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03/11/1986 | FRANCE | N°85-93644

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 novembre 1986, 85-93644


CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Luciano,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Papeete, Chambre correctionnelle, en date du 13 décembre 1984, qui, pour blessures involontaires ayant entraîné une incapacité de travail personnel supérieure à 3 mois avec la circonstance de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, l'a condamné à 1 650 francs d'amende, a prononcé la suspension de son permis de conduire pour une durée de 10 mois et a statué sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris

de la violation par fausse application des articles 470-1 du Code de procédure...

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Luciano,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Papeete, Chambre correctionnelle, en date du 13 décembre 1984, qui, pour blessures involontaires ayant entraîné une incapacité de travail personnel supérieure à 3 mois avec la circonstance de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, l'a condamné à 1 650 francs d'amende, a prononcé la suspension de son permis de conduire pour une durée de 10 mois et a statué sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation par fausse application des articles 470-1 du Code de procédure pénale, 1384, alinéa 1er, du Code civil, 2, 3, 10, 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de motifs ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Luciano X... coupable du délit de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité de travail personnel supérieure à trois mois (...) et reçu la constitution de partie civile de Y... et l'intervention de la Caisse de prévoyance sociale, et dit que X... est tenu de réparer l'entier dommage subi par Y... ;
" aux motifs que " la Cour est saisie d'une action en dédommagement fondée sur l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, qu'un tel moyen est d'ailleurs recevable dès lors que la CPS est légalement subrogée dans les droits de son assuré X..., qu'il y a lieu de l'examiner au fond ; que l'action civile, tout en étant soumise pour sa recevabilité devant la juridiction pénale à la responsabilité pénale de la personne contre qui elle est formée, n'en est pas moins régie au fond par un ensemble unique et cohérent de dispositions civiles entre lesquelles la loi n'introduit pas de discrimination ; que tel est bien ce qui ressort, tant de l'article 470-1 du Code de procédure pénale, ce texte disposant en effet que le Tribunal peut, en certains cas de relaxe, " demeurer compétent " pour réparer les dommages " en application des règles du Code civil ", que de l'article 10 dudit Code de procédure pénale soumettant la prescription de l'action civile aux règles du Code civil ; qu'il s'ensuit qu'il appartient au juge pénal valablement saisi, comme tel est le cas, de statuer sur les intérêts civils en fonction de l'ensemble des règles du droit civil applicables au cas d'espèce et invoquées devant lui ; qu'il est constant que X... a, à la fois, la qualité d'auteur d'infractions ayant concouru à la réalisation de l'accident et de gardien du véhicule automobile qui a occasionné les dommages ; que la première de ces qualités n'effacerait pas la seconde devant la juridiction civile, et qu'en raison de l'unicité de l'action civile elle ne peut davantage l'effacer devant la juridiction pénale ; que par ailleurs la faute commise par Y... ne présentait pas pour X..., dans les circonstances susrelatées, les caractères d'un fait imprévisible et irrésistible de nature à l'exonérer ; qu'il échet en conséquence, en application de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, de le déclarer tenu de réparer l'entier dommage subi par Y... et par la CPS subrogée à ce dernier " ;
" alors qu'aux termes de l'article 470-1 du Code de procédure pénale, " le Tribunal saisi à l'initiative du Ministère public ou sur renvoi d'une juridiction d'instruction, de poursuites exercées pour homicide ou blessures involontaires qui prononce une relaxe, demeure compétent, sur la demande de la partie civile ou de son assureur, formulées avant la clôture des débats, pour accorder, en application des règles du droit civil, réparation de tous les dommages résultant des faits qui ont fondé la poursuite " ; qu'il résulte de ce texte, qui doit être appliqué strictement, que le juge pénal n'est compétent pour statuer au civil, que dans l'hypothèse où il a, préalablement, relaxé le prévenu des fins de la poursuite ; qu'ainsi, en l'espèce, la Cour d'appel qui a déclaré Luciano X... coupable du délit de blessures involontaires, ne pouvait valablement se saisir de la demande formée à son encontre par Y... et son assureur, sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ; que ce faisant, elle a outrepassé ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;
" alors que, l'article 470-1 du Code de procédure pénale n'autorise le juge pénal à statuer, en application des règles du droit civil, sur la demande de la partie civile et de son assureur que dans les cas précis où le Tribunal est saisi " à l'initiative du Ministère public " ou sur renvoi d'une juridiction d'instruction de poursuites exercées pour homicide ou blessures involontaires "..., qu'en l'espèce il résulte de l'énoncé des chefs de la prévention et des pièces de la procédure que c'est sur la seule citation directe de Y..., que X... a été poursuivi pour avoir causé des blessures entraînant une incapacité totale de travail personnel supérieure à 6 jours sur la personne de Y... Moktar ", faits prévus et punis par les articles 320 et 483, alinéa 2, du Code pénal, que par conséquent, le juge pénal qui n'était pas saisi dans les termes de l'article 470-1 du Code de procédure pénale ne pouvait faire application dudit texte sans violer les dispositions légales susvisées " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'une juridiction correctionnelle ne peut user du droit que lui confère l'article 470-1 du Code de procédure pénale en condamnant le prévenu poursuivi du chef de blessures involontaires à des dommages-intérêts envers la partie civile en application des règles du droit civil, qu'à la double condition d'avoir été saisie des poursuites à l'initiative du Ministère public ou sur renvoi d'une juridiction d'instruction et d'avoir préalablement prononcé la relaxe de ce chef de la poursuite ;
Attendu qu'il appert des énonciations de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, saisie des poursuites exercées par le Ministère public contre Luciano X... du chef de conduite sous l'empire d'un état alcoolique ainsi que de celles engagées contre le même prévenu par Moktar Y... du chef de blessures involontaires, la Cour d'appel a déclaré X... coupable du délit de blessures involontaires avec la circonstance aggravante de conduite sous l'empire d'un état alcoolique ; que statuant sur les demandes de réparation des dommages résultant des faits, les juges décident qu'en application des articles 470-1 du Code de procédure pénale et 1384, alinéa 1er, du Code civil, X...doit réparer l'entier dommage subi par Y... ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi la Cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre moyen de cassation proposé :
CASSE ET ANNULE en ses seules dispositions civiles, l'arrêt de la Cour d'appel de Papeete en date du 13 décembre 1984 ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel de Papeete autrement composée.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 85-93644
Date de la décision : 03/11/1986
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACTION CIVILE - Fondement - Infraction - Homicide ou blessures involontaires - Responsabilité du fait des choses - Application des règles de droit civil - Conditions

L'action fondée sur la responsabilité du gardien de la chose ne naissant pas d'un délit, les juridictions correctionnelles ne peuvent en connaître qu'à la condition d'avoir été saisies, à l'initiative du Ministère public ou sur renvoi d'une juridiction d'instruction, de poursuites exercées pour homicide ou blessures involontaires et d'avoir préalablement prononcé la relaxe de ce chef ; encourt la cassation l'arrêt de la Cour d'appel qui, saisie de la poursuite par la partie civile, condamne le prévenu du chef de blessures involontaires et accorde des dommages-intérêts à la victime sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1, du Code civil.


Références :

Code civil 1384 al. 1
Code de procédure pénale 470-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, 13 décembre 1984


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 nov. 1986, pourvoi n°85-93644, Bull. crim. criminel 1986 N° 313 p. 797
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 313 p. 797

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Ledoux
Avocat général : Avocat général : M. Rabut
Rapporteur ?: Rapporteur : Mlle Bregeon
Avocat(s) : Avocat : M. Coutard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:85.93644
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