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30/08/2016 | CEDH | N°001-166044

CEDH | CEDH, AFFAIRE NASRETTİN ASLAN ET ZEKİ ASLAN c. TURQUIE, 2016, 001-166044


DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE NASRETTİN ASLAN ET ZEKİ ASLAN c. TURQUIE

(Requête no 17850/11)

ARRÊT

STRASBOURG

30 août 2016

DÉFINITIF

30/11/2016

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Nasrettin Aslan et Zeki Aslan c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Julia Laffranque, présidente,
Işıl Karakaş,
Nebojša Vučinić, <

br>Paul Lemmens,
Ksenija Turković,
Jon Fridrik Kjølbro,
Stéphanie Mourou-Vikström, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir...

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE NASRETTİN ASLAN ET ZEKİ ASLAN c. TURQUIE

(Requête no 17850/11)

ARRÊT

STRASBOURG

30 août 2016

DÉFINITIF

30/11/2016

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Nasrettin Aslan et Zeki Aslan c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Julia Laffranque, présidente,
Işıl Karakaş,
Nebojša Vučinić,
Paul Lemmens,
Ksenija Turković,
Jon Fridrik Kjølbro,
Stéphanie Mourou-Vikström, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 28 juin 2016,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 17850/11) dirigée contre la République de Turquie et dont deux ressortissants de cet État, MM. Nasrettin Aslan et Zeki Aslan (« les requérants »), ont saisi la Cour le 25 décembre 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Les requérants ont été représentés par Me F. Timur, avocat à Hakkâri. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.

3. Les requérants allèguent en particulier une violation de l’article 3 de la Convention.

4. Le 14 novembre 2012, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

5. Les requérants, M. Nasrettin Aslan et M. Zeki Aslan, sont des ressortissants turcs, d’origine kurde, nés respectivement en 1973 et en 1987 et résidant à Hakkâri.

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

6. Le 4 juin 2010 vers 13 heures, le BDP (Barış ve Demokrasi Partisi . Parti pour la paix et la démocratie), un parti pro-kurde, organisa une manifestation devant la mairie de Hakkâri. À l’issue de la manifestation, les participants se dispersèrent et des incidents eurent lieu.

A. L’altercation survenue entre les policiers et les requérants

1. La version des faits donnée par les requérants

7. Les requérants affirment que, le jour de l’incident, Nasrettin Aslan se rendit au domicile de son neveu, situé près des logements de la police, dans le centre-ville de Hakkâri, pour l’emmener à l’hôpital. Ils soutiennent que, à l’arrivée de Nasrettin Aslan devant l’immeuble, un véhicule de police surgit et que les policiers qui en descendirent le menacèrent en lui demandant de surveiller ses enfants. Nasrettin Aslan leur aurait répondu que les enfants qui avaient jeté des pierres sur les policiers n’étaient pas les siens. Les fonctionnaires de police s’en seraient alors pris à lui. La famille de Nasrettin Aslan serait intervenue pour les séparer en expliquant que leur parent était atteint d’une grave maladie. Les requérants expliquent que, au même moment, Zeki Aslan, le frère de Nasrettin Aslan, qui était en train de dormir, se réveilla et tenta lui aussi de s’interposer. Les policiers l’auraient également frappé puis auraient brutalisé les requérants au moment de les faire monter à bord de leur véhicule et pendant le trajet jusqu’à la direction de la sûreté.

2. La version des faits donnée par les autorités nationales

8. Le procès-verbal d’arrestation du 4 juin 2010 établi par la police à 16 h 10 indiquait ce qui suit : en raison de la présence d’un groupe de personnes qui jetait des pierres sur les logements de la police, situés dans le quartier de Gazi, des policiers s’étaient rendus sur les lieux de l’incident à la suite d’une demande de renfort ; le groupe d’une dizaine de personnes qui jetait des pierres avait pris la fuite et s’était réfugié dans les immeubles aux alentours ; alors que les policiers allaient interroger les habitants du quartier au sujet de ce groupe d’individus, un autre groupe, composé d’une cinquantaine de personnes munies de bâtons et de pierres, avait encerclé un policier en l’injuriant, avant de s’en prendre à un véhicule de police et de casser son rétroviseur gauche ; d’autres policiers étaient venus en renfort et le groupe d’une cinquantaine de personnes s’était dispersé dans les rues adjacentes. Le procès-verbal précisait que Nasrettin Aslan et Zeki Aslan avaient été arrêtés alors qu’ils s’en prenaient physiquement (mukavemette) aux policiers et les empoignaient (boğuşarak) et que ces derniers avaient alors recouru à une force suffisante et proportionnée pour les immobiliser.

9. À la suite de l’arrestation des requérants, le procureur de la République de garde ordonna aux policiers de les placer en garde à vue, de les faire examiner par un médecin puis de les remettre à la direction centrale du commissariat afin de faire le nécessaire pour les poursuivre du chef de voie de fait à l’encontre de fonctionnaires en service.

B. La garde à vue des requérants

1. L’audition des requérants

10. Le 4 juin 2010 à 18 h 55, la police procéda à l’audition de Nasrettin Aslan en l’absence d’un avocat. Nasrettin Aslan déclara que le même jour, vers 14 h 30, il s’était rendu en voiture au domicile de son neveu, qui habitait derrière les logements de la police, pour l’emmener à l’hôpital. Il expliqua que, à son arrivée, un fourgon de police s’était approché de lui et qu’un policier s’en était pris à lui en lui disant de surveiller ses enfants. Il lui aurait répondu qu’il n’était pas le père des enfants en question et que les vitres de sa maison et de son véhicule avaient aussi été brisées par des jets de pierre. Il ajouta que, lorsqu’il avait dit au policier que les forces de l’ordre avaient pénétré dans le domicile de son père en utilisant une arme, l’agent en question lui avait donné un coup de poing. Il déclara que son frère, Zeki Aslan, qui se trouvait à côté de lui, s’était alors adressé au policier pour lui demander de ne pas le frapper, et que sa famille était intervenue pour empêcher l’agent de le brutaliser. Il indiqua que les policiers les avaient ensuite injuriés, son frère et lui, et les avaient fait monter à bord du fourgon en leur maintenant les mains dans le dos. Une fois à bord du véhicule, les policiers les auraient frappés jusqu’à leur arrivée à la direction de la sûreté. Il ajouta que son frère et lui n’avaient subi aucun mauvais traitement dans les locaux de la direction de la sûreté et que, par la suite, il avait été examiné par un médecin.

11. Le 4 juin 2010 à 19 h 30, Zeki Aslan fut à son tour entendu par la police, sans la présence d’un avocat. Il déclara que, le jour de l’incident, il avait entendu des cris depuis son domicile et avait vu que son frère Nasrettin Aslan et trois policiers se battaient. Il expliqua qu’il avait voulu s’interposer entre son frère et les trois agents, mais que ces derniers l’avaient frappé. Il déclara que sa mère était elle aussi sortie de la maison, qu’elle avait dit quelque chose en kurde et que le policier lui avait alors pointé son arme sur la tête. Il ajouta que les policiers l’avaient ensuite fait monter avec son frère à bord du véhicule de police en lui maintenant les mains dans le dos. Il aurait été frappé avec un bâton dans le véhicule pendant le transport ainsi que devant la direction de la sûreté. Il indiqua qu’il n’avait pas reçu de coups dans les locaux de la direction de la sûreté, mais qu’il avait fait l’objet de menaces. Par la suite, il aurait été examiné par un médecin.

2. L’examen médical des requérants

12. Le rapport médical établi le 4 juin 2010 à 17 h 51 indique que Nasrettin Aslan avait une rougeur au niveau de l’œil droit, une ecchymose sur le genou gauche et une ecchymose de 3 x 4 cm sur le poignet gauche (le reste du rapport est illisible).

13. Le rapport médical rendu le 5 juin 2010 à 11 h 46 indique que Zeki Aslan présentait des ecchymoses diffuses sur le ventre (le reste du rapport est illisible).

3. L’audition des policiers impliqués dans l’incident litigieux

14. Le 4 juin 2010, le policier H.Y. fut entendu par la police. Il réitéra le contenu du procès-verbal d’arrestation du 4 juin 2010 et précisa qu’il avait arrêté les requérants – qui, selon lui, faisaient partie d’un groupe de personnes qui avaient attaqué les policiers avec des bâtons et leur avaient jeté des pierres – au terme d’une course-poursuite, en utilisant à leur égard une force proportionnée. À l’intérieur du véhicule de police, les requérants se seraient jetés contre les parois blindées et ses collègues n’auraient pas réussi à les en empêcher. Le policier fit valoir que ses collègues et lui avaient été frappés par les femmes qui se trouvaient sur les lieux de l’incident. Il expliqua qu’il avait amené les requérants chez le médecin avant de les conduire à la direction de la sûreté. Par ailleurs, il indiqua qu’il avait pris soin de Nasrettin Aslan, car sa famille lui avait dit qu’il n’était pas en bonne santé (rahatsız). Il ajouta qu’il n’avait pas frappé le requérant pendant sa garde à vue ni après celle-ci.

15. Le même jour, le policier O.Y. fut entendu par la police. Il confirma le contenu du procès-verbal du 4 juin 2010 ainsi que la déposition de son collègue H.Y. et déclara que Zeki Aslan lui avait porté un coup avec une barre de fer au mollet gauche, ce qui l’avait fait tomber sur un genou, provoquant une enflure et une douleur. Il ajouta que ses collègues et lui avaient ensuite recouru à une force suffisante et proportionnée pour arrêter les requérants.

16. Toujours le même jour, le policier T.C. fut entendu par la police. Il réitéra le contenu du procès-verbal du 4 juin 2010, confirma les dépositions de ses collègues H.Y. et O.Y. et indiqua en outre que les requérants avaient été arrêtés au terme d’une course-poursuite en faisant usage d’une force suffisante et proportionnée.

C. La plainte pénale engagée contre les policiers pour mauvais traitements

17. À la suite d’une plainte déposée par les requérants, le 5 juin 2010, Zeki Aslan fut entendu par le procureur de la République. Il réitéra le contenu de sa précédente déposition.

18. Le 11 juin 2010, le procureur de la République de Hakkâri rendit une décision de non-lieu. Il y affirmait, en particulier :

– que, le jour de l’incident, après la manifestation, un groupe de participants s’était dispersé dans le centre de Hakkâri et avait jeté des pierres sur les logements de la police ;

– qu’un groupe d’une cinquantaine de personnes avait attaqué les fonctionnaires de police avec des pierres et des bâtons, les avait injuriés et avait endommagé leur véhicule ; que le groupe de policiers présent sur les lieux avait demandé du renfort ; que les manifestants s’étaient dispersés en courant dans les rues adjacentes, et que, à ce moment-là, Nasrettin Aslan et Zeki Aslan avaient pris part aux événements et avaient été arrêtés par la police ;

– que, dans leurs dépositions, les requérants avaient déclaré que les policiers les avaient frappés et injuriés ;

– qu’il ressort des rapports médicaux provisoires que les policiers et les requérants avaient des traces de coups et de violences sur le corps ;

– que, dans leurs dépositions, les policiers avaient catégoriquement nié avoir frappé les requérants et avoir commis des actes contraires à la loi ; ils exposaient que, au contraire, les requérants les avaient attaqués, et que, ceux-ci ayant résisté lors de leur arrestation, ils avaient fait usage d’une force raisonnable et proportionnée à leur encontre ; que les requérants avaient été conduits dans le véhicule blindé de la police où ils s’étaient infligé des blessures tandis que les policiers essayaient de les en empêcher ;

19. Le procureur concluait que, même si des traces de coups et de violences avaient été relevées sur le corps des requérants et que ceux-ci avaient soutenu avoir été frappés par les policiers, il n’y avait pas lieu de poursuivre ces derniers puisque :

– les forces de l’ordre s’étaient rendues sur les lieux de l’incident en raison de jets de pierres sur les logements de la police ;

– elles avaient été attaquées par un groupe important d’individus, dont les requérants faisaient partie ;

– lors de leur arrestation, les requérants leur avaient résisté et elles avaient alors recouru à la force ;

– les fonctionnaires de police avaient nié les accusations portées à leur encontre.

Le procureur ajoutait qu’il était habituel que, dans ce type de situation, les personnes arrêtées portent plainte contre les policiers et que, par ailleurs, aucun élément de preuve ne confirmait les allégations abstraites des requérants.

20. Le 25 juin 2010, les requérants contestèrent cette décision devant le président de la cour d’assises de Van. Ils soulevèrent les manquements suivants :

– l’absence d’audition des témoins de l’incident et des voisins ou des commerçants des alentours ;

– le défaut de reconstitution des faits ;

– l’absence de visionnage des enregistrements des caméras de vidéosurveillance alors que l’incident avait eu lieu en centre-ville.

21. Le 8 juillet 2010, le président de la cour d’assises de Van confirma la décision de non-lieu du 11 juin 2010.

D. L’action pénale engagée contre les requérants pour voie de fait à l’encontre de fonctionnaires en service et destruction de biens publics

22. Le 11 juin 2010, le procureur de la République de Hakkâri intenta une action pénale contre les requérants pour voie de fait à l’encontre de fonctionnaires et destruction de biens publics devant le tribunal correctionnel de Hakkâri.

23. Le 16 septembre 2010, le tribunal correctionnel de Hakkâri entendit Nasrettin Aslan. Ce dernier contesta les faits qui lui étaient reprochés. Il expliqua que, le jour de l’incident, on l’avait appelé en l’informant que son neveu s’était brûlé la jambe : il s’était rendu chez celui-ci pour l’emmener à l’hôpital. Il indiqua qu’un fourgon de police et trois policiers étaient arrivés devant le domicile de sa famille et que l’un des agents l’avait menacé en lui disant de s’occuper de ses enfants. Il déclara avoir répondu qu’il n’était pas le père des enfants en question et que son véhicule avait également été endommagé par des jets de pierre. Il expliqua que le policier lui avait donné un coup de poing à l’œil, qu’une altercation s’en était suivie et que les trois policiers s’en étaient pris à lui. Il affirma que les membres de sa famille avaient informé les policiers qu’il souffrait d’une maladie des reins. Il signala que Zeki Aslan, qui dormait, s’était alors réveillé et était intervenu. Selon lui, les policiers les avaient tous deux fait monter à bord du fourgon pour les emmener à la direction de la sûreté et les avaient injuriés dans le véhicule. Il déclara qu’il n’avait pas été maltraité dans les locaux de la direction de la sûreté, mais que Zeki Aslan y avait été frappé, car il l’avait entendu crier. Il ajouta qu’il n’avait pas participé à la manifestation organisée par le BDP et qu’il n’avait pas résisté aux policiers ni endommagé de véhicules.

24. Toujours lors de l’audience du 16 septembre 2010, Zeki Aslan fut entendu. Il contesta les faits qui lui étaient reprochés. Il expliqua qu’il était en train de dormir lorsqu’il avait entendu des cris et vu que des policiers étaient en train de frapper Nasrettin Aslan. Il indiqua qu’il avait dit aux policiers que son frère avait une maladie des reins. Selon lui, les policiers avaient alors arrêté de frapper son frère et s’en étaient pris à lui. Il ajouta que son frère et lui avaient été conduits à bord du véhicule de police pour être emmenés à la direction de la sûreté. Il déclara y avoir été frappé à coups de matraque et que, à leur arrivée à destination, trois autres policiers l’avaient également frappé. Il assura qu’il n’était plus en état de marcher. Il contesta avoir participé à la manifestation organisée par le BDP, commis des actes de violence à l’égard des policiers et endommagé leur véhicule. Il ajouta qu’il était intervenu pour séparer son frère des policiers qui le frappaient.

25. Lors de l’audience du 9 décembre 2010, le tribunal correctionnel de Hakkâri entendit A.A., M.A. et H.A., les proches des requérants. Ils confirmèrent la version des faits donnée par les requérants.

26. Par un jugement du 20 décembre 2011, le tribunal correctionnel de Hakkâri constata l’extinction de l’action publique contre les requérants du chef de destruction de biens publics. Il condamna cependant du chef de voie de fait à l’encontre d’un agent pendant l’exercice de ses fonctions :

– Zeki Aslan à une peine d’emprisonnement de huit mois et vingt‑deux jours qu’il commua en une amende pénale de 5 240 livres turques (TRY – environ 2 087 euros (EUR)) ;

– Nasrettin Aslan à une peine d’emprisonnement de huit mois et vingt‑deux jours qu’il réduisit à sept mois et huit jours en prenant en compte le comportement du requérant pendant la procédure de jugement. Sur le fondement de l’article 231 § 6 du code de procédure pénale, le tribunal correctionnel sursit au prononcé du jugement (hükmün açıklanmasının geri bırakılması) rendu à l’encontre de Nasrettin Aslan et ordonna le placement de celui-ci sous contrôle judiciaire pendant cinq ans.

27. Après avoir auditionné les témoins oculaires, les policiers et les requérants et pris en considération les différents rapports médicaux ainsi que les procès-verbaux d’arrestation, le tribunal correctionnel considéra dans ses attendus que les requérants faisaient partie du groupe d’une cinquantaine d’individus qui avaient attaqué les policiers avec des bâtons et des pierres ; que les requérants avaient été arrêtés au terme d’une course-poursuite par les policiers qui avaient utilisé à cette fin une force proportionnée par rapport à leur comportement ; que les requérants avaient empêché les policiers d’exercer leur fonction et les avaient blessés ; que les témoignages en faveur des requérants n’avaient pas été considérés comme probants au motif qu’ils provenaient de membres de la famille des requérants.

28. Par un arrêt du 7 février 2013, la Cour de cassation infirma le jugement du tribunal correctionnel de Hakkâri en ce qu’il avait conclu à l’extinction de l’action publique contre les requérants du chef de destruction de biens publics. La Cour de cassation renvoya l’affaire devant le même tribunal pour un nouvel examen sur ce point.

29. Par un jugement du 18 juin 2013, le tribunal correctionnel de Hakkâri condamna Zeki Aslan et Nasrettin Aslan à un an d’emprisonnement du chef de destruction des biens publics puis convertit cette peine en une amende pénale.

30. Le 21 juin 2013, les requérants formèrent un pourvoi devant la Cour de cassation contre ce jugement.

31. La procédure est toujours pendante devant la Cour de cassation.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

32. Les requérants allèguent avoir subi des violences policières en raison de leur origine ethnique lors de leur arrestation ainsi que dans le véhicule qui les avait conduits à la direction de la sûreté. Ils se plaignent également de l’insuffisance de l’enquête menée par le procureur de la République. Ils invoquent les articles 3, 5, 6, 13 et 14 de la Convention.

33. Eu égard à la formulation et au contenu des griefs des requérants, la Cour décide de les examiner uniquement sous l’angle de l’article 3 de la Convention, ainsi libellé :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

34. Le Gouvernement combat cette thèse.

A. Sur la recevabilité

35. Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Sur le volet matériel de l’article 3 de la Convention

a. Thèses des parties

36. Les requérants réitèrent leurs allégations (paragraphe 32 ci-dessus).

37. Le Gouvernement, au sujet des allégations des requérants relatives aux mauvais traitements qu’ils auraient subis lors de leur arrestation, indique que, selon le procès-verbal daté du 4 juin 2010, les agents de police s’étaient rendus sur les lieux de l’incident, car un groupe d’individus était en train de jeter des pierres sur un immeuble où résidaient des policiers. Puis, ce groupe se serait dispersé dans les bâtiments se trouvant aux alentours. Les policiers auraient essayé d’obtenir des informations en interrogeant les habitants du quartier. À ce moment-là, un groupe d’une cinquantaine d’individus aurait commencé à les attaquer avec des pierres et des bâtons. Ce groupe se serait dispersé lors de l’arrivée des renforts de police. Les requérants, qui auraient fait partie du groupe en question, auraient alors été arrêtés. Lors de leur arrestation, les requérants auraient résisté aux policiers et les auraient attaqués. Le Gouvernement indique que c’est la raison pour laquelle les policiers avaient dû recourir à la force pour arrêter les requérants. Il fait valoir que la force utilisée contre les requérants était proportionnée au comportement de ces derniers. De plus, il déclare que les forces de l’ordre ont également été blessées au cours de cette attaque et de l’altercation qui s’en est suivie avec les requérants. Enfin, il explique que les blessures mentionnées dans les rapports médicaux des requérants résultent de l’usage de la force utilisé par la police pour les maîtriser alors qu’ils leur résistaient.

38. En ce qui concerne les allégations des requérants selon lesquelles ils avaient subi des mauvais traitements à l’intérieur du véhicule qui les avait conduits à la direction de la sûreté, le Gouvernement observe qu’il ressort de la déposition de Nasrettin Aslan devant le tribunal qu’il n’a pas réitéré cette allégation. Il estime donc qu’elle ne doit pas être prise en considération. À cet égard, le Gouvernement fait valoir qu’une partie des blessures constatées sur le corps des requérants résultent de leur propre fait puisqu’ils se les seraient infligées eux-mêmes à l’intérieur du véhicule. Par ailleurs, le Gouvernement conteste l’argument des requérants selon lequel les policiers les auraient tenus pour responsables des voies de fait dont se seraient rendus coupables d’autres individus. Il insiste sur la présence des requérants parmi le groupe d’individus qui s’en était pris aux policiers avec des pierres et des bâtons.

b. Appréciation de la Cour

39. La Cour rappelle que les allégations de mauvais traitements contraires à l’article 3 doivent être étayées par des éléments de preuve appropriés. Pour l’établissement des faits allégués, la Cour se sert du critère de la preuve « au-delà de tout doute raisonnable », une telle preuve pouvant néanmoins résulter d’un faisceau d’indices, ou de présomptions non réfutées, suffisamment graves, précis et concordants (voir, notamment, Irlande c. Royaume-Uni, 18 janvier 1978, § 161 in fine, série A no 25, et, en dernier lieu, Bouyid c. Belgique [GC], no 23380/09, § 82, CEDH 2015).

40. La Cour rappelle également que l’article 3 de la Convention ne prohibe pas le recours à la force par les agents de police lors d’une interpellation. Néanmoins, le recours à la force doit être proportionné et absolument nécessaire au vu des circonstances de l’espèce. À cet égard, il importe par exemple de savoir s’il y a lieu de penser que l’intéressé opposera une résistance à l’arrestation, ou tentera de fuir, de provoquer des blessures ou dommages, ou de supprimer des preuves (Alexey Petrov c. Bulgarie, no 30336/10, § 51, 31 mars 2016).

41. La Cour a déjà admis que, en présence d’une résistance physique ou d’un risque de comportements violents de la part de personnes contrôlées, une forme de contrainte de la part des forces de l’ordre était justifiée (voir, parmi d’autres, Klaas c. Allemagne, 22 septembre 1993, § 30, série A no 269, et Sarigiannis c. Italie, no 14569/05, § 61, 5 avril 2011). Elle est parvenue aux mêmes conclusions dans des cas de « résistance passive » à une interpellation (Milan c. France, no 7549/03, § 59, 24 janvier 2008), de tentative de fuite face à la force publique (Caloc c. France, no 33951/96, §§ 100-101, CEDH 2000‑IX) ou de refus de fouille de la part d’un détenu (Borodin c. Russie, no 41867/04, §§ 119-121, 6 novembre 2012). Dans ce type de situations, il appartient alors à la Cour de rechercher si la force utilisée était proportionnée au but poursuivi. À cet égard, la Cour attache une importance particulière aux blessures qui ont été occasionnées aux personnes visées par l’intervention et aux circonstances précises dans lesquelles elles l’ont été (voir, parmi d’autres, Klaas, précité, §§ 26-30, Rehbock c. Slovénie, no 29462/95, § 72, CEDH 2000‑XII, R.L. et M.-J.D. c. France, no 44568/98, § 68, 19 mai 2004, et Perrillat-Bottonet c. Suisse, no 66773/13, § 41, 20 novembre 2014).

42. En l’espèce, la Cour relève que les versions respectives des parties diffèrent sur la manière dont les lésions constatées sur les corps des requérants sont survenues. Le Gouvernement, se fondant sur l’enquête pénale menée par le procureur de la République ainsi que sur le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Hakkâri, en attribue la cause à la présence des requérants dans le groupe d’une cinquantaine d’individus qui avait attaqué les policiers au moyen de bâtons et de pierres. Quant aux requérants, ils soutiennent que les blessures constatées sur leur corps avaient pour origine les coups portés par les policiers.

43. Toutefois, la Cour note d’emblée qu’il existe certains éléments matériels incontestés de nature à lui permettre de déterminer si la force utilisée était, en l’occurrence, proportionnée. À cet égard, elle relève que, le jour de faits, une manifestation s’est déroulée dans le centre-ville de Hakkâri. Les policiers impliqués n’ont pas nié avoir porté des coups aux requérants. Ces derniers soutiennent avoir utilisé une force proportionnée par rapport aux comportements des requérants. Enfin, les requérants ne soutiennent pas que les policiers impliqués ou tout autre agent de police les auraient frappés dans les locaux du commissariat de police.

44. Cela étant, la Cour note que, en l’espèce, les requérants se plaignent uniquement des mauvais traitements qu’ils auraient subis de la part des policiers lors de leur arrestation et dans le véhicule de police pendant leur trajet jusqu’à la direction de la sûreté. Elle relève que, selon les constatations du procureur de la République, les requérants ont été arrêtés par les policiers après une course-poursuite et qu’ils faisaient partie du groupe d’une cinquantaine d’individus qui avait attaqué les policiers avec des bâtons et des pierres. En outre, elle note qu’il ressort des éléments du dossier ainsi que des conclusions du procureur de la République que le véhicule des policiers ayant procédé à l’arrestation des requérants ainsi que d’autres biens publics ont été endommagés (paragraphes 17 et 18 ci-dessous). Elle considère que, dans ce contexte, les policiers ont eux aussi été contraints d’utiliser une certaine force pour arrêter les auteurs de ces actes et assurer l’ordre public.

45. La Cour constate en outre qu’une altercation a éclaté entre les policiers en cause et les requérants. En tout état de cause, à la lumière des documents versés au dossier et de l’enquête menée par le procureur de la République, elle note que les requérants, mais aussi les trois policiers impliqués dans l’incident litigieux, présentaient des blessures. À cet égard, la Cour relève d’abord que les requérants ont été jugés coupables par le tribunal correctionnel de Hakkâri respectivement de voie de fait à l’encontre de fonctionnaires en service et de destruction de biens publics. Même si les constatations des tribunaux internes ne lient pas la Cour, il lui faut néanmoins d’habitude des éléments convaincants pour pouvoir s’écarter des observations auxquelles ils sont parvenus. C’est pourquoi, même si la Cour n’est pas en mesure de procéder à sa propre appréciation quant à la survenance exacte des faits à l’origine de l’arrestation des requérants, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’espèce et en particulier de la procédure interne menée par le tribunal correctionnel de Hakkâri (paragraphe 25 et 26 ci-dessus), il ne fait pas de doute que les requérants s’en sont pris physiquement aux policiers ou ont fait preuve d’un comportement violent vis-à-vis de ceux-ci.

46. Par ailleurs, la Cour rappelle que le tribunal correctionnel de Hakkâri a établi que les requérants faisaient partie d’un groupe d’une cinquantaine d’individus qui avaient attaqué les policiers avec des bâtons et des pierres et qu’ils avaient aussi endommagé des biens publics et en particulier un véhicule de police. Elle réitère que lorsqu’il y a eu une procédure interne, il n’entre toutefois pas dans les attributions de la Cour de substituer sa propre vision des choses à celle des cours et tribunaux internes, auxquels il appartient en principe de peser les données recueillies par eux (Gäfgen c. Allemagne [GC], no 22978/05, § 93, CEDH 2010). En l’occurrence, la Cour ne dispose pas d’éléments convaincants pour pouvoir s’écarter des constatations auxquelles le tribunal correctionnel de Hakkâri est parvenu.

47. Partant, à la lumière des faits de l’espèce, des documents versés au dossier et des actes de violence commis de la part des manifestants, y compris les requérants, la Cour n’aperçoit pas d’éléments susceptibles de l’amener à douter de l’origine des lésions relevées sur les corps des requérants et survenues lors de leur arrestation opérée à la suite de l’incident litigieux. La Cour note que le rapport médical établi suite à l’examen des requérants lors de leur placement en garde à vue, c’est-à-dire après l’incident litigieux, fait état de lésions qui peuvent être considérées comme consécutives à la force employée par les policiers pour les arrêter dans un contexte où une cinquantaine de manifestants, armés de bâtons et de pierres, s’en étaient pris à aux forces de l’ordre.

48. Au regard des circonstances qui viennent d’être rappelées et prenant en considération le contexte dans lequel la manifestation s’était déroulée, la Cour conclut qu’il n’est pas établi au-delà de tout doute raisonnable que les lésions relevées sur le corps des requérants ont résulté de l’utilisation d’une force excessive de la part des policiers par rapport aux actions menées par les requérants à l’encontre des policiers.

49. Il s’ensuit qu’il n’y a pas eu violation du volet matériel de l’article 3 de la Convention.

2. Sur le volet procédural de l’article 3 de la Convention

a. Thèses des parties

50. Les requérants réitèrent leurs allégations (paragraphe 50 ci-dessus).

51. Le Gouvernement rappelle qu’une enquête a été menée par le procureur de la République de Hakkâri et que ce dernier a ordonné l’examen médical des requérants à 17 h 51 alors que l’incident avait eu lieu aux environs de 16 heures. Le Gouvernement conteste l’allégation des requérants selon laquelle ils auraient été présentés tardivement à un médecin. Il indique que le procureur de la République a recueilli les dépositions des requérants et des policiers et qu’il a également pris en considération les rapports médicaux établis aux noms des policiers et des requérants. Selon le Gouvernement, les requérants ont pu avoir accès aux pièces du dossier d’enquête par l’intermédiaire de leur représentant. Il ajoute que, à l’issue de l’enquête pénale, le procureur de la République a rendu une ordonnance de non-lieu pour insuffisance de preuves.

b. Appréciation de la Cour

52. La Cour renvoie aux principes généraux tels qu’ils se trouvent énoncés notamment dans les arrêts El-Masri c. l’ex-République yougoslave de Macédoine [GC], no 39630/09, §§ 182-185, CEDH 2012, et Mocanu et autres c. Roumanie [GC], nos 10865/09, 45886/07 et 32431/08, §§ 316-326, CEDH 2014 (extraits)).

53. Ainsi, notamment, compte tenu du devoir général incombant à l’État en vertu de l’article 1 de la Convention de « reconna[ître] à toute personne relevant de [sa] juridiction les droits et libertés définis [dans] la (...) Convention », les dispositions de l’article 3 requièrent par implication qu’une forme d’enquête officielle effective soit menée lorsqu’un individu soutient de manière défendable avoir subi, de la part notamment de la police ou d’autres services comparables de l’État, un traitement contraire à l’article 3 (Bouyid, précité, § 116).

54. Il s’agit essentiellement, au travers d’une telle enquête, d’assurer l’application effective des lois qui interdisent la torture et les peines et traitements inhumains ou dégradants dans les affaires où des agents ou organes de l’État sont impliqués, et de garantir que ceux-ci aient à rendre des comptes au sujet des mauvais traitements survenus sous leur responsabilité (Bouyid, précité, § 117).

55. L’enquête doit être approfondie, ce qui signifie que les autorités doivent toujours s’efforcer sérieusement de découvrir ce qui s’est passé et qu’elles ne doivent pas s’appuyer sur des conclusions hâtives ou mal fondées pour clore l’enquête (Bouyid, précité, § 123).

56. En l’espèce, la Cour rappelle que les requérants se plaignent de l’insuffisance de l’enquête menée par le procureur de la République de Hakkâri. Elle note qu’il ressort des éléments versés au dossier et des observations des parties que le procureur de la République a examiné la plainte pour mauvais traitements que les requérants ont formulée dans leurs dépositions recueillies à la direction de la sûreté juste après l’incident litigieux. Elle relève néanmoins un certain nombre de manquements notables. Il ressort de la décision de non-lieu du procureur de la République qu’il a pris en considération les éléments de preuve matériels à la décharge des policiers. Or, le rôle du procureur de la République était de mener une véritable enquête pénale comprenant toute la palette des mesures d’investigations pour déterminer la responsabilité des acteurs en présence et éclaircir les conditions dans lesquelles les faits s’étaient déroulés.

57. Ainsi, la Cour constate que le procureur de la République a entendu en personne uniquement Zeki Aslan, et pas le second requérant ni les policiers impliqués dans l’incident litigieux. De plus, elle observe que le président de la cour d’assises de Van – qui a confirmé la décision de non-lieu rendue par le procureur de la République – n’a pas jugé nécessaire ni utile d’ordonner les investigations supplémentaires demandées par les requérants dans leur recours présenté le 25 juin 2010. Dans leur recours, ils ont demandé l’audition des témoins de l’incident, des voisins ou des commerçants des alentours ; une reconstitution des faits ; et le visionnage des enregistrements des caméras de vidéosurveillance du centre-ville (paragraphe 20 ci-dessus). Par conséquent, la Cour considère que les requérants ont démontré que les investigations menées par les autorités internes compétentes n’étaient pas conformes aux exigences procédurales de l’article 3 de la Convention.

58. Partant, il y a eu violation du volet procédural de l’article 3 de la Convention.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

59. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

60. Nasrettin Aslan réclame 50 000 EUR pour préjudice matériel et 120 000 EUR pour préjudice moral.

61. Zeki Aslan réclame, au titre des préjudices matériel et moral qu’il dit avoir subis, respectivement 50 000 EUR et 90 000 EUR.

62. Le Gouvernement conteste ces prétentions.

63. La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer à chacun des requérants 5 000 EUR au titre du préjudice moral.

B. Frais et dépens

64. Les requérants demandent également le remboursement de leurs frais et dépens engagés devant la Cour. Leurs demandes sont ventilées comme suit :

– 5750 TRY pour les honoraires d’avocat correspondant à 36 heures de travail au taux horaire fixé par le barreau de Diyarbakır, pour la préparation de la requête ;

– 725 TRY correspondant à une heure de travail pour la correspondance avec la Cour lors de l’introduction de la requête ;

– 5 800 TRY correspondant à huit heures de travail pour le traitement de la correspondance avec la Cour après l’introduction de la requête ;

– 310 TRY pour les frais de traduction (cette demande n’est pas étayée) ;

– 310 TRY pour les frais de traduction (cette demande n’est pas étayée) ;

– 3 500 TRY pour les frais de correspondance avec la Cour.

Les requérants se réfèrent également à une convention d’honoraires conclue avec leur avocat selon laquelle ils s’engageaient à lui verser 25% de la totalité des sommes accordées par la Cour. Cette convention n’a pas été versée au dossier.

65. Le Gouvernement conteste le montant réclamé au titre des frais et dépens au motif que la demande y relative n’est pas étayée. Il estime que le relevé horaire versé au dossier n’est pas précis.

66. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (Mete et autres c. Turquie, no 294/08, § 142, 4 octobre 2011). En l’espèce et compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour constate que le décompte horaire présenté par l’avocat des requérants doit être considéré comme un justificatif pour autant qu’il concerne les heures réellement consacrées à la cause des requérants et que ce décompte est suffisamment ventilé pour appuyer la demande de ces derniers pour les frais et dépens engagés devant la Cour. Partant, elle estime raisonnable la somme de 2 800 EUR pour la procédure devant la Cour et l’accorde conjointement aux requérants.

C. Intérêts moratoires

67. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable ;

2. Dit qu’il n’y a pas eu violation du volet matériel de l’article 3 de la Convention ;

3. Dit qu’il y a eu violation du volet procédural de l’article 3 de la Convention ;

4. Dit,

a) que l’État défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement :

i) 5 000 EUR (cinq mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral à chaque requérant ;

ii) 2 800 EUR (deux mille huit cents euros), conjointement aux requérants pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par les requérants ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 30 août 2016, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Stanley NaismithJulia Laffranque
GreffierPrésidente


Synthèse
Formation : Cour (deuxiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-166044
Date de la décision : 30/08/2016
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Non-violation de l'article 3 - Interdiction de la torture (Volet matériel);Violation de l'article 3 - Interdiction de la torture (Article 3 - Enquête efficace) (Volet procédural)

Parties
Demandeurs : NASRETTİN ASLAN ET ZEKİ ASLAN
Défendeurs : TURQUIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : TIMUR F.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

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