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20/02/2018 | CEDH | N°001-181259

CEDH | CEDH, AFFAIRE MEHMET GÜNAY ET GÜLLÜ GÜNAY c. TURQUIE, 2018, 001-181259


DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE MEHMET GÜNAY ET GÜLLÜ GÜNAY c. TURQUIE

(Requête no 52797/08)

ARRÊT

STRASBOURG

20 février 2018

DÉFINITIF

20/05/2018

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Mehmet Günay et Güllü Günay c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Robert Spano, président,
Ledi Bianku,
Işıl Karakaş,
Nebo

jša Vučinić,
Valeriu Griţco,
Jon Fridrik Kjølbro,
Stéphanie Mourou-Vikström, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré...

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE MEHMET GÜNAY ET GÜLLÜ GÜNAY c. TURQUIE

(Requête no 52797/08)

ARRÊT

STRASBOURG

20 février 2018

DÉFINITIF

20/05/2018

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Mehmet Günay et Güllü Günay c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Robert Spano, président,
Ledi Bianku,
Işıl Karakaş,
Nebojša Vučinić,
Valeriu Griţco,
Jon Fridrik Kjølbro,
Stéphanie Mourou-Vikström, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 30 janvier 2018,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 52797/08) dirigée contre la République de Turquie et dont deux ressortissants de cet État, M. Mehmet Günay et Mme Güllü Günay (« les requérants »), ont saisi la Cour le 13 octobre 2008 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Les requérants ont été représentés par Me T. Ürün, avocat à Ankara. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.

3. Les requérants se plaignaient d’une violation des articles 2 et 6 de la Convention en raison des circonstances entourant le décès de leur fille et de l’absence d’une réaction judiciaire adéquate.

4. Le 25 août 2011, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

5. Les requérants sont tous deux nés en 1969 et résident à Bartın.

6. Le 15 septembre 2000, à 10 h 30, la fille des requérants, Nilay Günay, alors âgée de 6 ans, subit une opération de tonsillectomie[1] à l’hôpital civil de Bartın. Elle se réveilla aux alentours de midi de l’anesthésie pratiquée pour l’opération. Dans les heures qui suivirent, elle vomit deux fois de suite, symptôme que les médecins considérèrent comme étant normal. Toutefois, durant la soirée du même jour, son état de santé se détériora et, à 21 h 50, elle souffrit de crises épileptiques. Malgré les diverses interventions effectuées par les médecins, ceux-ci constatèrent l’état de mort cérébrale de l’enfant.

7. Le lendemain, la fille des requérants fut transférée à l’hôpital pour enfants Hacettepe.

8. Le 24 septembre 2000, elle y décéda des suites d’un œdème cérébral.

9. Le 17 novembre 2000, les requérants formèrent un recours préalable d’indemnisation auprès du ministère de la Santé.

10. Le 5 décembre 2000, l’administration rejeta leur demande.

11. Dans le courant de l’année 2001, les requérants entamèrent une action en réparation devant le tribunal administratif de Zonguldak (« le tribunal administratif »), alléguant que leur fille était décédée en raison des erreurs, imprudences et négligences du médecin qui avait effectué l’opération et du médecin de garde. Ils réclamèrent 100 000 livres turques (TRY) au total au titre de leur préjudice matériel et moral, augmenté des intérêts moratoires commençant à courir à compter du jour du décès de leur fille.

12. Le 14 février 2002, le tribunal administratif ordonna une expertise auprès de l’institut médicolégal pour déterminer si le décès de la fille des requérants était dû aux négligences du personnel médical mis en cause par les requérants.

13. Le 1er octobre 2003, le conseil de spécialistes no 1 de l’institut médicolégal examina le dossier et consulta des spécialistes de la faculté de médecine de l’université d’Istanbul. Il rendit un rapport concluant que le décès de Nilay Günay résultait d’un œdème cérébral dont la cause n’avait pas pu être identifiée, survenu consécutivement à la tonsillectomie, et qu’il serait opportun de solliciter le conseil de spécialistes no 3 pour avis.

14. Le 23 février 2004, le conseil de spécialistes no 3 fut saisi du dossier et examina, entre autres, les quantités de substances anesthésiques administrées à la fille des requérants. Dans son rapport, il notait que la dose d’anesthésiant qui avait été administrée en l’espèce était supérieure de 10 g à la dose habituelle prévue pour un enfant du même âge et du même poids que l’intéressée, mais que celle-ci s’était tout de même réveillée progressivement autour de 11 heures, qu’elle était consciente et coopérative lors des contrôles effectués à 14 heures et à 16 heures, et que les crises épileptiques n’avaient commencé qu’à 21 h 50, alors que l’enfant n’était plus sous l’emprise desdites substances. Pour cette raison, le conseil de spécialistes no 3 estima que les substances anesthésiques n’étaient pas à l’origine du décès de la fille des requérants et conclut à l’absence de faute ou de négligence de la part des médecins mis en cause.

15. Le 5 mai 2004, le tribunal administratif, se fondant sur les conclusions des rapports susmentionnés, débouta les requérants de toutes leurs demandes.

16. Le 15 mai 2007 et le 24 mars 2008 respectivement, le Conseil d’État rejeta le pourvoi en cassation et le recours en rectification des requérants. Ce dernier arrêt fut notifié aux intéressés le 22 avril 2008.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 2 DE LA CONVENTION

17. Les requérants allèguent que les circonstances du décès de leur fille ont emporté violation de l’article 2 de la Convention et que la procédure devant les tribunaux internes n’a pas été à même d’identifier les responsables de son décès, en méconnaissance de l’article 13.

18. Le Gouvernement conteste cette thèse.

19. La Cour estime qu’il convient d’examiner sous l’angle des volets tant matériel que procédural de l’article 2 de la Convention les griefs ainsi formulés par les requérants, étant entendu que, maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause, elle n’est pas liée par celle que leur attribuent les requérants ou les gouvernements (Eugenia Lazăr c. Roumanie, no 32146/05, § 60, 16 février 2010). Dans sa partie pertinente en l’espèce, cette disposition se lit ainsi :

« 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. (...) »

1. Thèses des parties

20. Les requérants dénoncent les circonstances de décès de leur fille et réclament la reconnaissance et la réparation de la négligence médicale dont leur fille aurait été victime.

21. Le Gouvernement soutient que les tribunaux internes ont débouté les requérants en se fondant sur les expertises rendues dans le cadre de la procédure en réparation, lesquelles n’avaient révélé aucune négligence ou imprudence attribuable au personnel de santé mis en cause. Il explique que le rejet par les tribunaux de la demande de réparation des requérants était fondé sur le constat des spécialistes, qui avaient exclu toute erreur ou négligence attribuable au personnel hospitalier.

2. Appréciation de la Cour

a) Principes généraux

22. La Cour rappelle que la première phrase de l’article 2, qui se place parmi les articles primordiaux de la Convention en ce qu’il consacre l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques qui forment le Conseil de l’Europe (voir par exemple McCann et autres c. Royaume-Uni, 27 septembre 1995, § 147, série A no 324), impose à l’État l’obligation non seulement de s’abstenir de donner la mort « intentionnellement », mais aussi de prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de sa juridiction (L.C.B. c. Royaume-Uni, 9 juin 1998, § 36, Recueil des arrêts et décisions 1998‑III).

23. Elle rappelle également que les actes et omissions des autorités dans le cadre des politiques de santé publique peuvent, dans certaines circonstances, engager leur responsabilité sous l’angle du volet matériel de l’article 2. Toutefois, elle a déjà jugé que, dès lors qu’un État contractant a fait ce qu’il fallait pour assurer un haut niveau de compétence chez les professionnels de la santé et garantir la protection de la vie des patients, on ne peut admettre que des questions telles qu’une erreur de jugement de la part d’un professionnel de la santé ou une mauvaise coordination entre des professionnels de la santé dans le cadre du traitement d’un patient en particulier suffisent en elles-mêmes à obliger un État contractant à rendre des comptes en vertu de l’obligation positive de protéger le droit à la vie qui lui incombait aux termes de l’article 2 de la Convention (Lopes de Sousa Fernandes c. Portugal [GC], no 56080/13, § 168, CEDH 2017, Byrzykowski c. Pologne, no 11562/05, § 104, 27 juin 2006, et Eugenia Lazăr, précité, § 60).

24. Toutefois, l’obligation positive découlant de l’article 2 de la Convention impose aux États l’instauration d’un système judiciaire efficace et indépendant capable, en cas de décès d’un individu se trouvant sous la responsabilité de professionnels de la santé – qu’ils relèvent du secteur public ou du secteur privé – d’établir la cause du décès et d’obliger les responsables éventuels à répondre de leurs actes (Powell c. Royaume-Uni (déc.), no 45305/99, CEDH 2000-V, et Calvelli et Ciglio c. Italie [GC], no 32967/96, § 49, CEDH 2002‑I).

25. Si l’atteinte au droit à la vie ou à l’intégrité physique n’a pas été commise de manière volontaire, l’obligation procédurale découlant de l’article 2 de la Convention de mettre en place un système judiciaire efficace n’exige pas nécessairement dans tous les cas un recours de nature pénale (pour les principes y afférents, voir Calvelli et Ciglio, précité, § 51, Mastromatteo c. Italie [GC], no 37703/97, §§ 89 et 90, CEDH 2002‑VIII, Lazzarini et Ghiacci c. Italie (déc.), no 53749/00, 7 novembre 2002, et Vo c. France [GC], no 53924/00, § 90, CEDH 2004‑VIII).

b) Application de ces principes au cas d’espèce

26. En l’espèce, la Cour relève que la fille des requérants a subi une tonsillectomie avant de décéder des suites d’un œdème cérébral.

27. Elle note que, l’hôpital civil de Bartın étant un établissement public et les médecins mis en cause relevant de la fonction publique, la voie du contentieux administratif était donc à privilégier, seule ou conjointement avec un recours exercé devant les juridictions pénales (Calvelli et Ciglio, précité, § 51, et Karakoca c. Turquie, (déc.), no 46156/11, 21 mai 2013), sachant que, en l’occurrence, le versement par les autorités d’une somme « appropriée et suffisante » à titre de réparation du préjudice subi en raison de négligences médicales était susceptible d’emporter la perte de la qualité de victime de la violation alléguée de l’article 2 de la Convention, à condition que la décision adoptée à cet effet soit accompagnée d’une reconnaissance explicite, ou au moins en substance, de ladite violation (pour les principes y afférents, voir Scordino c. Italie (no 1) [GC], no 36813/97, §§ 178-192, CEDH 2006‑V, et Turgut c. Turquie (déc.), no 64625/11, §§ 42 à 45, 30 août 2016).

28. La Cour observe que, en l’espèce, les requérants n’ont usé que d’une seule voie de droit, à savoir la voie de réparation devant les juridictions administratives, et qu’ils ont réclamé 100 000 TRY pour préjudice matériel et moral en raison du décès de leur fille dû, à leurs yeux, aux négligences et imprudences du personnel de santé de l’hôpital civil de Bartın.

29. Elle note que, pour rejeter les prétentions des requérants, le tribunal administratif s’est fondé sur les rapports datés du 1er octobre 2003 et du 23 février 2004 émanant de l’institut médicolégal (paragraphes 12 et 13 ci‑dessus). Lesdits rapports expliquaient que la cause du décès de la fille des requérants n’était pas identifiable même si celui-ci était survenu consécutivement à la tonsillectomie qu’elle avait subie, et que les substances anesthésiques administrées n’étaient pas non plus à l’origine du décès. Ils concluaient à l’absence de faute ou de négligence imputables aux médecins mis en cause.

30. La Cour constate que les expertises médicales sur la question, rendues, comme les conclusions des juridictions nationales, de manière circonstanciée, ont exclu toute faute ou négligence médicale.

31. Elle rappelle qu’il ne lui appartient pas de remettre en cause les conclusions des expertises en se livrant à des conjectures, à partir des renseignements médicaux dont elle dispose, sur leur caractère correct d’un point de vue scientifique (Glass c. Royaume-Uni, no 61827/00, § 87, CEDH 2004‑II, Tysiąc c. Pologne, no 5410/03, § 119, CEDH 2007‑I, et Yardımcı c. Turquie, no 25266/05, § 59, 5 janvier 2010).

32. Il s’ensuit que le grief doit être rejeté pour défaut manifeste de fondement, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

33. Les requérants déplorent la durée de la procédure engagée devant les juridictions nationales, qu’ils jugent contraire aux exigences de l’article 6 § 1 de la Convention qui dispose en ses parties pertinentes :

Article 6 § 1

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

34. Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes et soutient que, lorsqu’il est question d’une méconnaissance du droit à un délai raisonnable de jugement, le droit interne offre aux justiciables la possibilité d’obtenir réparation du dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice par une action de plein contentieux devant les tribunaux administratifs.

35. À titre liminaire, la Cour observe que bien que le Gouvernement ait été appelé à répondre à la question de savoir si la durée de la procédure devant les tribunaux internes a emporté violation des articles 6 et 13 de la Convention, il ressort de l’examen du dossier que les requérants n’ont pas soulevé sur ce point l’article 13, même en substance. Il s’ensuit qu’aucune question ne se pose sous l’angle de cette disposition. La Cour examinera donc ce grief uniquement sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention.

36. Elle rappelle avoir déjà conclu à l’absence en droit interne, à l’époque pertinente, d’un recours qui eût permis à un requérant d’obtenir la sanction de son droit à voir sa cause entendue dans un délai raisonnable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention (Daneshpayeh c. Turquie, no 21086/04, § 37, 16 juillet 2009, et Ümmühan Kaplan c. Turquie, no 24240/07, § 58, 20 mars 2012). Elle ne voit aucune raison de s’écarter de ce raisonnement en l’espèce et estime que cette exception du Gouvernement ne saurait être retenue.

37. Par ailleurs, la Cour rappelle qu’un nouveau recours en indemnisation concernant les griefs relatifs à la longueur des procédures a été instauré en Turquie à la suite de l’application de la procédure de l’arrêt pilote dans l’affaire Ümmühan Kaplan (précitée). Elle a considéré que ce nouveau recours était a priori accessible et susceptible d’offrir des perspectives raisonnables de redressement des griefs relatifs à la durée de la procédure, avant de déclarer irrecevable un tel grief (Turgut et autres c. Turquie (déc.), no 4860/09, 26 mars 2013).

38. La Cour rappelle toutefois que, dans son arrêt pilote Ümmühan Kaplan, elle a précisé notamment qu’elle pourrait poursuivre, par la voie de la procédure normale, l’examen des griefs similaires déjà communiqués au Gouvernement.

39. À lumière de ce qui précède, la Cour décide de poursuivre l’examen du grief relatif à la durée de la procédure d’indemnisation dans la présente requête. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, elle le déclare recevable.

40. La Cour relève que, en l’espèce, la procédure administrative a débuté par une demande préalable d’indemnisation introduite devant l’administration le 17 novembre 2000 pour se terminer le 24 mars 2008 (paragraphes 8 et 15 ci-dessus).

41. Le Gouvernement soutient que les juridictions ont été saisies pour statuer sur les circonstances du décès d’un individu et que le prolongement des délais était dû à la complexité de l’affaire et à la nécessité d’exiger des expertises, et qu’il n’y avait eu aucune période d’inactivité injustifiée. Il estime que, partant, la durée de la procédure n’était pas imputable à l’autorité judiciaire.

42. La Cour ne saurait retenir l’argument du Gouvernement dans la mesure où elle observe des longs délais d’attente dans la procédure, notamment, un délai d’attente de plus de dix-neuf mois jusqu’à ce que le premier rapport d’expertise ait été rendu par le conseil de spécialistes no 1 de l’institut médicolégal (voir paragraphes 12 et 13 ci-dessus). Elle constate aussi que consécutivement au pourvoi en cassation, un délai de presque quatre ans s’était écoulé avant que l’affaire n’ait été jugée par le Conseil d’État (voir paragraphes 15 et 16 ci-dessus).

43. Aux yeux de la Cour, ces délais excessifs de la procédure juridictionnelle administrative pour statuer sur la demande d’indemnisation des requérants ne s’expliquent ni par la complexité de l’affaire ni par le comportement des requérants. La Cour ne saurait admettre qu’une procédure engagée à des fins d’indemnisation puisse durer aussi longtemps en droit interne (Oyal c. Turquie, no 4864/05, §§ 74 à 76, 23 mars 2010).

44. En l’occurrence, elle estime que cette durée d’environ 7 ans et 4 mois ne répond pas à l’exigence du délai raisonnable (voir, entre autres, Kalender c. Turquie, no 4314/02, §§ 63 à 66, 15 décembre 2009, Yardımcı, précité, §§ 47 et 52, et Akdemir et Evin c. Turquie, nos 58255/08 et 29725/09, §§ 74 et 75, 17 mars 2015).

45. Partant, et au vu des conclusions ci-dessus auxquelles elle est parvenue, la Cour estime qu’il y a eu en l’espèce violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

46. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

47. Les requérants réclament 100 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’ils estiment avoir subi.

48. Le Gouvernement considère que cette somme est excessive et invite la Cour à rejeter les prétentions des requérants.

49. La Cour admet que la violation de l’article 6 § 1 a causé aux requérants un préjudice moral certain que le simple constat de violation ne suffit pas à compenser. Dès lors, statuant en équité, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer conjointement aux intéressés la somme de 3 000 EUR pour dommage moral.

B. Frais et dépens

50. Les requérants demandent également 5 000 EUR pour les frais et dépens qu’ils disent avoir engagés devant les juridictions internes et devant la Cour.

51. Le Gouvernement conteste cette somme.

52. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, cette somme correspond aux frais de la procédure engagée devant les tribunaux internes et pour laquelle ils présentent un certain nombre de justificatifs. Compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 1 000 EUR tous frais confondus et l’accorde conjointement aux requérants.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare recevable le grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention pour autant qu’il concerne la durée de la procédure et irrecevable le restant de la requête ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention en raison de la durée de la procédure devant les tribunaux administratifs ;

3. Dit

a) que l’État défendeur doit verser conjointement aux requérants, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement :

i. 3 000 EUR (trois mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

ii. 1 000 EUR (mille euros), plus tout montant pouvant être dû par les requérants à titre d’impôt, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 20 février 2018, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Stanley NaismithRobert Spano
GreffierPrésident

* * *

[1]. Ablation chirurgicale des amygdales palatines.


Synthèse
Formation : Cour (deuxiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-181259
Date de la décision : 20/02/2018
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 6 - Droit à un procès équitable (Article 6 - Procédure administrative;Article 6-1 - Délai raisonnable)

Parties
Demandeurs : MEHMET GÜNAY ET GÜLLÜ GÜNAY
Défendeurs : TURQUIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : ÜRÜN T.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

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