| France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 juin 1971, 70-91873

CASSATION PARTIELLE SUR LE POURVOI FORME PAR X... (SLOBODAN), CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE COLMAR, EN DATE DU 26 JUIN 1970, L'AYANT CONDAMNE A HUIT AMENDES DE 700 FRANCS POUR EMPLOI IRREGULIER DE TRAVAILLEURS ETRANGERS AINSI QU'A TRENTE AMENDES DE 50 FRANCS, POUR DELIVRANCE DE BULLETINS DE PAYE IRREGULIERS LA COUR, VU LE MEMOIRE PRODUIT ;

SUR LE

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

ALORS QU'IL CONSTATE QUE LE DEMANDEUR N'EST NI ASSOCIE, NI GERANT DE CETTE SOCIETE DONT LE GERANT DE DROIT EST LE SIEUR Y..., AU MOTIF QU'IL EN SERAIT LE DIRECTEUR TECHNIQUE ET FONDE DE POUVOIRS DU GERANT ET QU'IL NE DEMONTRERAIT PAS QUE CE GERANT STATUAIRE EXERCERAIT UNE ACTIVITE QUELCONQUE DANS LA SOCIETE ;

ALORS QUE SEUL LE MANDATAIRE SOCIAL STATUTAIRE OU NANTI D'UN MANDAT EXPRES DE GESTION APPARAIT COMME L'EMPLOYEUR TENU DE VEILLER PERSONNELLEMENT AU RESPECT DE LA LOI DANS L'ENTREPRISE A L'EXCLUSION DE TOUTE PERSONNE NON TITULAIRE D'UN MANDAT SOCIAL DE GESTION ;

D'OU IL SUIT QUE LE DEMANDEUR, SERAIT-IL GERANT DE FAIT, CE QUE L'ARRET ATTAQUE N'ENONCE PAS, NE POUVAIT ENCOURIR AUCUNE RESPONSABILITE PENALE EN L'ABSENCE D'UNE DELEGATION SPECIALE DES POUVOIRS DU GERANT QUE LE JUGE DU FOND NE CARACTERISE PAS EN L'ESPECE ET QU'EN RETENANT QUE LE GERANT DE DROIT N'EXERCE AUCUNE ACTIVITE ET QUE LE DEMANDEUR NE FERAIT PAS LA PREUVE D'UNE TELLE ACTIVITE, LE JUGE DU FOND CARACTERISE LA RESPONSABILITE PENALE DE Y... ET MET A LA CHARGE DU DEMANDEUR LA PREUVE DE SA NON-CULPABILITE ;

ATTENDU QU'IL APPERT DE L'ARRET ATTAQUE QUE X... A ETE DEFERE AU TRIBUNAL DE POLICE POUR AVOIR, D'UNE PART, ENGAGE A SON SERVICE DES OUVRIERS ETRANGERS NON MUNIS DE LA CARTE DE TRAVAIL PREVUE PAR LA LOI ET, D'AUTRE PART, REMIS A DES SALARIES UN CERTAIN NOMBRE DE BULLETINS DE PAYE NE COMPORTANT PAS TOUTES LES MENTIONS EXIGEES PAR L'ARTICLE 44A DU LIVRE 1ER DU CODE DU TRAVAIL ;

ATTENDU QUE, POUR REJETER LE MOYEN DE DEFENSE SELON LEQUEL IL N'AURAIT PAS ETE PERSONNELLEMENT L'EMPLOYEUR DES OUVRIERS INTERESSES, L'ARRET CONSTATE QUE, S'IL EST VRAI QUE LESDITS SALARIES ETAIENT AU SERVICE D'UNE SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE DONT LE DEMANDEUR N'ETAIT NI ASSOCIE, NI GERANT, C'EST POURTANT LUI QUI, EN REALITE, MENAIT SEUL L'ENTREPRISE AVEC LE TITRE DU DIRECTEUR GENERAL ET LA QUALITE DE FONDE DE POUVOIR DU GERANT, TANDIS QUE CE DERNIER NE PARTICIPAIT EN RIEN A LA GESTION DE LA SOCIETE ;

ATTENDU QU'EN L'ETAT DE CES ENONCIATIONS DONT IL RESULTE QUE LE REPRESENTANT LEGAL DE LADITE SOCIETE AVAIT, EN DROIT, DELEGUE ET, EN FAIT, ABANDONNE LA DIRECTION DE L'ENTREPRISE AU PREVENU, LEQUEL SE TROUVAIT AINSI INVESTI ET POURVU DE LA COMPETENCE ET DE L'AUTORITE NECESSAIRES POUR VEILLER EFFICACEMENT A L'OBSERVATION DE LA LOI, C'EST A BON DROIT QUE X... A ETE DECLARE COUPABLE DES INFRACTIONS CONSTITUEES PAR DES ACTES ILLICITES QU'IL AVAIT PERSONNELLEMENT COMMIS ;

QU'AINSI, ET ABSTRACTION FAITE DE TOUT MOTIF SURABONDANT, LA COUR D'APPEL A, SUR CE POINT, JUSTIFIE SA DECISION ;

D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN DOIT ETRE ECARTE ;

SUR LE

SECOND MOYEN DE CASSATION :

ALORS, D'UNE PART, QUE LE JUGE DU FOND SE BORNE A REPRODUIRE LA PREVENTION SANS EXAMINER NI CONSTATER LES FAITS ET MET AINSI LA COUR DE CASSATION DANS L'IMPOSSIBILITE D'EXERCER SON CONTROLE SUR LA LEGALITE DE LA CONDAMNATION PRONONCEE ;

ET ALORS, D'AUTRE PART, QU'EN CE QUI CONCERNE LES BULLETINS DE PAYE, LE JUGE DU FOND NE POUVAIT PRONONCER QU'UNE SEULE AMENDE POUR CHACUN DES OUVRIERS INTERESSES ET NON PAS UNE AMENDE POUR CHACUNE DES IRREGULARITES, CONSIDEREE ISOLEMENT, DE L'ENSEMBLE DES BULLETINS QUI LUI ETAIENT SOUMIS, ET QU'A SUPPOSER CARACTERISEES LES IRREGULARITES ENONCEES, LE JUGE DU FOND DEVAIT PRONONCER SEPT AMENDES ET NON PAS TRENTE ;

ET SUR LA PREMIERE BRANCHE DU MOYEN ;

ATTENDU QUE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE AINSI QUE DES PROCES-VERBAUX BASES DES POURSUITES, AUXQUELS LES JUGES DU FOND SE SONT EXPRESSEMENT REFERES, IL RESULTE QU'UN INSPECTEUR DU TRAVAIL A CONSTATE, LE 8 AOUT 1969, D'UNE PART QU'A CETTE DATE, X... EMPLOYAIT SUR UN CHANTIER SIS A SAINTE-CROIX-EN-PLAINE DEUX TRAVAILLEURS YOUGOSLAVES, NOMMES Z... ET A..., QUI N'ETAIENT PAS MUNIS DE CARTES DE TRAVAIL ;

D'AUTRE PART, QU'A LA MEME DATE, LE PREVENU EMPLOYAIT SUR UN AUTRE CHANTIER SIS A VOGELSHEIM DEUX TRAVAILLEURS TUNISIENS NOMMES B... ET C... ET QUATRE YOUGOSLAVES NOMMES D..., E..., F... ET G..., QUI, TOUS LES SIX, ETAIENT EGALEMENT DEMUNIS DE CARTES DE TRAVAIL ;

QU'EN TROISIEME LIEU, EN JUIN ET JUILLET 1969, LE DEMANDEUR AVAIT A VOGELSHEIM DELIVRE A QUATRE SALARIES NOMMES H..., I..., J... ET K... DES BULLETINS DE PAYE SUR LESQUELS NE FIGURAIENT PAS CINQ MENTIONS, QUE L'ARRET ENUMERE, SUR LES NEUF QUI SONT EXIGEES PAR L'ARTICLE 44A DU LIVRE 1ER DU CODE DU TRAVAIL ;

QU'ENFIN, EN JUIN ET JUILLET 1969, X... AVAIT, A SAINTE-CROIX-EN-PLAINE, DELIVRE A DEUX SALARIES NOMMES Z... ET A... DES BULLETINS DE PAYE SUR LESQUELS ETAIENT EGALEMENT OMISES LES MEMES CINQ MENTIONS OBLIGATOIRES ;

ATTENDU QU'EN CET ETAT, ET ALORS QU'IL N'EST PAS ALLEGUE QUE LE DEMANDEUR AIT CONTESTE DEVANT LES JUGES LA MATERIALITE DES FAITS ET ENCORE MOINS PRETENDU COMBATTRE PAR LA PREUVE CONTRAIRE LES CONSTATATIONS DES PROCES-VERBAUX PRECITES, LE MOYEN SOUTIENT VAINEMENT QUE LA COUR DE CASSATION N'AURAIT PAS ETE MISE EN MESURE DE CONTROLER, PAR RAPPORT AUX FAITS DE LA CAUSE, LA LEGALITE DE LA DECISION ;

QU'AINSI, EN SA PREMIERE BRANCHE, LE MOYEN NE SAURAIT ETRE ACCUEILLI ;

MAIS, SUR LE SECOND MOYEN, PRIS EN SA SECONDE BRANCHE ;

VU LES ARTICLES QUI Y SONT CITES, ENSEMBLE L'ARTICLE 5 DU CODE PENAL ;

ATTENDU QUE, SI LA REGLE DU NON-CUMUL DES PEINES EDICTEE PAR L'ARTICLE 5 DU CODE PENAL N'EST PAS APPLICABLE EN MATIERE DE CONTRAVENTIONS, ENCORE FAUT-IL, POUR QUE DES CONDAMNATIONS CUMULATIVES PUISSENT ETRE PRONONCEES, QU'IL EXISTE AUTANT DE FAUTES DISTINCTES, PUNISSABLES SEPAREMENT, QU'IL EST PRONONCE DE CONDAMNATIONS A UNE PEINE DE POLICE ;

ATTENDU QU'IL EST ENONCE DANS L'ARRET QUE X... A DELIVRE A SIX OUVRIERS DES BULLETINS DE PAYE SUR LESQUELS NE FIGURAIENT PAS CINQ DES NEUF MENTIONS EXIGEES PAR L'ARTICLE 44A DU LIVRE 1ER DU CODE DU TRAVAIL ;

ATTENDU QUE, POUR CES FAITS, LE DEMANDEUR A ETE DECLARE COUPABLE DE TRENTE CONTRAVENTIONS ET CONDAMNE A TRENTE AMENDES ;

MAIS ATTENDU QUE, CHACUNE DES CONTRAVENTIONS IMPUTEES AU PREVENU AYANT CONSISTE DANS LA DELIVRANCE D'UN BULLETIN DE PAYE NON CONFORME AUX EXIGENCES DE L'ARTICLE 44A DU LIVRE 1ER DU CODE DU TRAVAIL, LA COUR D'APPEL, DONT L'ARRET CONSTATE SEULEMENT QUE CE FAIT S'EST RENOUVELE SIX FOIS, N'A PU PRONONCER CUMULATIVEMENT TRENTE AMENDES QU'EN CONSIDERANT ARBITRAIREMENT COMME AUTANT D'INFRACTIONS SEPAREES CHACUNE DES OMISSIONS QUI AVAIENT ETE CONSTATEES SUR CHAQUE BULLETIN LITIGIEUX ;

QU'AINSI, LA CASSATION EST ENCOURUE DE CE CHEF MAIS DOIT ETRE LIMITEE AUX CONDAMNATIONS PRONONCEES POUR INFRACTION A L'ARTICLE 44A DU LIVRE 1ER DU CODE DU TRAVAIL ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE L'ARRET DE LA COUR D'APPEL DE COLMAR, EN DATE DU 26 JUIN 1970, MAIS SEULEMENT DANS SES DISPOSITIONS AYANT CONDAMNE X... A TRENTE AMENDES DE 50 FRANCS POUR INFRACTIONS A L'ARTICLE 44A DU LIVRE 1ER DU CODE DU TRAVAIL, TOUTES AUTRES DISPOSITIONS DUDIT ARRET ETANT EXPRESSEMENT MAINTENUES ET POUR QU'IL SOIT STATUE A NOUVEAU CONFORMEMENT A LA LOI DANS LES LIMITES DE LA CASSATION AINSI PRONONCEE : RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL DE NANCY