COUR SUPRÊME DU CANADA
Référence : R. c. Gerrard, 2022 CSC 13
Appel entendu : 19 avril 2022
Jugement rendu : 19 avril 2022
Dossier : 39874
Entre :
Andre Aaron Gerrard
Appelant
et
Sa Majesté la Reine
Intimée
Traduction française officielle
Coram : Les juges Moldaver, Karakatsanis, Rowe, Kasirer et Jamal
Jugement unanime lu par :
(par. 1 à 6)
Le juge Moldaver
Avocats :
Jonathan T. Hughes, pour l’appelant.
Jennifer A. MacLellan, c.r., et Mark Scott, c.r., pour l’intimée.
Note : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada.
No. 39874
April 25, 2022
Le 25 avril 2022
Coram: Moldaver, Karakatsanis, Rowe, Kasirer and Jamal JJ.
Coram : Les juges Moldaver, Karakatsanis, Rowe, Kasirer et Jamal
BETWEEN:
Andre Aaron Gerrard
Appellant
- and -
Her Majesty The Queen
Respondent
ENTRE :
Andre Aaron Gerrard
Appelant
- et -
Sa Majesté la Reine
Intimée
JUDGMENT
The appeal from the judgment of the Nova Scotia Court of Appeal, Number CAC 501626, 2021 NSCA 59, dated July 27, 2021, was heard on April 19, 2022, and the Court on that day delivered the following judgment orally:
Moldaver J. — Mr. Gerrard appeals his 13 domestic violence-related convictions to this Court, as of right, based upon a dissenting opinion at the Nova Scotia Court of Appeal. A majority of the Court of Appeal rejected his submissions that the trial judge erred both in her application of R. v. W.(D.), 1991 CanLII 93 (CSC), [1991] 1 S.C.R. 742, and her assessment of the complainant’s credibility.
We would dismiss the appeal. On the first issue, the trial judge instructed herself correctly on the W.(D.) test and its application. It is immaterial that the trial judge assessed the complainant’s credibility before the accused’s; this does not automatically demonstrate that she reversed the burden of proof (R. v. Vuradin, 2013 SCC 38, [2013] 2 S.C.R. 639, at para. 21). Rather, the trial judge’s reasons demonstrate that she did not evaluate the complainant’s evidence in isolation, but properly tested it against the evidence of other witnesses — including the accused — and offered cogent reasons for finding that the complainant’s evidence was credible without improperly marginalizing that of Mr. Gerrard’s or any of the other witnesses. Trial judges’ reasons must be read generously, as a whole, and with the presumption that the judge knows the law (R. v. G.F., 2021 SCC 20, at paras. 69 and 74). We see no reason to interfere with her analysis.
On the second issue, we do not accept Mr. Gerrard’s submission that the trial judge made improper credibility findings about the complainant regarding lack of motive to lie, lack of embellishment, and reluctance to report to the police and testify. The trial judge properly considered each of these factors in assessing the complainant’s credibility as a direct response to Mr. Gerrard’s defence at trial, namely that the complainant had long threatened to report him to the police and finally followed through with this threat by fabricating allegations because he made a derogatory comment about her to her daughter. Put another way, he alleged that she had a motive to lie and was, in fact, lying. Credibility findings are owed significant deference on appeal (G.F., at para. 81). The trial judge’s reasons were responsive to live issues at trial — raised by Mr. Gerrard — and reveal no error justifying intervention.
Two of these factors warrant a few additional comments. Lack of evidence of a complainant’s motive to lie may be relevant in assessing credibility, particularly where the suggestion is raised by the defence (R. v. Stirling, 2008 SCC 10, [2008] 1 S.C.R. 272, at paras. 10-11; R. v. Ignacio, 2021 ONCA 69, 400 C.C.C. (3d) 343, at paras. 38 and 52). Absence of evidence of motive to lie, or the existence of evidence disproving a particular motive to lie, is a common sense factor that suggests a witness may be more truthful because they do not have a reason to lie. That said, when considering this factor, trial judges must be alive to two risks: (1) the absence of evidence that a complainant has a motive to lie (i.e. there is no evidence either way) cannot be equated with evidence disproving a particular motive to lie (i.e. evidence establishing that the motive does not exist), as the latter requires evidence and is therefore a stronger indication of credibility — neither is conclusive in a credibility analysis; and (2) the burden of proof cannot be reversed by requiring the accused to demonstrate that the complainant has a motive to lie or explain why a complainant has made the allegations (R. v. Swain, 2021 BCCA 207, 406 C.C.C. (3d) 39, at paras. 31-33).
Lack of embellishment may also be relevant in assessing a complainant’s credibility and often arises in response to suggestions that the complainant has a motive to lie. But, unlike absence of evidence of motive to lie, or the existence of evidence disproving a particular motive to lie, lack of embellishment is not an indicator that a witness is more likely telling the truth because both truthful and dishonest accounts can be free of exaggeration or embellishment. Lack of embellishment cannot be used to bolster the complainant’s credibility — it simply does not weigh against it. It may, however, be considered as a factor in assessing whether or not the witness had a motive to lie.
For these reasons, we would dismiss the appeal.
JUGEMENT
L’appel interjeté contre l’arrêt de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse, numéro CAC 501626, 2021 NSCA 59, daté du 27 juillet 2021, a été entendu le 19 avril 2022 et la Cour a prononcé oralement le même jour le jugement suivant :
[traduction]
Le juge Moldaver — Monsieur Gerrard fait appel de plein droit devant notre Cour des 13 déclarations de culpabilité liées à la violence conjugale prononcées contre lui, sur la base de l’opinion dissidente exposée en Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse. Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont rejeté ses arguments selon lesquels la juge du procès a fait erreur tant dans l’application de l’arrêt R. c. W.(D.), 1991 CanLII 93 (CSC), [1991] 1 R.C.S. 742, que dans l’appréciation de la crédibilité de la plaignante.
Nous sommes d’avis de rejeter le pourvoi. En ce qui a trait à la première question en litige, la juge du procès s’est rappelé correctement l’analyse énoncée dans l’arrêt W.(D.) ainsi que son application. Il est sans importance que la juge du procès ait apprécié la crédibilité de la plaignante avant celle de l’accusé; cela ne démontre pas automatiquement qu’elle a renversé le fardeau de la preuve (R. c. Vuradin, 2013 CSC 38, [2013] 2 R.C.S. 639, par. 21). Au contraire, les motifs de la juge du procès démontrent qu’elle n’a pas évalué le témoignage de la plaignante isolément, mais qu’elle l’a adéquatement soupesé en regard de celui d’autres témoins — y compris l’accusé — et qu’elle a fourni des raisons convaincantes au soutien de sa conclusion que le témoignage de la plaignante était crédible, sans marginaliser indûment celui de M. Gerrard ou de quelque autre témoin. Les motifs exposés par les juges qui président les procès doivent être interprétés généreusement, dans leur ensemble, et conformément à la présomption selon laquelle les juges connaissent le droit (R. c. G.F., 2021 CSC 20, par. 69 et 74). Nous ne voyons aucune raison d’intervenir à l’égard de son analyse.
En ce qui a trait à la seconde question en litige, nous n’acceptons pas l’argument de M. Gerrard voulant que la juge du procès ait tiré des conclusions erronées quant à la crédibilité de la plaignante relativement à l’absence de raison de mentir, à l’absence d’amplification et à la réticence à effectuer des signalements à la police et à témoigner. La juge du procès a, dans le cadre de son appréciation de la crédibilité de la plaignante, considéré de manière adéquate chacun de ces facteurs directement par suite du moyen de défense avancé par M. Gerrard au procès, à savoir que la plaignante menaçait depuis longtemps de le dénoncer à la police et avait finalement mis sa menace à exécution en fabriquant des allégations parce qu’il avait fait un commentaire désobligeant la concernant à sa fille. Autrement dit, il alléguait qu’elle avait une raison de mentir et que, dans les faits, elle mentait. Les conclusions sur la crédibilité commandent une grande déférence en appel (G.F., par. 81). Les motifs de la juge du procès répondaient à des questions litigieuses au procès — soulevées par M. Gerrard —, et ils ne révèlent aucune erreur justifiant une intervention.
Deux de ces facteurs appellent quelques commentaires additionnels. L’absence de preuve qu’un plaignant a des raisons de mentir peut être pertinente dans l’appréciation de la crédibilité, particulièrement lorsque la défense suggère qu’il en a (R. c. Stirling, 2008 CSC 10, [2008] 1 R.C.S. 272, par. 10-11; R. c. Ignacio, 2021 ONCA 69, 400 C.C.C. (3d) 343, par. 38 et 52). L’absence de preuve d’une raison de mentir ou l’existence de preuve réfutant une raison particulière de mentir constitue un facteur empreint de bon sens qui tend à indiquer qu’un témoin pourrait être davantage susceptible de dire la vérité parce qu’il n’a pas de raison de mentir. Cela dit, lorsque le juge qui préside un procès prend ce facteur en considération, il doit avoir deux risques à l’esprit : (1) l’absence de preuve qu’un plaignant a des raisons de mentir (c.‑à‑d. l’absence de preuve dans un sens ou dans l’autre) ne peut être assimilée à une preuve réfutant l’existence d’une raison particulière de mentir (c.‑à‑d. une preuve établissant que la raison n’existe pas), car la seconde situation requiert qu’on en fasse la preuve et constitue donc une indication plus solide de crédibilité — aucune de ces situations n’est concluante dans l’analyse sur la crédibilité; et (2) on ne peut renverser le fardeau de la preuve en exigeant que l’accusé démontre que le plaignant a une raison de mentir ou qu’il explique pourquoi le plaignant a formulé des allégations (R. c. Swain, 2021 BCCA 207, 406 C.C.C. (3d) 39, par. 31-33).
L’absence d’amplification peut elle aussi être pertinente dans l’appréciation de la crédibilité d’un plaignant et elle se soulève souvent par suite de suggestions portant que le plaignant a des raisons de mentir. Cependant, contrairement à l’absence de preuve d’une raison de mentir ou à l’existence de preuve réfutant une raison particulière de mentir, l’absence d’amplification n’est pas un indice qu’un témoin est davantage susceptible de dire la vérité, car tant une déposition véridique qu’une déposition malhonnête peut ne contenir aucune exagération ou amplification. L’absence d’amplification ne peut pas être invoquée pour renforcer la crédibilité du plaignant — elle a tout simplement pour effet de ne pas nuire à la crédibilité. Elle peut toutefois constituer un facteur à prendre en considération dans l’examen de la question de savoir si un témoin avait ou non une raison de mentir.
Pour les motifs qui précèdent, nous sommes d’avis de rejeter le pourvoi.
J.S.C.C.
J.C.S.C.