AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 mars 2004), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 29 avril 2002, pourvoi n° 00-21.522), que Mme X..., propriétaire d'un logement qu'elle allègue avoir verbalement donné à bail à M. Y..., l'a assigné dans les formes prévues à l'article 659 du nouveau Code de procédure civile, en résiliation du contrat de location et condamnation au paiement d'une dette locative ; que le jugement réputé contradictoire qui avait accueilli la demande, ayant été signifié dans les mêmes formes que l'assignation, a été réformé par l'arrêt cassé ; que M. Y... a conclu pour la première fois, devant la cour d'appel de Versailles, saisie sur renvoi, à l'annulation du jugement ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la nullité du jugement et dit n'y avoir lieu de statuer sur le fond, alors, selon le moyen :
1 / qu'un appelant ne peut transformer un appel tendant initialement à la seule réformation du jugement en un appel tendant à titre principal à l'annulation du jugement ; qu'en outre, en cas de cassation, l'instruction est reprise, devant la juridiction de renvoi, en l'état de la procédure non atteinte par la cassation, celle-ci laissant subsister les actes de procédure, et notamment les conclusions, accomplis devant la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé ; qu'il en résulte qu'en prononçant la nullité du jugement et en refusant de statuer au fond, alors que l'appelant avait limité ses demandes, lors de la première procédure d'appel, à la seule réformation du jugement sur le fond, et que ce n'est que devant la cour d'appel de renvoi, saisie après cassation sur une question relative au fond du litige, que l'appelant a invoqué pour la première fois la nullité du jugement, la cour d'appel a violé les articles 562 et 631 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'en limitant ses demandes, lors de la première procédure d'appel, à la seule réformation du jugement sur le fond, l'appelant a manifesté sans équivoque sa volonté de renoncer à se prévaloir du double degré de juridiction ; qu'en prononçant néanmoins la nullité du jugement et en refusant de statuer au fond, alors que l'appelant invoquait la nullité du jugement pour la première fois devant la cour d'appel de renvoi, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'en l'absence de limitation dans la déclaration d'appel, la dévolution s'opère pour le tout, de sorte qu'il appartenait à la cour de renvoi, que la cassation du précédent arrêt dans toutes ses dispositions investissait de la connaissance de l'entier litige, de statuer sur la demande d'annulation du jugement dont elle était saisie par les dernières conclusions ;
Et attendu que M. Y... n'avait pas renoncé au double degré de juridiction par des prétentions sur le fond contenues dans ses conclusions déposées devant la première cour d'appel, réputées abandonnées devant la cour de renvoi ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré l'appel recevable, constaté la nullité de l'assignation introductive d'instance et en conséquence prononcé la nullité du jugement alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 659 du nouveau Code de procédure civile, lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte ; que, si l'acte de signification peut être déclaré nul dans l'hypothèse où la personne qui requiert la signification a sciemment caché à l'huissier de justice la véritable adresse du destinataire de l'acte, en revanche il ne peut être reproché au mandant de l'huissier de justice de ne pas avoir effectué lui-même des recherches ou d'avoir omis de transmettre une information s'il n'est pas démontré qu'il en connaissait la pertinence et l'a cachée sciemment ; qu'en l'espèce pour constater la nullité des actes de signification du jugement et de l'assignation, la cour d'appel a considéré que le mandant de l'huissier de justice avait la possibilité de connaître la nouvelle adresse du destinataire de l'acte - le locataire parti sans laisser d'adresse - en interrogeant le syndic de l'immeuble dans lequel celui-ci avait travaillé, alors même que cet emploi avait pris fin depuis plus d'un an à la date de la signification, ce qui ne laissait pas supposer que le syndic puisse connaître l'adresse de son ancien employé parti depuis longtemps à la retraite ; qu'en statuant ainsi, en imposant des recherches personnelles au mandant de l'huissier de justice et sans constater que ce dernier avait sciemment omis de signaler à l'huissier de justice l'adresse de l'ancien employeur du destinataire de l'acte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 659 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la signification de l'assignation introductive d'instance et celle du jugement avaient été faites à une adresse où M. Y... n'habitait plus depuis plusieurs années et alors que Mme X... disposait d'éléments lui permettant de connaître aisément sa nouvelle adresse, la cour d'appel en a exactement déduit que les significations étaient nulles ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le pourvoi revêt un caractère abusif ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme X..., la condamne à payer à M. Y... la somme de 2 000 euros ;
Condamne Mme X... à une amende civile de 1 500 euros envers le Trésor public ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, signé et prononcé par Mme Foulon, conseiller le plus ancien non empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du nouveau Code de procédure civile, en l'audience publique du onze mai deux mille six.