Martin c. American International Assurance Life Co., [2003] 1 R.C.S. 158, 2003 CSC 16
American International Assurance Life Company Ltd.
et American Life Insurance Company Appelantes
c.
Dorothy Martin Intimée
Répertorié : Martin c. American International Assurance Life Co.
Référence neutre : 2003 CSC 16.
No du greffe : 28540.
2002 : 28 octobre; 2003 : 21 mars.
Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Gonthier, Iacobucci, Major, Bastarache, Binnie, Arbour, LeBel et Deschamps.
en appel de la cour d’appel de la colombie‑britannique
POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (2001), 196 D.L.R. (4th) 427, 4 W.W.R. 404, 149 B.C.A.C. 249, 86 B.C.L.R. (3d) 4, 25 C.C.L.I. (3d) 1, [2001] I.L.R. I‑3957, [2001] B.C.J. No. 325 (QL), 2001 BCCA 130, annulant une décision de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique (1999), 16 C.C.L.I. (3d) 180, [1999] I.L.R. I‑3721, [1999] B.C.J. No. 1523 (QL). Pourvoi rejeté.
Peter H. Griffin, David Norwood et Nina Bombier, pour les appelantes.
David A. Critchley et Robert B. Kearl, pour l’intimée.
Version française du jugement de la Cour rendu par
La Juge en chef —
I. Introduction
1 Le présent pourvoi porte sur l’interprétation d’une clause d’indemnisation en cas de décès accidentel, contenue dans une police d’assurance‑vie et précisant que la garantie ne s’applique qu’aux décès dus à une [traduction] « cause accidentelle ». J’arrive à la conclusion que, compte tenu des circonstances l’ayant entouré, le décès du Dr Easingwood est dû à une « cause accidentelle ». Il a résulté d’une erreur de jugement qui relève de la disposition applicable aux décès dus à une cause accidentelle. Par conséquent, je suis d’avis de rejeter le pourvoi et de confirmer la conclusion de la Cour d’appel que l’intimée a droit à l’indemnité prévue en cas de décès accidentel.
II. Les faits et le contexte
A. Le décès du Dr Easingwood
2 L’assuré, le Dr Edward Joseph Easingwood, était un médecin de famille âgé de 46 ans. Pendant le traitement d’un ulcère gastroduodénal, il a développé une dépendance à des médicaments opiacés. En 1994, il a suivi un programme de traitement en établissement, pour ensuite reprendre l’exercice de la médecine en 1995. Toutefois, au printemps 1996, à la suite d’une douloureuse blessure musculosquelettique, il a développé une dépendance physiologique à la morphine et au Demerol, et a dû de nouveau cesser de travailler. Son médecin l’a inscrit à un programme de désintoxication destiné à enrayer la dépendance à ces drogues. Il a pu retourner au travail à la mi‑octobre 1996. Au cours des jours qui ont précédé son décès, il a paru enthousiaste aux amis à qui il a parlé et il faisait des projets d’avenir.
3 Le 29 octobre 1996, le Dr Easingwood a dit à son épouse qu’il allait faire une balade en voiture pour calmer sa douleur à la jambe. Il s’est rendu à son bureau où, le lendemain matin, il a été découvert sans vie. Voici comment la coroner a décrit la scène :
[traduction] Le Dr Easingwood a été retrouvé gisant face contre terre dans son bureau. Ses verres brisés reposaient sur le sol près de lui et un papier‑mouchoir ensanglanté se trouvait dans sa main droite. Il était en tenue de ville et son jean était partiellement baissé.
4 La coroner a conclu que le Dr Easingwood avait succombé à une surdose de Demerol administré par intraveineuse. Elle a indiqué que le taux de Demerol dans le sang de la victime était de 2,4 mg et se situait au bas de l’échelle des doses létales. Les rapports de toxicologie ont également révélé la présence de phénobarbital dans le sang de la victime, substance qui a un effet additif avec le Demerol. Aucune preuve n’expliquait comment le phénobarbital s’était retrouvé dans l’organisme de la victime.
B. La police d’assurance
5 La police d’assurance prévoit, à maints endroits, qu’elle constitue une « garantie en cas de décès accidentel ». Cependant, la clause accordant la garantie parle de décès dû à une « cause accidentelle » :
[traduction]
GARANTIE
Sous réserve des conditions stipulées aux présentes, la compagnie versera le montant de l’indemnité pour décès accidentel [. . .] sur réception d’une preuve en bonne et due forme que le décès de l’assuré est directement imputable, à l’exclusion de toute autre cause, à une blessure corporelle infligée par un acte externe, violent et accidentel . . .
6 Les assureurs appelants soutiennent que le décès du Dr Easingwood n’est pas dû à une « cause accidentelle ». Ils font valoir que c’est de propos délibéré qu’il s’est injecté la dose de Demerol en question et que son décès était une conséquence possible qu’il devait avoir prévue étant donné l’importance de la dose administrée. Pour sa part, l’intimée soutient que le décès est « accidentel ». Elle rejette l’argument voulant que l’expression « cause accidentelle » ait une portée plus restreinte que les termes « décès accidentel ». Elle ajoute que, de toute manière, il est raisonnable d’inférer que le Dr Easingwood est décédé « accidentellement », après avoir cru à tort que la dose administrée n’était pas létale.
III. Historique des procédures judiciaires
A. Cour suprême de la Colombie-Britannique (1999), 16 C.C.L.I. (3d) 180
7 Lors du procès, le juge Josephson a rejeté la demande d’indemnisation fondée sur la clause en question. Il a dit douter de l’existence d’une distinction véritable entre la police d’assurance pour « décès accidentel » et celle applicable seulement au décès dû à une « cause accidentelle ». Cependant, il a estimé que le critère applicable à la détermination de l’existence d’une « cause accidentelle » consiste à se demander si les blessures de l’assuré résultaient d’une [traduction] « mésaventure inattendue » ou d’un « malheur qui n’était ni prévu, ni recherché » (par. 5). Le juge a inféré de l’expérience que le Dr Easingwood avait en matière de consommation de drogue et des connaissances qu’il possédait en sa qualité de médecin, que celui‑ci ne devait pas ignorer les risques qu’il courait en s’injectant une telle quantité de Demerol, surtout si elle était combinée à du phénobarbital. Le juge Josephson a conclu, pour ce motif, que le décès du Dr Easingwood n’était pas dû à une cause accidentelle.
B. Cour d’appel de la Colombie-Britannique (2001), 86 B.C.L.R. (3d) 4, 2001 BCCA 130
8 La Cour d’appel a accueilli l’appel. S’exprimant au nom de la cour à l’unanimité, la juge Huddart s’est elle aussi interrogée sur l’utilité de la distinction entre « décès accidentel » et décès dû à une « cause accidentelle ». Cependant, elle n’a pas jugé nécessaire de trancher la question puisque, selon elle, il [traduction] « suffi[sait], en l’espèce, d’examiner globalement l’acte à l’origine du préjudice et toutes les circonstances l’ayant entouré, et de se demander si l’événement survenu serait considéré comme un accident au sens ordinaire et courant de ce terme » (par. 26). La juge Huddart a ensuite inféré des circonstances du décès du Dr Easingwood que, selon toute vraisemblance, celui‑ci n’avait pas voulu s’administrer une dose potentiellement mortelle. Invoquant le fait qu’une personne ordinaire considérerait que l’administration involontaire d’une surdose est un accident, la cour a statué que le décès du Dr Easingwood était accidentel et que l’intimée pouvait donc être indemnisée en vertu de la police d’assurance.
IV. Analyse
A. La distinction entre « cause accidentelle » et « décès accidentel »
9 La première question qui se pose est de savoir si les décès dus à une cause accidentelle forment une sous‑catégorie de décès accidentels. En d’autres termes, la catégorie des décès dus à une cause accidentelle est‑elle plus restreinte que celle des décès accidentels?
10 Les assureurs font valoir que la catégorie des décès dus à une cause accidentelle est plus restreinte du fait qu’elle exclut le décès accidentel qui est la conséquence naturelle d’un acte délibéré. Selon eux, il ne peut y avoir de cause accidentelle que si le décès et les actes comptant parmi ses causes immédiates sont accidentels.
11 Les tribunaux canadiens ont adopté ce point de vue dans les arrêts Columbia Cellulose Co. c. Continental Casualty Co. (1963), 43 W.W.R. 355 (C.A.C.‑B.), conf. par (1964), 42 D.L.R. (2d) 401n (C.S.C.); Sloboda c. Continental Casualty Co., [1938] 2 W.W.R. 237 (C.A. Alb.); Smith c. British Pacific Life Insurance Co., [1965] R.C.S. 434; Aguilar c. London Life Insurance Co. (1990), 70 D.L.R. (4th) 510 (C.A. Man.) (autorisation de pourvoi accordée, [1991] 1 R.C.S. v; avis de désistement produit, [1991] 3 R.C.S. v); Leontowicz c. Seaboard Life Insurance Co. (1984), 8 C.C.L.I. 290 (C.A. Alb.) (autorisation de pourvoi refusée, [1985] 1 R.C.S. ix).
12 Ce point de vue me paraît toutefois problématique. Presque tous les accidents comptent des actes délibérés parmi leurs causes immédiates. Si l’on exigeait que ces actes soient eux aussi accidentels, l’indemnisation des assurés n’aurait lieu que rarement, voire jamais. Par conséquent, cela ne saurait être le sens de l’expression « cause accidentelle » (« accidental means ») figurant dans la police. Les polices d’assurance doivent être interprétées de manière à respecter les attentes raisonnables des parties : Reid Crowther & Partners Ltd. c. Simcoe & Erie General Insurance Co., [1993] 1 R.C.S. 252, p. 269. La police qui s’appliquerait rarement à ce qu’une personne raisonnable considère comme un décès accidentel violerait ce principe.
13 À mon sens, l’expression « cause accidentelle » traduit l’idée que les conséquences des actes et des événements à l’origine du décès étaient inattendues. Le mot « cause » renvoie donc implicitement à un ensemble de conséquences. Il renvoie à un seul ou à plusieurs actes ou événements considérés sous l’angle de leur lien de causalité avec les faits qui en résultent.
14 Il s’ensuit que, pour déterminer si une cause de décès est « accidentelle », il faut se demander si les conséquences étaient prévues. Il ne sert à rien de dissocier la « cause » du reste de la chaîne causale et de se demander si elle était délibérée. Dans l’arrêt Landress c. Phoenix Mutual Life Insurance Co., 291 U.S. 491 (1934), p. 501, le juge Cardozo a souligné, dans ses motifs dissidents, que [traduction] « [s]i la cause n’a rien d’accidentel, le résultat n’a rien d’accidentel non plus ». L’inverse est également vrai : si le résultat n’a rien d’accidentel, la cause n’a rien d’accidentel non plus. Le juge Cardozo a ajouté que ou bien [traduction] « [i]l y a accident du début à la fin, ou bien il n’y en a pas du tout ». Pour déterminer si le décès est dû à une cause accidentelle, il faut donc examiner la suite des événements dans son ensemble et se demander si l’assuré s’attendait à ce que la mort résulte de ses actes et des circonstances les ayant entourés.
15 Cette interprétation respecte le sens ordinaire de l’expression « décès dû à une cause accidentelle », laquelle s’entend du décès inattendu — ou, pour reprendre les propos de lord Macnaghten, du décès qui résulte d’une [traduction] « mésaventure inattendue ou d’un malheur qui n’était ni prévu, ni recherché » : Fenton c. J. Thorley & Co., [1903] A.C. 443 (H.L.), p. 448. Habituellement, les conséquences de nos actes sont voulues. Il arrive, cependant, que nos actes aient des conséquences inattendues ou non recherchées. Lorsque le décès est la conséquence inattendue d’un acte, on dit qu’il est « accidentel », ou qu’il est dû à une « cause accidentelle » et non à une « cause voulue ». Dans la langue courante, les expressions « décès dû à une cause accidentelle » et « décès accidentel » ont le même sens. Comme lord Stott l’a conclu dans l’arrêt Glenlight Shipping Ltd. c. Excess Insurance Co., 1983 S.L.T. 241 (Sess. (2nd Div.)), p. 245, [traduction] « [u]n accident est simplement un événement ayant une cause accidentelle, et le problème reste le même peu importe que l’on se demande si le décès de l’assuré est accidentel ou s’il est dû à une cause accidentelle ».
16 Cette interprétation de l’expression « cause accidentelle » respecte également le principe voulant que le contrat d’assurance soit interprété de manière à respecter, autant que possible, les attentes raisonnables des parties (Reid Crowther, précité). Les appelantes indiquent que les attentes raisonnables des assureurs ne seront respectées que si le décès dû à une « cause accidentelle » est interprété comme excluant tout décès qui est la conséquence naturelle d’un acte délibéré. Toutefois, il n’est pas certain que la plupart des assureurs s’attendent, ou qu’ils peuvent raisonnablement s’attendre, à ce que l’expression reçoive cette interprétation restrictive. Il en est ainsi pour deux raisons. Premièrement, si le décès dû à une « cause accidentelle » était interprété de cette manière, de nombreux actes qu’une personne ordinaire qualifierait spontanément de causes « accidentelles » de décès ne seraient pas des causes accidentelles. Par exemple, cela signifierait que le décès d’une personne qui a ingurgité une substance mortelle en pensant boire de l’eau ne serait pas dû à une « cause accidentelle », pas plus que ne le serait le décès par noyade d’une personne ayant fait descendre son véhicule du pont d’un traversier qu’elle croyait à tort accosté, comme cela avait été le cas dans l’affaire Glenlight Shipping, précitée. Deuxièmement, les attentes des assureurs ne sont pas les seules en cause. L’assuré a également des attentes qui doivent être prises en considération. Pour bien interpréter l’expression « cause accidentelle », il faut tenter d’établir un équilibre entre les attentes de part et d’autre, compte tenu des intérêts respectifs qui les sous‑tendent. Les assureurs ne sauraient raisonnablement s’attendre à ce que les tribunaux privilégient une interprétation qui protège davantage leurs intérêts que ceux des assurés.
17 Enfin, cette interprétation du décès dû à une « cause accidentelle » donne tout son sens au mot « cause ». Comme nous le verrons plus loin, il est généralement reconnu que la police d’assurance en cas de décès accidentel s’applique dans le cas où une erreur de jugement a été commise au sujet de la possibilité que la mort résulte d’un acte ou d’un événement. L’acte délibéré qui entraîne la mort à la suite d’une erreur de jugement peut être considéré comme une « cause accidentelle » de décès.
18 Je conclus que, dans la police d’assurance dont il est question en l’espèce, l’expression « cause accidentelle » ne désigne pas une sous‑catégorie limitée de la catégorie générale des « décès accidentels ». Les deux expressions évoquent un décès en quelque sorte inattendu, et ont essentiellement le même sens.
B. Qu’est‑ce qu’un décès dû à une cause accidentelle?
19 Cela nous amène à la question centrale de savoir ce qu’est un décès dû à une « cause accidentelle »? Comme l’a fait observer le juge Spence dans l’arrêt Mutuelle d’Omaha Compagnie d’Assurances c. Stats, [1978] 2 R.C.S. 1153, p. 1164, le mot « accident » est « un mot ordinaire auquel il faut donner son sens courant ». Comme la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique l’a souligné en l’espèce, il faut donc mettre l’accent sur le sens courant de l’expression et sur la question de savoir [traduction] « si l’événement survenu serait considéré comme un accident au sens ordinaire et courant de ce terme » (par. 26). Ce n’est que de cette manière que les attentes raisonnables de l’assuré et de l’assureur pourront être respectées. Il faut donc se demander ce que désigne l’expression « décès dû à une cause accidentelle » dans son sens courant.
20 Au départ, on constate que, dans son sens courant, le caractère accidentel d’une cause de décès est tributaire des conséquences que l’assuré avait ou n’avait pas à l’esprit. Lorsqu’on parle de cause « accidentelle » de décès, on songe normalement au cas d’une personne dont les actes ont eu des conséquences inattendues ou non recherchées. On considère que le décès inattendu ou non voulu est accidentel et que le décès prévu ou voulu n’est pas accidentel. Dans l’arrêt Canadian Indemnity Co. c. Walkem Machinery & Equipment Ltd., [1976] 1 R.C.S. 309, p. 315‑316, le juge Pigeon a mentionné Halsbury (vol. 22, 3e éd.) pour expliquer qu’un « accident » résulte d’une « mésaventure ou malchance imprévue » (en italique dans l’original). De même, dans l’arrêt Stats, précité, p. 1164, notre Cour, sous la plume du juge Spence, a cité l’observation de lord Macnaghten, dans l’arrêt Fenton, précité, p. 448, selon laquelle [traduction] « le terme “accident” s’entend, dans son sens courant et ordinaire, d’une mésaventure inattendue ou d’un malheur qui n’était ni prévu, ni recherché ». Par conséquent, un décès n’est pas non accidentel du seul fait qu’il aurait pu être évité si l’assuré avait été plus prudent, ou encore qu’une mésaventure était raisonnablement prévisible au sens du droit en matière de responsabilité délictuelle. De même, un décès non voulu n’est pas « non accidentel » du seul fait que la victime exerçait une activité dangereuse ou risquée au moment où il est survenu. Comme notre Cour l’a souligné dans l’arrêt Canadian Indemnity, précité, p. 316, la jurisprudence attribue à l’adjectif « accidentel » un sens large en l’absence de disposition contraire dans la police d’assurance.
21 La question cruciale est de savoir si l’assuré s’attendait à mourir. Les circonstances du décès — ce que l’assuré a dit, fait ou n’a pas fait — peuvent être utiles pour répondre à cette question. Toutefois, dans la mesure où la réponse n’est pas claire lorsqu’on se place du seul point de vue de l’assuré, la cour peut se demander si une personne raisonnable dans la situation de l’assuré se serait attendue à mourir : Candler c. London & Lancashire Guarantee & Accident Co. of Canada (1963), 40 D.L.R. (2d) 408 (H.C. Ont.), p. 423; Johnson c. Mutual of Omaha Insurance Co. (1984), 45 O.R. (2d) 676 (C.A.), conf. (1982), 39 O.R. (2d) 559 (H.C.); Stats, précité, p. 1164‑1165.
22 La règle générale voulant que le décès inattendu soit accidentel a été appliquée à maintes reprises. Dans l’affaire Glenlight Shipping, précitée, croyant à tort le traversier accosté, l’assuré avait précipité son véhicule dans la mer. Son décès a été jugé accidentel parce que, [traduction] « en raison de son erreur, il n’avait pas évalué les conséquences de son acte » (p. 243). Dans l’affaire Cornish c. Accident Insurance Co. (1889), 23 Q.B.D. 453 (C.A.), l’assuré n’avait pas vu le train venir au moment où il traversait la voie ferrée pour passer d’une partie de sa ferme à une autre, comme il le faisait régulièrement. Bien qu’elle ait conclu que le décès de l’assuré avait été causé [traduction] « par ce qu’on peut appeler, à juste titre, un accident » (p. 455), la Cour d’appel a jugé la police d’assurance inapplicable pour d’autres raisons. Dans l’affaire Brown c. Continental Casualty Co., 108 So. 464 (La. 1926), la cour a jugé que l’assuré était décédé accidentellement après avoir inhalé par mégarde plus de chloroforme que prévu en voulant remédier, comme il le faisait habituellement, à ses maux de tête et à son insomnie. De même, dans l’affaire Bertalan Estate c. American Home Assurance Co. (1999), 68 B.C.L.R. (3d) 118 (C.S.), la cour a conclu que l’assuré était décédé accidentellement après avoir omis de retirer à temps, comme il le faisait normalement, le masque relié à sa bouteille d’oxyde nitreux. Toute cette jurisprudence repose sur la conclusion que l’assuré ne s’attendait pas à mourir ou n’avait pas l’intention de mourir. Comme le démontre la jurisprudence, divers facteurs peuvent expliquer le fait que la victime ne s’attendait pas à mourir. Le décès de l’assuré peut avoir résulté d’événements échappant à son contrôle. L’assuré peut avoir commis une erreur de jugement ou avoir mal évalué sa situation. Il peut avoir omis d’agir en temps opportun ou d’effectuer une vérification nécessaire. Ou encore, il peut avoir simplement mal évalué les conséquences de ses actes sur son corps.
23 Le critère de l’attente est généralement applicable dans tous les cas où un décès paraît accidentel. Dans la plupart de ces cas, il n’est pas difficile de déterminer si la victime s’attendait à mourir. Cependant, il vaut la peine de s’attarder davantage à un petit nombre de cas où il est question de différents types d’activité risquée, ne serait-ce que parce que l’on fait parfois valoir qu’ils justifient le recours à un critère plus strict pour déterminer si le décès est non accidentel en ce sens notamment qu’il était raisonnablement prévisible, ou encore pour déterminer si la conduite d’une personne risquait fortement de lui coûter la vie. La jurisprudence précise clairement que, en l’absence de clause d’exclusion particulière dans la police d’assurance, la possibilité qu’un décès soit accidentel n’est pas écartée du seul fait que la victime exerçait une activité dangereuse ou risquée au moment où elle est décédée (Candler, précité, p. 421; Canadian Indemnity, précité, p. 316‑317). Cependant, la décision de défier la mort, pour reprendre les propos du juge Spence dans l’arrêt Stats, précité, p. 1162, équivaut, à un moment donné, à l’intention de mourir. Ainsi, lorsqu’une personne prend un risque qui, pour la plupart des gens, est censé entraîner la mort, on dit généralement que « ce n’était pas un accident ». Il s’agit là non pas d’une métaphore, mais d’une opinion courante quant à savoir ce qui n’est pas un accident. Le critère demeure le même dans le cas où la conduite d’une personne risque fortement de lui coûter la vie, et ce, peu importe que le décès soit recherché ou prévu. Il faut toujours commencer par se demander ce à quoi l’assuré s’attendait en réalité. S’il n’est pas possible de répondre avec certitude à cette question, comme c’est souvent le cas, on peut alors se demander ce à quoi se serait attendue une personne raisonnable dont l’évaluation des faits aurait été la même que celle de l’assuré et qui aurait été placée dans la même situation que lui.
24 Dans cette catégorie de cas limitée mais complexe, les tribunaux de première instance doivent, du mieux qu’ils peuvent, tirer leurs conclusions eu égard aux circonstances du décès et au libellé de la police d’assurance. Cependant, il vaut la peine de mentionner ici deux catégories de cas particulièrement épineux.
25 Dans la première catégorie, il y a les gens qui accomplissent des actes excessivement dangereux pour leur vie et qui le font soit pour la satisfaction que leur procure le fait de vivre dangereusement, telle la personne qui joue à la roulette russe (Thompson c. Prudential Ins. Co. of America, 66 S.E.2d 119 (Ga. Ct. App. 1951)), soit pour épater la galerie, comme, par exemple, le jeune homme qui s’allonge délibérément sur la ligne médiane d’une route alors que des véhicules approchent (Allred c. Prudential Insurance Co. of America, 100 S.E.2d 226 (N.C. 1957)). Il est souvent difficile de déterminer, à partir de ces circonstances, quelles étaient les attentes de l’assuré lui-même. Toutefois, comme je l’ai précisé au par. 21, dans les cas où les attentes de l’assuré ne sont pas claires, la cour peut se demander si une personne raisonnable dans la situation de l’assuré se serait attendue à mourir. Bien qu’il ne soit pas certain que la mort résultera de l’accomplissement de tels actes dangereux, cette possibilité fait sûrement partie de ce à quoi s’attendrait une personne raisonnable. Dans la plupart des cas de ce genre, [traduction] « une telle insouciance face à un danger connu et manifeste ne saurait être qualifiée d’accidentelle, pas plus qu’on peut dire que [le] décès est dû à une cause accidentelle », comme l’a dit la Court of Appeals de Georgie, dans l’arrêt Thompson, précité, p. 123‑124, au sujet des personnes qui jouent à la roulette russe.
26 Un exemple de ces types de cas controversés est l’affaire Candler, précitée. Dans cette affaire, l’assuré s’était maintenu en équilibre sur la rambarde de la terrasse d’une suite située au 13e étage d’un hôtel, après avoir dit à son ami : [traduction] « Je vais te montrer de quoi je suis capable » (p. 413). Malgré les avertissements de son ami, il avait continué d’adopter diverses positions précaires sur la rambarde jusqu’à ce qu’il perde l’équilibre et bascule dans le vide. Selon la définition restrictive qu’en donnait la police d’assurance, le risque couvert était le [traduction] « sinistre résultant directement et exclusivement des lésions corporelles d’origine accidentelle » (p. 414). Le juge de première instance a conclu que le décès n’était pas accidentel, ajoutant que, même si Candler [traduction] « espérait et croyait probablement pouvoir accomplir son exploit sans se blesser » (p. 422) et que, dans cette mesure, son décès n’était pas voulu, le fait d’avoir agi pour montrer de quoi il était capable établissait néanmoins de manière concluante « qu’il était conscient du risque qu’il courait » (p. 422). Dans l’arrêt Stats, le juge Spence a expressément refusé de se prononcer sur la justesse de cette décision (p. 1165). On pourrait supposer que le juge de première instance a décidé que, malgré qu’il espérait et croyait survivre, l’assuré était parfaitement conscient du risque qu’il courait et devait, jusqu’à un certain point, s’attendre à mourir. On pourrait également présumer que le libellé restrictif de la police d’assurance peut avoir amené le juge à adopter une interprétation plus stricte du mot « accident » qu’il ne l’aurait fait autrement. Il suffit ici de faire observer que la décision Candler ne justifie pas de modifier le critère habituel voulant que le décès inattendu et non recherché soit accidentel.
27 Dans le cas où le risque couru était évident ou élevé, comme dans tous les autres cas, il faut se placer du point de vue de l’assuré pour répondre à la question de savoir si le décès était prévu. Dans l’affaire Johnson, précitée, l’assuré était un médecin qui avait l’habitude de se droguer en fixant sur son visage un bonnet de bain renfermant un anesthésique, puis en le retirant juste avant de perdre connaissance. Il était mort asphyxié après avoir omis de retirer le bonnet à temps. L’assureur défendeur avait fait valoir qu’une personne ordinaire estimerait qu’une telle activité risque fortement de coûter la vie à la personne qui s’y livre, et que l’assuré avait délibérément défié la mort. Toutefois, compte tenu de l’expérience professionnelle de la victime et du fait qu’elle recourait à cette méthode depuis longtemps, le juge de première instance a conclu qu’[traduction] « il était raisonnable qu’elle ne croie pas mettre sa vie en danger ou défier la mort » (p. 571), même si cette activité « serait tenue pour dangereuse par une personne ordinaire » (p. 569). La Cour d’appel a confirmé cette conclusion.
28 Il vaut la peine de commenter un deuxième type de cas où un risque est couru, celui du sauveteur qui met sa vie en danger. Prenons, par exemple, le cas du nageur qui plonge dans l’océan — qu’il sait agité par un fort courant sous-marin — pour secourir un passager passé par‑dessus bord, ou encore celui de la personne qui meurt asphyxiée après être descendue dans un puits pour y sauver une autre personne asphyxiée par des émanations de gaz. Si on considère le sauvetage dans le contexte général des événements qui le déclenchent, il devient évident que le décès est accidentel. Le sauvetage n’est qu’une partie d’une suite inattendue d’événements déclenchée par le fait qu’un autre être humain se trouve en danger de mort. Le décès du sauveteur ne résulte pas de sa décision délibérée de défier la mort en réagissant au danger couru par une autre personne. Si le sauveteur meurt, on ne dit pas que son décès était recherché, volontaire ou prévu. Il survient plutôt dans le cadre d’une suite d’événements tragique et accidentelle. Comme les tribunaux l’ont fait observer dans le contexte du droit de la responsabilité délictuelle : [traduction] « Le danger appelle le sauvetage. [. . .] Pourvu que le sauvetage ne soit pas téméraire, le risque qu’il comporte résulte des circonstances » (le juge Cardozo dans la décision Wagner c. International Ry. Co., 133 N.E. 437 (N.Y. 1921), p. 437-438; voir également Horsley c. MacLaren, [1972] R.C.S. 441, et Corothers c. Slobodian, [1975] 2 R.C.S. 633). Le sauvetage résulte des circonstances : il représente un réflexe humain naturel face au danger couru par autrui. Compte tenu de la valeur élevée que la société attache au sauvetage, on est droit de s’attendre à ce qu’en s’exposant au danger de mourir le sauveteur fasse preuve de moins de prudence que la personne qui joue à la roulette russe. Cette considération de politique générale milite elle aussi en faveur de l’indemnisation.
29 Une telle jurisprudence donne des indications sur la façon dont le critère de l’attente s’applique dans différentes circonstances. Toutefois, l’application de la garantie prévue par une police d’assurance en cas de décès accidentel dépend non seulement des circonstances, mais encore de ce que prévoit le contrat d’assurance. Comme c’est lui qui rédige le contrat d’assurance, l’assureur peut toujours restreindre l’application de la garantie au moyen de clauses d’exclusion explicites. S’il ne veut pas que la garantie s’applique au décès qui survient dans certaines circonstances — ou, du reste, au décès qui résulte d’un acte délibéré ou volontaire — , il lui suffit d’inclure dans le contrat une clause explicite en ce sens. L’assureur est libre de limiter, comme bon lui semble, la garantie applicable en cas de décès accidentel, pourvu qu’il le fasse clairement, explicitement et sans laisser injustement l’assuré dans l’incertitude ou l’ignorance quant à la portée de la garantie.
30 Dans cette optique, il n’incombe pas indûment à l’assureur de prouver que le décès n’était pas accidentel. Il appartient plutôt au demandeur d’établir prima facie que le décès était accidentel, au risque d’être débouté. Le demandeur doit donc produire des éléments de preuve permettant au juge des faits d’inférer, selon la prépondérance des probabilités, que le décès de l’assuré était accidentel au sens ordinaire de ce terme. L’assureur a alors le fardeau tactique de démontrer que cette inférence n’est pas fondée. Il n’y a jamais de déplacement du fardeau de la preuve, qui incombe toujours au demandeur.
V. Application aux faits
31 Il reste à appliquer la méthode proposée aux circonstances du décès du Dr Easingwood. La question essentielle est de savoir si le Dr Easingwood s’attendait à mourir. Il se peut que les circonstances de son décès permettent de faire des inférences au sujet de son attente ou de son intention véritable. S’il est impossible de déterminer clairement quelle était son attente ou intention véritable, on peut se demander ce à quoi se serait attendue une personne raisonnable ayant la même expertise : voir Candler, précité, p. 423; Johnson, précité, p. 676; et Stats, précité, p. 1164-1165.
32 Il s’agit là d’une question d’inférence de fait et, en l’absence d’erreur manifeste et dominante, une cour d’appel ne modifiera pas les conclusions du juge de première instance : Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, 2002 CSC 33, par. 23.
33 Les appelantes en l’espèce ont reconnu — et le juge de première instance a conclu au par. 2 de ses motifs — que [traduction] « [l]’assuré n’avait pas l’intention de se donner la mort ». Cependant, le juge de première instance a ensuite décidé, au par. 11, que le décès « n’était pas dû à une “cause accidentelle” ». Il a ajouté, au par. 14, qu’« on ne pouvait pas dire que [le décès] résultait d’une mésaventure inattendue ou d’un malheur qui n’était ni prévu, ni recherché. Ce décès ne serait pas raisonnablement perçu comme une conséquence improbable. » Le juge de première instance a fondé cette conclusion sur le fait qu’en l’absence de preuve contraire le Dr Easingwood, en tant que médecin, devait savoir que « la consommation de cette quantité de drogues combinées risquait de lui coûter la vie » (par. 12).
34 À mon avis, le juge de première instance a commis plusieurs erreurs. Premièrement, il semble avoir présumé que le seul fait que le Dr Easingwood ait délibérément accompli un acte qui risquait fortement de lui coûter la vie était suffisant pour que son décès ne soit pas accidentel. Le juge de première instance a conclu, au par. 11, que l’acte du Dr Easingwood était « particulièrement dangereux ». Compte tenu du grave danger auquel la victime s’exposait, son décès « ne serait pas raisonnablement perçu comme une conséquence improbable » (par. 14). Ce critère juridique n’est pas assez exigeant. Comme notre Cour l’a affirmé dans l’arrêt Stats, précité, même le décès résultant d’actes très dangereux peut être accidentel. La question est non pas de savoir si l’acte accompli était dangereux ni même s’il y avait risque de mourir, mais plutôt de savoir si l’assuré s’attendait à mourir ou s’il avait l’intention de mourir. Tout en affirmant que le décès ne pouvait pas être qualifié d’inattendu, le juge de première instance s’est fondé sur une probabilité objective et non sur la question de savoir si l’assuré s’attendait à mourir.
35 Deuxièmement, le juge de première instance n’a accordé aucune importance à la preuve indiquant qu’en fait le Dr Easingwood ne s’attendait pas à mourir. Comme nous l’avons vu, le critère applicable pour déterminer s’il y a accident est essentiellement subjectif. Toutefois, dans la mesure où l’intention véritable de l’assuré est inconnue, elle doit être inférée de ce à quoi se serait attendue une personne raisonnable placée dans la même situation que lui. En l’espèce, le juge de première instance semble avoir abordé la question du seul point de vue objectif de la personne raisonnable placée dans la situation du Dr Easingwood et n’avoir accordé aucune importance à son état d’esprit véritable.
36 Le raisonnement du juge de première instance ne tient pas compte du fait reconnu que le Dr Easingwood n’avait pas l’intention de mourir. L’inférence selon laquelle la victime ne s’attendait pas à mourir est également étayée par deux ensembles de faits dont le juge de première instance n’a pas tenu compte.
37 Le premier ensemble a trait aux circonstances de la découverte du corps du Dr Easingwood. Lorsqu’on a retrouvé son corps sans vie, le Dr Easingwood avait une tenue débraillée qui ne sied pas à celui qui prévoit que ses actes risquent de lui coûter la vie. Il a été retrouvé face contre terre dans son bureau, ses verres brisés reposant sur le sol près de lui. Son jean était partiellement baissé de sorte qu’on pouvait voir où il s’était injecté le Demerol. Ces faits indiquent fortement que le Dr Easingwood ne s’attendait pas à mourir. En réalité, ils portent à croire qu’il n’a même pas pensé que ses actes pourraient lui coûter la vie. Ils montrent plutôt qu’il a commis une erreur de jugement quant à la quantité de Demerol que son corps pouvait tolérer.
38 Le deuxième ensemble de faits non pris en considération a trait au comportement du Dr Easingwood au cours des jours qui ont précédé son décès. La coroner a noté dans son rapport que [traduction] « [a]u cours des jours qui ont précédé son décès, il a paru enthousiaste aux amis à qui il a parlé et il faisait des projets d’avenir ». Elle a également souligné que, le 17 septembre, il avait avoué à son médecin qu’il consommait encore du Demerol pour apaiser la douleur causée par sa blessure musculosquelettique. Ce comportement n’étaye aucunement la conclusion que le Dr Easingwood s’attendait à mourir.
39 Ajoutés au fait que la quantité de Demerol consommée se situait au bas de l’échelle des doses létales, ces deux ensembles de faits indiquent que le Dr Easingwood tentait simplement d’apaiser sa douleur à la jambe et peut‑être également d’assouvir sa dépendance aux analgésiques, et qu’il n’aurait pas délibérément pris le risque de s’administrer une dose potentiellement mortelle.
40 La troisième erreur du juge de première instance a consisté à intégrer des hypothèses injustifiées dans le critère de la personne raisonnable sur lequel il a fondé sa conclusion. Sur la foi, en grande partie, des connaissances que le Dr Easingwood possédait en sa qualité de médecin et de l’expérience qu’il avait en matière de consommation de drogue, le juge a inféré que le Dr Easingwood savait que la combinaison de Demerol et de phénobarbital pouvait être mortelle, et qu’il était donc conscient du risque de mourir qu’il courait. Cependant, en faisant cette inférence, le juge de première instance a présumé que le Dr Easingwood avait délibérément consommé du phénobarbital en même temps que du Demerol. Rien dans le dossier ne permet de faire une telle inférence. Comme nous l’avons vu, la coroner a jugé que la quantité de Demerol que le Dr Easingwood s’était administrée se situait [traduction] « au bas de l’échelle des doses létales ». La personne qui s’injecte une telle dose de Demerol ne croit pas nécessairement qu’elle en mourra, même si elle est un médecin d’expérience et si elle a l’habitude de consommer de la drogue. En fait, le dossier ne précise pas quand ni comment le phénobarbital s’est retrouvé dans le sang du Dr Easingwood. Du reste, la coroner elle‑même n’a tiré aucune conclusion à ce sujet. Le juge de première instance n’avait pas le droit de présumer que le Dr Easingwood avait consommé du phénobarbital en même temps que du Demerol ou encore qu’il était conscient de la présence de phénobarbital dans son sang au moment de s’administrer du Demerol. La probabilité de décès du Dr Easingwood ne peut pas se déduire du seul fait que la dose consommée se situait dans l’échelle des doses létales. En réalité, son expérience peut l’avoir amené à conclure que le risque de mourir était relativement faible. Une dose peut être létale pour une personne et ne pas l’être pour une autre, selon la constitution et les antécédents particuliers de chacune.
41 Je conclus que le juge de première instance a mal apprécié le droit et les faits et qu’il est loisible à notre Cour d’annuler sa conclusion et de statuer que le Dr Easingwood ne s’attendait pas à mourir. L’inférence la plus raisonnable que permettent de faire les faits connus est que le Dr Easingwood a simplement commis une erreur de jugement au sujet de la quantité de Demerol que son corps pouvait tolérer.
VI. Conclusion
42 Je suis d’avis de rejeter le pourvoi avec dépens.
Pourvoi rejeté avec dépens.
Procureurs des appelantes : Lenczner Slaght Royce Smith Griffin, Toronto.
Procureurs de l’intimée : Cherrington Easingwood Kearl Critchley Wenner, Fort Langley (C.‑B.).