COUR SUPRÊME DU CANADA
Référence : Northrop Grumman Overseas Services Corp. c. Canada (Procureur général), 2009 CSC 50, [2009] 3 R.C.S. 309
Date : 20091105
Dossier : 32752
Entre :
Northrop Grumman Overseas Services Corporation
Appelante
et
Procureur général du Canada et Lockheed Martin Corporation
Intimés
Traduction française officielle
Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron, Rothstein et Cromwell
Motifs de jugement :
(par. 1 à 48)
Le juge Rothstein (avec l'accord de la juge en chef McLachlin et des juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron et Cromwell)
______________________________
Northrop Grumman Overseas Services Corp. c. Canada (Procureur général), 2009 CSC 50, [2009] 3 R.C.S. 309
Northrop Grumman Overseas Services Corporation Appelante
c.
Procureur général du Canada et
Lockheed Martin Corporation Intimés
Répertorié : Northrop Grumman Overseas Services Corp. c. Canada (Procureur général)
Référence neutre : 2009 CSC 50.
No du greffe : 32752.
2009 : 19 mai; 2009 : 5 novembre.
Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron, Rothstein et Cromwell.
en appel de la cour d'appel fédérale
POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel fédérale (les juges Létourneau, Sexton et Ryer), 2008 CAF 187, [2009] 1 R.C.F. 688, 293 D.L.R. (4th) 335, 379 N.R. 1, [2008] A.C.F. no 798 (QL), 2008 CarswellNat 3171, qui a annulé une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur et lui a renvoyé l'affaire, [2007] T.C.C.E. no 100 (QL), 2007 CarswellNat 3718. Pourvoi rejeté.
Barbara A. McIsaac, c.r., et Patrick Veilleux, pour l'appelante.
Anne M. Turley, Christine Mohr et Alexander Gay, pour l'intimé le procureur général du Canada.
Richard A. Wagner et G. Ian Clarke, pour l'intimée Lockheed Martin Corporation.
Version française du jugement de la Cour rendu par
Le juge Rothstein —
1. Introduction
[1] Il s'agit en l'espèce de décider si un fournisseur potentiel d'un marché public qui n'est pas un fournisseur canadien a qualité pour présenter devant le Tribunal canadien du commerce extérieur (« TCCE ») une plainte dénonçant un appel d'offres injuste selon l'Accord sur le commerce intérieur (« ACI »), (1995) 129 Gaz. Can. I, 1323. À mon avis, la réponse est non.
2. Les faits
[2] Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (« TPSGC ») a lancé une demande de propositions pour l'acquisition de 36 nacelles de désignation d'objectif munies de capteur infrarouge multirôle avancé (« CIMA ») pour les aéronefs CF‑18 du ministère de la Défense nationale (« MDN ») et le soutien en service des nacelles pendant 13 ans. Les nacelles dotées de CIMA permettent aux avions militaires d'identifier des cibles grâce à l'imagerie à haute résolution. L'appelante, Northrop Grumman Overseas Services Corporation (« Northrop Overseas ») ainsi que Lockheed Martin Corporation (« Lockheed ») et Raytheon Company ont chacune présenté une soumission. C'est celle de Lockheed qui a été retenue, ce qui s'est traduit par l'attribution d'un contrat prévoyant l'octroi de 89 487 521 $US pour la fourniture de nacelles de désignation d'objectif munies de CIMA et de 50 357 649 $US pour le soutien en service.
[3] À la suite de l'adjudication du marché à Lockheed, Northrop Overseas a déposé une plainte auprès du TCCE dans laquelle elle allègue que TPSGC n'a pas évalué selon le plan d'évaluation les soumissions présentées en réponse à la demande de propositions. Ce plan énonce les méthodes et procédures à suivre pour l'évaluation des soumissions, prévoyant notamment les points à octroyer pour différents aspects de chaque soumission. Northrop Overseas soutient qu'on ne lui a pas accordé les points auxquels elle avait droit alors que Lockheed s'est vu octroyer des points auxquels elle n'avait pas droit d'après le plan d'évaluation. Ce faisant, TPSGC aurait, selon Northrop Overseas, violé le par. 506(6) de l'ACI, qui exige que les marchés publics visés par l'ACI indiquent clairement les critères appliqués dans l'évaluation des soumissions. Le TCCE a accepté d'entendre la plainte.
[4] Northrop Overseas, société constituée dans l'État du Delaware, est une filiale en propriété exclusive de Northrop Grumman Corporation (« Northrop Grumman »), une autre société du Delaware. Northrop Grumman possède également une filiale canadienne, Northrop Grumman Canada (2004) Inc. (« Northrop Canada »). En l'espèce, la soumission a été présentée par Northrop Overseas.
[5] Avant la tenue de l'audience sur le fond, TPSGC a contesté la qualité de Northrop Overseas pour déposer devant le TCCE une plainte fondée sur une violation de l'ACI. Il faisait valoir que Northrop Overseas était une société américaine et non un « fournisseur canadien ». Selon TPSGC, l'ACI ne permettait l'accès au TCCE qu'aux fournisseurs canadiens (lettre du 2 mai 2007).
[6] Le TCCE a statué que Northrop Overseas avait qualité pour présenter une plainte fondée sur l'ACI ([2007] T.C.C.E. no 100 (QL)). Cette position constitue une rupture par rapport à ses décisions antérieures dans lesquelles il jugeait que seuls les fournisseurs canadiens pouvaient présenter des plaintes fondées sur l'ACI : voir Eurodata Support Services Inc. (Re), [2001] T.C.C.E. no 59 (QL); Winchester Division—Olin Corp. (Re), [2004] T.C.C.E. no 44 (QL); EFJohnson (Re), PR‑2006‑006, 26 avril 2006; Computer Label Worldwide Co. (Re), PR‑2006‑023, 22 août 2006; Europe Displays, Inc. (Re), [2007] T.C.C.E. no 2 (QL).
[7] Lors du contrôle judiciaire, la Cour d'appel fédérale, à la majorité, a annulé cette décision, statuant que le TCCE n'avait compétence que pour entendre des plaintes fondées sur l'ACI présentées par des fournisseurs canadiens (2008 CAF 187, [2009] 1 R.C.F. 688). Elle a renvoyé l'affaire au TCCE pour qu'il décide si Northrop Overseas était un fournisseur canadien.
[8] Northrop Overseas interjette maintenant appel devant la Cour en vue d'obtenir le rétablissement de la décision initiale du TCCE qui reconnaissait qu'elle avait qualité pour agir devant le TCCE. TPSGC et Lockheed défendent le jugement de la majorité de la Cour d'appel fédérale.
3. Le litige
[9] L'appelante a, selon moi, soulevé deux principales questions. Premièrement, le TCCE a‑t‑il commis une erreur en concluant que les fournisseurs non canadiens ont qualité pour présenter devant le TCCE des plaintes fondées sur l'ACI au sujet de marchés publics? Si la qualité pour agir n'est pas limitée aux fournisseurs canadiens, il s'agit, deuxièmement, de décider si le TCCE a commis une erreur en jugeant que la plainte de Northrop Overseas démontre, dans une mesure raisonnable, une violation du chapitre cinq de l'ACI, comme l'exige le par. 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics, DORS/93‑602 (« Règlement »). Comme je conclus que seuls les fournisseurs canadiens ont qualité pour agir en vertu de l'ACI, je n'examinerai pas la seconde question.
4. Analyse
A. Norme de contrôle
[10] Comme l'ont fait remarquer la Cour d'appel fédérale et les parties, la jurisprudence a établi que les décisions du TCCE portant sur la question de savoir si un sujet relève de sa compétence doivent faire l'objet d'un contrôle selon la norme de la décision correcte : voir Canada (Procureur général) c. Symtron Systems Inc., [1999] 2 C.F. 514 (C.A.), par. 45; E.H. Industries Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2001 CAF 48, [2001] A.C.F. no 325 (QL), par. 5; Siemens Westinghouse Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2001 CAF 241, [2002] 1 C.F. 292, par. 15; et Zenix Engineering Ltd. c. Construction de Défense (1951) Ltée, 2008 CAF 109, [2008] A.C.F. no 497 (QL), par. 19. Ces décisions relativement récentes ont déterminé la norme de contrôle et toutes les parties conviennent qu'elles continuent de faire autorité quant à la norme de contrôle à appliquer pour trancher la question en l'espèce. Dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, la Cour a reconnu qu'une analyse exhaustive de la norme de contrôle ne s'impose pas dans tous les cas si la jurisprudence en la matière a déjà déterminé de façon satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier : voir les par. 54, 57 et 62. La méthode adoptée dans Dunsmuir en matière de norme de contrôle se veut pratique. Dans la présente affaire, il n'est pas nécessaire d'aller au‑delà de la première étape de l'analyse préconisée dans Dunsmuir. En l'espèce, la Cour est saisie d'une question de compétence étant donné qu'il s'agit de décider si le TCCE peut entendre une plainte présentée en vertu de l'ACI par un fournisseur non canadien. Par conséquent, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte.
B. Qualité pour agir
(i) Interprétation
[11] L'ACI est un accord intergouvernemental conclu par l'organe exécutif des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux (sauf le Nunavut). Il ne s'agit pas d'une loi. L'organe exécutif ne peut écarter des lois existantes en concluant des accords, bien que les accords qu'il ratifie puissent le lier : voir Renvoi relatif à la Loi anti‑inflation, [1976] 2 R.C.S. 373, p. 433; Renvoi relatif au Régime d'assistance publique du Canada (C.‑B.), [1991] 2 R.C.S. 525, p. 551. L'organe législatif, quant à lui, peut évidemment choisir d'adopter un accord, en tout ou en partie, et lui donner force de loi : voir UL Canada Inc. c. Québec (Procureur général), [1999] R.J.Q. 1720 (C.S.), p. 1741, citant Nigel Bankes, « Co‑operative Federalism : Third Parties and Intergovernmental Agreements and Arrangements in Canada and Australia » (1991), 29 Alta. L. Rev. 792, p. 832. En fait, des parties de l'ACI ont été adoptées par renvoi dans des textes de loi. Outre les dispositions examinées dans le présent pourvoi, le chapitre cinq de l'ACI, qui porte sur les marchés publics, est incorporé intégralement dans le cadre législatif du TCCE par l'art. 11 du Règlement.
[12] Toutefois, le fait qu'une partie de l'ACI a été adoptée dans la loi ne doit pas faire oublier que ce document n'a pas été rédigé comme un texte législatif. Comme l'a fait remarquer Katherine Swinton, maintenant juge de la Cour supérieure de justice de l'Ontario, l'ACI est un document politique. Beaucoup de ses dispositions expriment des principes et objectifs généraux qui ne peuvent être directement exécutoires. S'il est vrai que, comme l'a fait observer Katherine Swinton, l'ACI peut [traduction] « utiliser un langage juridique », TPSGC souligne à bon droit qu'il ne suit pas nécessairement les conventions de rédaction législative : voir « Law, Politics, and the Enforcement of the Agreement on Internal Trade », dans M. J. Trebilcock et D. Schwanen, dir., Getting There : An Assessment of the Agreement on Internal Trade (1995), 196, p. 201.
(ii) Qualité aux termes de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur
[13] La qualité pour présenter au TCCE des plaintes au sujet de marchés publics est régie par le par. 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985, ch. 47 (4e suppl.) (« Loi »), qui prévoit que « [t]out fournisseur potentiel peut, sous réserve des règlements, déposer une plainte auprès du Tribunal concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d'enquêter sur cette plainte ».
[14] Selon Northrop Overseas, en vertu du par. 30.11(1) de la Loi, la seule exigence pour avoir qualité pour agir est d'être un « fournisseur potentiel » pour un « contrat spécifique ». Elle prétend être un fournisseur potentiel et ajoute que, contrairement à ce qu'a statué la Cour d'appel fédérale, il n'est pas nécessaire d'être un « fournisseur canadien » pour que le contrat en cause soit un « contrat spécifique » et puisse ainsi fonder un recours devant le TCCE.
[15] En fait, c'est la principale question qui se pose dans le présent pourvoi. Pour y répondre, il faut interpréter les textes législatifs et l'ACI, dont les dispositions pertinentes sont reproduites en annexe.
[16] Selon la définition à l'art. 30.1 de la Loi, « fournisseur potentiel » s'entend de « tout soumissionnaire — même potentiel — d'un contrat spécifique ». Le « contrat spécifique » est défini comme étant le « [c]ontrat relatif à un marché de fournitures ou services » qui a été accordé par une institution fédérale et « qui soit est précisé par règlement, soit fait partie d'une catégorie réglementaire ». L'article 30.1 prévoit aussi qu'une « institution fédérale » est tout « [m]inistère ou département d'État fédéral, ainsi que tout autre organisme, désigné par règlement. »
[17] Le paragraphe 3(1) du Règlement prévoit en outre qu'un « contrat spécifique » est un contrat visé par l'Accord de libre‑échange nord‑américain, R.T. Can. 1994 no 2 (« ALÉNA »), l'Accord sur les marchés publics de l'Organisation mondiale du commerce, 1915 R.T.N.U. 104 (« AMP de l'OMC »), ou l'ACI et maintenant l'Accord de libre‑échange entre le Canada et le Chili (« ALÉCC »). Pour reprendre les termes du juge Ryer, les accords commerciaux énumérés au par. 3(1) du Règlement
peuvent être vus comme des « portes » donnant accès à la compétence du TCCE. L'auteur éventuel d'une plainte relative à un marché pourra traverser cette « porte » et accéder à la procédure de plainte devant le TCCE s'il peut démontrer que l'objet du marché entre dans le champ d'application de l'un des accords commerciaux et que l'activité qu'il envisage lui‑même est visée, ou couverte, par cet accord. [par. 85]
[18] Chacun des accords donnant accès au TCCE à des plaignants a été négocié par des parties différentes et confère des droits différents. Personne n'a fait valoir que l'ALÉNA ou l'AMP de l'OMC sont pertinents, et ce, parce qu'en l'espèce le Canada a négocié l'exclusion des marchés publics militaires en cause de ces accords. Dans l'ALÉNA comme dans l'AMP de l'OMC, les marchés publics en matière militaire sont traités différemment de beaucoup d'autres catégories de marchés. Tous les marchés publics de certains ministères fédéraux sont visés par les règles prévues dans ces accords, mais dans le cas du MDN, les seuls marchés publics visés par l'ALÉNA sont ceux énumérés à son annexe 1001.1b‑1. Quant à l'AMP de l'OMC, les seuls marchés publics visés par le document sont ceux figurant à son annexe 1. En l'espèce, les produits en question, soit des « systèmes de commande du tir », ne sont énumérés ni dans l'annexe 1001.1b‑1 ni dans l'annexe 1 et, par conséquent, ni l'ALÉNA ni l'AMP de l'OMC ne s'appliquent au marché public en cause. Par contre, l'ACI vise tous les marchés publics de TPSGC et du MDN, et les produits dont il est question en l'espèce ne sont pas soustraits à son application : voir l'annexe 502.1A de l'ACI.
(iii) La portée du l'ACI
[19] Selon Northrop Overseas, le contrat avec TPSGC pour la fourniture des nacelles de désignation d'objectif pour les aéronefs CF‑18 et le soutien en service pendant 13 ans est un contrat visé par l'art. 502 de l'ACI. Elle prétend avoir le droit de se prévaloir de l'ACI.
[20] L'article 502 de l'ACI fixe les seuils monétaires pour l'application de l'ACI. Il ne fait aucun doute que le contrat en l'espèce dépasse de loin ces seuils.
[21] Le paragraphe 502(1) indique clairement qu'il s'applique aux marchés publics passés par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, sauf le Nunavut. Il ne précise cependant pas expressément qui peut être un fournisseur dans le cas des marchés publics visés par l'ACI. L'article 502 emploie l'expression « marchés publics [. . .] passés au Canada par une [des] entités énumérées » (« procurement within Canada by [. . .] entities listed » dans la version anglaise), mais il ne la définit pas. Pour comprendre ce qui fait qu'un marché public est « passé au Canada », il est nécessaire d'examiner d'autres dispositions de l'ACI qui fournissent un contexte permettant d'éclaircir l'art. 502.
[22] L'article 501 expose l'objet du chapitre cinq de l'ACI : « . . . établir un cadre qui assurera à tous les fournisseurs canadiens un accès égal aux marchés publics . . . ». Le « fournisseur canadien » est défini à l'art. 518 comme étant un « [f]ournisseur qui a un établissement au Canada. »
[23] Le préambule et les art. 100 et 101 de l'ACI nous donnent des indications supplémentaires. Il est écrit, au préambule, que les parties à l'accord ont résolu de promouvoir « un marché intérieur ouvert, performant et stable » et « l'égalité des chances, sur le plan économique, pour tous les Canadiens » ainsi que de réduire les obstacles à la libre circulation « des personnes, des produits, des services et des investissements à l'intérieur du Canada » (je souligne). L'article 100 prévoit que les parties ont l'obligation d'éliminer les obstacles à la libre circulation des personnes, des produits, des services et des investissements à l'intérieur du Canada et d'établir un marché intérieur ouvert, performant et stable. Selon le par. 101(1), l'ACI s'applique au commerce intérieur au Canada. Le paragraphe 101(3) fournit des explications supplémentaires à cet égard. L'alinéa 101(3)a) indique que les parties n'érigeront pas de nouveaux obstacles au commerce intérieur et l'al. 101(3)b), qu'elles traiteront sur un pied d'égalité les personnes, les produits, les services et les investissements, indépendamment de leur lieu d'origine au Canada. Selon les al. c) et d), les parties doivent concilier leurs normes et leurs mesures réglementaires pertinentes ainsi que leurs politiques administratives en vue d'assurer la libre circulation du commerce à l'intérieur du Canada.
[24] Après examen de ces dispositions de l'ACI, il ne fait aucun doute que l'accord vise le commerce intérieur canadien. Il s'agit essentiellement d'un accord de libre‑échange commercial à l'intérieur du Canada.
[25] Ces dispositions fournissent un contexte utile pour l'interprétation du par. 502(1) de l'ACI. Si je comprends bien les motifs du juge Ryer, il estime que les « marchés publics [. . .] passés au Canada » sont un sous‑ensemble de la catégorie du « commerce intérieur au Canada », qui délimite au par. 101(1) la portée de l'ACI; les « marchés publics [. . .] passés au Canada » sont une sous‑catégorie du « commerce intérieur au Canada » par laquelle le gouvernement acquiert des fournitures : voir les motifs majoritaires, par. 36‑40 et 58. Je pense qu'il a raison.
[26] Cette interprétation est compatible avec le reste de l'art. 502. Le paragraphe 502(3) permet, en matière de marchés publics, à certaines entités de s'écarter de l'ACI dans leurs pratiques commerciales, pourvu qu'elles n'exercent pas de discrimination à l'égard des fournisseurs de produits ou services d'une autre partie.
[27] Les marchés publics passés au Canada dont fait état le par. 502(1) sont des marchés entre une entité gouvernementale d'une partie à l'ACI et un fournisseur d'une autre partie. Ainsi, lorsqu'une entité du gouvernement fédéral, d'une province ou d'un territoire (sauf le Nunavut) conclut un marché avec un fournisseur relevant du gouvernement fédéral ou d'un gouvernement provincial ou territorial (sauf le Nunavut) qui sont les parties à l'ACI, la partie qui lance l'appel d'offres doit agir conformément aux exigences de l'ACI.
[28] Selon l'article 518, seuls les fournisseurs ayant un bureau au Canada peuvent prétendre au statut de fournisseur canadien, ce qui est logique compte tenu du fait que l'ACI vise le commerce intérieur. Comme l'a fait remarquer le juge Ryer, l'attribution d'un marché à un fournisseur étranger impliquerait le commerce avec un fournisseur non établi au Canada — « la transaction résultante relèverait plus exactement du commerce "international" que du commerce "intérieur" canadien ou du commerce à l'intérieur du Canada » (par. 55).
[29] Je ne pense pas qu'il soit incompatible avec la version française de l'ACI d'affirmer que les fournisseurs d'un marché public visé par l'ACI doivent être des fournisseurs au Canada. Dans ses motifs dissidents, le juge Létourneau a trouvé préoccupant que la version française du par. 502(1) indique que les dispositions de l'ACI relatives aux marchés publics s'appliquent à « un marché (deal) ou contrat public fait au Canada et impliquant, en l'occurrence, le gouvernement canadien » (par. 97). La version française du par. 502(1) mentionne les « marchés publics [. . .] passés au Canada ». Sans contexte, l'expression « marchés publics [. . .] passés au Canada » pourrait être interprétée comme visant simplement un marché public fait ou conclu au Canada, mais il faut l'interpréter en tenant compte du titre, du préambule et de la clause prévue au chapitre un selon laquelle l'accord s'applique au « commerce intérieur » et au « commerce [. . .] à l'intérieur du Canada ». Compte tenu de la portée et de l'objet de l'ACI, je pense qu'il n'est pas exagéré de dire que, pour qu'un marché public soit « passé au Canada », le fournisseur doit être canadien au sens de l'art. 518.
(iv) La relation entre les fournisseurs et les parties à un accord commercial sous le régime du Règlement
[30] Il est tenu pour acquis en l'espèce que Northrop Overseas n'a pas d'établissement au Canada. Par conséquent, Northrop Overseas n'est pas un fournisseur canadien puisqu'elle n'a pas d'établissement dans le ressort territorial d'un gouvernement qui est partie à l'ACI, et elle n'a pas le droit d'invoquer l'ACI pour se voir reconnaître la qualité pour agir devant le TCCE.
[31] Autrement dit, selon l'économie du par. 3(1) du Règlement, est un contrat spécifique tout contrat relatif à un marché accordé par un gouvernement ou une entité gouvernementale et visé par l'ALÉNA, l'ACI, l'AMP de l'OMC, ou encore maintenant par l'ALÉCC. Le fait que l'ACI soit mentionné au par. 3(1) aux côtés d'autres accords commerciaux est révélateur. Ces accords sont fondés sur la réduction mutuelle des obstacles commerciaux entre les parties à l'accord. Le Canada a négocié l'accès à des marchés d'autres pays pour les Canadiens en échange d'une réduction de ses barrières commerciales à l'égard des citoyens de ces mêmes pays. Les accords confèrent des droits aux signataires et à leurs fournisseurs.
[32] Dans le cas de l'ACI, pour qu'un contrat soit un contrat spécifique, le fournisseur doit être un fournisseur canadien dans un marché public accordé par un gouvernement canadien ou une entité gouvernementale canadienne. Sinon, l'ACI ne s'applique pas à ce contrat.
(v) Circularité
[33] Estimant que l'argument de TPSGC est circulaire, le juge Létourneau a écrit :
. . . le fournisseur potentiel, suivant l'article 30.1 de la Loi sur le TCCE, est tout « soumissionnaire — même potentiel — d'un contrat spécifique ». Et un contrat spécifique est un contrat tenant compte de la situation ou des caractéristiques particulières du fournisseur potentiel. En d'autres termes, le fournisseur potentiel se définit à partir du contrat spécifique et le contrat spécifique, en fonction du fournisseur potentiel. [par. 102].
Je ne puis partager cette description parce qu'elle confond, à mon avis, la notion de « fournisseur potentiel » aux art. 30.1 et 30.11 de la Loi et celle de « fournisseur » à l'art. 502 de l'ACI. Il s'agit, selon moi, de deux concepts distincts utilisés de deux façons différentes.
[34] Selon l'article 502 de l'ACI, il est nécessaire de connaître la nationalité du « fournisseur » pour décider si le marché public en cause est « passé au Canada » et donc visé par l'ACI. Par contre, à l'art. 30.11 de la Loi, on recourt à la notion de « fournisseur potentiel » définie à l'art. 30.1 pour déterminer si le plaignant a qualité pour agir devant le TCCE en vertu d'un accord commercial pertinent énuméré. Le terme « fournisseur potentiel » dans la Loi est général; il est censé s'appliquer à tous les accords commerciaux énumérés au par. 3(1) du Règlement. Ces déterminations peuvent se chevaucher dans une certaine mesure, mais la notion de « fournisseur potentiel » et la nationalité du fournisseur entrent en jeu à différentes étapes de l'analyse pour différents besoins. Il n'y a donc pas de circularité.
(vi) Autres dispositions de l'ACI
[35] Northrop Overseas souligne d'autres dispositions du chapitre cinq de l'ACI pour appuyer sa prétention que cet accord lui confère des droits. Ces arguments se rapportent à la deuxième question, soit celle de savoir si la plainte de Northrop Overseas démontre, dans une mesure raisonnable, l'existence d'une violation de l'ACI, conformément au par. 7(1) du Règlement. Je ne traite pas de cette question parce que j'ai conclu que les fournisseurs non canadiens n'ont pas qualité pour agir devant le TCCE. J'estime néanmoins utile d'examiner certains des arguments de Northrop Overseas, car ils pourraient avoir une incidence sur l'interprétation de l'art. 502 de l'ACI.
[36] Selon l'article 514, affirme Northrop Overseas, les fournisseurs qui participent à un marché public de l'entité désignée peuvent se prévaloir des procédures de contestation des offres à l'égard des marchés du gouvernement fédéral (à savoir les procédures devant le TCCE). Elle souligne la distinction entre « fournisseurs » et « fournisseurs canadiens » dans les définitions de l'art. 518 de l'ACI pour soutenir que, lorsque l'ACI ne mentionne que « fournisseurs », comme à l'art. 514, il inclut les fournisseurs non canadiens. Selon cette interprétation, en l'espèce Northrop Overseas, fournisseur non canadien, aurait le droit de déposer une plainte devant le TCCE. Je ne pense pas que cette interprétation puisse tenir. La distinction entre « fournisseurs canadiens » et « fournisseurs » dans l'ACI n'est pas celle proposée par Northrop Overseas. Même si les par. 513(2) à (6) mentionnent seulement « fournisseurs », les par. 513(4) à (6) tiennent clairement pour acquis que le fournisseur a un établissement dans une province. Par exemple, le par. 513(4) prévoit que « [l]e fournisseur [. . .] peut demander par écrit au service compétent de la province où il est établi de tenter de régler la plainte. »
[37] Le fait que l'ACI ne précise pas que les procédures de contestation des offres exposées à l'art. 513 — qui vise les marchés publics des provinces — sont limitées aux fournisseurs canadiens, tout en le tenant clairement pour acquis, tend à indiquer que les « fournisseurs » à l'art. 514 — qui énonce les procédures de contestation des offres concernant les marchés du gouvernement fédéral — visent aussi uniquement les fournisseurs canadiens.
[38] Le paragraphe 504(6) — et peut‑être le par. 504(5) — emploie effectivement « fournisseur » de manière à inclure les fournisseurs non canadiens. Les autres dispositions de l'art. 504 utilisent « fournisseur » (et non « fournisseur canadien ») pour désigner les fournisseurs du Canada : le par. 504(1) mentionne « fournisseurs [. . .] des autres Parties », les par. 504(2) et (4) indiquent « fournisseurs [. . .] d'une province ou d'une région », et le par. 504(3) tient pour acquis que les fournisseurs ont un « établissement [. . .] au Canada ». Toutefois, le par. 504(6) prévoit :
Sauf disposition contraire nécessaire pour assurer le respect d'obligations internationales, une Partie peut limiter l'appel d'offres à des produits canadiens, à des services canadiens ou à des fournisseurs canadiens, sous réserve des conditions suivantes :
a) la Partie qui lance l'appel d'offres doit être convaincue de l'existence d'une concurrence suffisante entre les fournisseurs canadiens;
b) tous les fournisseurs qualifiés doivent être informés, dans l'appel d'offres, de l'existence de la préférence et des règles qui seront appliquées pour déterminer le contenu canadien;
c) l'exigence en matière de contenu canadien ne doit pas être supérieure à ce qui est nécessaire pour que le produit ou le service visé par le marché public soit qualifié de produit ou de service canadien. [Je souligne.]
Cette disposition a fait l'objet de plusieurs interprétations. Northrop Overseas fait valoir qu'elle était sûrement destinée à bénéficier aux fournisseurs non canadiens, sinon elle crée [traduction] « un droit qui ne bénéficie à personne » (mémoire, par. 93).
[39] Je ne crois pas que ce soit une bonne interprétation du par. 504(6). Les mots introductifs de la disposition reconnaissent que l'ACI n'éclipsera pas les obligations internationales quant à l'origine des produits, services ou fournisseurs visés par un marché public. Il ne reconnaît aucune obligation envers les fournisseurs étrangers, à moins que de telles obligations ne soient prévues par le droit international ou des accords internationaux. Sinon, les obligations reconnues dans l'ACI sont à l'égard des autres parties gouvernementales et de leurs fournisseurs. Les conditions prévues au par. 504(6) aux termes desquelles un marché public peut être limité à des produits, services ou fournisseurs canadiens font en sorte que les contribuables qui financent le marché public bénéficient d'un processus véritablement concurrentiel. Le paragraphe 504(6) n'a pas pour effet d'englober les fournisseurs étrangers dans le champ d'application de l'ACI.
[40] Northrop Overseas soutient aussi que l'art. 506, sur lequel elle a fondé sa plainte, confère des droits à tous les fournisseurs et non uniquement aux fournisseurs canadiens. Cependant, comme le fait observer le juge Ryer, le par. 506(1) précise que les procédures énoncées à l'art. 506 s'appliquent aux « marchés visés par le chapitre 5 » (par. 45), qui relèvent eux‑mêmes de l'art. 502. Je ne pense pas que l'art. 506 soit donc utile pour l'interprétation de l'art. 502 ou de la portée de l'ACI. Comme je l'ai indiqué, le chapitre cinq ne s'applique qu'aux marchés publics passés entre des entités énumérées et des fournisseurs canadiens.
(vii) Problèmes associés à l'application de l'ACI à des fournisseurs non canadiens
[41] L'argument de Northrop Overseas que les fournisseurs non canadiens ont qualité pour présenter devant le TCCE des plaintes fondées sur l'ACI mène à des résultats problématiques. Si cet argument était juste, Northrop Overseas obtiendrait des droits en vertu de l'ACI même si le gouvernement de son pays (en l'occurrence les É.‑U.) n'est pas partie à l'ACI, ce qui pose des problèmes. Premièrement, les produits visés par le marché public en cause étaient exclus de l'ALÉNA et de l'AMP de l'OMC. Donner à des fournisseurs non canadiens la possibilité d'acquérir des droits en vertu de l'ACI alors que ces droits ont été expressément exclus des accords signés par le gouvernement de leur pays équivaut à court‑circuiter l'exclusion. Le Canada a négocié des exclusions similaires pour les produits militaires en cause en l'espèce dans ses accords commerciaux avec le Chili, la Colombie et le Pérou : voir ALÉCC, annexe Kbis‑01.1.3, Liste du Canada, section A, par. 2; Accord de libre‑échange Canada‑Colombie, annexe 1401‑3, Liste du Canada, section A, par. 2; Canada‑Pérou Accord de libre‑échange, annexe 1401.1‑3, Liste du Canada, section A, par. 2.
[42] Deuxièmement, l'interprétation de Northrop Overseas compromet l'approche du gouvernement canadien en matière de négociation d'accords commerciaux. L'accès à un organisme de règlement alternatif accéléré des différends relatifs aux marchés publics, comme le TCCE, est une concession que le Canada peut offrir à d'autres pays lors de la négociation d'accords commerciaux en vue d'obtenir des concessions réciproques de l'autre pays. Si les fournisseurs de tous les pays avaient librement accès au TCCE, cet accès n'aurait aucune valeur comme concession et le Canada aurait plus de difficulté à obtenir un accès équivalent à l'étranger pour ses propres fournisseurs. Les accords commerciaux du Canada avec le Chili, le Pérou et la Colombie permettent aussi la résolution de différends en temps utile d'une manière semblable à celle qu'offre le TCCE et, comme nous l'avons fait remarquer, l'ALÉCC a été ajouté au par. 3(1) du Règlement : voir ALÉCC, art. Kbis-13; Canada‑Pérou Accord de libre‑échange, art. 1412; et Accord de libre‑échange Canada‑Colombie, art. 1412.
[43] Il n'y aurait aucune raison pour que le Règlement mentionne chaque accord commercial en particulier si quiconque conclut un contrat avec une institution fédérale avait qualité pour agir devant le TCCE uniquement sur le fondement du par. 502(1) de l'ACI.
(viii) Les compétences du TCCE et de la Cour fédérale
[44] On fait valoir que le TCCE offre un mécanisme de règlement des différends efficace auquel on devrait y avoir facilement accès. Certes, le TCCE représente un instrument de règlement des différends efficace, mais il est aussi créé par une loi et la façon d'y accéder doit être prévue dans le texte de loi pertinent. Selon les dispositions législatives, l'accès au TCCE se fait de la façon prévue dans les accords commerciaux négociés par les gouvernements. Si le gouvernement dont relève un fournisseur n'a pas négocié le recours au TCCE pour ses fournisseurs, ils n'y ont pas accès.
[45] Selon Northrop Overseas, une telle interprétation produit des résultats anormaux. Un fournisseur canadien aurait qualité pour contester un contrat attribué à un fournisseur non canadien, mais l'inverse ne serait pas vrai. Encore une fois, cette situation résulte des accords négociés par les gouvernements qui sont parties aux divers accords, lesquels déterminent l'accès au TCCE.
[46] Il convient de souligner que les fournisseurs non canadiens ne sont pas sans recours. Les décisions des gouvernements et des entités gouvernementales sont assujetties au contrôle judiciaire. Dans le cas du gouvernement du Canada et de ses entités, en particulier le TPSGC, il existe un recours devant la Cour fédérale : la demande de contrôle judiciaire. On fait valoir que, par rapport à ce qu'offre le TCCE, un tel recours est limité et fait double emploi. C'est peut‑être vrai, mais là encore, il ne faut pas oublier que l'accès au TCCE résulte des accords commerciaux entre les gouvernements qui y sont parties et des dispositions législatives adoptées pour leur mise en oeuvre. Les droits des fournisseurs sont assujettis aux droits négociés pour eux par leurs gouvernements.
[47] Il semble que Northrop Canada possède un établissement au Canada. Si elle avait soumissionné à la place de Northrop Overseas pour le marché public en cause, alors en tant que fournisseur potentiel, elle aurait fort bien pu avoir qualité pour présenter devant le TCCE une plainte concernant l'attribution du contrat à Lockheed. La Cour d'appel fédérale, à la majorité, a fait observer que la raison pour laquelle Northrop Overseas était le fournisseur potentiel était peut‑être attribuable à des motivations d'ordre fiscal (par. 64). Quelle que soit la raison, la qualité pour agir devant le TCCE est déterminée par les accords conclus par les gouvernements dont relèvent les fournisseurs. Comme Northrop Overseas est établie dans le ressort territorial d'un gouvernement qui n'a pas négocié d'accès au TCCE pour ce type de marché public en matière militaire passé par le gouvernement du Canada, son recours est une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale.
5. Dispositif
[48] Je suis d'avis de rejeter le pourvoi avec dépens.
ANNEXE
Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985, ch. 47 (4e suppl.)
30.1 [Définitions] Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et aux articles 30.11 à 30.19.
« contrat spécifique » Contrat relatif à un marché de fournitures ou services qui a été accordé par une institution fédérale — ou pourrait l'être —, et qui soit est précisé par règlement, soit fait partie d'une catégorie réglementaire.
« fournisseur potentiel » Sous réserve des règlements pris en vertu de l'alinéa 40f.1), tout soumissionnaire — même potentiel — d'un contrat spécifique.
« institution fédérale » Ministère ou département d'État fédéral, ainsi que tout autre organisme, désigné par règlement.
« intéressée » S'appliquant à « partie », le terme vise tout fournisseur potentiel ou toute personne ayant un intérêt économique direct dans l'affaire en cause dans une plainte.
« plainte » Plainte déposée auprès du Tribunal en vertu du paragraphe 30.11(1).
30.11 (1) [Dépôt des plaintes] Tout fournisseur potentiel peut, sous réserve des règlements, déposer une plainte auprès du Tribunal concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d'enquêter sur cette plainte.
. . .
30.13 (1) [Enquête] Après avoir jugé la plainte conforme et sous réserve des règlements, le Tribunal détermine s'il y a lieu d'enquêter. L'enquête peut comporter une audience.
Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics, DORS/93‑ 602
Désignations
3. (1) Pour l'application de la définition de « contrat spécifique » à l'article 30.1 de la Loi, est un contrat spécifique tout contrat relatif à un marché de fournitures ou services ou de toute combinaison de ceux‑ci, accordé par une institution fédérale — ou qui pourrait l'être — et visé, individuellement ou au titre de son appartenance à une catérogie (sic), à l'article 1001 de l'ALÉNA, à l'article 502 de l'Accord sur le commerce intérieur, à l'article premier de l'Accord sur les marchés publics ou à l'article Kbis‑01 du chapitre Kbis de l'ALÉCC.
. . .
Conditions de l'enquête
7. (1) Dans les cinq jours ouvrables suivant la date du dépôt d'une plainte, le Tribunal détermine si les conditions suivantes sont remplies :
a) le plaignant est un fournisseur potentiel;
b) la plainte porte sur un contrat spécifique;
c) les renseignements fournis par le plaignant et les autres renseignements examinés par le Tribunal relativement à la plainte démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n'a pas été suivie conformément au chapitre 10 de l'ALÉNA, au chapitre cinq de l'Accord sur le commerce intérieur, à l'Accord sur les marchés publics ou au chapitre Kbis de l'ALÉCC, selon le cas.
Accord sur le commerce intérieur, (1995) 129 Gaz. Can. I, 1323
PRÉAMBULE
Les gouvernements du Canada, de Terre‑Neuve‑et‑Labrador, de la Nouvelle‑Écosse, de l'Île‑du‑Prince‑Édouard, du Nouveau‑Brunswick, du Québec, de l'Ontario, du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta, de la Colombie‑Britannique, des Territoires du Nord‑Ouest et du Yukon,
AYANT RÉSOLU :
DE PROMOUVOIR un marché intérieur ouvert, performant et stable, propice à la création d'emplois, à la croissance économique et à la stabilité économique à long terme,
DE RÉDUIRE ET D'ÉLIMINER, dans la mesure du possible, les obstacles à la libre circulation des personnes, des produits, des services et des investissements à l'intérieur du Canada,
DE PROMOUVOIR l'égalité des chances, sur le plan économique, pour tous les Canadiens,
DE RENDRE les entreprises canadiennes plus concurrentielles,
DE PROMOUVOIR un développement durable, dans le respect de l'environnement,
DE SE CONSULTER sur les questions touchant le commerce intérieur,
DE RECONNAÎTRE la diversité des caractéristiques sociales, culturelles et économiques des provinces,
DE RESPECTER les compétences législatives conférées au Parlement fédéral et aux législatures provinciales par la Constitution du Canada,
ONT CONVENU de ce qui suit :
PARTIE I
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Chapitre un
Principes directeurs
Article 100 : Objectif
Les Parties souhaitent réduire et éliminer, dans la mesure du possible, les obstacles à la libre circulation des personnes, des produits, des services et des investissements à l'intérieur du Canada, et établir un marché intérieur ouvert, performant et stable. Toutes les Parties reconnaissent que l'accroissement du commerce et de la mobilité à l'intérieur du Canada peut contribuer à la réalisation de cet objectif.
Article 101 : Principes convenus
1. Le présent accord s'applique au commerce intérieur au Canada, conformément aux chapitres qu'il renferme.
. . .
3. Les principes suivants guideront les Parties dans l'application du présent accord :
a) les Parties n'érigeront pas de nouveaux obstacles au commerce intérieur et elles faciliteront la circulation des personnes, des produits, des services et des investissements entre les provinces au Canada;
b) elles traiteront sur un pied d'égalité les personnes, les produits, les services et les investissements, indépendamment de leur lieu d'origine au Canada;
c) elles concilieront leurs normes et leurs mesures réglementaires pertinentes, en vue d'assurer la libre circulation des personnes, des produits, des services et des investissements à l'intérieur du Canada;
d) elles veilleront à ce que leurs politiques administratives favorisent la libre circulation des personnes, des produits, des services et des investissements à l'intérieur du Canada.
4. Dans l'application des principes énoncés au paragraphe 3, les Parties reconnaissent la nécessité :
a) d'assurer la communication intégrale de l'information, des lois, des règlements, des politiques et des pratiques susceptibles de faire obstacle à un marché intérieur ouvert, performant et stable;
b) de prévoir des exceptions et des périodes de transition;
c) de prévoir les exceptions nécessaires permettant l'atteinte des objectifs de développement régional au Canada;
d) d'établir des mécanismes administratifs, des mécanismes de règlement des différends et des mécanismes de contrôle qui soient à la fois accessibles, crédibles et efficaces, et qui permettent d'agir en temps utile;
e) de tenir compte de l'importance et de la préservation de l'environnement, et de la protection des consommateurs et des normes du travail.
. . .
Article 501 : Objet
Conformément aux principes énoncés au paragraphe 101(3) (Principes convenus) et à leurs modalités d'application énoncées au paragraphe 101(4), le présent chapitre vise à établir un cadre qui assurera à tous les fournisseurs canadiens un accès égal aux marchés publics, de manière à réduire les coûts d'achat et à favoriser l'établissement d'une économie vigoureuse, dans un contexte de transparence et d'efficience.
Article 502 : Portée et champ d'application
1. Le présent chapitre s'applique aux mesures adoptées ou maintenues par une Partie relativement aux marchés publics suivants, passés au Canada par une de ses entités énumérées à l'annexe 502.1A :
a) les marchés d'une valeur d'au moins 25 000 $ et portant principalement sur des produits;
. . .
3. Les entités énumérées à l'annexe 502.2B sont libres d'appliquer, en matière de marchés publics, des pratiques commerciales par ailleurs non conformes avec le présent chapitre. Néanmoins, les Parties ne peuvent ordonner à ces entités d'exercer de la discrimination à l'égard des produits, des services ou des fournisseurs de produits ou services d'une Partie, y compris en matière de travaux de construction.
. . .
Article 504 : Non‑discrimination réciproque
1. Sous réserve de l'article 404 (Objectifs légitimes), en ce qui concerne les mesures visées par le présent chapitre, chaque Partie accorde :
a) aux produits et aux services des autres Parties, y compris aux produits et services inclus dans les marchés de construction, un traitement non moins favorable que le meilleur traitement qu'elle accorde à ses propres produits et services;
b) aux fournisseurs de produits et de services des autres Parties, y compris aux produits et services inclus dans les marchés de construction, un traitement non moins favorable que le meilleur traitement qu'elle accorde à ses propres fournisseurs de tels produits et services.
2. Sous réserve de l'article 404 (Objectifs légitimes), le paragraphe 1 a pour effet d'interdire au gouvernement fédéral d'exercer de la discrimination :
a) entre les produits ou services d'une province ou d'une région, y compris entre ceux inclus dans les marchés de construction, et les produits ou services d'une autre province ou région;
b) entre les fournisseurs de tels produits ou services d'une province ou d'une région et les fournisseurs d'une autre province ou région.
3. Sauf disposition contraire du présent chapitre, sont comprises parmi les mesures incompatibles avec les paragraphes 1 et 2 :
a) l'application soit de conditions dans le cadre d'un appel d'offres, soit d'exigences en matière d'enregistrement ou encore de procédures de qualification fondées sur l'endroit où se trouve l'établissement d'un fournisseur au Canada, sur l'endroit au Canada où les produits sont fabriqués ou les services sont fournis, ou sur d'autres critères analogues;
. . .
4. Les Parties ne peuvent imposer ou prendre en considération, dans l'évaluation des soumissions ou l'attribution des marchés, des critères relatifs au contenu local ou d'autres critères fondés sur des retombées économiques et conçus pour favoriser :
a) soit les produits et les services d'une province ou d'une région, y compris ceux inclus dans les marchés de construction;
b) soit les fournisseurs de tels produits ou services d'une province ou d'une région.
5. Sauf disposition contraire nécessaire pour assurer le respect d'obligations internationales, une Partie peut accorder la préférence à des produits ou services en fonction de leur valeur ajoutée canadienne, sous réserve des conditions suivantes :
a) la préférence accordée en fonction de la valeur ajoutée canadienne ne peut dépasser 10 pour cent;
b) la Partie doit préciser dans l'appel d'offres le niveau de préférence qui sera appliqué dans l'évaluation des soumissions;
c) tous les fournisseurs qualifiés doivent être informés, dans l'appel d'offres, de l'existence de la préférence et des règles qui seront appliquées pour déterminer le niveau de la valeur ajoutée canadienne.
6. Sauf disposition contraire nécessaire pour assurer le respect d'obligations internationales, une Partie peut limiter l'appel d'offres à des produits canadiens, à des services canadiens ou à des fournisseurs canadiens, sous réserve des conditions suivantes :
a) la Partie qui lance l'appel d'offres doit être convaincue de l'existence d'une concurrence suffisante entre les fournisseurs canadiens;
b) tous les fournisseurs qualifiés doivent être informés, dans l'appel d'offres, de l'existence de la préférence et des règles qui seront appliquées pour déterminer le contenu canadien;
c) l'exigence en matière de contenu canadien ne doit pas être supérieure à ce qui est nécessaire pour que le produit ou le service visé par le marché public soit qualifié de produit ou de service canadien.
. . .
Article 506 : Procédures de passation des marchés publics
. . .
6. Dans l'évaluation des offres, une Partie peut tenir compte non seulement du prix indiqué, mais également de la qualité, de la quantité, des coûts de transition, des modalités de livraison, du service offert, de la capacité du fournisseur de satisfaire aux conditions du marché public et de tout autre critère se rapportant directement au marché public et compatible avec l'article 504. Les documents d'appel d'offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l'évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d'évaluation des critères.
. . .
Article 513 : Procédures de contestation des offres — provinces
1. Le présent article s'applique aux plaintes concernant les marchés publics des provinces.
2. Le fournisseur qui, à l'égard d'un marché public donné, s'est prévalu du mécanisme de règlement des différends prévu par un autre accord concernant les marchés publics ne peut, pour ce qui concerne ce marché, recourir à la procédure de contestation des offres établies par le présent chapitre.
3. Le fournisseur transmet par écrit ses griefs ou ses plaintes à la Partie acheteuse, en vue d'en arriver à un règlement.
4. Le fournisseur qui, à l'égard d'une plainte, a épuisé tous les recours raisonnables auprès de la Partie acheteuse peut demander par écrit au service compétent de la province où il est établi de tenter de régler la plainte.
5. Si le service compétent décide que la plainte est raisonnable, il s'adresse alors, dans les 20 jours qui suivent la date de la transmission de la demande, au service compétent de la Partie acheteuse et lui présente des observations pour le compte du fournisseur. Si le service compétent décide que la plainte n'est pas raisonnable, il transmet au fournisseur, dans les 20 jours qui suivent la date de la transmission de la demande, un avis écrit indiquant les motifs de sa décision. L'absence de transmission de cet avis est réputée constituer l'avis prévu à l'alinéa 1711(2)a) (Procédures engagées par une personne).
6. Si la question n'est pas réglée en vertu du paragraphe 5 dans les 20 jours qui suivent la date de la transmission de la demande du fournisseur, la Partie sur le territoire de laquelle le fournisseur est établi peut demander par écrit l'examen de la plainte par un groupe d'examen. La demande doit être transmise à la Partie acheteuse et au Secrétariat. Si la Partie sur le territoire de laquelle le fournisseur est établi décide que la plainte n'est pas raisonnable, elle en avise par écrit le fournisseur dans les 20 jours qui suivent la date de la transmission de sa demande. L'absence de transmission de cet avis est réputée constituer l'avis prévu à l'alinéa 1711(2)b) (Procédures engagées par une personne).
. . .
Article 514 : Procédures de contestation des offres — gouvernement fédéral
1. Le présent article s'applique aux plaintes concernant les marchés publics du gouvernement fédéral.
2. Afin de favoriser des procédures équitables, ouvertes et impartiales en matière de marchés publics, le gouvernement fédéral adopte et maintient, à l'égard des marchés publics visés par le présent chapitre, des procédures de contestation des offres :
a) permettant aux fournisseurs de présenter des contestations portant sur tout aspect du processus de passation du marché public, lequel, pour l'application du présent article, débute au moment où une entité décide des produits ou services à acquérir, et se poursuit jusqu'à l'attribution du marché;
b) encourageant les fournisseurs à régler leurs plaintes à l'amiable avec l'entité concernée avant d'amorcer une contestation des offres;
c) assurant que ses entités examinent de façon équitable et en temps utile toute plainte relative à un marché public visé par le présent chapitre;
d) limitant le délai accordé à un fournisseur pour engager une contestation des offres, délai qui, toutefois, ne peut être inférieur à 10 jours ouvrables à compter de la date à laquelle le fournisseur a pris connaissance du fondement de la plainte ou aurait dû raisonnablement en prendre connaissance;
e) permettant à un fournisseur qui ne parvient pas à régler sa plainte de soumettre la question à un organisme compétent n'ayant aucun intérêt substantiel dans l'issue de la plainte et qui sera chargé de recevoir et d'examiner celle‑ci et de formuler les conclusions et les recommandations qui s'imposent à cet égard;
f) obligeant l'organisme d'examen à formuler ses conclusions et ses recommandations par écrit et en temps utile, et à les communiquer aux Parties;
g) obligeant l'organisme d'examen à indiquer par écrit ses procédures de contestation des offres et à les mettre à la disposition de tous les intéressés.
. . .
Article 518 : Définitions
Les définitions qui suivent s'appliquent au présent chapitre.
. . .
« établissement » Endroit où le fournisseur exerce ses activités de façon permanente et qui est clairement désigné par un nom et accessible durant les heures normales de travail.
« fournisseur » Personne qui, après évaluation de ses capacités financières, techniques et commerciales, est jugée en mesure d'exécuter un marché public donné. Sont également visées par la présente définition les personnes qui soumettent une offre en vue d'obtenir un marché public de construction.
« fournisseur canadien » Fournisseur qui a un établissement au Canada.
. . .
« offre » Réponse à un appel d'offres.
Pourvoi rejeté avec dépens.
Procureurs de l'appelante : Borden Ladner Gervais, Ottawa.
Procureur de l'intimé le procureur général du Canada : Procureur général du Canada, Ottawa.
Procureurs de l'intimée Lockheed Martin Corporation : Ogilvy Renault, Ottawa.