AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Met hors de cause les AGF, la société AXA France et la MATMUT ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 avril 2003), qu'assurés selon police "dommages-ouvrage" auprès de la société UAP, aux droits de laquelle se trouve la société AXA France, M. et Mme X... ont confié la construction d'une maison à usage d'habitation, pour la maîtrise d'oeuvre, à la société Architectural, depuis lors en liquidation judiciaire, avec M. Y... comme mandataire ad hoc et assurée auprès de la société Assurances générales de France (AGF), pour les travaux de gros oeuvre, à la société Levourch'Euromob, depuis lors en liquidation des biens avec M. Z... comme liquidateur et assurée auprès de la Mutuelle assurance artisanale de France (MAAF), pour les travaux d'électricité à M. A..., assuré auprès de la MAAF et pour les travaux de plomberie à M. B..., assuré auprès de la société La Suisse assurances ; que d'autres travaux ont été confiés à la société C..., et à M. D... ; que le 18 juillet 1995, alors que la réception devait intervenir le 15 septembre suivant, un incendie a détruit le pavillon en cours de construction ; que M. et Mme X... ont demandé réparation de leur préjudice aux constructeurs et à leurs assureurs ainsi qu'à la société AXA France et à la société MATMUT, leur assureur selon police "multirisques habitation" ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Attendu que la MAAF fait grief à l'arrêt de la condamner, en sa qualité d'assureur de M. A... et de la société Levourch'Euromob à indemniser M. et Mme X... de la destruction de leur pavillon par incendie, avant réception, alors, selon le moyen, que l'action directe de la victime, qui suppose que soit établie la responsabilité de l'assuré, n'est pas ouverte à l'encontre de l'assureur de dommages ; que l'obligation de l'entrepreneur de travaux qui a fourni la matière à supporter les risques de la chose en application de l'article 1788 du Code civil tient son fondement de la théorie des risques et non pas de la responsabilité civile ; que la cause de la restitution des acomptes qui en découle ne réside donc pas dans la faute de l'entrepreneur assuré ; qu'en admettant cependant en l'espèce l'action directe du maître de l'ouvrage à l'encontre de la MAAF, assureur des entrepreneurs, condamnés sur le seul fondement de l'article 1788 du Code civil, au prétexte d'une dette de responsabilité qui serait née de cette obligation ressortant pourtant de la théorie des risques, la cour d'appel a violé par fausse application les dispositions des articles L. 124-1 et L. 124-3 du Code des assurances, ensemble l'article L. 112-1 du même Code ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'incendie était survenu avant la réception des travaux par le maître de l'ouvrage et résultait non pas d'une cause inhérente à l'ouvrage, mais d'une circonstance accidentelle extérieure à l'acte de construire, la cour d'appel a pu retenir que M. A... et la société Levourch'Euromob devaient supporter la perte de l'ouvrage et que le dommage avait été causé à M. et Mme X... qui avaient la qualité de tiers au sens du contrat d'assurance ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur les deuxième et troisième branches du moyen unique du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident, réunis :
Vu l'article 1788 du Code civil ;
Attendu que, si, dans le cas où l'ouvrier fournit la matière, la chose vient à périr, de quelque manière que ce soit, avant d'être livrée, la perte en est pour l'ouvrier, à moins que le maître ne fût en demeure de recevoir la chose ;
Attendu que pour condamner la MAAF, assureur de la société Levourch'Euromob et de M. A..., in solidum avec ce dernier ainsi qu'avec M. B..., la société La Suisse assurances et la société C..., à payer diverses sommes à M. et Mme X..., l'arrêt retient que toutes les entreprises sont tenues au même risque ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'entrepreneur n'est tenu de procurer au maître de l'ouvrage que la chose qu'il s'est engagé à fournir, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la MAAF in solidum avec M. A..., M. B..., la société La Suisse assurance et la société C... à payer diverses sommes à M. et Mme X..., l'arrêt rendu le 28 avril 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne les époux X... et la MAAF, ensemble, aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la MAAF à payer la somme de 1 900 euros à la MATMUT, la somme de 1 900 euros à la société AXA France et la somme de 1 000 euros à la compagnie AGF ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette toute autre demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille quatre.