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12/07/2016 | FRANCE | N°15BX04089

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 12 juillet 2016, 15BX04089


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la délibération du conseil municipal de Saint-Beauzeil en date du 14 décembre 1989 autorisant l'échange d'un tronçon de chemin rural dit " de la Combe " avec une portion de terrain située entre les parcelles A 154 et A 161 et d'ordonner à la commune de Saint-Beauzeil de saisir le juge judiciaire aux fins d'exécution des conséquences du jugement à intervenir.

Par un jugement n°0802980 du 12 avril 2012, le tribunal administratif d

e Toulouse a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n°12BX0461 du 6 février 2014...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la délibération du conseil municipal de Saint-Beauzeil en date du 14 décembre 1989 autorisant l'échange d'un tronçon de chemin rural dit " de la Combe " avec une portion de terrain située entre les parcelles A 154 et A 161 et d'ordonner à la commune de Saint-Beauzeil de saisir le juge judiciaire aux fins d'exécution des conséquences du jugement à intervenir.

Par un jugement n°0802980 du 12 avril 2012, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n°12BX0461 du 6 février 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la commune de Saint-Beauzeil, annulé ce jugement et rejeté la demande de M.C....

Par une décision n°377262, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 21 décembre 2015 sous le n°15BX04089, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi de M.C..., a annulé cet arrêt du 6 février 2014 et renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juin 2012 et un mémoire en réplique enregistré le 29 octobre 2012, la commune de Saint-Beauzeil, représentée par la SCP Maxwell, Maxwell et Berthin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 avril 2012 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de M. C...une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande d'annulation de la délibération présentée par M. C...était tardive ;

- la délibération du 14 décembre 1989 est suffisamment motivée ;

- une enquête publique a été prescrite conformément à l'article R. 141-4 du code de la voirie routière et il n'est pas établi que le commissaire enquêteur n'aurait pas été impartial ;

- l'article L. 161-10 du code rural n'est pas applicable en l'espèce puisqu'il n'a été codifié que postérieurement à la délibération contestée ;

- les dispositions de l'article 69 du code rural et de 1'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales permettent les échanges de terrain ;

- M. E...n'a pas participé à la délibération l'intéressant personnellement ;

- la circonstance que la parcelle A 161 n'est pas concernée par l'échange est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la délibération ;

- il n'est pas établi que le chemin litigieux était affecté à l'usage du public.

Par des mémoires en défense enregistrés les 3 juillet 2012 et 26 novembre 2012, M. C...conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande la réformation de l'article 2 du jugement du 12 avril 2012 en ce qu'il ne fait pas droit à sa demande tendant à ce que l'injonction prononcée à l'encontre de la commune soit assortie d'une astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de cette décision de justice ; il sollicite également qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Beauzeil en application de l'article L. 761-l du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande d'annulation de la délibération n'est pas tardive ;

- la délibération du 14 décembre 1989 est insuffisamment motivée ;

- l'enquête publique ne pouvait être confiée au premier adjoint de la commune qui, étant le propriétaire bénéficiaire, était intéressé ;

- l'article 69 du code rural et l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ne permettent pas un échange de terrain ;

- la parcelle A 161 n'est pas concernée par l'échange et la délibération est donc entachée d'une erreur de fait ;

- le chemin rural étant utilisé comme voie de passage par des agriculteurs, il ne pouvait faire l'objet d'une aliénation.

Par une ordonnance du 6 décembre 2013, les parties ont été informées de ce que la cour envisageait de soulever d'office, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, un moyen tiré de l'application de la prescription décennale de l'article 2265 du code civil.

Par un mémoire enregistré le 11 décembre 2013, M. C...maintient ses conclusions antérieures, en ajoutant que :

- seul le juge judiciaire est compétent pour statuer sur une question de prescription acquisitive immobilière relative à la propriété privée ;

- la prescription n'étant pas d'ordre public, seul celui qui se prétend propriétaire peut la soulever ;

- il n'est pas établi que la possession soit continue, paisible, publique et non équivoque et que l'on puisse ainsi retenir la prescription acquisitive des parcelles en litige ;

- la prescription abrégée est exclue, faute pour les acquéreurs de ces parcelles de justifier d'un titre ; en effet, l'annulation de la délibération autorisant la vente d'un chemin rural est une nullité absolue de fond à 1'égard de 1'acte translatif de propriété.

Par des mémoires enregistrés le 18 et le 23 mars 2016, M. C...persiste dans ses conclusions précédentes par les mêmes moyens.

Par un mémoire enregistré le 22 mars 2016, la commune de Saint-Beauzeil persiste dans les conclusions de sa requête par les mêmes moyens et conclut au rejet des conclusions d'appel incident de M.C....

Par ordonnance du 18 janvier 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de 1'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,

- et les observations de MeG..., représentant la commune de Saint-Beauzeil.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 14 décembre 1989, le conseil municipal de Saint-Beauzeil a autorisé un échange d'une partie du chemin rural cadastré section A n° 907 dit " de la Combe ", d'une superficie de 4 ares 22 centiares situé au lieu-dit Cadillac, contre une parcelle cadastrée section A n° 908, d'une contenance de 3 ares 74 centiares, appartenant à M.E.... L'acte authentique de transfert de propriété a été signé les 24 avril et 10 juin 1991. La commune de Saint-Beauzeil relève appel du jugement du 12 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulouse, saisi par M.C..., a annulé cette délibération et lui a enjoint, à défaut de pouvoir obtenir la rétrocession à l'amiable de la partie de chemin rural dont la délibération autorisait l'aliénation par voie d'échange, de saisir le juge judiciaire aux fins de résolution des actes d'aliénation conclus au titre de cette délibération, dans le délai de quatre mois à compter de la notification de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, M. C...sollicite l'annulation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à ce que l'injonction adressée à la commune soit assortie d'une astreinte.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Si la commune de Saint-Beauzeil fait valoir que le recours en annulation présenté par M. C...vingt ans après l'approbation de la délibération en litige est tardif, elle n'établit pas, ainsi qu'elle en a la charge, avoir procédé à la publication de la délibération du 14 décembre 1989, notamment par voie d'affichage, une telle preuve n'étant pas apportée, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, par la seule production d'une attestation établie le 9 février 2009 par MmeH..., également bénéficiaire d'une portion du chemin rural considéré. La commune ne saurait davantage se prévaloir utilement de la méconnaissance du principe de sécurité juridique. Ainsi, le délai de recours contentieux n'ayant pas commencé à courir contre la délibération du 14 décembre 1989, la fin de non recevoir tirée de la tardiveté de la demande de M. C...doit être rejetée.

Sur la légalité de la délibération du 14 décembre 1989 :

3. Aux termes de l'article 69 du code rural, alors applicable : " Lorsqu'un chemin rural cesse d'être affecté à l'usage du public, la vente peut être décidée après enquête par le conseil municipal (... ). Lorsque l'aliénation est ordonnée, les propriétaires riverains sont mis en demeure d'acquérir les terrains attenants à leur propriété. Si, dans le délai d'un mois à dater de l'avertissement, les propriétaires riverains n'ont pas déposé leur soumission ou si leurs offres sont insuffisantes, il est procédé à l''aliénation des terrains selon les règles suivies pour la vente des propriétés communales ".

4. Il résulte de ces dispositions que, contrairement à ce que soutient la commune de Saint-Beauzeil, les communes ne peuvent, pour l'aliénation des chemins ruraux, avoir recours à une autre procédure que celle de la vente dans les conditions ci-dessus mentionnées. Il suit de là que la délibération contestée du 14 décembre 1989, qui avait pour objet d'aliéner la portion du chemin rural dit " de la combe " par voie d'échange avec M. E... et n'a pas été précédée d'une mise en demeure de l'ensemble des propriétaires riverains, est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière. Elle est, pour ce seul motif, entachée d'illégalité.

5. Il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Beauzeil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la délibération du 14 décembre 1989.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " et aux termes de 1'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".

7. L'annulation d'un acte détachable d'un contrat de droit privé n'impose pas nécessairement à la personne publique partie au contrat de saisir le juge du contrat afin qu'il tire les conséquences de cette annulation. Il appartient au juge de l'exécution de rechercher si l'illégalité commise peut être régularisée et, dans l'affirmative, d'enjoindre à la personne publique de procéder à cette régularisation. Lorsque l'illégalité commise ne peut être régularisée, il lui appartient d'apprécier si, eu égard à la nature de cette illégalité et à l'atteinte que l'annulation ou la résolution du contrat est susceptible de porter à l'intérêt général, il y a lieu d'enjoindre à la personne publique de saisir le juge du contrat afin qu'il tire les conséquences de l'annulation de l'acte détachable.

8. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges n'ont pas recherché si l'illégalité affectant la délibération du 14 décembre 1989 était susceptible de régularisation. Or, s'il est constant que le recours par la commune à une procédure d'échange excluant notamment la mise en oeuvre de la garantie que constitue pour les propriétaires riverains l'information relative à la cession du bien et à la possibilité pour eux de l'acquérir a été de nature à affecter les conditions dans lesquelles le conseil municipal a donné son autorisation à la vente d'une section de chemin rural, une telle illégalité, considération prise de l'intérêt général, n'est pas insusceptible de régularisation. En conséquence, il est imparti à la commune de Saint-Beauzeil un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt pour régulariser la vente par une délibération du conseil municipal prise à l'issue d'une procédure conforme aux prescriptions applicables du code rural et de la pêche maritime. A défaut d'une telle régularisation, et eu égard à la gravité du vice entachant la délibération contestée, il appartiendra à la commune, faute de pouvoir obtenir la rétrocession à l'amiable de la partie de chemin rural concernée, de saisir le juge du contrat aux fins de résolution des actes d'aliénation conclus au titre de cette délibération, dans un délai de deux mois à compter de l'expiration du premier délai susmentionné. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-l du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.C..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que sollicite la commune de Saint-Beauzeil au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Beauzeil la somme dont M. C...sollicite le versement en application des mêmes dispositions.

DECIDE

Article 1er : Il est enjoint à la commune de Saint-Beauzeil, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, de régulariser la cession du tronçon de chemin rural dit " de la Combe " à M. E...par une délibération du conseil municipal prise à l'issue d'une procédure conforme aux prescriptions applicables du code rural et de la pêche maritime ou, à défaut, et faute de pouvoir obtenir la rétrocession à l'amiable de la partie de chemin rural dont la délibération autorisait l'aliénation par voie d'échange, de saisir le juge du contrat aux fins de résolution des actes d'aliénation conclus au titre de cette délibération, dans un délai supplémentaire de deux mois.

Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 avril 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Saint-Beauzeil et les conclusions de M. C...sont rejetés.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la commune de Saint-Beauzeil, à M. A...C...et à M. B...E....

Délibéré après l'audience du 12 juillet 2016 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller,

M. F...D..., faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2016.

L'assesseur le plus ancien dans l'ordre

du tableau,

Marie-Thérèse Lacau Le président,

[Conseil1]

Laurent Pouget Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

[Conseil1]Décalage avec le nom de l'assesseur

[v2]Aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales '

[Conseil3]Oui, Ok

2

15BX04089


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX04089
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

24-02-02-01 Domaine. Domaine privé. Régime. Aliénation.


Composition du Tribunal
Président : M. POUGET L.
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : DALBIN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-07-12;15bx04089 ?
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