COUR SUPRÊME DU CANADA
Référence : R. c. B.W.P.; R. c. B.V.N., [2006] 1 R.C.S. 941, 2006 CSC 27
Date : 20060622
Dossier : 30514, 30512
Entre :
Sa Majesté la Reine
Appelante
et
B.W.P.
Intimé
et
Procureur général de l’Ontario, Procureur général de l’Alberta, Canadian Foundation for Children, Youth and the Law, Youth Criminal Defence Office et Aboriginal Legal Services of Toronto Inc.
Intervenants
et entre :
B.V.N.
Appelant
et
Sa Majesté la Reine
Intimée
et
Procureur général de l’Ontario, Procureur général de l’Alberta, Canadian Foundation for Children, Youth and the Law et Youth Criminal Defence Office
Intervenants
Traduction française officielle
Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Bastarache, Binnie, LeBel, Fish, Abella et Charron
Motifs de jugement :
(par. 1 à 49)
La juge Charron (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Bastarache, Binnie, LeBel, Fish et Abella)
______________________________
R. c. B.W.P.; R. c. B.V.N., [2006] 1 R.C.S. 941, 2006 CSC 27
Sa Majesté la Reine Appelante
c.
B.W.P. Intimé
et
Procureur général de l’Ontario, procureur général de l’Alberta,
Canadian Foundation for Children, Youth and the Law,
Youth Criminal Defence Office et Aboriginal Legal
Services of Toronto Inc. Intervenants
- et -
B.V.N. Appelant
c.
Sa Majesté la Reine Intimée
et
Procureur général de l’Ontario, procureur général de l’Alberta,
Canadian Foundation for Children, Youth and the Law et
Youth Criminal Defence Office Intervenants
Répertorié : R. c. B.W.P.; R. c. B.V.N.
Référence neutre : 2006 CSC 27.
Nos du greffe : 30514, 30512.
2005 : 10 novembre; 2006 : 22 juin.
Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Bastarache, Binnie, LeBel, Fish, Abella et Charron.
en appel de la cour d’appel du manitoba
en appel de la cour d’appel de la colombie‑britannique
POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Manitoba (les juges Huband, Kroft et Hamilton) (2004), 187 Man. R. (2d) 80, 330 W.A.C. 80, 187 C.C.C. (3d) 20, 122 C.R.R. (2d) 214, [2004] M.J. No. 267 (QL), 2004 MBCA 110, qui a confirmé une sentence prononcée par le juge Meyers de la Cour provinciale (2003), 176 Man. R. (2d) 218, [2003] M.J. No. 331 (QL). Pourvoi rejeté.
POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (les juges Lambert, Mackenzie et Oppal) (2004), 196 B.C.A.C. 100, 322 W.A.C. 100, 186 C.C.C. (3d) 21, [2004] B.C.J. No. 974 (QL), 2004 BCCA 266, qui a confirmé en partie une sentence prononcée par la juge Auxier, [2004] B.C.J. No. 153 (QL), 2004 BCPC 22. Pourvoi rejeté.
Jo‑Ann Natuik, Ami Kotler et Dale Tesarowski, pour l’appelante Sa Majesté la Reine.
Brock Martland et Reginald P. Harris, pour l’appelant B.V.N.
Jason Miller, pour l’intimé B.W.P.
Jennifer Duncan, pour l’intimée Sa Majesté la Reine.
Miriam Bloomenfeld et Melissa Ragsdale, pour l’intervenant le procureur général de l’Ontario.
James C. Robb, c.r., pour l’intervenant le procureur général de l’Alberta.
Martha Mackinnon, pour l’intervenante Canadian Foundation for Children, Youth and the Law.
Cathy Lane Goodfellow et Patricia G. Yuzwenko, pour l’intervenant Youth Criminal Defence Office.
Jonathan Rudin et Kimberly R. Murray, pour l’intervenant Aboriginal Legal Services of Toronto Inc.
Version française du jugement de la Cour rendu par
La juge Charron —
1. Aperçu
1 Les deux pourvois soulèvent la même question d’interprétation législative : Y a‑t‑il lieu de prendre en compte la dissuasion générale dans la détermination de la peine à infliger à un adolescent en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, L.C. 2002, ch. 1 (« LSJPA »)? Les décisions faisant l’objet des pourvois révèlent une divergence d’opinion sur cette question. Dans B.W.P., les tribunaux du Manitoba ont conclu que la dissuasion générale ne constitue plus un principe de détermination de la peine sous le nouveau régime institué par la LSJPA. Le ministère public fait appel de cette décision, soutenant que la dissuasion générale doit être prise en compte dans la détermination d’une peine appropriée. (Dans l’affaire B.W.P., le ministère public soulève une deuxième question, relativement à la durée respective de la période de garde et de la période de surveillance d’une ordonnance prise en application de l’al. 42(2)o) de la LSJPA.) Dans B.V.N., les tribunaux de la Colombie‑Britannique ont jugé que, bien qu’elle constitue un facteur de moindre importance, la dissuasion générale demeure applicable sous le nouveau régime de détermination des peines. B.V.N. interjette appel de la peine qui lui a été infligée, affirmant que la dissuasion générale n’est plus applicable en matière de détermination de la peine pour les adolescents. Dans chacune de ces affaires, l’appelant plaide que si les tribunaux avaient abordé la question correctement la peine aurait été différente.
2 En tant que principe de détermination de la peine, la dissuasion consiste à imposer une sanction dans le but de décourager le délinquant, et quiconque, de se livrer à des activités criminelles. Lorsque la dissuasion vise le délinquant traduit devant le tribunal, on parle de « dissuasion spécifique », lorsqu’elle vise d’autres personnes, on parle de « dissuasion générale ». Les présents pourvois portent sur la dissuasion générale, qui est censée opérer ainsi : des criminels potentiels éviteront de se livrer à des activités criminelles en raison de l’exemple donné par la punition infligée au délinquant. Quand la dissuasion générale est prise en compte dans la détermination de la peine, le délinquant est puni plus sévèrement, non seulement parce qu’il le mérite, mais également parce que le tribunal décide de transmettre un message à quiconque pourrait être tenté de se livrer à des activités criminelles similaires.
3 Bien que la dissuasion générale soit dans l’ensemble bien comprise en tant qu’objectif de la détermination de la peine, son degré d’efficacité suscite beaucoup de controverse. Ceux qui préconisent son abolition comme principe de détermination de la peine, particulièrement dans le cas des adolescents, soutiennent avec vigueur que rien ne démontre qu’elle contribue réellement à la prévention du crime. Ceux qui préconisent son maintien défendent tout aussi fermement leur position; ils invoquent l’utilisation par la société d’une forme de dissuasion générale pour inciter les adolescents à faire des choix responsables sur différentes questions, notamment en matière de tabagisme, de consommation d’alcool et de drogues et de conduite de véhicules à moteur. Mais notre Cour n’est pas saisie de la question de l’efficacité de la dissuasion générale. Lors de l’adoption de ce nouveau texte législatif, il y a eu un débat considérable sur l’opportunité de faire figurer la dissuasion générale parmi les principes de détermination de la peine pour les adolescents. Au bout du compte, c’est au législateur qu’il appartient de décider s’il y a lieu de supprimer ou de maintenir, en cette matière, le principe de la dissuasion. Dans les présents pourvois, le rôle de notre Cour consiste à interpréter les dispositions pertinentes de la LSJPA afin de déterminer la voie qu’a effectivement choisie le législateur.
4 La LSJPA a instauré un nouveau régime de détermination de la peine. Comme nous le verrons, ce régime met en place un code détaillé et exhaustif en matière de détermination de la peine pour les adolescents, en vertu duquel il n’est pas loisible au juge prononçant la peine d’infliger une sanction qui viserait à avertir, non pas l’adolescent concerné, mais d’autres personnes de ne pas se livrer à des activités criminelles. En conséquence, la dissuasion générale ne constitue pas un principe de détermination de la peine pour les adolescents sous le régime actuel. La LSJPA ne fait pas non plus mention de la dissuasion spécifique. Le législateur a plutôt voulu favoriser la protection durable du public en s’attaquant aux causes sous‑jacentes de la criminalité chez les adolescents, en mettant l’accent sur leur réadaptation et leur réinsertion sociale et en les faisant répondre de leurs actes par l’infliction de sanctions assorties de perspectives positives liées aux dommages causés. Il ne fait aucun doute que la sanction imposée peut avoir pour effet de dissuader l’adolescent condamné ainsi que d’autres personnes de commettre des crimes. Toutefois, je conclus que le législateur a choisi de ne pas inclure la dissuasion comme motif d’imposition d’une sanction sous le régime de la LSJPA.
5 Il s’ensuit que dans B.W.P. les tribunaux du Manitoba ont adopté la bonne approche concernant la question de la dissuasion générale. J’estime également qu’ils ont bien interprété l’al. 42(2)o) de la LSJPA, pour ce qui concerne la durée respective de la période de garde et de la période de surveillance de la peine. Comme les tribunaux ayant statué sur l’affaire B.W.P. n’ont commis aucune erreur de principe, je ne vois aucune raison de réviser le quantum de la peine imposée à B.W.P. Selon la pratique et la politique établies, notre Cour accepte en général d’être saisie des pourvois relatifs aux principes juridiques qui devraient régir le prononcé de la peine, mais pas de ceux qui ont uniquement trait au quantum d’une peine particulière : R. c. M. (C.A.), [1996] 1 R.C.S. 500, par. 33; R. c. Gardiner, [1982] 2 R.C.S. 368, p. 404. Je suis aussi d’avis qu’il n’est pas nécessaire de se pencher sur le quantum de la peine imposée à B.V.N. Bien que les tribunaux de la Colombie‑Britannique aient commis une erreur en considérant la dissuasion générale comme un principe de détermination de la peine, ils n’ont accordé que [traduction] « peu d’importance » à ce facteur et il appert des motifs du juge ayant prononcé la peine que ce principe n’a pas joué un rôle important dans la détermination de la peine. De plus, comme B.V.N. a complètement purgé sa peine, la question du quantum de celle‑ci est devenue, pour l’essentiel, théorique.
6 Je suis donc d’avis de rejeter les deux pourvois.
2. Les faits et les décisions des juridictions inférieures
2.1 R. c. B.W.P.
7 B.W.P., un adolescent autochtone, a plaidé coupable à une infraction d’homicide involontaire coupable et à une infraction non reliée de vol. La seconde infraction concernait le vol de haut‑parleurs et n’est pas pertinente dans le présent pourvoi. L’accusation d’homicide involontaire coupable découlait d’une bagarre entre B.W.P. et Saleh, un réfugié irakien de 22 ans. La querelle a commencé quand B.W.P., qui était alors en état d’ébriété, a demandé à Saleh pourquoi il dévisageait les deux femmes qui l’accompagnaient. Saleh est alors sorti de son véhicule et a invité B.W.P. à se battre. Au cours de la bagarre, B.W.P. a fait tournoyer une bille de billard cachée dans un bas, atteignant Saleh à la tête à deux ou trois reprises. Bien que ce dernier soit parvenu à s’enfuir dans son véhicule, il est décédé peu après des suites de ses blessures à la tête. Comme aucun membre de la famille de Saleh n’habitait au Canada, le corps a été renvoyé en Iraq pour y être inhumé. Tous les efforts pour entrer en communication avec la famille ont été vains et aucune « déclaration de la victime » n’a pu être présentée lors de l’audience pour la détermination de la peine. De nombreux éléments de preuve ont été produits au sujet des antécédents et de la personnalité de B.W.P., notamment un rapport sur le transfert, un rapport prédécisionnel, des rapports d’évaluation psychologique et des rapports sur la surveillance des adolescents en liberté sous caution.
8 Quoique B.W.P. ait été accusé en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants, L.R.C. 1985, ch. Y‑1 (« LJC »), la peine a été prononcée sous le régime de la LSJPA. Le juge Meyers de la Cour provinciale, pour le tribunal pour adolescents de Winnipeg, a d’abord établi que l’infraction d’homicide involontaire coupable constitue une « infraction grave avec violence » au sens de l’art. 2 de la LSJPA, puis s’est penché sur la détermination de la peine appropriée : (2003), 176 Man. R. (2d) 218. Après avoir passé en revue les principes directeurs et les objectifs de la détermination de la peine énoncés au par. 3(1) et aux art. 38 et 39, les dispositions du par. 50(1) de la LSJPA touchant l’applicabilité limitée de la partie XXIII du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46, ainsi que la jurisprudence pertinente, le juge chargé de la détermination de la peine a conclu que la dissuasion générale était incompatible avec la nouvelle philosophie de détermination de la peine instaurée par la LSJPA.
9 Le juge chargé de la détermination de la peine a examiné la preuve relative au délinquant, soulignant en particulier le fait qu’il vivait dans une famille stable et d’un grand soutien, son identité autochtone, ses antécédents judiciaires très limités, la qualité de son dossier de fréquentation scolaire et ses résultats, sa participation à des activités parascolaires prosociales et les opinions favorables exprimées par des membres de sa famille, des représentants de son école et des entraîneurs de hockey. Le juge s’est également fondé sur l’évaluation psychologique faite par le Dr Somers, qui jugeait le risque de récidive peu élevé et estimait peu probable que ce risque soit réduit par l’imposition d’une période de placement sous garde. Il a plutôt recommandé que B.W.P. demeure dans la collectivité. Le juge chargé de la détermination de la peine est arrivé aux conclusions suivantes :
[traduction] L’objectif de la détermination de la peine, sous le régime de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, est l’imposition de sanctions justes assorties de perspectives positives favorisant la réadaptation et la réinsertion sociale de l’adolescent, en vue de promouvoir la protection durable du public. La démarche de réadaptation et de réinsertion sociale de BWP est bien entamée depuis qu’il a été relâché en décembre 2001. Exception faite d’une erreur qu’il a chèrement payée par un placement sous garde pendant qu’il attendait la décision du tribunal, son cheminement pour devenir un citoyen respectueux de la loi s’est avéré très positif.
. . .
Isoler BWP de la société, comme le réclame le ministère public, ne répondrait pas à mon avis à l’objectif de protection durable du public envisagé par la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. En revanche, lui permettre de poursuivre le cheminement positif qu’il a effectué depuis sa mise en liberté remplirait cet objectif. [par. 78 et 86]
10 Le juge Meyers de la Cour provinciale n’a pas retenu l’argument du ministère public selon lequel les al. 42(2)n) et o) doivent être lus en corrélation et ont pour effet d’obliger le tribunal à infliger une peine dont les deux tiers devront être purgés sous garde, et l’autre tiers sous surveillance au sein de la collectivité. Il a plutôt estimé que l’al. 42(2)o) lui accordait le pouvoir discrétionnaire de fixer la durée souhaitable de la période de garde et de la période de surveillance de la peine. Il a donc prononcé contre B.W.P. une ordonnance de 15 mois de placement sous garde et de surveillance, en sus des 108 jours passés en détention avant le procès. Il a ordonné que B.W.P. purge une journée sous garde en milieu ouvert et qu’il passe le reste des 15 mois en liberté sous condition au sein de la collectivité, selon 18 conditions énumérées, le tout étant suivi d’une ordonnance de probation d’une année sous surveillance assortie de conditions moins contraignantes.
11 Le ministère public a interjeté appel auprès de la Cour d’appel du Manitoba, faisant valoir que le juge du tribunal pour adolescents avait commis une erreur en concluant que le principe de la dissuasion générale était incompatible avec l’esprit de la LSJPA. Il a également invoqué l’erreur que le juge aurait commise en refusant d’interpréter l’al. 42(2)o) en corrélation avec l’al. 42(2)n), qui exige que, dans le cadre de la peine, la durée de la période de surveillance au sein de la collectivité soit « la moitié » de la période purgée sous garde. S’exprimant au nom de la Cour d’appel du Manitoba, la juge Hamilton a confirmé la décision du juge chargé de la détermination de la peine et a rejeté l’appel : (2004), 187 Man. R. (2d) 80, 2004 MBCA 110.
12 Sur la première question, la juge Hamilton a soigneusement examiné l’argument du ministère public selon lequel la décision de notre Cour dans l’arrêt R. c. M. (J.J.), [1993] 2 R.C.S. 421, continue de s’appliquer, et s’est penchée sur la jurisprudence contradictoire concernant cette question. Elle a conclu que la dissuasion n’était pas un principe applicable en matière de détermination de la peine pour les adolescents dans le cadre de la LSJPA :
[traduction] Sous le régime de la LJC, la protection de la société et du public constituait un principe important. Bien que la protection durable du public et le respect pour les valeurs de la société demeurent importants sous le régime de la LSJPA, le législateur a voulu que ces objectifs soient, dans la mesure du possible, réalisés par la voie de la réadaptation, de la réinsertion sociale et de la responsabilisation. Comme l’a souligné le juge Gorman dans la décision C.M.P., la peine prononcée contre un adolescent est « individualisée » et l’accent est mis avant tout sur la réadaptation. En considérant le libellé du par. 50(1) dans le contexte des principes généraux régissant la LSJPA, je souscris à l’opinion des juges — comme la juge Werier dans la décision A.E.B. et le juge chargé de la détermination de la peine en l’espèce — qui ont conclu que le principe de la dissuasion ne doit pas être pris en compte pour déterminer la peine d’un adolescent. Un juge ne peut infliger une peine à un adolescent dans le but de transmettre un message aux autres adolescents. Cela irait à l’encontre du principe selon lequel la peine doit être déterminée avant tout en fonction de l’adolescent concerné. J’estime également que la dissuasion spécifique ne constitue pas un principe de détermination de la peine, ce principe ayant été exclu suivant le par. 50(1) de la LSJPA. Cela dit, il est fort possible que la peine, et le processus judiciaire en soi, aient un effet dissuasif sur l’adolescent concerné et sur d’autres personnes. [par. 64]
13 Sur la deuxième question, la juge Hamilton a estimé que le juge chargé de la détermination de la peine avait à juste titre conclu que l’al. 42(2)o) lui accordait un pouvoir discrétionnaire plus étendu que l’al. 42(2)n) :
[traduction] Le juge chargé de la détermination de la peine a eu raison d’établir une distinction entre les al. 42(2)n) et 42(2)o). Comme l’avocat de B.W.P., j’estime que le sens ordinaire de l’al. 42(2)o) ressort clairement de son libellé et de son contexte. L’ordonnance de placement et de surveillance prévue à l’al. 42(2)o) n’est que l’une des 18 sanctions que le juge chargé de la détermination de la peine peut choisir d’imposer. Cette disposition se distingue de l’al. n) et accorde au juge un pouvoir discrétionnaire plus étendu quant à la durée de la période de placement sous garde et de la période de surveillance au sein de la collectivité. Comme l’al. 42(2)o) s’applique uniquement aux infractions désignées, ce pouvoir discrétionnaire élargi permet au juge chargé de la détermination de la peine d’augmenter la durée de la période sous garde dans le cas de ces infractions graves. Toutefois, ce pouvoir n’empêche pas le juge de privilégier la période de l’ordonnance consistant dans la surveillance, comme l’a fait de toute évidence, en l’espèce, le juge chargé de la détermination de la peine. Ce pouvoir discrétionnaire s’accorde avec l’objectif principal de la LSJPA : promouvoir la réadaptation, la réinsertion sociale et la responsabilisation par l’infliction, chaque fois que c’est possible, de peines ne comportant pas de placement sous garde. [par. 73]
14 Le ministère public se pourvoit devant notre Cour en invoquant les deux mêmes moyens.
2.2 R. c. B.V.N.
15 B.V.N. a plaidé coupable à l’infraction de voies de fait graves causant des lésions corporelles. L’accusation découle des activités de trafiquant de drogue de B.V.N. Quelques jours avant les voies de fait en question, B.V.N. et un associé ont accosté le plaignant — un toxicomane — au sujet d’une dette de drogue, lui ont braqué une arme à feu sur la tête en appuyant à plusieurs reprises sur la détente, l’ont forcé à monter dans une voiture et l’ont conduit chez un parent pour qu’il se procure de l’argent. L’incident s’est terminé quand le parent du plaignant a téléphoné à la police, forçant B.V.N. et son associé à fuir. Quelques jours plus tard, B.V.N. et son associé ont de nouveau accosté le plaignant, l’ont menacé, l’ont roué de coups de poing et de coups de pied et l’ont poignardé. Le plaignant a été hospitalisé plusieurs jours.
16 La preuve présentée relativement au délinquant a révélé des antécédents familiaux très défavorables, l’absence de déclarations de culpabilité à l’égard d’infractions avec violence, mais plusieurs suspensions et expulsions de l’école pour agressions et trafic de drogues, de nombreux problèmes dans des foyers de groupe, notamment des menaces proférées aux membres du personnel, et des possessions d’armes. Un rapport psychiatrique indiquait qu’il y avait de grands risques que B.V.N. se livre à des activités criminelles violentes et graves.
17 Sur la question de la dissuasion générale, le juge chargé de la détermination de la peine a comparé les dispositions de la LSJPA et celles de l’ancienne LJC et il a conclu que la dissuasion générale constitue un facteur, quoique mineur, dont il faut tenir compte pour déterminer la peine appropriée sous le nouveau régime. Prenant en considération les circonstances de l’infraction et la situation du délinquant, le juge a prononcé une ordonnance de placement sous garde et de surveillance de neuf mois en vertu de l’al. 42(2)n) (en sus des 81 jours passés en détention avant le procès), la partie
de la peine consistant dans le placement sous garde devant être purgée en milieu fermé : [2004] B.C.J. No. 153 (QL), 2004 BCPC 22.
18 B.V.N. a interjeté appel auprès de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique, reprochant notamment au juge chargé de la détermination de la peine de s’être fondé à tort sur le principe de la dissuasion générale. Le juge Mackenzie, aux motifs duquel a souscrit le juge Lambert, a rejeté cet argument, estimant que l’arrêt M. (J.J.) de notre Cour, qui avait été rendu à l’égard de la LJC, demeurait applicable : (2004), 196 B.C.A.C. 100, 2004 BCCA 266. Bien que la LSJPA donne des indications plus précises pour la détermination de la peine et vise à réduire le recours à l’incarcération, elle n’aurait pas expressément exclu la dissuasion à titre de facteur à prendre en compte. Le juge Mackenzie a toutefois souligné que, d’après son interprétation des motifs du juge chargé de la détermination de la peine, [traduction] « le facteur de la dissuasion générale n’a pas contribué à augmenter la peine qui aurait sans cela été imposée » (par. 15). L’appel a été accueilli en partie, certaines conditions non pertinentes dans le présent pourvoi ayant été supprimées. Dans des motifs concordants, le juge Oppal s’est lui aussi dit d’avis que le principe de la dissuasion générale demeurait applicable, quoique sur une base un peu plus limitée. B.V.N. se pourvoit devant notre Cour, plaidant que les tribunaux inférieurs ont fait erreur en considérant la dissuasion générale comme un facteur pertinent et que, n’eût été cette erreur, le résultat aurait été différent.
3. La dissuasion et la LSJPA
3.1 La LSJPA : Un nouveau régime de détermination de la peine
19 La LSJPA est entrée en vigueur le 1er avril 2003. Il convient de souligner que le législateur ne s’est pas contenté de modifier la loi antérieure, la LJC; il l’a abrogée. La LSJPA est un texte législatif complexe, qui a apporté des changements majeurs au système canadien de justice pénale pour les adolescents à diverses étapes du processus : en première ligne, en encourageant un plus grand recours aux programmes de déjudiciarisation; lors des enquêtes sur cautionnement, en limitant de façon substantielle la détention avant le procès; et, dans le cadre du processus de détermination de la peine relatif aux adultes, par l’application des peines applicables aux adultes pour certaines des infractions les plus graves, expressément désignées. Mais, avant tout, la LSJPA a apporté des modifications importantes au processus général de détermination de la peine pour les adolescents. Elle fournit aux juges un cadre directeur plus précis. Des principes de détermination de la peine détaillés y sont expressément énoncés. L’éventail des peines y est davantage réglementé. Les facteurs à prendre en compte y sont décrits. Le recours au placement sous garde fait l’objet de restrictions obligatoires. On a pu dire des nouvelles dispositions de détermination de la peine qu’elles constituaient [traduction] « la tentative la plus systématique, dans l’histoire canadienne, d’organiser l’exercice du pouvoir discrétionnaire judiciaire en matière de détermination de la peine pour les adolescents » : J. V. Roberts et N. Bala, « Understanding Sentencing Under the Youth Criminal Justice Act » (2003), 41 Alta. L. Rev. 395, p. 396.
20 Les avocats des appelants et des intimés ont longuement comparé la LJC et la LSJPA dans les présents pourvois, afin de convaincre la Cour que l’arrêt M. (J.J.), rendu dans le cadre de la LJC, faisait toujours jurisprudence ou n’était plus applicable, selon le point de vue. Dans cet arrêt, notre Cour a mis fin à une controverse entre des cours d’appel provinciales, portant sur l’applicabilité de la dissuasion générale en matière de détermination de la peine pour les adolescents sous le régime de la LJC. Approuvant l’opinion du juge Brooke, de la Cour d’appel de l’Ontario, dans R. c. O. (1986), 27 C.C.C. (3d) 376, notre Cour a conclu que, « si le principe de l’effet dissuasif doit être considéré, il revêt une moindre importance dans la détermination de la peine appropriée dans le cas du jeune contrevenant » (p. 434). Le juge Cory, qui s’exprimait au nom de notre Cour, a ensuite commenté certains textes traitant du potentiel dissuasif des dispositions de la LJC, puis a ajouté la mise en garde suivante :
Cela étant, je souligne qu’il faut se garder d’attacher à la dissuasion, en insistant indûment sur cet aspect, la même importance, dans l’élaboration d’une décision, pour un contrevenant adolescent que pour un adulte. Un jeune contrevenant ne devrait pas être tenu d’assumer la responsabilité pour tous les jeunes contrevenants de sa génération. [p. 434]
21 À mon avis, il n’est pas vraiment utile de procéder à une comparaison approfondie des deux lois. La LSJPA a institué un régime de détermination de la peine tellement différent que les dispositions antérieures de la LJC et la jurisprudence issue de leur application, y compris l’arrêt M. (J.J.), n’ont plus qu’une valeur limitée. Pour trancher la question dont est saisie notre Cour, il convient plutôt de se concentrer sur les dispositions pertinentes de la nouvelle loi. Sauf indication contraire, toute mention d’une disposition législative dans l’analyse qui suit concerne la LSJPA.
3.2 Exclusion des principes de détermination de la peine applicables aux adultes
22 Le législateur a très clairement indiqué que le système de justice pénale pour les adolescents doit être distinct de celui pour les adultes : al. 3(1)b). En conséquence, sous réserve de certaines exceptions énumérées, les dispositions du Code criminel en matière de détermination de la peine ne s’appliquent pas à l’égard des adolescents. Voici le texte du par. 50(1) de la LSJPA :
50. (1) Sous réserve de l’article 74 (application du Code criminel aux peines applicables aux adultes), la partie XXIII (détermination de la peine) du Code criminel ne s’applique pas aux poursuites intentées sous le régime de la présente loi; toutefois, l’alinéa 718.2e) (principe de détermination de la peine des délinquants autochtones), les articles 722 (déclaration de la victime), 722.1 (copie de la déclaration) et 722.2 (enquête par le tribunal), le paragraphe 730(2) (maintien en vigueur de la sommation) et les articles 748 (pardons et remises), 748.1 (remise par le gouverneur en conseil) et 749 (prérogative royale) de cette loi s’appliquent avec les adaptations nécessaires.
23 Il importe de souligner que l’al. 718b) du Code criminel ne fait pas partie des exceptions énumérées dans la LSJPA — cette disposition précise que l’un des objectifs du prononcé des peines pour adultes est de « dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions ». Comme le législateur a expressément énoncé que d’autres dispositions s’appliquaient, notamment un des principes de détermination de la peine applicables aux adultes, soit l’al. 718.2e) concernant les délinquants autochtones, force est de conclure que l’omission est volontaire. Le législateur a choisi de ne pas inclure dans le nouveau régime de détermination de la peine pour les adolescents le principe de la dissuasion, qui s’applique à la détermination de la peine dans le cas des adultes. La question consiste à déterminer si la dissuasion, ou une notion équivalente, est présente dans le libellé de la LSJPA.
3.3 Absence des termes « dissuasion », « dissuader » ou de notions équivalentes dans la LSJPA
24 Nous avons vu que la dissuasion est bien connue à titre de principe général de la détermination de la peine. Si le législateur avait souhaité l’inclure dans le nouveau régime de détermination de la peine pour les adolescents, il est naturel de penser que ce principe aurait été expressément mentionné dans les objectifs et principes détaillés énoncés dans la loi. Or, les termes « dissuader » et « dissuasion » ne figurent nulle part dans la LSJPA : ils ne sont employés ni dans la « Déclaration de principes » de l’art. 3, ni dans les « Objectif et principes » énoncés à l’art. 38, ni même dans la liste des sanctions spécifiques prévues à l’art. 42. Cette omission est très significative.
25 Le ministère public admet qu’il n’est pas expressément fait état, dans la LSJPA, de la dissuasion en tant que principe de détermination de la peine. Il fait toutefois valoir que la loi n’exclut pas expressément non plus sa prise en considération. Cet argument a été accepté par les tribunaux de la Colombie‑Britannique dans B.V.N. et constituait le fondement essentiel de leur décision portant que la dissuasion générale demeurait un facteur à prendre en considération dans la détermination de la peine pour les adolescents. À l’appui de sa thèse, le ministère public affirme que plusieurs dispositions de la nouvelle loi permettent d’inférer le maintien de l’applicabilité de la dissuasion générale. Premièrement, il souligne que, si le législateur a mis l’accent sur la réadaptation, il a également reconnu la nécessité d’une « protection durable du public » comme principe de détermination de la peine pour les adolescents : voir l’art. 3 et le par. 38(1). Deuxièmement, ces mêmes dispositions emploient toutes deux l’expression « perspectives positives » sans la définir. Le ministère public ne conteste pas que, dans la plupart des cas, les perspectives devraient être positives pour l’adolescent qui est traduit en justice, mais il plaide qu’un système rationnel de détermination de la peine doit aussi tenir compte d’autres intérêts que ceux du délinquant. Troisièmement, il est question de « responsabilité » dans la loi; or cette notion, fait‑on valoir, a une portée suffisamment large pour englober des considérations de dissuasion générale, pourvu que cela n’entraîne pas l’infliction d’une peine disproportionnée ou exemplaire — ce qui, concède le ministère public, serait contraire à l’al. 3(1)c). Quatrièmement, le ministère public soutient que la dissuasion générale a un rôle à jouer dans l’élaboration d’une peine visant à renforcer le « respect pour les valeurs de la société », principe consacré au sous‑al. 3(1)c)(i).
26 J’estime qu’aucune de ces dispositions, considérée dans son contexte, n’étaye la thèse du ministère public selon laquelle une sanction plus sévère peut être imposée à un délinquant adolescent dans le but de transmettre un message, non pas au délinquant lui‑même, mais à quiconque serait susceptible de se livrer à des activités criminelles. Par souci de commodité, je reproduis ci‑après les dispositions pertinentes, en y soulignant les termes sur lesquels s’appuie le ministère public.
27 L’objectif principal de la peine, en ce qui concerne les adolescents, est énoncé au par. 38(1), dont voici le texte :
38. (1) L’assujettissement de l’adolescent aux peines visées à l’article 42 (peines spécifiques) a pour objectif de faire répondre celui‑ci de l’infraction qu’il a commise par l’imposition de sanctions justes assorties de perspectives positives favorisant sa réadaptation et sa réinsertion sociale, en vue de favoriser la protection durable du public.
28 Quant aux principes régissant la détermination de la peine, ils sont exposés à l’art. 3 et au par. 38(2) :
3. (1) Les principes suivants s’appliquent à la présente loi :
a) le système de justice pénale pour adolescents vise à prévenir le crime par la suppression des causes sous‑jacentes à la criminalité chez les adolescents, à les réadapter et à les réinsérer dans la société et à assurer la prise de mesures leur offrant des perspectives positives en vue de favoriser la protection durable du public;
b) le système de justice pénale pour les adolescents doit être distinct de celui pour les adultes et mettre l’accent sur :
(i) leur réadaptation et leur réinsertion sociale,
(ii) une responsabilité juste et proportionnelle, compatible avec leur état de dépendance et leur degré de maturité,
(iii) la prise de mesures procédurales supplémentaires pour leur assurer un traitement équitable et la protection de leurs droits, notamment en ce qui touche leur vie privée,
(iv) la prise de mesures opportunes qui établissent clairement le lien entre le comportement délictueux et ses conséquences,
(v) la diligence et la célérité avec lesquelles doivent intervenir les personnes chargées de l’application de la présente loi, compte tenu du sens qu’a le temps dans la vie des adolescents;
c) les mesures prises à l’égard des adolescents, en plus de respecter le principe de la responsabilité juste et proportionnelle, doivent viser à :
(i) renforcer leur respect pour les valeurs de la société,
(ii) favoriser la réparation des dommages causés à la victime et à la collectivité,
(iii) leur offrir des perspectives positives, compte tenu de leurs besoins et de leur niveau de développement, et, le cas échéant, faire participer leurs père et mère, leur famille étendue, les membres de leur collectivité et certains organismes sociaux ou autres à leur réadaptation et leur réinsertion sociale,
(iv) prendre en compte tant les différences ethniques, culturelles, linguistiques et entre les sexes que les besoins propres aux adolescents autochtones et à d’autres groupes particuliers d’adolescents;
d) des règles spéciales s’appliquent aux procédures intentées contre les adolescents. Au titre de celles‑ci :
(i) les adolescents jouissent, et ce personnellement, de droits et libertés, notamment le droit de se faire entendre dans le cadre des procédures conduisant à des décisions qui les touchent — sauf la décision d’entamer des poursuites — et de prendre part à ces procédures, ces droits et libertés étant assortis de mesures de protection spéciales,
(ii) les victimes doivent être traitées avec courtoisie et compassion, sans qu'il ne soit porté atteinte à leur dignité ou à leur vie privée, et doivent subir le moins d’inconvénients possible du fait de leur participation au système de justice pénale pour les adolescents,
(iii) elles doivent aussi être informées des procédures intentées contre l’adolescent et avoir l’occasion d’y participer et d’y être entendues,
(iv) les père et mère de l’adolescent doivent être informés des mesures prises, ou des procédures intentées, à l’égard de celui‑ci et être encouragés à lui offrir leur soutien.
(2) La présente loi doit faire l’objet d’une interprétation large garantissant aux adolescents un traitement conforme aux principes énoncés au paragraphe (1).
38. . . .
(2) Le tribunal pour adolescents détermine la peine spécifique à imposer conformément aux principes énoncés à l’article 3 et aux principes suivants :
a) la peine ne doit en aucun cas aboutir à une peine plus grave que celle qui serait indiquée dans le cas d’un adulte coupable de la même infraction commise dans des circonstances semblables;
b) la peine doit être semblable à celle qui serait imposée dans la région à d’autres adolescents se trouvant dans une situation semblable pour la même infraction commise dans des circonstances semblables;
c) la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité de l’adolescent à l’égard de l’infraction;
d) toutes les sanctions applicables, à l’exception du placement sous garde, qui sont justifiées dans les circonstances doivent faire l’objet d’un examen, plus particulièrement en ce qui concerne les adolescents autochtones;
e) sous réserve de l’alinéa c), la peine doit :
(i) être la moins contraignante possible pour atteindre l’objectif mentionné au paragraphe (1),
(ii) lui offrir les meilleures chances de réadaptation et de réinsertion sociale,
(iii) susciter le sens et la conscience de ses responsabilités, notamment par la reconnaissance des dommages causés à la victime et à la collectivité.
29 On trouve, au par. 38(3), la liste des facteurs à prendre en compte lors de la détermination d’une peine spécifique :
38. . . .
(3) Le tribunal détermine la peine spécifique à imposer en tenant également compte :
a) du degré de participation de l’adolescent à l’infraction;
b) des dommages causés à la victime et du fait qu’ils ont été causés intentionnellement ou étaient raisonnablement prévisibles;
c) de la réparation par l’adolescent des dommages causés à la victime ou à la collectivité;
d) du temps passé en détention par suite de l’infraction;
e) des déclarations de culpabilité antérieures de l’adolescent;
f) des autres circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation de l’adolescent et pertinentes au titre des principes et objectif énoncés au présent article.
30 Je ne vois dans ces dispositions aucun fondement justifiant d’infliger à l’adolescent concerné une sanction plus sévère que celle qui serait autrement indiquée, et ce, dans le but de dissuader quiconque de commettre un crime. Au contraire, le législateur y met systématiquement l’accent sur l’adolescent traduit devant le tribunal, comme je vais l’expliquer.
31 Je traiterai pour commencer du souci de la protection du public exprimé par le législateur. Le ministère public a raison d’affirmer que, en tant qu’objectif de la peine, « la protection [. . .] du public » n’est pas incompatible avec la dissuasion générale. D’ailleurs, c’est essentiellement en se fondant sur ces termes de la loi que notre Cour a conclu, dans l’arrêt M. (J.J.), que l’effet dissuasif pouvait être pris en compte sous le régime de la LJC. Toutefois, les mentions de l’expression « la protection [. . .] du public » dans la LSJPA doivent être considérées dans leur contexte. Je reproduis encore une fois le texte du par. 38(1) pour plus de commodité :
38. (1) L’assujettissement de l’adolescent aux peines visées à l’article 42 (peines spécifiques) a pour objectif de faire répondre celui‑ci de l’infraction qu’il a commise par l’imposition de sanctions justes assorties de perspectives positives favorisant sa réadaptation et sa réinsertion sociale, en vue de favoriser la protection durable du public.
Il ressort clairement de cette disposition que la « protection [. . .] du public » est prise ici, non comme un objectif immédiat de la peine, mais bien comme l’effet durable d’une peine efficace, à l’égard d’un adolescent. De même, le par. 3(1) énonce les trois moyens spécifiques par lesquels la peine doit « favoriser la protection durable du public ». Or, la dissuasion générale ne fait pas partie de ces moyens. Toujours par souci de commodité, je reproduis de nouveau le texte de cette disposition :
3. (1) . . .
a) le système de justice pénale pour adolescents vise à prévenir le crime par la suppression des causes sous‑jacentes à la criminalité chez les adolescents, à les réadapter et à les réinsérer dans la société et à assurer la prise de mesures leur offrant des perspectives positives en vue de favoriser la protection durable du public;
À mon avis, aucun de ces moyens expressément mentionnés n’autorise l’infliction d’une sanction plus sévère dans le but de dissuader quiconque de commettre des crimes. Les moyens retenus pour favoriser la protection durable du public dénotent plutôt un processus individualisé, l’accent étant mis sur les causes sous‑jacentes, la réadaptation, la réinsertion sociale et les perspectives positives pour le délinquant.
32 De même, lorsqu’il est précisé, dans la version anglaise du sous‑al. 3(1)c)(i) de la LSJPA, que les mesures prises à l’égard des adolescents « should [. . .] reinforce respect for societal values », il importe d’examiner le contexte pour déterminer de la part de qui on entend renforcer le respect des valeurs en question : l’adolescent ou la société dans son ensemble. Bien entendu, c’est l’adolescent qui est devant le tribunal, et « à l’égard » de qui les « mesures » sont « prises », qui semble logiquement visé. S’il subsistait néanmoins quelque doute que ce soit quant à l’interprétation de cette disposition, il est dissipé par la version française, qui établit clairement que la disposition vise à renforcer le respect par l’adolescent concerné — et non par la société dans son ensemble — des valeurs de la société :
3. (1) . . .
c) les mesures prises à l’égard des adolescents, [. . .] doivent viser à :
(i) renforcer leur respect pour les valeurs de la société,
. . .
33 De même, lorsque le texte anglais de la loi emploie le terme « accountability » ou requiert des « meaningful consequences », il vise expressément les jeunes délinquants qui se trouvent devant le tribunal : « ensure that a young person is subject to meaningful consequences » (sous-al. 3(1)a)(iii)); « accountability that is consistent with the greater dependency of young persons and their reduced level of maturity » (sous‑al. 3(1)b)(ii)); « be meaningful for the individual young person given his or her needs and level of development » (sous‑al. 3(1)c)(iii)). Le législateur a indiqué tout aussi clairement dans la version française que ces principes visent les délinquants et non le public en général : par exemple, l’al. 3(1)a) précise que « le système de justice pénale pour adolescents vise à prévenir le crime par la suppression des causes sous‑jacentes à la criminalité chez les adolescents [. . .] et à assurer la prise de mesures leur offrant des perspectives positives ».
34 J’estime que le libellé de la loi conduit inéluctablement à la conclusion que le législateur a délibérément exclu la dissuasion générale comme facteur de détermination de la peine pour les adolescents.
3.4 Conformité de l’exclusion de la dissuasion générale avec l’intention du législateur
35 L’objet et l’économie de la LSJPA, tout comme l’intention du législateur en l’adoptant, ont été maintes fois analysés, tant par les tribunaux que par des commentateurs — et tout récemment par notre Cour dans l’arrêt R. c. C.D., [2005] 3 R.C.S. 668, 2005 CSC 78. Je me dispenserai de répéter ici les observations faites dans cet arrêt. Il ressort clairement du préambule de la loi, ainsi que de celle‑ci dans son ensemble, que le législateur voulait, en édictant le nouveau régime de détermination de la peine pour les adolescents, limiter la prise des mesures les plus sévères aux crimes les plus graves et, par conséquent, diminuer le recours à l’incarcération des adolescents non violents. Cet objectif est expressément énoncé dans le préambule de la LSJPA, qui est rédigé ainsi :
Attendu :
que la société se doit de répondre aux besoins des adolescents, de les aider dans leur développement et de leur offrir soutien et conseil jusqu’à l’âge adulte;
qu’il convient que les collectivités, les familles, les parents et les autres personnes qui s’intéressent au développement des adolescents s’efforcent, par la prise de mesures multidisciplinaires, de prévenir la délinquance juvénile en s’attaquant à ses causes, de répondre à leurs besoins et d’offrir soutien et conseil à ceux d’entre eux qui risquent de commettre des actes délictueux;
que le public doit avoir accès à l’information relative au système de justice pour les adolescents, à la délinquance juvénile et à l’efficacité des mesures prises pour la réprimer;
que le Canada est partie à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et que les adolescents ont des droits et libertés, en particulier ceux qui sont énoncés dans la Charte canadienne des droits et libertés et la Déclaration canadienne des droits, et qu’ils bénéficient en conséquence de mesures spéciales de protection à cet égard;
que la société canadienne doit avoir un système de justice pénale pour les adolescents qui impose le respect, tient compte des intérêts des victimes, favorise la responsabilité par la prise de mesures offrant des perspectives positives, ainsi que la réadaptation et la réinsertion sociale, limite la prise des mesures les plus sévères aux crimes les plus graves et diminue le recours à l’incarcération des adolescents non violents,
Sa Majesté, sur l’avis et avec le consentement du Sénat et de la Chambre des communes du Canada, édicte : . . .
36 Contrairement à d’autres facteurs susceptibles d’être pris en compte dans la détermination de la peine, la dissuasion générale a un effet unilatéral sur la peine. En effet, lorsqu’elle est appliquée dans ce contexte, la dissuasion générale entraîne toujours l’augmentation de la peine ou de sa sévérité; elle n’a jamais pour effet de les atténuer. Bien entendu, l’application de la dissuasion générale comme principe de détermination de la peine n’a pas nécessairement pour conséquence le placement sous garde; toutefois, elle ne peut que contribuer à augmenter le recours à l’incarcération, pas à le diminuer. L’exclusion de la dissuasion générale du nouveau régime est donc conforme à l’intention explicite du législateur de diminuer le recours à l’incarcération des adolescents non‑violents. Le ministère public ne m’a pas convaincue que la mention, dans le préambule, de la nécessité pour le public d’avoir accès à l’information indique une quelconque intention de la part du législateur d’inscrire l’objectif de la dissuasion générale dans le nouveau régime. En soi et dans le contexte, le fait que le préambule dise qu’il serait souhaitable de mettre certains renseignements à la disposition du public ne saurait raisonnablement confirmer la justesse d’une telle interprétation.
37 Le ministère public a invoqué certains échanges ayant eu lieu devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne — le comité chargé de l’examen de l’avant‑projet de loi de la LSJPA. Cet argument n’est pas plus convaincant. Au mieux, la transcription des délibérations du Comité permanent montre que l’exclusion de la dissuasion générale de la LSJPA a été amplement débattue. Ce fait ne peut que renforcer la conclusion selon laquelle l’omission par les rédacteurs de la dissuasion comme facteur de détermination de la peine était délibérée. Les documents administratifs publiés sur le site Web du ministère de la Justice du Canada étayent encore davantage cette conclusion : la dissuasion comme principe de la détermination de la peine n’y est nullement mentionnée. En fait, dans les modules portant sur la détermination de la peine qui traitent expressément des lignes directrices établies à cet égard sous le régime de la LSJPA, le ministère de la Justice du Canada explique que la dissuasion ne joue aucun rôle en matière de détermination de la peine pour les adolescents :
La LSJPA comprend des dispositions sur la détermination de la peine spécifique aux adolescents qui sont différentes à bien des égards des dispositions du Code criminel sur la détermination de la peine à imposer aux adultes. La dénonciation, la dissuasion du délinquant, la dissuasion générale et la neutralisation, des objectifs de la détermination de la peine à imposer aux adultes prévus par le Code criminel, ne sont pas des objectifs de la détermination de la peine aux termes de la LSJPA. L’article 50 de la LSJPA prévoit explicitement que l’objectif et les principes de la peine à imposer aux adultes prévus aux articles 718, 718.1 et 718.2 du Code ne s'appliquent pas, à l’exception de l’al. 718.2e) sur les délinquants autochtones, aux poursuites intentées sous le régime de la LSJPA. [Je souligne.]
(La LSJPA expliquée (2002), www.justice.gc.ca/fr/ps/yj/repository/downlds/3040301.pdf, p. 3)
38 Bien entendu, cela ne signifie pas que la peine infligée en application de la LSJPA ne peut pas comporter d’effet dissuasif. La découverte, l’arrestation et la condamnation de l’adolescent, ainsi que les conséquences subies par ce dernier, peuvent fort bien avoir un effet dissuasif sur quiconque a des tendances criminelles. Cela ne signifie pas non plus que le tribunal ne doit tenir aucun compte de l’incidence du crime commis sur la collectivité, comme on l’a plaidé. La prise en considération de l’ensemble des circonstances relatives à l’infraction et au délinquant fait partie du processus de détermination de la peine. En revanche, la LSJPA n’autorise pas le recours à la dissuasion générale dans le but de justifier l’imposition d’une sanction plus sévère que celle qui est nécessaire pour la réadaptation et la réinsertion sociale de l’adolescent qui se trouve devant le tribunal, et pour le faire répondre de l’infraction commise.
3.5 Dissuasion spécifique
39 Dans les présents pourvois, on s’est intéressé essentiellement à la dissuasion générale, et non à la dissuasion spécifique. Comme je l’ai mentionné précédemment, la dissuasion spécifique concerne le délinquant devant le tribunal. En tant que principe de détermination de la peine, elle vise à empêcher que ce délinquant commette d’autres infractions criminelles. Envisagée d’une façon large, la dissuasion spécifique peut coïncider dans une large mesure avec les autres objectifs de la peine. De fait, la meilleure façon d’éviter la récidive du jeune délinquant réside sans doute dans sa réadaptation et sa réinsertion sociale. Toutefois, le nouveau régime de détermination de la peine ne mentionne pas la dissuasion spécifique comme facteur distinct à prendre en compte. Le législateur a plutôt spécifiquement et expressément énoncé les moyens à employer pour empêcher le délinquant de récidiver : supprimer les causes sous‑jacentes à la criminalité chez l’adolescent en veillant à sa réadaptation ainsi qu’à sa réinsertion sociale et limiter aux crimes les plus graves les sanctions consistant dans le placement sous garde. À mon avis, on ne gagnerait rien à tenter d’intégrer la dissuasion spécifique à titre de facteur distinct dans le nouveau régime en considérant qu’elle en fait implicitement partie.
40 Prise dans son sens plus étroit, la dissuasion spécifique commande la neutralisation du délinquant pour empêcher toute récidive, ce qui se fait habituellement en isolant le délinquant de la société au moyen de l’incarcération. L’analyse de la dissuasion générale qui précède a clairement montré que, en ce sens, la dissuasion spécifique, en tant que facteur distinct relatif à la détermination de la peine pour les adolescents, est elle aussi exclue en vertu du par. 50(1) et ne découle implicitement d’aucune disposition de la LSJPA. Comme il ressort de l’analyse approfondie faite par notre Cour dans l’arrêt C.D., le législateur a établi des restrictions particulières quant à l’infliction de peines comportant le placement sous garde. Ce sont ces dispositions qui doivent être appliquées.
41 Pour ces motifs, je conclus que la dissuasion — générale ou spécifique — ne constitue pas un principe de détermination de la peine sous le régime de la LSJPA.
4. Ordonnances de placement et de surveillance en application de l’al. 42(2)o)
42 Il ne reste plus qu’à trancher l’autre question soulevée dans l’affaire B.W.P., à savoir celle concernant la durée respective de la période de garde et de la période de surveillance prévues dans l’ordonnance prise en vertu de l’al. 42(2)o). Rappelons que B.W.P. s’est vu imposer, en vertu de l’al. 42(2)o), une peine de placement et de surveillance de 15 mois pour l’infraction d’homicide involontaire coupable. Au moment du prononcé de la peine, il avait purgé 108 jours de maintien sous garde avant le procès. Le ministère public avait demandé une ordonnance de placement et de surveillance d’une durée de 12 à 15 mois, la période de garde en milieu ouvert ne devant pas être inférieure aux deux tiers des 15 mois. Il estimait que le juge chargé de la détermination de la peine de l’adolescent n’avait pas d’autre choix que d’imposer le placement sous garde pour au moins les deux tiers de la peine. À l’appui de sa thèse, le ministère public a soutenu que les al. 42(2)n) et 42(2)o) doivent être lus en corrélation, de façon à assurer que les délinquants condamnés en vertu de la seconde disposition purgent une partie au moins aussi importante de leur peine en milieu sous garde. Cette interprétation a, à juste titre selon moi, été rejetée par les tribunaux inférieurs.
43 L’alinéa 42(2)o) s’applique uniquement aux infractions d’homicide involontaire coupable, de tentative de meurtre et d’agression sexuelle grave. Il précise que l’ordonnance de placement et de surveillance ne peut excéder trois ans; on n’y trouve cependant aucune restriction en ce qui concerne la durée possible du placement sous garde. La disposition est en fait muette quant à la durée respective des périodes de la peine consistant dans le placement et dans la surveillance. En voici le libellé :
42. . . .
(2) . . .
o) dans le cas d’une infraction visée aux sous‑alinéas a)(ii), (iii) ou (iv) de la définition de « infraction désignée » au paragraphe 2(1), l’imposition, par une ordonnance de placement et de surveillance, d’une peine maximale, sous réserve du paragraphe 104(1) (prolongation de la garde), de trois ans à compter de sa mise à exécution, dont une partie est purgée sous garde de façon continue et l’autre en liberté sous condition au sein de la collectivité aux conditions fixées conformément à l’article 105;
44 Il en va autrement dans le cas de l’al. 42(2)n). En effet, aux termes de cette disposition, la peine imposée par une ordonnance de placement et de surveillance ne peut être supérieure à deux ans (trois ans dans le cas où l’infraction est punissable d’une peine maximale d’emprisonnement à vie pour les adultes), et la durée de la période de surveillance doit être « la moitié » de la période devant être purgée sous garde. En d’autres mots, le délinquant assujetti à une ordonnance fondée sur l’al. 42(2)n) doit purger sous garde les deux tiers de sa peine, et sous surveillance au sein de la collectivité l’autre tiers de la peine en question. Cette disposition est rédigée ainsi :
42. . . .
(2) . . .
n) l’imposition, par une ordonnance de placement et de surveillance, d’une peine maximale de deux ans à compter de sa mise à exécution ou, dans le cas où l’adolescent est déclaré coupable d’une infraction passible de l’emprisonnement à vie prévue par le Code criminel ou par toute autre loi fédérale, d’une peine maximale de trois ans à compter de sa mise à exécution, dont une période est purgée sous garde, laquelle est suivie d’une autre — dont la durée est la moitié de la première — à purger, sous réserve des articles 97 (conditions obligatoires) et 98 (maintien sous garde), sous surveillance au sein de la collectivité;
45 Il ressort donc du libellé de ces dispositions que celles‑ci sont différentes. Le ministère public prétend que, en n’exigeant pas à l’al. 42(2)o) que la durée de la période de surveillance soit « la moitié » de la période devant être purgée sous garde, le législateur a reconnu que, pour les crimes les plus graves — homicide involontaire coupable, tentative de meurtre, agression sexuelle grave — , un délinquant adolescent pourrait être tenu de passer davantage de temps sous garde que pour les infractions moins graves. J’en conviens. Toutefois, rien dans le libellé de l’al. 42(2)o) n’empêche le tribunal d’imposer, s’il le juge à propos, une période de placement sous garde d’une durée inférieure en proportion. Le ministère public a fait valoir que cette interprétation conduit à un résultat absurde, puisqu’un adolescent délinquant qui a commis un crime grave pourrait ainsi purger une période sous garde moins longue. J’estime que cet argument n’est pas convaincant. On pourrait en dire autant de l’infraction d’homicide involontaire coupable du Code criminel qui, en théorie, peut entraîner une peine moins sévère que certaines infractions moins graves à l’égard desquelles une peine minimale est prescrite. La détermination de la peine appropriée dans un cas donné dépend de l’ensemble des circonstances. Pour ce qui est des crimes plus graves, par exemple, il se peut que le délinquant, comme c’est le cas en l’espèce, ait déjà été détenu pendant une période considérable avant le procès. L’ordonnance de placement et de surveillance prévue à l’al. 42(2)o) accorde simplement une plus grande souplesse.
46 À titre subsidiaire, le ministère public plaide que l’imposition d’une période de placement sous garde d’un jour est incompatible avec l’art. 104. En vertu du par. 104(1), le procureur général peut présenter une demande en vue d’obtenir le maintien sous garde d’un délinquant détenu en vertu d’une peine imposée en application de l’al. 42(2)o), q) ou r) (mais non de l’al. n)). La demande doit être présentée « dans un délai raisonnable avant l’expiration de la période de garde ». Le ministère public soutient que, de par son libellé, l’art. 104 envisage une période de garde plus longue que la période d’une journée imposée en l’espèce par le juge ayant prononcé la peine. Cet argument me semble sans fondement et je l’écarterais sommairement, comme l’a fait la juge Hamilton, de la Cour d’appel du Manitoba :
[traduction] Le droit du ministère public de présenter une demande de maintien sous garde est tributaire du fait que l’adolescent soit déjà sous garde. En d’autres termes, si l’adolescent n’est pas « tenu sous garde », le par. 104(1) n’est pas applicable. Il convient de se reporter directement au par. 42(2) en ce qui concerne les exigences relatives au placement sous garde, et non pas de façon indirecte, par le truchement du par. 104(1). [par. 70]
47 Enfin, le ministère public affirme qu’une peine de placement sous garde d’une journée est incompatible avec l’art. 105, selon lequel l’adolescent tenu sous garde en raison d’une ordonnance imposée en application de l’al. 42(2)o), q) ou r) doit être amené devant le tribunal au moins un mois avant l’expiration de la période de garde pour que le tribunal fixe les conditions dont est assortie sa mise en liberté sous condition. Là encore, j’arrive à la même conclusion que la juge Hamilton de la Cour d’appel. L’objectif de l’art. 105 est de [traduction] « s’assurer que les conditions sont appropriées pour l’adolescent au moment de la mise en liberté » (par. 71). Comme a déclaré la juge, [traduction] « une période de placement sous garde d’une journée ne peut être écartée au motif que l’adolescent a droit à un préavis d’un mois en vertu de l’art. 105. L’imposition d’une période de maintien sous garde d’une journée rend simplement inutile la procédure prévue à l’art. 105 » (par. 71).
5. Conclusion
48 Pour ces motifs, j’estime que les tribunaux du Manitoba ont eu raison de conclure que la dissuasion générale ne constitue pas un facteur pertinent pour la détermination de la peine sous le régime de la LSJPA. Leur interprétation de l’al. 42(2)o) était également bien fondée. Je suis donc d’avis de rejeter le pourvoi du ministère public à l’encontre de la décision B.W.P.
49 Comme je l’ai indiqué au départ, je ne vois aucun motif justifiant de modifier la peine imposée dans l’affaire B.V.N. Bien que les tribunaux de la Colombie‑Britannique aient commis une erreur en considérant la dissuasion générale comme un principe de détermination de la peine, ce facteur n’a pas joué un rôle important dans la détermination de la peine, et la question est devenue essentiellement théorique. Je suis également d’avis de rejeter le pourvoi de B.V.N.
Pourvois rejetés.
Procureur de l’appelante Sa Majesté la Reine : Manitoba Justice, Winnipeg.
Procureurs de l’appelant B.V.N. : Smart & Williams, Vancouver.
Procureurs de l’intimé B.W.P. : Brodsky & Company, Winnipeg.
Procureur de l’intimée Sa Majesté la Reine : Ministère du Procureur général, Vancouver.
Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Ontario : Procureur général de l’Ontario, Toronto.
Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Alberta : Alberta Justice, Edmonton.
Procureur de l’intervenante Canadian Foundation for Children, Youth and the Law : Canadian Foundation for Children, Youth and the Law, Toronto.
Procureur de l’intervenant Youth Criminal Defence Office : Youth Criminal Defence Office, Edmonton.
Procureur de l’intervenant Aboriginal Legal Services of Toronto Inc. : Aboriginal Legal Services of Toronto Inc., Toronto.