Vu l'ordonnance n° 10MA04256 QPC du 8 janvier 2013, enregistrée le 11 janvier 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la 7ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille, avant qu'il soit statué sur l'appel de la SCI Pascal, tendant, en premier lieu, à l'annulation du jugement n° 0805953 du 24 septembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier, saisi par le préfet de l'Hérault du procès-verbal de contravention de grande voirie en date du 1er octobre 2008, a condamné solidairement la SCI Pascal et M. Pascal, à payer une amende de 1 500 euros, à retirer les enrochements et autres dépôts de terre mélangés à des produits de démolition et à remettre en état les dépendances du domaine public maritime dont l'occupation a été constatée par ce procès-verbal dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à payer à l'Etat la somme de 150 euros au titre des frais engagés pour l'établissement du procès-verbal, et, en deuxième lieu, à la relaxe des poursuites engagées à son encontre, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 1° de l'article L. 2111-4 et des articles L. 2111-5 et L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 octobre 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, présenté par la SCI Pascal, dont le siège est 32 rue Jean Mermoz, à Agde (34300), représentée par son représentant légal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques, notamment ses articles L. 2111-4, L. 2111-5 et L. 2132-3 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Esther de Moustier, Auditeur,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;
1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
Sur la question prioritaire de constitutionnalité relative aux dispositions du 1° de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de L'Etat comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. / Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; (...) " ; que ces dispositions sont applicables au litige dont est saisie la cour administrative d'appel de Marseille ; qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative aux dispositions du 1° de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques ;
Sur les questions prioritaires de constitutionnalité relatives aux dispositions des articles L. 2111-5 et L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques :
En ce qui concerne l'article L. 2111-5 :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2111-5 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les limites du rivage sont constatées par l'Etat en fonction des observations opérées sur les lieux à délimiter ou des informations fournies par des procédés scientifiques. / Le projet de délimitation du rivage est soumis à enquête publique. / L'acte administratif portant délimitation du rivage est publié et notifié aux riverains. Les revendications de propriété sur les portions de rivage ainsi délimitées se prescrivent par dix ans à dater de la publication. Le recours contentieux à l'encontre de l'acte de délimitation suspend ce délai. / Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article, notamment les formalités propres à mettre les riverains en mesure de formuler leurs observations, ainsi que la liste des procédés scientifiques visés au premier alinéa du présent article. / Ce décret détermine également les conditions dans lesquelles sont fixées la limite transversale de la mer à l'embouchure des cours d'eau et la limite des lais et relais de la mer. " ;
4. Considérant que ces dispositions fixent notamment la procédure de délimitation du rivage de la mer ; quelles ne sont pas, par elles-mêmes, de nature à porter atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que la société requérante ne peut sérieusement soutenir qu'elles portent atteinte au principe d'égalité devant la loi et à la garantie des droits, respectivement proclamés par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ou au droit à la participation du public énoncé à l'article 7 de la Charte de l'environnement ;
En ce qui concerne l'article L. 2132-3 :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende. / Nul ne peut en outre, sur ce domaine, procéder à des dépôts ou à des extractions, ni se livrer à des dégradations. " ;
6. Considérant que ces dispositions définissent les infractions propres au domaine public maritime naturel dont la constatation justifie que les autorités chargées de la conservation de ce domaine engagent, après avoir cité le contrevenant à comparaître, des poursuites conformément à la procédure de contravention de grande voirie prévue par les articles L. 774-1 à L. 774-13 du code de justice administrative ; que, dans le cadre de cette procédure, le contrevenant peut être condamné par le juge, au titre de l'action domaniale, et à la demande de l'administration, à remettre lui-même les lieux en état en procédant à la destruction des ouvrages construits ou maintenus illégalement sur la dépendance domaniale ou à l'enlèvement des installations afin que le domaine public maritime naturel retrouve un état conforme à son affectation publique, mais aussi, au titre de l'action publique, à une amende sanctionnant l'atteinte portée au domaine ;
7. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 2132-2, L. 2132-3 et L. 2132-27 du code général de la propriété des personnes publiques que l'atteinte portée au domaine public maritime naturel par une construction ou un aménagement irréguliers, que l'amende vise à prévenir et à réprimer, constitue une infraction matérielle dont le caractère continu permet de condamner le propriétaire ou la personne sous la garde de laquelle se trouve l'objet de la contravention, que l'un ou l'autre ait ou non construit l'édifice ou réalisé l'aménagement irrégulièrement implanté sur le domaine public ; que, par suite, la SCI Pascal n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques méconnaissent le principe en vertu duquel nul ne peut être puni que de son propre fait et sont, pour ce motif, contraires aux articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité relatives aux dispositions des articles L. 2111-5 et L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques, qui ne sont pas nouvelles et ne présentent pas un caractère sérieux ;
D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution du 1° de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité relatives aux dispositions des articles L. 2111-5 et L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques transmises par la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SCI Pascal, à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et au Premier ministre.
Copie en sera adressée, pour information, au Conseil constitutionnel et à la cour administrative d'appel de Marseille.