AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société anonyme AM Prudence, venant aux droits de la société GFA et à la société GFA Caraïbes de ce qu'elles se sont désistées de leur pourvoi en tant que dirigé contre la société Daunis, Mme X..., ès qualités, M. Y..., ès qualités, la société Chauleau, le Bet Becar, la société SGS Z...lding France, la Société immobilière de la Guyane et la SMABTP ;
Donne acte à MM. Z...
A...
B... et C... et à la Mutuelle des architectes français de ce qu'ils se désistent du deuxième moyen de leur pourvoi provoqué ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société immobilière de Guyane (Siguy) a fait construire un groupe d'immeubles réparti en dix bâtiments pour la première tranche et sept bâtiments pour la seconde tranche ; que la société Siguy a souscrit une assurance dommages-ouvrage auprès de la compagnie Allianz ; qu'elle a notamment confié la maîtrise d'oeuvre à MM. Z...
A...
B... et C..., architectes assurés auprès de la MAF, et au Bet Copitel assuré auprès du GFA et les lots descentes eaux pluviales et charpente à M. D..., assuré auprès du GFA ; qu'après réceptions, échelonnées du 20 octobre 1986 au 24 octobre 1988, la société Siguy, invoquant des désordres de nature décennale, a assigné, entre autres constructeurs, M. D... en désignation d'un expert, intervenue par ordonnance de référé du 1er avril 1994 ; qu'après avoir versé, au vu du rapport de l'expert, une certaine somme à la société Siguy, la compagnie Allianz, subrogée dans les droits de cette dernière a assigné devant le tribunal de grande instance notamment en remboursement des sommes versées à la société Siguy les 26 et 29 septembre 1997 les architectes et leur assureur, M. D... et le GFA ; que, le 28 avril 1998, elle a réassigné M. D... et le GFA Caraïbes, s'étant dit l'assureur de ce dernier ; que la compagnie AM Prudence, venant aux droits du GFA, et le GFA Caraïbes, ont soutenu que l'action de la compagnie AGF-IART, venant aux droits de la compagnie Allianz, était irrecevable et de surcroît prescrite ;
Sur les premiers moyens du pourvoi principal et du pourvoi provoqué réunis, qui sont identiques :
Attendu que la société AM Prudence et le GFA Caraïbes, MM. Z...
A...
B..., C... et la MAF font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la compagnie AGF recevable à agir à leur encontre, alors, selon le moyen, que lorsqu'une fusion de sociétés d'assurances comporte un transfert de portefeuille de contrats, seule la publication de l'arrêté d'approbation du ministère de l'Economie et des Finances rend le transfert opposable aux assurés, souscripteurs, bénéficiaires de contrat, créanciers ainsi qu'aux tiers ; que, dès lors, l'arrêt attaqué qui a retenu qu'aux termes de l'acte de fusion-absorption signé le 17 juin 1999, la compagnie Allianz avait fait apport à la compagnie AGF de l'intégralité de son patrimoine qui comprenait non seulement les polices en cours mais aussi tous les recours subrogatoires nés du paiement des indemnités dues au titre des contrats d'assurances résiliés ou expirés avant fusion-absorption et comme tels non transférés, en relevant, pour décider que la compagnie AGF justifiait de ses intérêts et droit d'agir contre les responsables du sinistre et leur assureur, que l'avis de publicité légale paru dans le journal Petites Affiches en date du 14 juin 2000 précisant que "la dernière des conditions suspensives, ayant été levée le 15 décembre 1999, la présente fusion a été définitivement réalisée à compter de cette date", la fusion-absorption avait été opérée conformément au Code des assurances, Livre troisième, et était opposable aux assurés, créanciers et tiers, la cour d'appel, qui a ainsi dispensé la compagnie AGF de la justification, qui était formellement contestée de l'arrêté d'approbation de transfert, a violé les articles L. 324-1 et L. 324-2 du Code des assurances ;
Attendu que le transfert de portefeuille prévu par les articles L. 324-1 et suivants du Code des assurances n'emporte que le transfert des droits et obligations attachés aux contrats en cours inclus dans le portefeuille cédé ;
Attendu que l'arrêt retient que la compagnie AGF, cessionnaire de l'intégralité du patrimoine de la compagnie absorbée qui comprenait activement, non seulement les polices en cours mais aussi tous les recours subrogatoires nés du paiement par la compagnie Allianz des indemnités d'assurance dues notamment au titre des contrats d'assurance résiliés ou expirés avant fusion-absorption et comme tels non transférés, comme celui souscrit par M. D..., justifiait de ses intérêts et droit d'agir contre tous les responsables du sinistre et leurs assureurs ; que le moyen tiré de l'inopposabilité du transfert de portefeuille des contrats était ici sans portée puisque ledit transfert ne porte que sur la police en cours de validité ; que la transmission intégrale du patrimoine de la compagnie absorbée tant active que passive portait notamment et nécessairement sur les comptes débits ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que la date du règlement de l'indemnité à la société Siguy, antérieur à la fusion-absorption, ainsi que la publication de l'arrêté d'approbation de transfert de portefeuille, était sans incidence sur le droit d'agir de la société absorbante ;
D'ou il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal et le troisième moyen du pourvoi provoqué réunis, qui sont identiques :
Vu les articles L. 114-1 et L. 124-3 du Code des assurances, ensemble l'article 2244 du Code civil ;
Attendu que l'action de la victime contre l'assureur de responsabilité, qui trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice, se prescrit par le même délai que son action contre le responsable et ne peut être exercée contre l'assureur, au delà de ce délai, que tant que celui-ci reste exposé au recours de son assuré ;
que l'interruption de la prescription de l'action en responsabilité dirigée contre l'assuré est sans effet sur l'action directe dirigée contre l'assureur ;
Attendu que pour rejeter la fin de non-recevoir invoquée par les assureurs du fait qu'ils n'étaient plus exposés au recours de leur assuré M. D... lorsque la compagnie AGF subrogée au maître d'ouvrage avait exercé son recours subrogatoire les 26 et 29 septembre 1997 contre la société AM Prudence et a fortiori le 20 avril 1998 contre le GFA Caraïbes, l'arrêt énonce que l'ordonnance de référé du 1er avril 1994 a fait courir à compter de sa date un nouveau délai décennal non encore expiré ; que l'assignation de septembre 1997 également interruptive de prescription, a abouti d'abord à un jugement de sursis à statuer du 5 décembre 1997 qui a fait courir un nouveau délai décennal à l'encontre des constructeurs ; que M. D... a été assigné par la compagnie Allianz le 14 décembre 1998, acte également interruptif de prescription ; que la compagnie Allianz a assigné le GFA Caraïbes par acte administratif le 20 avril 1998 également interruptif de prescription ;
qu'en cause d'appel, dans le dernier état de la procédure, la compagnie AGF-IART aux droits de la compagnie Allianz a exercé son recours subrogatoire contre M. D... et contre les deux assureurs AM Prudence et GFA Caraïbes par signification de conclusions elles-mêmes interruptives de prescription ; qu'il s'ensuit que l'assuré, M. D..., a été régulièrement assigné d'abord par le maître d'ouvrage puis par l'assureur dommages-ouvrage subrogé par le paiement de l'indemnité d'assurance par des actes interruptifs de la prescription décennale de sorte qu'aucune prescription n'a été acquise au profit de ce même assuré, que l'interruption de la prescription de l'action dirigée contre l'assuré est opposable à l'assureur de responsabilité de celui-ci ; que l'assureur ayant ainsi été régulièrement assigné avant prescription de l'action du tiers lésé dans les droits duquel la compagnie AGF-IART est subrogée ne peut opposer à celle-ci la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;
Qu'en se déterminant par de tels motifs, sans rechercher si à compter de la réception de chacun des bâtiments faisant courir le délai décennal de l'action contre l'assuré responsable des dommages, l'action directe du subrogé dans les droits de la victime contre l'assureur du responsable qui n'avait pas été interrompue par les actes interruptifs de prescription de l'action dirigée contre l'assuré, n'était pas prescrite à la date des assignations des 26 et 29 septembre 1997 et 20 avril 1998, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
Et attendu qu'en application de l'article 629 du nouveau Code de procédure civile, les dépens seront laissés en totalité à la charge de la compagnie AGF ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen du pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, en ses dispositions condamnant les compagnies AM Prudence et GFA Caraïbes à payer certaines sommes à la compagnie AGF-IART, l'arrêt rendu le 26 février 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la compagnie d'assurances AGF aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la compagnie AGF, d'une part, de MM. Z...
A...
B... et C... et de la Mutuelle des architectes français, d'autre part ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille cinq.