Vu la procédure suivante :
La société civile immobilière PB 12, à l'appui de sa demande en décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011 à raison d'un immeuble de bureaux dont elle est propriétaire à Puteaux, a produit un mémoire, enregistré le 28 août 2015 au greffe du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, en application de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.
Par une ordonnance n° 1411944 du 13 octobre 2015, enregistrée le 16 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la 2e chambre de ce tribunal, avant qu'il ne soit statué sur la demande de la société, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du III de l'article 32 de la loi du 29 décembre 2014 portant loi de finances rectificative pour 2014.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Anton, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boutet, Hourdeaux, avocat de la société PB 12 ;
1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant qu'aux termes du III de l'article 32 de la loi de finances rectificative pour 2014 : " Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, pour la détermination de la valeur locative des locaux mentionnés à l'article 1496 du code général des impôts et de ceux évalués en application du 2° de l'article 1498 du même code, sont validées les évaluations réalisées avant le 1er janvier 2015 en tant que leur légalité serait contestée au motif que, selon le cas, le local de référence ou le local-type ayant servi de terme de comparaison, soit directement, soit indirectement, a été détruit ou a changé de consistance, d'affectation ou de caractéristiques physiques " ; que ces dispositions excluent, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, de se prévaloir de ce motif d'irrégularité en vue d'une remise en cause de l'évaluation de la valeur locative des immeubles concernés, y compris pour les impositions postérieures au 1er janvier 2015, dès lors que cette évaluation a été réalisée avant le 1er janvier 2015 ;
3. Considérant que la société civile immobilière PB 12 soutient notamment que la validation ainsi prévue par ces dispositions n'est justifiée par aucun motif impérieux d'intérêt général ; que ces dispositions sont applicables au litige ; qu'elles n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que la question de savoir si elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment aux principes des droits de la défense et de la séparation des pouvoirs garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, présente un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du III de l'article 32 de la loi de finances rectificative pour 2014 est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière PB 12, au Premier ministre et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.