AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que la société suisse Intercafco a adressé début septembre 1999 à la société ivoirienne Dafci des confirmations d'achat portant sur dix mille tonnes de cacao en fèves, un récapitulatif daté du 15 septembre 1999 faisant référence aux "conditions générales AFCC n° 1 ; qu'un différend ayant surgi sur le prix des marchandises, la société Dafci, se prévalant de la clause compromissoire figurant à ces conditions générales, a saisi la chambre arbitrale de la Fédération du commerce des cacaos d'une demande en paiement ; que la société Intercafco ayant contesté le projet de sentence et prétendu à l'absence de convention d'arbitrage, le tribunal arbitral du second degré, par sentence du 14 juin 2001, s'est déclaré compétent et a condamné la société suisse à paiement ; que la société Intercafco a formé un recours en annulation ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches ;
Attendu que la société Intercafco fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 22 mai 2003) de l'avoir débouté de son recours en annulation alors, selon le moyen :
1 / que le motif d'annulation de la sentence tenant à ce que l'arbitre a statué sans convention d'arbitrage ou sur convention nulle ou expirée peut être soulevé à tout moment ; qu'en déclarant ce grief irrecevable en ce qu'il n'avait pas été invoqué devant l'arbitre, la cour d'appel a violé les articles 1502 et 1504 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'en retenant, pour déclarer la société Intercafco irrecevable à invoquer le motif d'annulation tenant à l'absence de convention d'arbitrage, qu'il résultait de l'article 12 du règlement de la chambre d'arbitrage de la FCC que l'exception d'incompétence des arbitres devait être invoquée avant toute défense au fond, quand l'application de ce règlement supposait que soit préalablement tranchée la question de l'existence de la convention d'arbitrage, dont dépendait l'application du règlement, la cour d'appel a encore violé les articles 1502 et 1504 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que, dans ses conclusions, la société Intercafco faisait valoir qu'il résultait du caractère particulier de l'arbitrage de la FCC, à deux degrés, que seule la seconde sentence avait vraiment valeur d'arbitrage ; que la cour d'appel elle-même a qualifié la sentence rendue en premier degré de "projet de sentence" ; qu'il en découlait que c'est en l'état des écritures des parties devant le second degré de juridiction arbitrale qu'il convenait d'apprécier la nouveauté de l'exception d'incompétence de l'arbitre ; qu'en laissant ces écritures sans réponse, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que tout grief invoqué à l'encontre d'une sentence au titre de l'article 1502 du nouveau Code de procédure civile doit, pour être recevable devant le juge de l'annulation, avoir été soulevé, chaque fois que cela était possible, devant le tribunal arbitral lui-même ; que l'arrêt relève, ensuite, que l'article 12 du règlement de l'AFCC, relatif à la procédure arbitrale du premier degré, disposait qu'à peine d'irrecevabilité, l'exception d'incompétence devait être soulevée avant toute défense au fond ; qu'il constate enfin que la société Intercafco n'avait pas soulevé l'absence de convention d'arbitrage devant le tribunal arbitral au premier degré ; que la cour d'appel en a exactement déduit que cette société était dès lors irrecevable à l'invoquer devant le juge de l'annulation ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur les deuxième et troisième moyens :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir statué ainsi alors, selon le moyen :
1 / que la sentence encourt l'annulation lorsque l'arbitre s'est déclaré incompétent pour connaître un aspect du litige qui lui avait été soumis par les parties ; que la circonstance que, pour apprécier ce vice, le juge de l'annulation doive porter une appréciation en droit et en fait ne constitue pas un obstacle à la recevabilité du grief ; qu'en retenant que la société Intercafco était irrecevable à invoquer le moyen d'annulation tiré de ce que les arbitres avaient refusé de se prononcer sur le partenariat invoqué, en ce que ce moyen supposait une appréciation portant sur le fond du litige, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif erroné et s'est abstenue de rechercher si les arbitres ne s'étaient pas à tort déclaré incompétents sur cet aspect du litige, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1502 et 1504 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que la cour d'appel, qui s'est bornée à énoncer que les arbitres n'avaient pas à soumettre aux parties leur raisonnement, sans rechercher si l'exception d'incompétence soulevée d'office ne constituait pas un moyen de droit qui devait être soumis à la discussion des parties, a privé sa décision de base légale au regard des articles 16 et 1502 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en l'absence de demande visant à tirer les conséquences juridiques de l'existence d'un partenariat, qui aurait conduit le tribunal arbitral à apprécier sa compétence de ce chef, sous le contrôle de la juridiction étatique, c'est à juste titre que la cour d'appel, constatant que les critiques de la société Intercafco portaient sur le fond du litige, a rejeté le moyen d'annulation dès lors que le contenu de la motivation de la sentence, qui n'a pas à être soumise à la discussion des parties, échappe au contrôle du juge de l'annulation ; que les moyens ne peuvent être accueillis ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Intercafco aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Intercafco à payer à la société Dafci la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille six.