqu'ils en sont expressément priés par le prévenu, si les conditions ci-dessus spécifiées ont été respectées (1).

2° TRAVAIL - Repos hebdomadaire - Infractions - Concours d'infractions - Peines - Amendes - Cumul - Limites - Nombre de personnes irrégulièrement employées.

PEINES - Non-cumul - Domaine d'application - Travail - Repos hebdomadaire - Infractions - Amendes - Cumul limité au nombre de personnes irrégulièrement employées.

2° . En prévoyant, en cas de récidive seulement, le cumul des peines contraventionnelles et, en tout autre cas, le prononcé d'amendes correspondant au nombre des personnes employées, les dispositions de l'article R. 260-2 du Code du travail ont institué, en matière d'infractions à la réglementation sur le repos hebdomadaire, un système de répression spéciale qui déroge au droit commun et selon lequel, s'il n'y a pas récidive, le nombre d'amendes prononcées, en cas de pluralité d'infractions, ne peut excéder le nombre des personnes irrégulièrement employées (2).


Références :

Code du travail L221-17

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 08 octobre 1985

(1) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1969-07-11, bulletin criminel 1969 N° 197 p. 475 (Rejet). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1971-11-02, bulletin criminel 1971 N° 291 p. 722 (Rejet). Conseil d'Etat, 1980-04-23, Recueil Lebon p. 194 ;

Cour de Cassation, chambre criminelle, 1984-11-13, bulletin criminel 1984 N° 345 p. 908 (2 arrêts) (Cassation et Rejet). (2) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1978-12-04, bulletin criminel 1978 N° 341 p. 893 (Cassation). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1978-12-04, bulletin criminel 1978 N° 343 p. 899 (Rejet). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1979-01-10, bulletin criminel 1979 N° 19 p. 56 (Cassation). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1979-10-15, bulletin criminel 1979 N° 280 p. 759 (Cassation). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1981-01-07, bulletin criminel 1979 N° 6 p. 19 (Cassation partielle sans renvoi). Cour de Cassation, assemblée plénière, 1982-06-22, bulletin criminel 1982 N° 25 p. 58 (Cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 mai. 1986, pourvoi n°85-95317, Bull. crim. criminel 1986 N° 161 p. 418
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 161 p. 418

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller le plus ancien faisant fonctions
Avocat général : Avocat général : M. Clerget
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Sainte-Rose
Avocat(s) : Avocat : M. Le Prado

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:85.95317
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