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13/07/2001 | CANADA | N°2001_CSC_46

Canada | Western Canadian Shopping Centres Inc. c. Dutton, 2001 CSC 46 (13 juillet 2001)


Western Canadian Shopping Centres Inc. c. Dutton, [2001] 2 R.C.S. 534, 2001 CSC 46

Bennett Jones Verchere, Garnet Schulhauser,

Arthur Andersen & Co., Ernst & Young,

Alan Lundell, La Compagnie Trust Royal,

William R. MacNeill, R. Byron Henderson,

C. Michael Ryer, Gary L. Billingsley,

Peter K. Gummer, James G. Engdahl,

Jon R. MacNeill Appelants/Intimés au pourvoi incident

c.

Western Canadian Shopping Centres Inc. et

Muh-Min Lin et Hoi-Wah Wu, représentants

de tous les porteurs de débentures de

catégor

ies « A », « E » et « F » émises par

Western Canadian Shopping

Centres Inc. Intimés/Appelants au pourvoi incident

Répert...

Western Canadian Shopping Centres Inc. c. Dutton, [2001] 2 R.C.S. 534, 2001 CSC 46

Bennett Jones Verchere, Garnet Schulhauser,

Arthur Andersen & Co., Ernst & Young,

Alan Lundell, La Compagnie Trust Royal,

William R. MacNeill, R. Byron Henderson,

C. Michael Ryer, Gary L. Billingsley,

Peter K. Gummer, James G. Engdahl,

Jon R. MacNeill Appelants/Intimés au pourvoi incident

c.

Western Canadian Shopping Centres Inc. et

Muh-Min Lin et Hoi-Wah Wu, représentants

de tous les porteurs de débentures de

catégories « A », « E » et « F » émises par

Western Canadian Shopping

Centres Inc. Intimés/Appelants au pourvoi incident

Répertorié : Western Canadian Shopping Centres Inc. c. Dutton

Référence neutre : 2001 CSC 46.

No du greffe : 27138.

Audition et jugement : 13 décembre 2000.

Motifs déposés : 13 juillet 2001.

Présents : Le juge en chef McLachlin et les juges L’Heureux‑Dubé, Gonthier, Iacobucci, Binnie, Arbour et LeBel.

en appel de la cour d’appel de l’alberta

POURVOI et POURVOI INCIDENT contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Alberta (1998), 73 Alta. L.R. (3d) 227, 228 A.R. 188, 188 W.A.C. 188, 30 C.P.C. (4th) 1, [1998] A.J. No. 1364 (QL), 1998 ABCA 392, qui a rejeté un appel d’une décision de la Cour du Banc de la Reine (1996), 41 Alta. L.R. (3d) 412, 191 A.R. 265, 3 C.P.C. (4th) 329, [1996] A.J. No. 1165 (QL). Pourvoi rejeté et pourvoi incident accueilli.

Barry R. Crump, Brian Beck et David C. Bishop, pour les appelants/intimés au pourvoi incident.

Hervé H. Durocher et Eugene J. Erler, pour les intimés/appelants au pourvoi incident.

Version française du jugement de la Cour rendu par

1 Le Juge en chef — Nous sommes appelés en l’espèce à décider dans quels cas un recours collectif peut être exercé. Le recours collectif existe sous une forme ou une autre depuis des siècles, mais son importance s’est accrue récemment. Il peut fournir le meilleur moyen d’aboutir à une solution juste et efficace, en particulier dans des affaires complexes mettant en jeu les intérêts d’un grand nombre de personnes. Cependant, en l’absence de disposition législative, beaucoup d’incertitude demeure quant aux conditions dans lesquelles un tribunal devrait autoriser l’exercice d’un recours collectif.

2 Les demandeurs souhaitaient immigrer au Canada. Pour être admissibles, dans le cadre du Programme d’immigration des gens d’affaires établi par le gouvernement canadien, ils ont investi dans la société Western Canadian Shopping Centres Inc. (« WCSC »). Ils ont perdu de l’argent et ont intenté un recours collectif. Les défendeurs (appelants) contestent l’opportunité du recours collectif et demandent à la Cour de le radier. Pour les motifs qui suivent, je conclus que les demandeurs peuvent exercer un recours collectif.

I. Les faits

3 Les demandeurs Muh-Min Lin et Hoi-Wah Wu, ainsi que 229 autres investisseurs, ont participé au Programme d’immigration des gens d’affaires d’Emploi et Immigration Canada en achetant des débentures de WCSC. WCSC a été constituée en société par Joseph Dutton, son unique actionnaire, dans le but de [traduction] « faciliter pour les investisseurs, leurs conjoints et leurs enfants jamais mariés l’obtention du statut de résident permanent au Canada ».

4 WCSC sollicite des fonds dans deux offres [traduction] « d’investissement dans des terrains situés dans la province de la Saskatchewan en vue de développer des biens productifs à usage commercial, non résidentiel ». Les notices d’offre prévoient que les produits de la souscription seront déposés auprès d’un dépositaire légal, plus tard désigné comme La Compagnie Trust Royal (« Trust Royal »), et seront remis à WCSC sous certaines conditions, modifiées par la suite.

5 Le litige découle d’événements survenus après le dépôt des fonds des investisseurs auprès de Trust Royal. En mai 1990, WCSC conclut une convention d’achat et de développement (« CAD ») avec Claude Resources Inc. (« CRI »), aux termes de laquelle WCSC achète à CRI, pour la somme de 5 550 000 $, les droits sur un bail de surface visant des terres publiques adjacentes aux gisements d’or « Seabee » de CRI dans le Nord de la Saskatchewan. WCSC accepte également de s’engager à verser 16,5 millions de dollars supplémentaires pour des améliorations de surface et pour la construction d’une usine de traitement de l’or, qui appartiendra à WCSC. Une convention de bail, signée en même temps que la CAD, prévoit la location à CRI de l’usine de traitement de l’or et des installations connexes qui ne sont pas encore construites, avec les terrains de surface. Les paiements que CRI doit effectuer en vertu de cette convention de bail équivalent aux versements d’intérêts semestriels exigés de WCSC relativement aux investisseurs.

6 Pour financer les obligations de WCSC selon la CAD conclue avec CRI, Dutton demande à Trust Royal d’émettre des débentures pour un montant total en principal de 22 050 000 $ à un sous-ensemble d’investisseurs qui ont déjà contribué à cette étape. Trust Royal émet donc des débentures de « série A » à 142 investisseurs. Après l’émission des débentures, WCSC distribue une lettre d’information à ses investisseurs qui décrit l’investissement dans CRI.

7 Dans une série distincte d’opérations effectuées vers la même époque, Dutton et CRI concluent une entente aux termes de laquelle (1) Dutton transfère dans les faits à CRI 49 pour 100 de ses actions dans WCSC; (2) CRI verse à Dutton 1,6 million de dollars comptant; (3) CRI consent à Dutton un prêt sans recours de 1,6 million de dollars; (4) Dutton conclut un contrat de travail avec CRI pour un salaire annuel de 50 000 $; et (5) CRI et la société de gestion de Dutton, J.M.D. Management Ltd., signe un contrat de gestion de 200 000 $ par an. Il semble que WCSC n’ait pas envoyé à ses investisseurs de lettre décrivant cette série d’opérations.

8 Au cours des mois suivants, Dutton avance des fonds additionnels à CRI et demande à Trust Royal d’émettre des débentures correspondantes. Les débentures de série E émises en décembre1990 (montant total en principal de 2,56 millions de dollars), et les débentures de série F émises en mai 1991 (montant total en principal de 9,45 millions de dollars) sont particulièrement importantes dans le litige. Quand les débentures de série E sont émises, les débentures de séries A et E sont regroupées, de sorte que les investisseurs de ces séries ont acquis un droit au prorata sur la garantie totale engagée relativement aux deux séries. Quand les débentures de série F sont émises, la garantie pour cette série est regroupée avec la garantie qui a été engagée relativement aux débentures de séries A et E. Il semble qu’après l’émission des séries E et F, WCSC ait distribué aux investisseurs des lettres les en informant, comme elle l’avait fait après l’émission des débentures de série A.

9 En décembre 1991, CRI annonce qu’elle ne peut pas payer les intérêts échus pour les débentures de séries A, E et F et Muh-Min Lin et Hoi-Wah Wu intentent la présente action. Le fondement de la plainte est que Dutton et divers conseillers et sociétés apparentées de WCSC ont manqué à leurs obligations fiduciaires envers les investisseurs par leur mauvaise gestion et le mauvais placement de leurs fonds.

II. Dispositions législatives

10 Alberta Rules of Court, Alta. Reg. 390/68

[traduction]

42 Lorsque de nombreuses personnes ont un intérêt commun dans l’objet de l'action projetée, une ou plusieurs d'entre elles peuvent poursuivre, être poursuivies ou être autorisées par la cour à agir en défense au nom ou pour le compte de toutes.

129(1) À toute étape des procédures, la cour peut ordonner que soit radié ou modifié un acte de procédure dans une action pour le motif

a) qu’il ne révèle aucune cause d’action ou de défense, selon le cas,

b) qu’il est scandaleux, frivole ou vexatoire,

c) qu’il peut nuire à l’instruction équitable de l’action, ou encore la gêner ou la retarder,

d) qu’il constitue par ailleurs un abus de procédure

et elle peut ordonner la suspension ou le rejet de l’action ou rendre un jugement en conséquence.

(2) Aucune preuve n’est admissible à l’égard d’une demande présentée en vertu de l’alinéa (a) du paragraphe (1).

(3) La présente règle, dans la mesure où elle est applicable, s’applique à un avis introductif d’instance et à une requête.

187 La personne pour le compte de qui une action est intentée ou contestée ou le cédant d’un droit d’action qui a donné lieu à l’action sont considérés comme partie à l’action aux fins de la communication de documents.

201 Le membre d’une entreprise qui est une partie et la personne pour le compte de qui une action est intentée ou contestée sont considérés comme partie à l’action aux fins de l’interrogatoire.

III. Décisions

11 Les appelants demandent à la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta (1996), 41 Alta. L.R. (3d) 412, un jugement déclaratoire et une ordonnance radiant la partie de la déclaration modifiée dans laquelle les particuliers demandeurs disent représenter un groupe de 231 investisseurs, en vertu de la règle 42 des Alberta Rules of Court. Le juge en chambre formule quatre questions : (1) La cour a-t-elle le pouvoir en vertu de la règle 42 de radier la demande des investisseurs d’intenter une action en qualité de représentants? (2) La cour doit-elle tenir seulement compte de la déclaration modifiée? (3) Quelle est la norme de preuve exigée pour que la cour exerce son pouvoir discrétionnaire de radier la demande de recours collectif? (4) Cette norme est-elle respectée en l’espèce?

12 Sur la première question, le juge en chambre, citant la décision du protonotaire Funduk dans 353850 Alberta Ltd. c. Horne & Pitfield Foods Ltd., [1989] A.J. No. 652 (QL), juge que la règle 42 donne à la cour le pouvoir de radier une demande visant à intenter une action en qualité de représentant.

13 Sur la deuxième question, le juge en chambre conclut que la cour n’est pas tenue de limiter son examen aux actes de procédure, se fondant sur la décision 353850 Alberta, précitée, et sur la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans Shaw c. Real Estate Board of Greater Vancouver (1972), 29 D.L.R. (3d) 774. Il conclut toutefois que la résolution du litige dont il est saisi n’exige pas de recourir à la preuve par affidavit.

14 Sur la troisième question, le juge en chambre est d’avis que la cour ne devrait radier un recours collectif aux termes de la règle 42 que s’il est [traduction] « tout à fait clair », « hors de tout doute » ou « évident et manifeste » que la demande est viciée — critère appliqué aux demandes de radiation d’actes de procédure ne révélant aucune demande raisonnable : Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959.

15 Sur la dernière question, le juge en chambre, appliquant le critère du caractère « évident et manifeste », conclut que la déclaration modifiée n’est pas viciée en regard de la règle 42 et satisfait aux exigences énoncées dans Korte c. Deloitte, Haskins & Sells (1993), 8 Alta. L.R. (3d) 337 (C.A.) : (1) le groupe peut être défini clairement et précisément; (2) les principales questions de droit et de fait doivent être les mêmes; (3) une issue favorable à un demandeur signifie nécessairement une issue favorable pour tous les membres du groupe de demandeurs; et (4) le règlement du litige ne doit pas exiger l’examen individuel des revendications de chaque membre du groupe. Cependant, il laisse au juge de première instance le soin de réexaminer la question.

16 Le juge Russell au nom de la majorité de la Cour d’appel de l’Alberta rejette l’appel, le juge Picard étant dissidente : (1998), 73 Alta. L.R. (3d) 227. La majorité rejette l’argument selon lequel le juge en chambre aurait dû régler de façon définitive la question de la règle 42 plutôt que d’en laisser décider le juge de première instance, en citant l’arrêt Bande indienne Oregon Jack Creek c. Compagnie des chemines de fer nationaux du Canada, [1989] 2 R.C.S. 1069, dans lequel notre Cour a laissé le juge de première instance décider si les demandeurs étaient autorisés à poursuivre pour le compte d’un groupe plus important. La majorité rejette également l’argument selon lequel les investisseurs doivent faire la preuve d’un lien de confiance individuel pour obtenir gain de cause. Elle accorde toutefois aux défendeurs le droit à l’interrogatoire préalable de chacun des 231 demandeurs au motif que la règle 201, interprétée de concert avec la règle 187, autorise l’interrogatoire préalable de toute personne pour le compte de qui l’action est intentée ou contestée et qu’il ne devrait pas être interdit aux défendeurs d’élaborer un argument fondé sur le véritable lien de confiance simplement parce qu’il est spéculatif.

17 Le juge Picard aurait accueilli l’appel. À son avis, le juge en chambre a eu tort de renvoyer la question au juge de première instance parce que, contrairement à Oregon Jack Creek, l’affaire est limitée et que [traduction] « la cour disposait d’une preuve importante qui lui permettait de prendre une décision » (p. 235). Le besoin de faire la preuve d’un lien de confiance individuel est simplement l’un des nombreux problèmes auxquels les investisseurs auront à faire face s’ils sont autorisés à intenter un recours collectif. Citant les arrêts de notre Cour Lac Minerals Ltd. c. International Corona Resources Ltd., [1989] 2 R.C.S. 574, et Hodgkinson c. Simms, [1994] 3 R.C.S. 377, elle conclut que [traduction] « [l’]étendue de l’obligation fiduciaire dans une affaire donnée exige l’examen rigoureux des faits, en particulier de tout contrat entre les parties » (p. 237). Elle juge que [traduction] « [l]a responsabilité de la preuve incombant aux investisseurs ne peut pas être assumée par un recours collectif, ni par l’attribution d’un droit à l’interrogatoire préalable des 229 autres parties à l’action » (p. 237).

IV. Questions en litige

18 1. Les tribunaux d’instance inférieure ont-ils appliqué le bon critère pour décider si les investisseurs satisfaisaient aux exigences du recours collectif en vertu de la règle 42?

2. Les tribunaux d’instance inférieure ont-ils fait erreur en rejetant la requête en radiation en vertu de la règle 42?

3. Si le recours collectif est autorisé, les défendeurs devraient-ils avoir droit à l’interrogatoire préalable et à la communication des documents de tous les membres du groupe?

V. Analyse

A. L’historique et le rôle des recours collectifs

19 Le recours collectif a pris naissance devant les tribunaux anglais d’equity à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe. Les cours de common law s’intéressaient principalement aux litiges individuels entre demandeurs et défendeurs. En revanche, les cours d’equity appliquaient la règle de la jonction obligatoire d’instances qui exigeait que toute personne ayant un intérêt dans l’affaire devienne partie au litige. Le but des cours d’equity était de rendre [traduction] « justice intégralement » — c’est-à-dire de « statuer sur tous les droits que la décision touche directement » : F. Calvert, A Treatise Upon the Law Respecting Parties to Suits in Equity (2e éd. 1847), p. 3; voir également C. A. Wright, A. R. Miller et M. K. Kane, Federal Practice and Procedure (2e éd. 1986), par. 1751; J. Story, Equity Pleadings (10e éd. 1892), par. 76a. La règle de la jonction obligatoire d’instances [traduction] « permettait à la cour d’examiner tous les aspects du litige et donc de s’assurer que nul ne serait lésé par sa décision sans avoir eu la possibilité de se faire entendre » : J. A. Kazanjian, « Class Actions in Canada » (1973), 11 Osgoode Hall L.J. 397, p. 400. La règle avait également l’avantage d’éviter la multiplication des procédures.

20 La règle de la jonction obligatoire d’instances s’est finalement avérée inadéquate. Appliquée aux conflits entre tenants et propriétaires terriens ou entre pasteurs et paroissiens, elle fermait la porte des tribunaux à des parties intéressées mais trop nombreuses pour être jointes. Les tribunaux d’equity ont réagi en assouplissant la règle de la jonction obligatoire d’instances lorsque son respect strict donnerait lieu à une injustice. Il en a résulté le recours collectif. Par exemple, dans Chancey c. May (1722), Prec. Ch. 592, 24 E.R. 265, des associés ont été autorisés à intenter une action en leur propre nom et au nom de 800 autres associés pour détournement de fonds par d’anciens trésoriers et gestionnaires de la société. La cour a autorisé l’action parce qu’[traduction] « elle était présentée en leur propre nom, et aux noms de tous les autres propriétaires de la même entreprise, sauf les défendeurs, et donc tous les autres étaient en réalité des parties », et parce qu’« il serait impossible qu’ils soient tous nommément parties, et il y aurait constamment des annulations pour cause de décès ou autres raisons, et que justice ne serait pas rendue si tous étaient parties à l’action » (p. 265); voir également Kazanjian, loc. cit., p. 401; G. T. Bispham, The Principles of Equity (9e éd. 1916), par. 415; S. C. Yeazell, « Group Litigation and Social Context : Toward a History of the Class Action » (1977), 77 Colum. L. Rev. 866, p. 867 et 872; J. K. Bankier, « Les recours collectifs au Canada pour obtenir le dégrèvement financier : formalisme ou fonction? » (1984), 4 Windsor Y.B. Access Just. 229, p. 236.

21 Le recours collectif s’est révélé utile dans les litiges commerciaux de l’Angleterre préindustrielle. La société à responsabilité limitée moderne n’existait pas, et les groupes de gens d’affaires n’avaient aucune existence juridique indépendante. Pour satisfaire à la règle de la jonction obligatoire d’instances, il aurait fallu qu’un plaignant traduise devant la cour chaque membre du groupe. Le recours collectif a réglé cette difficulté : voir Kazanjian, loc. cit., p. 401; Yeazell, loc. cit., p. 867; City of London c. Richmond (1701), 2 Vern. 421, 23 E.R. 870 (qui a autorisé le demandeur à intenter une action contre des fiduciaires pour des arriérés de loyer sans que les bénéficiaires de la fiducie soient joints comme parties à l’action).

22 Le recours collectif exigeait que les membres du groupe aient un intérêt commun. Une grande partie des premiers recours collectifs ont pris la forme d’« actes de conciliation » (bills of peace), qui pouvaient être exercés quand les particuliers intéressés étaient nombreux, quand tous les membres du groupe avaient un intérêt commun dans la question à trancher et quand les représentants pouvaient défendre équitablement les intérêts de tous les membres du groupe : voir Wright, Miller et Kane, op. cit., par. 1751; Z. Chafee, Some Problems of Equity (1950), p. 201; T. A. Roberts, The Principles of Equity (3e éd. 1877), p. 389-392; Bispham, op. cit., par. 417.

23 Les tribunaux d’equity ont adopté une démarche libérale et souple pour décider si un recours collectif pouvait être exercé. Ils ont [traduction] « toujours recherché un bon équilibre entre équité et efficacité » : Kazanjian, loc. cit., p. 411. Comme le dit Wallworth c. Holt (1841), 4 My. & Cr. 619, 41 E.R. 238, p. 244, [traduction] « la cour a le devoir d’adapter sa pratique et sa procédure à l’état actuel de la société, et non pas, en raison d’un respect trop strict de règles et formalités, adoptées dans d’autres circonstances, de refuser de rendre justice, et d’appliquer des droits pour lesquels il n’existe pas d’autres recours ».

24 La démarche souple et libérale envers les recours collectifs a régné jusqu’à la fusion de la common law et de l’equity par la Supreme Court of Judicature Act, 1873 (R.-U.), 36 & 37 Vict., ch. 66, et l’adoption de la règle 10 des Rules of Procedure :

[traduction]

10. Lorsque de nombreuses parties ont le même intérêt dans une action, l’une ou plusieurs de ces parties peuvent poursuivre ou être poursuivies en justice, ou peuvent être autorisées par la cour à contester une telle action au nom ou pour le compte de toutes les parties ayant cet intérêt.

Quoique les premières décisions après l’adoption des nouvelles règles aient maintenu cette démarche libérale envers les recours collectifs (voir, par ex., Duke of Bedford c. Ellis, [1901] A.C. 1 (H.L.); Taff Vale Railway Co. c. Amalgamated Society of Railway Servants, [1901] A.C. 426 (H.L.)), des décisions postérieures ont parfois suivi une démarche restrictive (voir, par ex., Markt & Co. c. Knight Steamship Co., [1910] 2 K.B. 1021 (C.A.)). Ce fait ajouté à l’usage répandu de la société à responsabilité limitée a eu pour conséquence de faire diminuer le nombre de recours collectifs.

25 Le recours collectif n’a toutefois pas été oublié pour toujours. De nouvelles conditions apparues dans la deuxième moitié du XXe siècle ont une nouvelle fois prouvé son utilité. La production et la consommation de masse ont ravivé le problème qui avait motivé la création du recours collectif au XVIIIe siècle — le problème de nombreux poursuivants ayant la même réclamation. Comme au XVIIIe siècle, l’exigence d’une représentation individuelle aurait souvent fait obstacle à des poursuites. Et, comme au XVIIIe siècle, le recours collectif a fourni la solution.

26 Le recours collectif joue un rôle important dans le monde d’aujourd’hui. La montée de la production de masse, la diversification de la propriété commerciale, la venue des conglomérats, et la prise de conscience des fautes environnementales ont tous contribué à sa croissance. Un produit défectueux peut être vendu à de nombreux consommateurs. Une mauvaise gestion de société peut occasionner des pertes à d’innombrables actionnaires. Des politiques discriminatoires peuvent toucher des catégories entières d’employés. La pollution peut affecter des citoyens à travers tout le pays. Des conflits comme ceux-ci opposent un important groupe de plaignants à l’auteur présumé du méfait. Il arrive que des plaignants se trouvent dans une situation identique par rapport aux défendeurs. Dans d’autres cas, un aspect important de leur revendication est commun à toutes les plaintes. Le recours collectif fournit un moyen de résoudre efficacement de tels litiges d’une manière équitable pour toutes les parties.

27 Les recours collectifs procurent trois avantages importants sur une multiplicité de poursuites individuelles. Premièrement, par le regroupement d’actions individuelles semblables, les recours collectifs permettent de faire des économies au plan judiciaire en évitant la duplication inutile de l’appréciation des faits et de l’analyse du droit. Les gains en efficacité ainsi réalisés libèrent des ressources judiciaires qui peuvent être affectées à la résolution d’autres conflits, et peuvent également réduire le coût du litige à la fois pour les demandeurs (qui peuvent partager les frais) et pour les défendeurs (qui contestent les poursuites une seule fois) : voir W. K. Branch, Class Actions in Canada (1998), par. 3.30; M. A. Eizenga, M. J. Peerless et C. M. Wright, Class Actions Law and Practice (1999), par. 1.6; Bankier, loc. cit., p. 230-231; Commission de réforme du droit de l’Ontario, Report on Class Actions (1982), p. 118-119.

28 Deuxièmement, comme les frais fixes peuvent être divisés entre un grand nombre de demandeurs, les recours collectifs donnent un meilleur accès à la justice en rendant économiques des poursuites qui auraient été trop coûteuses pour être intentées individuellement. Sans les recours collectifs, la justice n’est pas accessible à certains demandeurs, même pour des réclamations solidement fondées. Le partage des frais permet de ne pas laisser certains préjudices sans recours : voir Branch, op. cit., par. 3.40; Eizenga, Peerless et Wright, op. cit., par. 1.7; Bankier, loc. cit., p. 231-232; Commission de réforme du droit de l’Ontario, op. cit., p. 119-122.

29 Troisièmement, les recours collectifs servent l’efficacité et la justice en empêchant des malfaisants éventuels de méconnaître leurs obligations envers le public. Sans recours collectifs, des personnes qui causent des préjudices individuels mineurs mais répandus pourraient négliger le coût total de leur conduite, sachant que, pour un demandeur, les frais d’une poursuite dépasseraient largement la réparation probable. Le partage des frais diminue le coût des recours en justice et dissuade donc les défendeurs éventuels qui pourraient autrement présumer que de petits méfaits ne donneraient pas lieu à un litige : voir « Developments in the Law — The Paths of Civil Litigation : IV. Class Action Reform : An Assessment of Recent Judicial Decisions and Legislative Initiatives » (2000), 113 Harv. L. Rev. 1806, p. 1809-1810; voir Branch, op. cit., par. 3.50; Eizenga, Peerless et Wright, op. cit., par. 1.8; Bankier, loc. cit., p. 232; Commission de réforme du droit de l’Ontario, op. cit., p. 11 et 140-146.

B. Le critère applicable aux recours collectifs

30 En reconnaissance de l’importance moderne du recours collectif, nombre d’autorités législatives ont adopté une législation complète en cette matière. Aux États-Unis, la Federal Rules of Civil Procedure, 28 U.S.C.A. § 23 (adoptée en 1938 et modifiée de façon importante en 1966), porte sur des aspects de la pratique du recours collectif, y compris l’accréditation des groupes, les avis et les règlements. Les règles de procédure anglaises de 1999 contiennent des dispositions détaillées régissant les litiges de groupe : Royaume-Uni, Civil Procedure Rules 1998, SI 1998/3132, règles 19.10-19.15. Au Canada, les provinces du Québec, de l’Ontario et de la Colombie-Britannique ont adopté des régimes législatifs complets sur la pratique du recours collectif : voir pour le Québec, Code de procédure civile, L.R.Q., ch. C-25, livre IX; pour l’Ontario, Loi de 1992 sur les recours collectifs, L.O. 1992, ch. 6; pour la Colombie-Britannique, Class Proceedings Act, R.S.B.C. 1996, ch. 50. D’autres provinces canadiennes, dont l’Alberta et le Manitoba, envisagent le même type de lois : voir Commission de réforme du droit du Manitoba, Rapport #100, Class Proceedings (janvier 1999); Alberta Law Reform Institute, Final Report No. 85, Class Actions (décembre 2000); voir aussi R. Rogers, « Vers une loi uniforme sur le recours collectif », Annexe O du Compte-rendu de la réunion de 1995 de la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada.

31 En l’absence de règles de procédure complètes en matière de recours collectif, les règles provinciales fondées sur la règle 10 de la Supreme Court of Judicature Act, 1873 s’appliquent. C’est le cas en Alberta, où la procédure en matière de recours collectif est régie par la règle 42 des Alberta Rules of Court :

[traduction]

42 Lorsque de nombreuses personnes ont un intérêt commun dans l’objet de l’action projetée, une ou plusieurs d'entre elles peuvent poursuivre, être poursuivies ou être autorisées par la cour à agir en défense au nom ou pour le compte de toutes.

L’intention du législateur albertain est claire. On peut intenter des recours collectifs mais les modalités de leur exercice sont en grande partie déterminées par les tribunaux.

32 La règle 42 de l’Alberta ne précise pas ce qu’on entend par « nombreuses » ni par « intérêt commun ». Elle n’indique pas quand les membres du groupe autres que les représentants peuvent subir un interrogatoire préalable. Elle ne précise pas non plus comment les membres éventuels du groupe sont avisés de l’action ni comment un tribunal devrait réagir à la possibilité que certains membres éventuels du groupe choisissent de s’en exclure. Elle ne prévoit pas non plus les frais ni la répartition des montants accordés en dommages-intérêts s’ils ont gain de cause.

33 Il serait clairement préférable de disposer d’un cadre législatif sur ces questions. En l’absence de législation complète, les tribunaux sont contraints de s’en remettre en grande partie à la gestion de dossiers judiciaires individuels pour structurer le recours collectif, ce qui est coûteux en termes de ressources judiciaires et ce qui prive les parties de toute certitude avant l’instance quant à leurs droits procéduraux. L’une des plus importantes lacunes du régime albertain actuel est l’absence de disposition d’accréditation préalable. En Colombie-Britannique, en Ontario et au Québec, un recours collectif ne peut être intenté que si le tribunal certifie que le groupe et le représentant satisfont à certaines exigences. En Alberta, par contre, les tribunaux certifient en réalité a posteriori, et seulement après que la partie adverse dépose une requête en annulation. Il serait préférable que l’opportunité d’un recours collectif puisse être déterminée dès le début par des modalités d’accréditation.

34 En l’absence de législation complète, les tribunaux doivent combler ces lacunes en exerçant leur pouvoir inhérent d’établir les règles de pratique et de procédure applicables aux litiges dont ils sont saisis : Bell c. Wood, [1927] 1 W.W.R. 580 (C.S.C.-B.), p. 581-582; Langley c. North West Water Authority, [1991] 3 All E.R. 610 (C.A.), autorisation d’appel rejetée [1991] 1 W.L.R. 711n (H.L.); Newfoundland Association of Public Employees c. Newfoundland (1995), 132 Nfld. & P.E.I.R. 205 (C.S. 1ère inst. T.N.) W. A. Stevenson et J. E. Côté, Civil Procedure Guide, 1996, p. 4. Si souhaitable soit-il d’avoir une législation complète en matière d’exercice des recours collectifs, quand cette législation n’existe pas, les tribunaux doivent décider de l’opportunité du recours collectif et des modalités de son exercice.

35 Les tribunaux albertains ont entrepris de parer aux lacunes procédurales dans l’arrêt Korte, précité, qui prescrit quatre conditions d’exercice du recours collectif : (1) le groupe peut être défini clairement et précisément; (2) les principales questions de fait et de droit doivent être les mêmes; (3) une issue favorable à un demandeur signifie nécessairement une issue favorable à tous; et (4) il n’est pas nécessaire d’examiner individuellement les revendications de chaque demandeur.

36 Les critères de l’arrêt Korte sont, dans les grandes lignes, assez similaires à ceux qui sont appliqués dans d’autres ressorts canadiens ne disposant pas de législation complète sur les recours collectifs : voir, par ex., Ranjoy Sales and Leasing Ltd. c. Deloitte, Haskins and Sells, [1984] 4 W.W.R. 706 (B.R. Man.); International Capital Corp. c. Schafer (1995), 130 Sask. R. 23 (B.R.); Guarantee Co. of North America c. Caisse populaire de Shippagan Ltée (1988), 86 R.N.-B. (2e) 342 (B.R.); Lee c. OCCO Developments Ltd. (1994), 148 R.N.-B. (2e) 321 (B.R.); Van Audenhove c. Nova Scotia (Attorney General) (1994), 134 N.S.R. (2d) 294 (C.S.), par. 7; Horne c. Canada (Attorney General) (1995), 129 Nfld. & P.E.I.R.109 (C.S.Î.-P.-É), par. 24.

37 Les critères de l’arrêt Korte ressemblent également aux critères d’accréditation de groupes prévus dans les lois sur les recours collectifs de la Colombie-Britannique, de l’Ontario et du Québec. Aux termes des lois de la Colombie-Britannique et de l’Ontario, une action sera certifiée comme un recours collectif si (1) les actes de procédure ou l’avis de requête révèlent une cause d’action; (2) il existe un groupe identifiable d’au moins deux personnes qui seraient représentées par le représentant du groupe; (3) les demandes ou les défenses des membres du groupe soulèvent des questions communes (en Colombie-Britannique, [traduction] « que ces questions communes l’emportent ou non sur des questions touchant seulement certains membres du groupe »; (4) le recours collectif est le meilleur moyen de régler les questions communes; et (5) le représentant du groupe représente équitablement les intérêts du groupe, présente une méthode efficace de faire avancer l’instance et d’aviser les membres du groupe, et n’a pas de conflit d’intérêts avec d’autres membres du groupe en ce qui concerne les questions communes : voir pour l’Ontario, Loi de 1992 sur les recours collectifs, par. 5(1), et pour la Colombie-Britannique, Class Proceedings Act, par. 4(1). Au Québec, l’exercice d’un recours collectif est autorisé si (1) les recours des membres du groupe soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes; (2) les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées; (3) la composition du groupe rend peu pratique la jonction des parties; et (4) le représentant est en mesure d’assurer une représentation adéquate des intérêts des membres du groupe : voir Code de procédure civile, art. 1003.

38 Bien qu’il existe des différences entre les critères, il se dégage quatre conditions nécessaires au recours collectif. Premièrement, le groupe doit pouvoir être clairement défini. La définition du groupe est essentielle parce qu’elle précise qui a droit aux avis, qui a droit à la réparation (si une réparation est accordée), et qui est lié par le jugement. Il est donc primordial que le groupe puisse être clairement défini au début du litige. La définition devrait énoncer des critères objectifs permettant d’identifier les membres du groupe. Les critères devraient avoir un rapport rationnel avec les revendications communes à tous les membres du groupe mais ne devraient pas dépendre de l’issue du litige. Il n’est pas nécessaire que tous les membres du groupe soient nommés ou connus. Il est toutefois nécessaire que l’appartenance d’une personne au groupe puisse être déterminée sur des critères explicites et objectifs : voir Branch, op. cit., par. 4.190-4.207; Friedenthal, Kane et Miller, Civil Procedure (2e éd. 1993), p. 726-727; Bywater c. Toronto Transit Commission (1998), 27 C.P.C. (4th) 172 (C. Ont. (Div. gén.)), par. 10-11.

39 Deuxièmement, il faut des questions de fait ou de droit communes à tous les membres du groupe. Les critères de communauté ont toujours été une source de confusion pour les tribunaux. Il faut aborder le sujet de la communauté en fonction de l’objet. La question sous-jacente est de savoir si le fait d’autoriser le recours collectif permettra d’éviter la répétition de l’appréciation des faits ou de l’analyse juridique. Une question ne sera donc « commune » que lorsque sa résolution est nécessaire pour le règlement des demandes de chaque membre du groupe. Il n’est pas essentiel que les membres du groupe soient dans une situation identique par rapport à la partie adverse. Il n’est pas nécessaire non plus que les questions communes prédominent sur les questions non communes ni que leur résolution règle les demandes de chaque membre du groupe. Les demandes des membres du groupe doivent toutefois partager un élément commun important afin de justifier le recours collectif. Pour décider si des questions communes motivent un recours collectif, le tribunal peut avoir à évaluer l’importance des questions communes par rapport aux questions individuelles. Dans ce cas, le tribunal doit se rappeler qu’il n’est pas toujours possible pour le représentant de plaider les demandes de chaque membre du groupe avec un degré de spécificité équivalant à ce qui est exigé dans une poursuite individuelle.

40 Troisièmement, en ce qui concerne les questions communes, le succès d’un membre du groupe signifie nécessairement le succès de tous. Tous les membres du groupe doivent profiter du succès de l’action, quoique pas nécessairement dans la même mesure. Le recours collectif ne doit pas être autorisé quand des membres du groupe sont en conflit d’intérêts.

41 Quatrièmement, le représentant du groupe doit adéquatement représenter le groupe. Quand le tribunal évalue si le représentant proposé est adéquat, il peut tenir compte de sa motivation, de la compétence de son avocat et de sa capacité d’assumer les frais qu’il peut avoir à engager personnellement (par opposition à son avocat ou aux membres du groupe en général). Il n’est pas nécessaire que le représentant proposé soit un modèle type du groupe, ni qu’il soit le meilleur représentant possible. Le tribunal devrait toutefois être convaincu que le représentant proposé défendra avec vigueur et compétence les intérêts du groupe : voir Branch, op. cit., par. 4.210-4.490; Friedenthal, Kane et Miller, op. cit., p. 729-732.

42 Même si les quatre facteurs mentionnés doivent être présents pour autoriser un recours collectif, le fait qu’ils le soient ne signifie pas que le tribunal doit l’autoriser. D’autres facteurs peuvent militer contre l’autorisation de poursuivre par recours collectif. Le défendeur peut souhaiter soulever différentes défenses relativement à différents groupes de demandeurs. Il peut s’avérer nécessaire d’interroger au préalable chaque membre du groupe. Certains membres peuvent soulever des questions importantes qui ne sont pas partagées par tous les membres du groupe. Ou le groupe proposé peut être si petit que la jonction serait une meilleure solution. Lorsqu’il existe de tels facteurs défavorables, le tribunal a le pouvoir discrétionnaire de décider si le recours collectif devrait être autorisé, malgré le fait que les conditions essentielles à l’exercice du recours collectif sont remplies.

43 Les règles en matière de recours collectifs qui ont été adoptées par la Colombie-Britannique et par l’Ontario peuvent aider à déterminer les facteurs qui en général ne constitueraient pas des arguments défavorables à l’autorisation d’un recours collectif. Les deux régimes prévoient que l’autorisation ne devrait pas être refusée parce que, selon le cas, (1) la réparation demandée comporte une demande de dommages-intérêts qui exigerait une évaluation individuelle après le règlement des questions communes; (2) la réparation demandée porte sur des contrats distincts concernant différents membres du groupe; (3) différents membres du groupe cherchent à obtenir des réparations différentes; (4) le nombre de membres du groupe ou l’identité de chacun d’eux ne sont pas connus; (5) le groupe comprend des sous-groupes qui ont des demandes ou des défenses qui soulèvent des questions communes que ne partagent pas tous les membres du groupe : voir pour l’Ontario, Loi de 1992 sur les recours collectifs, art. 6; pour la Colombie-Britannique, Class Proceedings Act, art. 7; voir également Alberta Law Reform Institute, op. cit., p. 75-76. Le bon sens recommande que ces facteurs ne fassent pas plus obstacle à un recours collectif en Alberta qu’en Ontario ou en Colombie-Britannique.

44 Quand les conditions nécessaires à un recours collectif sont remplies, le tribunal devrait exercer son pouvoir discrétionnaire de l’interdire pour des raisons défavorables de manière libérale et souple, comme les anciens tribunaux d’equity. Le tribunal devrait prendre en considération les avantages que le recours collectif offre dans les circonstances de l’affaire ainsi que des injustices qu’il peut provoquer. En fin de compte, le tribunal doit concilier efficacité et équité.

45 La nécessité de concilier efficacité et équité démentit l’idée exprimée par le juge en chambre qu’un recours collectif ne devrait être radié que lorsque le vice est « évident et manifeste ». Contrairement à la règle 129, qui pose la question de savoir s’il y a lieu de poursuivre l’action, la règle 42 pose la question de savoir comment la poursuivre. Le critère du caractère « évident et manifeste » est correct quand la radiation entraîne la fin permanente de l’action. Il exprime l’idée qu’un demandeur [traduction] « ne devrait pas être ‘privé d’un jugement’ à cette toute première étape à moins qu’il ne soit très clair que la cause d’action qu’il invoque n’a aucune chance de succès » : Drummond-Jackson c. British Medical Association, [1970] 1 All E.R. 1094 (C.A.), p. 1102 (cité dans Hunt, précité, p. 975). Le refus d’un recours collectif en vertu de la règle 42, à l’opposé, ne met pas fin à la demande. Il place seulement les demandeurs dans la situation de toute autre partie qui se présente devant le tribunal à titre individuel. En outre, rien dans les règles de l’Alberta n’indique que les recours collectifs ne devraient être refusés que lorsqu’il est évident et manifeste que l’action ne devrait pas être intentée comme un recours collectif. La règle 42 et les règles analogues dans d’autres provinces ne font qu’énoncer qu’un représentant peut exercer un recours collectif si certaines conditions sont remplies.

46 La nécessité de concilier efficacité et équité démentit aussi l’idée que les recours collectifs devraient être abordés de façon restrictive. Les défendeurs soutiennent que l’arrêt General Motors of Canada Ltd. c. Naken, [1983] 1 R.C.S. 72, empêche d’aborder de manière libérale les recours collectifs. Avec égards, je ne suis pas d’accord. Premièrement, à l’époque de l’arrêt Naken, le recours collectif moderne n’était pas une procédure bien établie au Canada. Depuis lors, l’importance du recours collectif comme instrument de procédure dans les litiges modernes est devenue évidente. En fait, la réforme mise en œuvre depuis Naken est attribuable pour une large part à la reconnaissance des avantages que les recours collectifs offrent aux parties, à l’organisation judiciaire et à la société : voir, par ex., Commission de réforme du droit de l’Ontario, op. cit., p. 3-4.

47 Deuxièmement, les faits de l’arrêt Naken invitent à la prudence. L’action était intentée pour le compte de toutes les personnes qui avaient acheté une voiture neuve de marque Firenza, modèle 1971 ou 1972, en Ontario. La plainte disait que General Motors avait présenté de manière inexacte la qualité des voitures et que les voitures [traduction] « n’étaient pas raisonnablement propres à être utilisé[es] » (p. 76). La déclaration alléguait l’inobservation de la garantie et de la représentation, et sollicitait 1 000 $ en dommages-intérêts pour chacun des 4 600 demandeurs environ. Le juge Estey, auteur des motifs unanimes de la Cour, a rejeté le recours collectif. Même si tous les demandeurs* avaient les mêmes demandes contre le défendeur, le règlement de ces demandes aurait exigé la présentation d’une preuve et une appréciation des faits individualisées pour établir tant la responsabilité que les dommages-intérêts. Loin d’éviter une duplication inutile, un recours collectif aurait inutilement compliqué le règlement de ce qui s’élevait à 4 600 demandes individuelles.

48 En résumé, les recours collectifs devraient être autorisés aux termes de la règle 42 de l’Alberta lorsque les conditions suivantes sont remplies : (1) le groupe peut être défini clairement; (2) des questions de droit ou de fait sont communes à tous les membres du groupe; (3) le succès d’un membre du groupe signifie le succès de tous; et (4) le représentant proposé représente adéquatement les intérêts du groupe. Si ces conditions sont remplies, le tribunal doit également être convaincu, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, qu’il n’existe pas de considérations défavorables qui l’emportent sur les avantages que comporte l’autorisation d’un recours collectif.

49 D’autres questions de procédure peuvent se poser. L’une d’elles concerne l’avis. Un jugement ne lie un membre du groupe que s’il a été avisé de la poursuite et a eu la possibilité de s’exclure de la procédure. En l’espèce, la question de savoir ce qui constitue un avis suffisant ne se pose pas. La prudence recommande cependant que tous les participants possibles soient informés de l’existence de la poursuite, des questions communes que la poursuite cherche à résoudre ainsi que du droit de chaque membre du groupe de se retirer, et ce avant que ne soit rendue une décision pouvant avoir une incidence, défavorable ou non, sur les intérêts des membres du groupe.

50 Une autre question de procédure pouvant se poser est la manière d’envisager les questions autres que les questions communes. Le tribunal conserve le pouvoir discrétionnaire de déterminer comment les questions individuelles devraient être abordées, une fois que les questions communes ont été résolues : voir Branch, op. cit., par. 18.10. Les questions individuelles seront généralement tranchées dans des instances individuelles. Toutefois, comme sous le régime des lois de la Colombie-Britannique, de l’Ontario et du Québec, un tribunal peut préciser une procédure spéciale s’il le juge nécessaire ou utile : voir en Ontario, Loi de 1992 sur les recours collectifs, art. 25; en Colombie-Britannique, Class Proceedings Act, art. 27; au Québec, Code de procédure civile, art. 1039.

51 La variété des recours collectifs fait qu’il est difficile de prévoir toutes les complications procédurales qui peuvent surgir. Sans législation complète en matière de recours collectif, les tribunaux doivent régler les complications procédurales cas par cas. Ils doivent aborder ces problèmes de la même façon qu’ils décident si un recours collectif doit être autorisé : de manière souple et libérale, en cherchant à concilier efficacité et équité.

C. Les investisseurs ont-ils satisfait à la règle 42?

52 Les quatre conditions nécessaires à l’exercice d’un recours collectif sont remplies en l’espèce. Premièrement, le groupe est clairement défini. Les intimés Lin et Wu se représentent eux-mêmes et 229 autres [traduction] « immigrants-investisseurs [. . .] qui ont chacun investi 150 000 $ au moins dans un fonds s’élevant au total à 34 065 000 $, cette somme devant être gérée, administrée et garantie par [. . .] Western Canadian Shopping Centres Inc. ». Il est possible de déterminer qui fait partie du groupe grâce à la preuve documentaire que les parties ont déposée devant la cour. Deuxièmement, des questions communes de fait et de droit unissent tous les membres du groupe. La plainte des investisseurs repose essentiellement sur l’allégation que les défendeurs ont manqué aux obligations fiduciaires qu’ils avaient envers eux. Même si la déclaration modifiée des investisseurs fait état de réclamations fondées sur la négligence et sur la fausse déclaration, l’avocat des investisseurs s’est engagé au cours des débats devant notre Cour à abandonner toutes les réclamations ne visant pas l’obligation fiduciaire. Troisièmement, à la présente étape de la procédure, il semble que le règlement de la revendication d’un seul membre concernant le manquement à l’obligation fiduciaire réglerait de fait les revendications de tous les membres du groupe. En raison d’ententes de regroupement des garanties prises par WCSC, chaque investisseur a maintenant un intérêt, proportionnel à son investissement, dans la même garantie sous-jacente. Enfin, les demandeurs sont des représentants appropriés.

53 Les défendeurs soutiennent que l’action proposée ne peut pas faire l’objet d’un recours collectif parce que : (1) il existe en fait de nombreux groupes de demandeurs; (2) les défendeurs soulèveront plusieurs défenses contre différentes causes d’action intentées par différents défendeurs; et (3) afin de l’emporter, les investisseurs doivent faire la preuve d’un véritable lien de confiance de la part de chaque membre du groupe. Je suis d’avis que ces arguments ne sont pas convaincants.

54 L’argument des défendeurs selon lequel il existe de nombreux groupes de demandeurs n’est pas convaincant. Sans aucun doute, il y a des différences. Des investisseurs différents ont investi à différentes époques, dans des ressorts différents, en se fondant sur des notices d’offre différentes, par le biais de représentants différents, dans différentes séries de débentures, et ont entendu parler des événements sous-jacents par différents documents d’information. Certains investisseurs peuvent disposer de droits de résiliation que d’autres n’ont pas. Il demeure toutefois que les investisseurs soulèvent essentiellement les mêmes revendications qui exigent la résolution des mêmes faits. Il est possible qu’en fin de compte émergent différents sous-groupes d’investisseurs qui auront des droits différents contre les défendeurs, cependant cette possibilité ne retire pas le droit des investisseurs de poursuivre collectivement. Si des différences importantes surviennent, le tribunal réglera la question le moment venu.

55 L’argument des défendeurs selon lequel les investisseurs ne devraient pas être autorisés à intenter un recours collectif parce que chacun d’eux doit démontrer un vrai lien de confiance pour établir un manquement à l’obligation fiduciaire n’est pas convaincant non plus. Dans les dernières décennies, les obligations fiduciaires ont été utilisées dans de nouveaux contextes, et toute la portée de leur utilisation reste à définir plus précisément. Les questions relatives aux obligations fiduciaires en l’espèce sont communes à tous les investisseurs. On ne devrait pas interdire un recours collectif en raison de l’incertitude relative à la résolution de questions communes à tous les membres du groupe. Si on juge que les investisseurs doivent faire la preuve d’un lien de confiance individuel, le tribunal peut alors décider si le recours collectif doit ou non se poursuivre.

56 Cela s’applique aussi à l’argument selon lequel des défenses différentes seront invoquées envers différents membres du groupe. Cette simple possibilité n’interdit pas le recours collectif. Si différentes défenses sont invoquées, le tribunal peut alors résoudre le problème ou retirer l’autorisation du recours collectif.

57 Je conclus que les conditions essentielles à l’exercice d’un recours collectif sont remplies et que l’efficacité et l’équité militent en faveur de son autorisation.

D. Pourvoi incident

58 Les investisseurs contestent dans le pourvoi incident l’autorisation par la Cour d’appel de l’interrogatoire préalable individuel de chaque membre du groupe. La Cour d’appel a jugé que les défendeurs ont droit, en vertu des règles 187 et 201, à l’interrogatoire et à l’examen de chaque membre du groupe. Les investisseurs soutiennent que la question de savoir si l’interrogatoire préalable de chaque membre du groupe doit être autorisé est une question qui relève du juge responsable de la gestion de l’instance nommé selon l’avis de pratique 7 des règles de procédure de l’Alberta.

59 Je conviens qu’il serait prématuré d’accorder l’interrogatoire préalable individuel à cette étape-ci. L’un des avantages du recours collectif est que l’interrogatoire préalable des représentants d’un groupe sera habituellement suffisant et rendra superflu l’interrogatoire de chaque membre du groupe. Les affaires exigeant l’interrogatoire préalable individuel des membres d’un groupe sont l’exception plutôt que la règle. En fait, le besoin de procéder à des interrogatoires préalables individuels peut être un facteur défavorable à l’autorisation du recours collectif.

60 Je suis d’avis d’autoriser les défendeurs à interroger les représentants des demandeurs comme ils en ont le droit. Par la suite, l’interrogatoire des autres membres du groupe ne devrait être autorisé que par ordonnance de la cour, si les défendeurs prouvent que cela est raisonnablement nécessaire.

VI. Conclusion

61 Pour ces motifs, je suis d’avis de rejeter le pourvoi, d’autoriser les investisseurs à intenter un recours collectif et d’accueillir le pourvoi incident.

62 Les dépens du pourvoi et du pourvoi incident vont aux intimés.

Pourvoi rejeté et pourvoi incident accueilli avec dépens.

Procureurs pour l’appelante/intimée au pourvoi incident La Compagnie Trust Royal : Burnet, Duckworth & Palmer, Calgary.

Procureurs pour les appelants/intimés au pourvoi incident James G. Engdahl, William R. MacNeill, Jon R. MacNeill, Gary L. Billingsley, R. Byron Henderson : McLennan Ross, Edmonton.

Procureurs pour l’appelant/intimé au pourvoi incident C. Michael Ryer : Peacock Linder & Halt, Calgary.

Procureurs pour l’appelant/intimé au pourvoi incident Peter K. Gummer : Brownlee Fryett, Edmonton.

Procureurs pour les appelants/intimés au pourvoi incident Ernst & Young et Alan Lundell : Parlee McLaws, Edmonton.

Procureurs pour les appelants/intimés au pourvoi incident Bennett Jones Verchere et Garnet Schulhauser : Gowling Lafleur Henderson, Calgary.

Procureurs pour l’appelant/intimé au pourvoi incident Arthur Andersen & Co. : Lucas Bowker & White, Edmonton.

Procureurs pour les intimés/appelants au pourvoi incident : Durocher Simpson, Edmonton.

* Voir Erratum [2001] 3 R.C.S. iv.


Synthèse
Référence neutre : 2001 CSC 46 ?
Date de la décision : 13/07/2001
Sens de l'arrêt : L’appel est rejeté et le pourvoi incident est accueilli

Analyses

Pratique - Recours collectifs - Action intentée pour manquement à des obligations fiduciaires et mauvaise gestion de fonds - Requête en radiation d’une demande visant à poursuivre en qualité de représentants -- Les conditions du recours collectif sont-elles réunies? - Le recours collectif doit-il être autorisé? - Les défendeurs peuvent-ils procéder à l’examen et à l’interrogatoire préalable de chaque membre du groupe? -- Alberta Rules of Court, Alta. Reg. 390/68, règle 42.

L et W, ainsi que 229 autres investisseurs, ont participé au Programme fédéral d’immigration des gens d’affaires en achetant des débentures de WCSC qui avait été constituée en société par D, son unique actionnaire, dans le but de faciliter à des immigrants investisseurs l’obtention du statut de résident permanent au Canada. WCSC a sollicité des fonds dans deux offres d’investissement dans des propriétés de rapport. Après le dépôt des fonds des investisseurs, WCSC a acheté à CRI, pour la somme de 5 550 000 $, les droits sur un bail de surface visant des terres publiques et s’est engagé à verser 16,5 millions de dollars supplémentaires pour des améliorations de surface. Pour financer les obligations de WCSC envers CRI, D a demandé l’émission des débentures de la série A pour un montant total en principal de 22 050 000 $ à certains investisseurs. D a avancé des fonds additionnels à CRI et des débentures correspondantes ont été émises, notamment les débentures des séries E et F. Les débentures ont été regroupées par la suite. Quand CRI a annoncé qu’elle ne pouvait pas payer les intérêts sur les débentures, L et W, les représentants des demandeurs, ont intenté un recours collectif alléguant que D et divers associés et sociétés apparentées de WCSC avaient manqué à leurs obligations fiduciaires envers les investisseurs par une mauvaise gestion de leurs fonds. Les défendeurs ont demandé à la Cour du Banc de la Reine un jugement déclaratoire et une ordonnance radiant la partie de la déclaration dans laquelle les demandeurs disaient représenter, en vertu de la règle 42 des Alberta Rules of Court un groupe de 231 investisseurs. Le juge en chambre a rejeté la demande. La majorité en Cour d’appel a maintenu sa décision mais a accordé aux défendeurs le droit de faire l’interrogatoire préalable de chacun des 231 demandeurs. Les défendeurs ont fait appel devant notre Cour et les demandeurs ont fait un appel incident contre la décision de la cour d’appel d’autoriser l’interrogatoire individuel de chaque membre du groupe.

Arrêt : L’appel est rejeté et le pourvoi incident est accueilli.

En Alberta, la procédure des recours collectifs est régie par la règle 42 des Alberta Rules of Court, mais en l’absence de législation complète, les tribunaux doivent combler les lacunes en exerçant leur pouvoir inhérent d’établir les règles de pratique et de procédure applicables aux litiges dont ils sont saisis. Les recours collectifs devraient être autorisés en vertu de la règle 42 lorsque les conditions suivantes sont réunies : (1) le groupe peut être clairement défini; (2) des questions de droit ou de fait sont communes à tous les membres du groupe; (3) le succès d’un membre du groupe signifie le succès de tous; et (4) le représentant proposé représente adéquatement les intérêts du groupe. Si ces conditions sont réunies, le tribunal doit également être convaincu, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, qu’il n’existe pas de considérations défavorables qui l’emportent sur les avantages que comporte l’autorisation d’un recours collectif. Le tribunal devrait prendre en considération les avantages que le recours collectif offre dans les circonstances de l’affaire ainsi que les injustices qu’il peut provoquer. En fin de compte, le tribunal doit concilier efficacité et équité. La nécessité de concilier efficacité et équité démentit l’idée qu’un recours collectif ne devrait être radié que lorsque le vice est « évident et manifeste ». En matière de procédure, tous les participants possibles devraient être informés de l’existence de la poursuite, des questions communes que la poursuite cherche à résoudre ainsi que du droit de chaque membre du groupe de se retirer, et ce avant que ne soit rendue une décision pouvant avoir une incidence, défavorable ou non, sur les intérêts des membres du groupe. Le tribunal conserve le pouvoir discrétionnaire de déterminer comment les questions individuelles devraient être abordées, une fois que les questions communes ont été résolues. Sans législation complète en matière de recours collectif, les tribunaux doivent régler les complications procédurales cas par cas, de manière souple et libérale, en cherchant à concilier efficacité et équité.

En l’espèce, les conditions essentielles à l’exercice d’un recours collectif sont réunies et l’efficacité et l’équité militent en faveur de son autorisation. Les arguments des défendeurs contre le recours ne sont pas convaincants. Si des différences existent entre les investisseurs, le fait est qu’ils ont essentiellement les mêmes revendications qui exigent la résolution des mêmes faits. Si des différences importantes surviennent, le tribunal peut régler la question le moment venu. De plus, on ne devrait pas interdire un recours collectif en raison de l’incertitude relative à la résolution de questions communes à tous les membres du groupe. Si on juge que les investisseurs doivent faire la preuve d’un lien de confiance individuel pour établir le manquement aux obligations fiduciaires, le tribunal peut alors décider si le recours collectif doit ou non se poursuivre. Cela s’applique aussi à l’argument selon lequel des défenses différentes seront invoquées envers différents membres du groupe. Cette simple possibilité n’interdit pas le recours collectif. Si différentes défenses sont invoquées, le tribunal peut alors résoudre le problème ou retirer l’autorisation du recours collectif.

Enfin, il serait prématuré d’autoriser l’interrogatoire préalable individuel à cette étape-ci. Les défendeurs devraient être autorisés à interroger les représentants des demandeurs comme ils en ont le droit, mais l’interrogatoire des autres membres du groupe ne devrait être autorisé que par ordonnance de la cour, si les défendeurs prouvent que cela est raisonnablement nécessaire.


Parties
Demandeurs : Western Canadian Shopping Centres Inc.
Défendeurs : Dutton

Références :

Jurisprudence
Distinction d’avec l’arrêt : General Motors of Canada Ltd. c. Naken, [1983] 1 R.C.S. 72
arrêts mentionnés : 353850 Alberta Ltd. c. Horne & Pitfield Foods Ltd., [1989] A.J. No. 652 (QL)
Shaw c. Real Estate Board of Greater Vancouver (1972), 29 D.L.R. (3d) 774
Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959
Korte c. Deloitte, Haskins & Sells (1993), 8 Alta. L.R. (3d) 337
Bande indienne Oregon Jack Creek c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [1989] 2 R.C.S. 1069
Lac Minerals Ltd. c. International Corona Resources Ltd., [1989] 2 R.C.S. 574
Hodgkinson c. Simms, [1994] 3 R.C.S. 377
Chancey c. May (1722), Prec. Ch. 592, 24 E.R. 265
City of London c. Richmond (1701), 2 Vern. 421, 23 E.R. 870
Wallworth c. Holt (1841), 4 My. & Cr. 619, 41 E.R. 238
Duke of Bedford c. Ellis, [1901] A.C. 1
Taff Vale Railway Co. c. Amalgamated Society of Railway Servants, [1901] A.C. 426
Markt & Co. c. Knight Steamship Co., [1910] 2 K.B. 1021
Bell c. Wood, [1927] 1 W.W.R. 580
Langley c. North West Water Authority, [1991] 3 All E.R. 610, demande d’autorisation de pourvoi refusée [1991] 1 W.L.R. 711n
Newfoundland Association of Public Employees c. Newfoundland (1995), 132 Nfld. & P.E.I.R. 205
Ranjoy Sales and Leasing Ltd. c. Deloitte, Haskins and Sells, [1984] 4 W.W.R. 706
International Capital Corp. c. Schafer (1995), 130 Sask. R. 23
Guarantee Co. of North America c. Caisse populaire de Shippagan Ltée (1988), 86 R.N.-B. (2e) 342
Lee c. OCCO Developments Ltd. (1994), 148 R.N.-B. (2e) 321
Van Audenhove c. Nova Scotia (Attorney General) (1994), 134 N.S.R. (2d) 294
Horne c. Canada (Attorney General) (1995), 129 Nfld. & P.E.I.R. 109
Bywater c. Toronto Transit Commission (1998), 27 C.P.C. (4th) 172
Drummond-Jackson c. British Medical Association, [1970] 1 All E.R. 1094.
Lois et règlements cités
Alberta Rules of Court, Alta. Reg. 390/68, règles 42, 129, 187, 201.
Civil Procedure Rules 1998 (R.-U.), SI 1998/3132, règles 19.10-19.15.
Class Proceedings Act, R.S.B.C. 1996, ch. 50, art. 4(1), 7, 27.
Code de procédure civile, L.R.Q., ch. C-25, livre IX, art. 1003, 1039.
Federal Rules of Civil Procedure, 28 U.S.C.A. § 23.
Loi de 1992 sur les recours collectifs, L.O. 1992, ch. 6, art. 5(1), 6, 25.
Supreme Court of Judicature Act, 1873 (R.-U.), 36 & 37 Vict., ch. 66, ann., règle 10.
Doctrine citée
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Proposition de citation de la décision: Western Canadian Shopping Centres Inc. c. Dutton, 2001 CSC 46 (13 juillet 2001)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2001-07-13;2001.csc.46 ?
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