AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., juriste salariée d'une société d'avocats, invoquant le bénéfice des dispositions de l'article 98, 3, du décret du 27 novembre 1991, a sollicité son inscription au tableau de l'Ordre des avocats inscrits au barreau de Rochefort-sur-Mer ; que sa demande ayant été rejetée par le conseil de l'Ordre, Mme X... a formé un recours à l'encontre de cette décision ;
Sur la recevabilité du pourvoi contestée par la défense :
Attendu que Mme X..., le Syndicat des avocats de France et le Syndicat des avocats de France employeurs soutiennent que le pourvoi est irrecevable aux motifs que le mémoire en demande du procureur général a été signifié par le procureur général près la Cour de cassation dans les formes prévues aux articles 671 à 674 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu, cependant, que le procureur général près la cour d'appel, dispensé de constituer avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, était en droit de signifier son mémoire par l'intermédiaire du procureur général près la Cour de cassation à l'avocat constitué par la partie adverse selon les dispositions propres aux significations entre avocats ;
Qu'ainsi la déchéance du pourvoi n'est pas encourue ;
Sur la première branche du moyen unique :
Attendu que le procureur général près la cour d'appel de Poitiers fait grief à l'arrêt d'avoir annulé la décision du conseil de l'Ordre et d'avoir ordonné l'inscription de Mme X... sur la liste du stage, alors, selon le moyen, que le bâtonnier ou son délégataire, chargé, hors du domaine disciplinaire, d'instruire une demande de dispense et d'inscription sur la liste du stage, ne dispose, aux termes des articles 17 de la loi du 31 décembre 1971 et 98 du décret du 27 novembre 1991, d'aucuns pouvoirs ou prérogatives propres, distincts de ceux qui appartiennent au conseil de l'Ordre, de sorte qu'aucune atteinte au principe posé par l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme ne peut résulter de sa participation aux débats et au délibéré ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant annulé la décision du conseil de l'Ordre et statué au fond, le moyen est sans portée ;
Mais sur la seconde branche du moyen :
Vu l'article 98, 3°, du décret du 27 novembre 1991 ;
Attendu que sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat les juristes d'entreprise justifiant de 8 ans au moins de pratique professionnelle au sein d'un service juridique d'une ou plusieurs entreprises ;
Attendu que, pour reconnaître à Mme X... la qualité de juriste d'entreprise, l'arrêt retient que celle-ci assume de façon autonome et organisée des attributions la plaçant de manière constante au coeur de la vie juridique de l'entreprise et rendues nécessaires par la taille de celle-ci, le nombre de ses collaborateurs et employés, la nature juridique de ses prestations, l'engagement de sa responsabilité civile, le recouvrement de ses créances, la mise en oeuvre de ses diverses obligations de nature contractuelle, administrative, fiscale ;
Qu'en se déterminant ainsi, tout en constatant que l'intéressée n'exerçait pas ses fonctions exclusivement dans un service spécialisé chargé dans l'entreprise des problèmes juridiques posés par l'activité de celle-ci, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile en appliquant la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juillet 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
REJETTE le recours formé par Mme X... contre la décision du conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Rochefort-sur-Mer du 1er décembre 1999 ;
Met les dépens exposés devant les juges du fond et la Cour de cassation à la charge de Mme X..., du Syndicat des avocats de France et du Syndicat des avocats de France employeurs ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en Chambre mixte, et prononcé par le premier président en son audience publique du six février deux mille quatre.
LE CONSEILLER RAPPORTEUR, LE PREMIER PRESIDENT,
LE GREFFIER EN CHEF,
Moyen produit par M. le procureur général près la cour d'appel de Poitiers.
MOYEN ANNEXE à l'arrêt n° 221 P / 2004 (Chambre mixte)
Moyen(s) de cassation pris de la violation des articles 17 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 98-3 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, défaut de motifs, manque de base légale ;
En ce que l'arrêt attaqué a annulé la délibération du conseil de l'Ordre en date du 1er décembre 1999 et, sur évocation, a prononcé l'inscription de Mme X... sur la liste du stage en lui reconnaissant la qualité de juriste d'entreprise.
Aux motifs que Mme X... était fondée à croire que sa cause n'avait pas été entendue par un tribunal indépendant et impartial, en raison de la présence du rapporteur lors des débats et du délibéré, et qu'elle avait bien assuré, parmi d'autres, les responsabilités d'une juriste d'entreprise en n'exerçant pas seulement ses activités au service des clients de la SELARL Combaud mais également et plus directement au service de la gestion même de celle-ci ;
Alors, d'une part, que le bâtonnier ou son délégataire, chargé, hors du domaine disciplinaire, d'instruire une demande de dispense et d'inscription sur la liste du stage, ne dispose, aux termes des articles 17 de la loi du 31 décembre 1971 et 98 du décret du 27 novembre 1991, d'aucuns pouvoirs ou prérogatives propres, distincts de ceux qui appartiennent au conseil de l'Ordre, de sorte qu'aucune atteinte au principe posé par l'article 6-1 de la CEDH ne peut résulter de sa participation aux débats et au délibéré ;
Et alors, d'autre part, qu'aux termes de l'article 98-3 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, le juriste d'entreprise doit, pour bénéficier des dispenses, avoir exercé pendant plus de huit ans au sein d'un service juridique spécialisé chargé, dans les entreprises, uniquement de l'étude et de la résolution des problèmes juridiques posés par les activités de celles-ci.
LE GREFFIER EN CHEF,