AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Vu les articles 1404, alinéa 2, et 1406 du Code civil et le décret n° 83-228 du 22 mars 1983 fixant le régime de l'autorisation des exploitations de cultures marines ;
Attendu que forment des propres par leur nature, mais sauf récompense s'il y a lieu, les instruments de travail nécessaires à la profession d'un des époux, à moins qu'ils ne soient l'accessoire d'un fonds de commerce ou d'une exploitation faisant partie de la communauté ;
Attendu que M. X... et Mme Y... se sont mariés en 1968 sans contrat préalable ; qu'à la suite de leur divorce prononcé le 22 septembre 1993, un jugement, statuant sur les difficultés de liquidation de leur régime matrimonial, a dit que devaient figurer à l'actif de communauté les exploitations ostréicoles de Carantec et de Saint-Philibert ;
Attendu que pour dire que les concessions, bâtiments et installations ostréicoles de Carantec et de Saint-Philibert et leur stock d'huîtres, issus de donations parentales, ainsi que les subventions pour cette activité et les indemnités versées à la suite de l'échouage du pétrolier Amoco Cadiz constituent des biens propres de M. X..., l'arrêt attaqué énonce que la pérennité de la concession est liée à l'exploitation effective du domaine maritime selon un cahier des charges et au moyen d'installations qui sont soumises à un régime spécifique prévoyant leur destruction en fin de concession ou leur transmission par substitution d'un concessionnaire agréé par l'autorité publique contrôlant également leur indemnisation ; que ces installations constituant des instruments de travail indivisibles de la concession qui conditionne leur existence et leur régime de transmission, il convient de les retenir comme des biens propres en tant qu'accessoires à un bien propre, sauf récompense pour la communauté ayant participé à leur acquisition ; que les subventions ont été attribuées et affectées à l'activité propre dont la communauté n'a vocation à bénéficier que des fruits et revenus ; que l'indemnité perçue à la suite de l'échouage du pétrolier Amoco Cadiz constitue la réparation du préjudice subi par l'exploitation, affectée directement à la remise en état des installations et au remplacement des huîtres rendues inconsommables, pour maintenir indirectement l'activité et les revenus de l'entreprise dont une partie a bénéficié à la communauté ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le caractère personnel des concessions accordées par l'Administration n'a pas pour effet d'empêcher de faire entrer en communauté la valeur patrimoniale des parcs à huîtres, la cour d'appel, qui a notamment constaté que M. X... était inscrit comme ostréiculteur exploitant des parcelles de Carantec depuis le 1er septembre 1970 et que les édifices construits sur le domaine maritime à Carantec ainsi qu'un terrain et un garage attenants avaient fait l'objet d'un acte de vente non fictif établi le 7 novembre 1972 au profit de M. et Mme X..., n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que les bâtiments et installations ostréicoles de Carantec et de Saint-Philibert, ainsi que les subventions pour cette activité et les indemnités versées à la suite de l'échouage du pétrolier Amoco Cadiz constituent des biens propres de M. X..., et que les revenus des exploitations ostréicoles ne pouvaient profiter à l'indivision, l'arrêt rendu le 22 septembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. X... à payer à Mme Y... la somme de 2 000 euros et déboute M. X... de sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille six.