COUR SUPRÊME DU CANADA
Référence : R. c. A.E., 2022 CSC 4
Appels entendus : 15 février 2022
Jugement rendu : 15 février 2022
Dossiers : 39699, 39703
Entre :
A.E.
Appelant
et
Sa Majesté la Reine
Intimée
- et -
Directrice des poursuites pénales
Intervenante
Et entre :
T.C.F.
Appelant
et
Sa Majesté la Reine
Intimée
- et -
Directrice des poursuites pénales
Intervenante
Traduction française officielle
Coram : Le juge en chef Wagner et les juges Moldaver, Karakatsanis, Côté, Brown, Rowe, Martin, Kasirer et Jamal
Jugement unanime lu par :
(par. 1 à 6)
Le juge Moldaver
Avocats :
Andrea L. Serink et Alias A. Sanders, pour l’appelant A.E.
Balfour Q. H. Der, c.r., James F. McLeod et David A. S. Roper, pour l’appelant T.C.F.
Andrew Barg et Tom Spark, pour l’intimée.
Blair MacPherson, pour l’intervenante.
Note : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada.
No. 39699
No. 39703
February 21, 2022
Le 21 février 2022
Coram: Wagner C.J. and Moldaver, Karakatsanis, Côté, Brown, Rowe, Martin, Kasirer and Jamal JJ.
Coram : Le juge en chef Wagner et les juges Moldaver, Karakatsanis, Côté, Brown, Rowe, Martin, Kasirer et Jamal
BETWEEN:
A.E.
Appellant
- and -
Her Majesty The Queen
Respondent
- and -
Director of Public Prosecutions
Intervener
AND BETWEEN:
T.C.F.
Appellant
- and -
Her Majesty The Queen
Respondent
- and -
Director of Public Prosecutions
Intervener
ENTRE :
A.E.
Appelant
- et -
Sa Majesté la Reine
Intimée
- et -
Directrice des poursuites pénales
Intervenante
ET ENTRE :
T.C.F.
Appelant
- et -
Sa Majesté la Reine
Intimée
- et -
Directrice des poursuites pénales
Intervenante
JUDGMENT
The appeals from the judgment of the Court of Appeal of Alberta (Calgary), Numbers 1901-0142A and 1901-0143A, 2021 ABCA 172, dated May 12, 2021, were heard on February 15, 2022, and the Court on that day delivered the following judgment orally:
Moldaver J. — We would dismiss the appeals and uphold A.E. and T.C.F.’s convictions for sexual assault. The trial judge erred in law, in that he essentially applied a principle of “broad advance consent” (R. v. Barton, 2019 SCC 33, [2019] 2 S.C.R. 579, at para. 99). Consent must be linked to the sexual activity in question, it must exist at the time the activity occurs, and it can be withdrawn at any time (Barton, at para. 88; R. v. Hutchinson, 2014 SCC 19, [2014] 1 S.C.R. 346, at para. 17). The trial judge failed to address the scope of the complainant’s consent to sexual activity and failed to consider whether her consent was withdrawn. Accordingly, the trial judge’s determination that the complainant had subjectively consented to the sexual activity in question was not entitled to deference.
As this Court set out in R. v. Cassidy, 1989 CanLII 25 (CSC), [1989] 2 S.C.R. 345, in order to substitute a conviction on an appeal from acquittal, “all the findings necessary to support a verdict of guilty must have been made, either explicitly or implicitly, or not be in issue” (pp. 354-55). The Cassidy test is met in this case, thereby permitting a substituted conviction under s. 686(4)(b)(ii) of the Criminal Code, R.S.C. 1985, c. C-46. The trial judge’s explicit and implicit findings demonstrate that both A.E. and T.C.F. continued, and A.E. escalated the sexual interactions with the complainant even after she cried out “No”, without taking any steps to find out if she was withdrawing her consent. Specifically, A.E. slapped the complainant’s buttocks, and T.C.F. continued to engage the complainant in sexual activity and ordered her to perform fellatio. In the circumstances, T.C.F.’s assertion of an honest but mistaken belief in consent lacks an air of reality and is unsupported by any reasonable steps (Criminal Code, s. 273.2(b); Barton, at para. 122). Finally, in view of our conclusion that the Cassidy test is met here, we need not comment on Martin J.A.’s statement of the test for substituted convictions, found at para. 91 of his reasons.
With respect to the allegations of bias raised by A.E., we are all of the view that nothing asserted by him called into any question the integrity and impartiality of the Court of Appeal of Alberta in this case.
The appellant A.E. also asks this Court to stay his conviction for sexual assault under Kienapple v. The Queen, 1974 CanLII 14 (CSC), [1975] 1 S.C.R. 729, on the basis that it is a lesser included count within his conviction for sexual assault with a weapon. We would not give effect to this submission. In these circumstances, the offences involve different subsets of facts and address different forms of harm (see R. v. M. (R.), 2020 ONCA 231, 150 O.R. (3d) 369, at para. 52). Specifically, the charge of sexual assault with a weapon addresses the injuries that the complainant suffered as a result of the use of the toothbrush, as well as the elevated risk that it brought about.
We note that the Court of Appeal of Alberta addressed other issues in obiter, including: T.C.F.’s liability for sexual assault with a weapon; whether surreptitious recording constitutes fraud vitiating consent; and whether consent to sexual activity can be given in situations involving intentional bodily harm. In the circumstances, it is unnecessary for us to address these issues.
In the result, the appeals from conviction are dismissed and the matters are remitted to the Court of Queen’s Bench for sentencing.
JUGEMENT
Les appels interjetés contre l’arrêt de la Cour d’appel de l’Alberta (Calgary), numéros 1901-0142A et 1901-0143A, 2021 ABCA 172, datés du 12 mai 2021, ont été entendus le 15 février 2022 et la Cour a prononcé oralement le même jour le jugement suivant :
[traduction]
Le juge Moldaver — Nous sommes d’avis de rejeter les appels et de confirmer les déclarations de culpabilité prononcées contre A.E. et T.C.F. pour agression sexuelle. Le juge du procès a commis une erreur de droit, en ce qu’il a essentiellement appliqué un principe de « consentement général donné à l’avance » (R. c. Barton, 2019 CSC 33, [2019] 2 R.C.S. 579, par. 99). Le consentement doit viser l’activité sexuelle en question, il doit exister au moment où l’activité sexuelle a lieu et il peut être révoqué à tout moment (Barton, par. 88; R. c. Hutchinson, 2014 CSC 19, [2014] 1 R.C.S. 346, par. 17). Le juge du procès a omis de tenir compte de la portée du consentement de la plaignante à l’activité sexuelle et ne s’est pas demandé si elle avait révoqué son consentement. En conséquence, la décision du juge du procès portant que la plaignante avait subjectivement consenti à l’activité sexuelle en question ne commandait pas la déférence.
Comme l’a énoncé notre Cour dans R. c. Cassidy, 1989 CanLII 25 (CSC), [1989] 2 R.C.S. 345, afin de substituer une déclaration de culpabilité en cas d’appel d’un acquittement, « toutes les conclusions nécessaires pour justifier un verdict de culpabilité doivent avoir été tirées explicitement ou implicitement, ou ne pas être en cause » (p. 354-355). Il est satisfait en l’espèce au critère établi dans l’arrêt Cassidy, ce qui permet de substituer une déclaration de culpabilité à l’acquittement conformément au sous-al. 686(4)b)(ii) du Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46. Les conclusions explicites et implicites du juge du procès démontrent que tant A.E. que T.C.F. ont continué les interactions sexuelles avec la plaignante, et que A.E. les a intensifiées même après que celle-ci a crié « Non », sans prendre quelque mesure que ce soit pour vérifier si elle révoquait son consentement. Plus particulièrement, A.E. a donné des claques sur les fesses de la plaignante, et T.C.F. a continué à se livrer à une activité sexuelle avec celle-ci et lui a ordonné de lui faire une fellation. Dans les circonstances, l’affirmation de T.C.F. suivant laquelle il avait une croyance sincère mais erronée au consentement est dépourvue de vraisemblance et n’est pas appuyée par la prise de quelque mesure raisonnable que ce soit (Code criminel, al. 273.2b); Barton, par. 122). Enfin, vu notre conclusion portant qu’il est satisfait en l’espèce au critère établi dans Cassidy, nous n’avons pas à commenter l’énoncé du critère relatif à la substitution d’une déclaration de culpabilité à un acquittement qu’a fait le juge Martin de la Cour d’appel, au par. 91 de ses motifs.
Pour ce qui est des allégations de partialité soulevées par A.E., nous sommes toutes et tous d’avis que rien de ce qu’il avance ne remettait en question l’intégrité et l’impartialité de la Cour d’appel de l’Alberta dans la présente affaire.
L’appelant A.E. demande en outre à la Cour de suspendre sa déclaration de culpabilité pour agression sexuelle en application de l’arrêt Kienapple c. La Reine, 1974 CanLII 14 (CSC), [1975] 1 R.C.S. 729, au motif qu’il s’agit d’une infraction moindre et incluse visée par la déclaration de culpabilité prononcée contre lui pour agression sexuelle armée. Nous ne pouvons faire droit à cette prétention. Dans les circonstances de la présente affaire, les infractions portent sur différents sous‑ensembles de faits et visent différentes formes de préjudice (voir R. c. M. (R.), 2020 ONCA 231, 150 O.R. (3d) 369, par. 52). De façon plus particulière, l’accusation d’agression sexuelle armée vise les blessures subies par la plaignante par suite de l’utilisation de la brosse à dents, ainsi que le risque élevé que cela entraînait.
Nous soulignons que la Cour d’appel de l’Alberta a traité d’autres questions en obiter, notamment la responsabilité de T.C.F. quant à l’agression sexuelle armée; la question de savoir si l’enregistrement clandestin constituait une fraude viciant le consentement; et celle de savoir si un consentement à l’activité sexuelle peut être donné dans des situations comportant des préjudices corporels intentionnels. Dans les circonstances, il n’est pas nécessaire que nous examinions ces questions.
En conséquence, les appels des déclarations de culpabilité sont rejetés et les affaires sont renvoyées à la Cour du Banc de la Reine en vue de la détermination de la peine.
C.J.C.
J.C.C.