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06/06/2017 | CEDH | N°001-174066

CEDH | CEDH, AFFAIRE ERDİNÇ KURT ET AUTRES c. TURQUIE, 2017, 001-174066


DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE ERDİNÇ KURT ET AUTRES C. TURQUIE

(Requête no 50772/11)

ARRÊT

STRASBOURG

6 juin 2017

DÉFINITIF

06/09/2017

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Erdinç Kurt et autres c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Robert Spano, président,
Ledi Bianku,
Işıl Karakaş,
Nebojša Vučinić,
V

aleriu Griţco,
Jon Fridrik Kjølbro,
Georges Ravarani, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le...

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE ERDİNÇ KURT ET AUTRES C. TURQUIE

(Requête no 50772/11)

ARRÊT

STRASBOURG

6 juin 2017

DÉFINITIF

06/09/2017

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Erdinç Kurt et autres c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Robert Spano, président,
Ledi Bianku,
Işıl Karakaş,
Nebojša Vučinić,
Valeriu Griţco,
Jon Fridrik Kjølbro,
Georges Ravarani, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 16 mai 2017,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 50772/11) dirigée contre la République de Turquie et dont trois ressortissants de cet État, M. Erdinç Kurt et Mme Nursen Kurt et leur fille, Duru Kurt (« les requérants »), ont saisi la Cour le 24 mars 2011 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Les requérants ont été représentés par Mes A. Kavak et O.R. Kavak, avocats à Ankara. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.

3. Les requérants alléguaient en particulier une violation de l’article 8 de la Convention.

4. Le 29 mai 2012, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

5. Les requérants sont nés respectivement en 1974, en 1975 et en 2003 et résident à Ankara.

6. Courant 2004, les parents de Duru Kurt emmenèrent leur fille à l’hôpital SSK d’Ankara car elle présentait, selon eux, des symptômes de problèmes cardiaques. L’enfant y fut examinée puis transférée à l’hôpital pédiatrique Sami Ulus, où elle fut suivie durant deux ans, période à l’issue de laquelle les médecins estimèrent nécessaire de lui faire subir une opération du cœur.

7. Avant l’opération, qui eut lieu le 19 juillet 2006, le père de la patiente signa un formulaire indiquant les risques potentiels encourus par sa fille en raison de l’intervention chirurgicale et dans lequel il consentait à l’opération (« le formulaire de consentement »).

8. Lors des contrôles postopératoires, une fuite fut décelée en périphérie de la membrane recouvrant l’incision.

9. Sur décision du conseil médical de l’établissement, la patiente dut subir, le 8 février 2007, une seconde opération, réalisée par une autre équipe médicale. Préalablement à l’opération, le père de la patiente signa un formulaire de consentement, identique au premier. Ce formulaire ne mentionnait pas de risque de problème neurologique grave mais précisait que la liste des séquelles éventuelles n’était pas exhaustive.

10. Après cette seconde opération, au cours des soins intensifs, la patiente présenta un œdème, une hémorragie cérébrale, une insuffisance hépatique ainsi qu’une spasticité musculaire.

11. Le 6 juillet 2007, les requérants déposèrent une plainte à l’encontre des médecins ayant pratiqué les opérations.

12. Le 11 juillet 2007, le conseil médical de l’hôpital pédiatrique de Dışkapı, à Ankara, diagnostiqua chez l’enfant un retard psychomoteur lourd irrémédiable (dû à une encéphalopathie hypoxique-ischémique) et évalua son invalidité à 92 %.

13. Le 16 juillet 2007, conformément à la procédure en vigueur, le parquet demanda une autorisation de poursuites au préfet d’Ankara.

14. Le rapport établi à l’issue de l’enquête interne demandée par la préfecture indiquait que la patiente souffrait d’une maladie cardiaque congénitale très grave, que le traitement de celle-ci impliquait une intervention chirurgicale à haut risque et que, dans 52 %, des cas, une fuite au niveau de la membrane était observée, laquelle rendait nécessaire une seconde opération. Il concluait que l’équipe médicale n’avait commis aucune faute lors de cette première opération.

15. Selon le rapport susmentionné, la seconde opération, réalisée pour traiter la fuite, était elle aussi à haut risque. Le rapport précisait que les complications neurologiques de la patiente en l’espèce étaient courantes dans les opérations à cœur ouvert et qu’elles survenaient lors de la mise en place d’une circulation sanguine par pompe artificielle ou lors de la mise en hypothermie du sujet. Il ajoutait que la patiente avait gardé des séquelles malgré les soins qui lui avaient été prodigués après la seconde opération. En conclusion, l’enquêteur recommandait de ne pas autoriser les poursuites pénales. Ce rapport d’enquête préalable précisait que les personnes mises en cause avaient été auditionnées par l’enquêteur. La fonction de l’auteur du rapport, qui est médecin, ainsi que l’établissement dont il dépend sont inconnus.

16. Le 6 septembre 2007, suivant la recommandation du rapport d’enquête préalable, la préfecture refusa d’autoriser les poursuites.

17. L’opposition formée par les requérants contre cette décision administrative fut rejetée par la cour administrative régionale le 18 décembre 2007 au motif que le rapport d’enquête préalable et ses annexes n’étaient pas de nature à permettre l’ouverture d’une information judiciaire par le parquet.

18. En conséquence, le 28 septembre 2008, le parquet rendit une ordonnance de non-lieu.

19. Parallèlement à la procédure pénale, les requérants déposèrent une plainte auprès de l’ordre des médecins d’Ankara.

20. L’expert désigné par ce dernier présenta son rapport le 14 juillet 2008. Dans ce document d’une page, il indiquait que la patiente présentait une anomalie congénitale du tronc coronaire gauche à partir de l’artère pulmonaire (ALCAPA), qu’une opération à cœur ouvert avait été réalisée pour permettre l’irrigation du tronc coronaire gauche depuis l’aorte, que, six mois plus tard, une fuite avait été décelée sur la membrane ayant été appliquée sur l’incision durant cette première opération, qu’une seconde opération avait été effectuée et qu’elle avait permis de régler ce problème mais que la patiente avait été victime d’un accident cérébral. L’expert précisait que l’anomalie que présentait la patiente était extrêmement grave, qu’elle pouvait conduire au décès du sujet et que le taux de complication pendant ou à la suite d’une telle opération était élevé. À ses yeux, la seconde opération, qui visait à traiter une complication prévisible de la première, était quant à elle encore plus risquée. Selon lui, les opérations à cœur ouvert présentaient des risques non seulement pour l’organe opéré mais également pour d’autres organes. L’expert concluait son rapport en ces termes :

« L’accident cérébral [dont a été victime] la patiente Duru Kurt fait partie des complications qu’il est possible d’observer lors des opérations à cœur ouvert.

Aucune négligence ou faute attribuable à l’équipe médicale ayant réalisé la première ou la seconde opération n’a été relevée. L’équipe a fait montre d’une bonne performance et d’un bon savoir-faire médical. La complication [survenue en l’espèce] est une situation qu’il est possible d’observer dans les cas d’anomalie [telle que celle que présentait la patiente] et à la suite d’une opération à cœur ouvert. »

21. Le 23 mai 2008, les requérants engagèrent une action en responsabilité contre les médecins devant le tribunal de grande instance d’Ankara (« le TGI ») alléguant que les intéressés n’avaient pas exercé correctement leur art et étaient à l’origine des très graves séquelles affectant Duru Kurt. Ils présentèrent à l’appui de leur demande d’indemnisation un rapport d’expertise privé daté du 13 mai 2008 relatif au montant du préjudice.

22. Le 26 mars 2009, le tribunal désigna un collège d’experts composé de deux professeurs et d’un maître de conférences en chirurgie cardiovasculaire de l’université d’Ankara.

23. Le collège d’experts présenta son rapport le 31 juillet 2009.

24. Selon ce rapport, la patiente s’était initialement vu diagnostiquer une cardiomyopathie dilatée (une maladie diminuant de façon significative la capacité du muscle cardiaque à assurer sa fonction de « pompe ») à l’hôpital de l’université d’Ankara et, à l’issue d’examens plus poussés à l’hôpital Sami Ulus, une ALCAPA, également appelée syndrome de Bland-White-Garland, avait été diagnostiquée.

25. Les experts précisaient que la patiente avait subi une intervention de Takeuchi visant à réaliser un tunnel intrapulmonaire et qu’une fuite en périphérie de la membrane avait été observée lors des examens de contrôle réalisés six mois plus tard. Ils indiquaient que cette fuite avait conduit à une seconde intervention chirurgicale, que la patiente avait été placée sous assistance respiratoire en raison de l’apparition après l’opération d’une contraction tonico-clonique et que des séquelles neurologiques étaient apparues durant ces soins intensifs.

26. Après ces premiers constats, les experts déclaraient dans leur rapport que la maladie cardiaque dont souffrait la patiente et pour laquelle elle avait été opérée était rare et qu’elle représentait 0,5 % des maladies cardiaques congénitales. Selon eux, en l’absence de traitement, le taux de mortalité était de 80 à 90 % et les sujets atteignaient rarement l’âge adulte. Le collège d’experts estimait que le seul traitement de cette maladie était d’ordre chirurgical et que l’intervention la plus pertinente était l’opération de Takeuchi. Il précisait que celle-ci présentait un taux de mortalité pouvant atteindre 23 %, que, dans 50 % des cas, il était possible d’observer une fuite autour de la membrane à l’issue d’une telle chirurgie cardiaque et que, toutes complications confondues, le taux de réopération allait jusqu’à 30 %.

27. Il ajoutait que, par ailleurs, dans 10 à 29 % des cas, les maladies congénitales cardiovasculaires étaient accompagnées de troubles neurologiques et qu’une étude multicentrique indiquait que le taux de dommages neurologiques dans la période suivant immédiatement l’opération était de 20 %.

28. Dans leurs conclusions, les experts indiquaient que l’ALCAPA était une maladie cardiaque très grave et que les parents de la patiente avaient signé un formulaire de consentement avant l’opération subie par leur enfant. Selon eux, le fait que la patiente présentait une cardiomyopathie dilatée était une circonstance augmentant les risques déjà élevés liés à l’opération. D’après le rapport, la fuite qui avait été observée autour de la membrane après la première opération était une complication survenant dans 50 % des cas, et l’opération réalisée pour résoudre ce problème était quant à elle encore plus risquée que la première. Les experts indiquaient en outre que les dommages neurologiques subis par la patiente étaient une complication souvent rencontrée dans les cas de sujets souffrant d’anomalie cardiaque congénitale placés en soins intensifs après l’opération.

29. Le rapport, qui citait une vingtaine de sources bibliographiques, s’achevait ainsi :

« En résumé, le tableau que présente cette patiente est une complication. Aucune erreur médicale ou chirurgicale des médecins n’est en cause. »

30. Les requérants contestèrent ce rapport, qu’ils jugeaient insuffisant. Selon eux, le rapport susmentionné, qui citait des études scientifiques, ressemblait plus à un article destiné à être publié dans une revue qu’à une expertise. À leurs yeux, il ne contenait pas d’éléments concrets et objectifs concernant le cas d’espèce et ne pouvait permettre de trancher le litige. Les requérants ne remettaient pas en question l’existence d’un risque mais estimaient que ni cette probabilité ni la signature du formulaire de consentement ne dispensaient les médecins d’exercer leur art avec professionnalisme. Or, selon eux, le rapport, dénué d’explications et de motivations sur ce point, ne témoignait d’aucun contrôle exercé à cet égard. Par conséquent, ils demandaient au tribunal de requérir une contre-expertise, soit d’un autre collège, soit d’une section spécialisée de l’institut de médecine légale d’Istanbul.

31. Par un jugement du 3 novembre 2009, le TGI débouta les requérants de leur demande de contre-expertise.

Le juge estima, eu égard au rapport d’expertise du 31 juillet 2009 et aux éléments présents dans le dossier d’instruction du parquet, que les médecins n’étaient pas responsables des séquelles dont souffrait l’enfant après les opérations à haut risque qu’elle avait subies et pour lesquelles ses parents avaient donné leur accord.

32. Les parents formèrent un pourvoi contre ce jugement. Ils réitérèrent à cette occasion les critiques qu’ils avaient précédemment formulées à l’égard du rapport d’expertise, à leurs yeux insuffisant. Ils soulignaient en outre que ce rapport avait été rédigé sur la base du dossier médical et que leur fille n’avait pas été examinée par les experts. Ils précisaient que, en vertu d’une jurisprudence établie, les experts auraient dû en premier lieu exposer les actes et procédures exigés par les règles de l’art et les comparer avec les actes que les médecins mis en cause avaient concrètement effectués pour déterminer si et dans quelle mesure lesdites règles avaient été respectées. En outre, ils arguaient que la pratique habituelle des tribunaux dans ce type d’affaires était de ne pas se contenter d’un seul rapport d’expertise. Selon eux, dans ce cadre, le refus de leur demande de contre-expertise constituait une injustice flagrante. Par ailleurs, ils alléguaient que l’un des médecins, qui était supposé assister à l’opération, ne s’était déplacé qu’après avoir été averti par téléphone d’un arrêt cardiaque durant l’opération et précisaient que cet élément n’avait pas été analysé ni même mentionné dans le rapport d’expertise.

33. Leur recours fut rejeté par un arrêt du 20 avril 2010.

34. Le 7 octobre 2010, la Cour de cassation rejeta également le recours en rectification introduit par les requérants.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

35. Les parents tiennent les autorités pour responsables des séquelles neurologiques dont souffre leur fille et estiment que le droit à la vie de celle-ci n’a pas été protégé. Ils soutiennent en outre ne pas avoir disposé de recours effectif pour faire valoir leurs droits, affirmant que la procédure civile n’a pas été effective. Ils invoquent les articles 2, 6 et 13 de la Convention à l’appui de leur grief.

36. Le Gouvernement combat cette thèse.

37. La Cour rappelle qu’elle est maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause et qu’elle n’est pas liée par celle attribuée par les parties (Bouyid c. Belgique [GC], no 23380/09, § 55, CEDH 2015).

38. En l’espèce, elle rappelle que c’est uniquement dans des circonstances exceptionnelles que des sévices corporels infligés par des agents de l’État peuvent s’analyser en une violation de l’article 2 de la Convention lorsqu’il n’y a pas décès de la victime (Makaratzis c. Grèce [GC], no [50385/99](http://hudoc.echr.coe.int/eng#%7B%22appno%22:%5B%2250385/99%22%5D%7D), § 51, CEDH 2004‑XI). Elle relève que rien n’indique l’existence d’un risque immédiat pour la vie de Duru Kurt (voir Mozer c. République de Moldova et Russie [GC], no 11138/10, §§ 169 à 171, CEDH 2016).

39. Dans ces circonstances, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner séparément, au titre de l’article 2 de la Convention, les faits dont se plaignent les requérants, mais qu’il faut plutôt les étudier sous l’angle de l’article 8 de la Convention, dans le champ duquel entrent notamment les questions liées à l’intégrité morale et physique des individus (voir, parmi beaucoup d’autres, Trocellier c. France (déc), no 75725/01, 5 octobre 2006) et dont les dispositions se lisent comme suit :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

A. Sur la recevabilité

40. Le Gouvernement estime que la requête est manifestement mal fondée.

41. La Cour considère que la requête pose des questions de fait et de droit qui nécessitent un examen au fond de l’affaire. Dès lors, la requête ne saurait être déclarée manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Constatant par ailleurs qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Les thèses des parties

42. Les parents tiennent les autorités pour responsables des séquelles dont souffre leur fille. Selon eux, celles-ci sont le résultat de négligences commises par les médecins dans la pratique de leur art. Les requérants allèguent en outre ne pas avoir disposé de voie de recours permettant de déterminer les éventuelles responsabilités. Ils soutiennent en particulier que la procédure civile qu’ils ont engagée a été ineffective. Ils se plaignent notamment du rapport d’expertise médicale établi par le collège d’experts et reprochent au TGI de ne pas avoir fait droit à leur demande de contre‑expertise. Selon eux, les experts se sont limités à une analyse des pièces du dossier médical sans jamais examiner la patiente. Par ailleurs, le rapport d’expertise se contenterait de citer des statistiques pour démontrer l’existence d’un risque mais n’examinerait pas la question de savoir si une négligence avait été commise dans le cas concret soumis à leur avis.

43. Le Gouvernement conteste cette thèse.

44. Il déclare que les rapports médicaux et les décisions des juridictions internes ont exclu toute faute ou négligence dans la survenance du préjudice et que lesdites décisions ne sont pas entachées d’arbitraire. Il indique que, en vertu d’une jurisprudence bien établie, la Cour n’a en principe pas compétence pour connaître des erreurs de fait et de droit prétendument commises par une juridiction interne ou pour substituer sa propre appréciation des éléments de fait ou des lois applicables à celle des juridictions nationales (García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, § 28, CEDH 1999‑I), pas plus qu’il ne lui appartient de remettre en cause les conclusions des expertises ni de se livrer à des conjectures, à partir des renseignements médicaux dont elle dispose, sur le caractère correct des conclusions auxquelles sont parvenus les experts (Tysiąc c. Pologne, no 410/03, § 119, CEDH 2007‑I).

45. S’agissant de l’absence d’examen de la patiente par le collège d’experts, le Gouvernement précise que les experts disposaient de la faculté d’examiner eux-mêmes la patiente ou de demander tout examen ou analyse qu’ils estimaient nécessaires. Il indique que, s’ils ne l’ont pas fait en l’espèce, c’est qu’ils ne l’ont pas estimé utile, faisant ainsi usage du pouvoir discrétionnaire que leur laisseraient le droit national et la Convention.

46. En ce qui concerne la fiabilité des conclusions de ce rapport, le Gouvernement argue que les experts ont procédé à un examen détaillé du dossier médical de l’intéressée et qu’ils se sont fondés sur des recherches et des articles scientifiques.

47. Il ajoute que les juridictions nationales ne se sont pas appuyées uniquement sur ce rapport mais également sur celui que contenait le dossier de la procédure pénale.

48. Il considère que les requérants ont fait usage de leur droit de s’opposer à ce rapport et que, si le tribunal a rejeté la demande de contre‑expertise des intéressés, il l’a fait par une décision motivée se fondant sur l’existence de rapports antérieurs. En définitive, à ses yeux, les requérants ont eu la possibilité de contester le rapport susmentionné, non seulement devant le TGI mais aussi devant la Cour de cassation.

49. En outre, le Gouvernement estime que la présente affaire se distingue de l’affaire Mantovanelli c. France (18 mars 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997‑II) pour autant qu’elle concerne le rapport d’expertise judiciaire, étant donné, d’une part, que le collège se composait de trois experts et, d’autre part, que les experts n’ont en l’espèce procédé à aucune audition.

50. Enfin, le Gouvernement indique que les parents ont donné leur consentement aux interventions chirurgicales subies par leur fille.

2. Appréciation de la Cour

a) Principes généraux

51. La Cour rappelle qu’il est bien établi que, bien que le droit à la santé ne figure pas en tant que tel parmi les droits garantis par la Convention ou ses Protocoles, les Hautes Parties contractantes ont, parallèlement à leurs obligations positives sous l’article 2 de la Convention, une obligation positive sous son article 8, d’une part, de mettre en place une réglementation obligeant les hôpitaux publics et privés à adopter des mesures appropriées pour protéger l’intégrité physique de leurs patients et, d’autre part, à mettre à la disposition des victimes de négligences médicales une procédure apte à leur procurer, le cas échéant, une indemnisation de leur dommage corporel (voir Jurica c. Croatie, no 30376/13, § 84, 2 mai 2017 et les références qui y figurent). Elle rappelle également que les principes qui se dégagent de sa jurisprudence relative à l’article 2 de la Convention dans le domaine de la négligence médicale s’appliquent également sous l’angle de l’article 8 lorsqu’il s’agit d’atteintes à l’intégrité physique ne mettant pas en cause le droit à la vie (voir, entre autres, Vasileva c. Bulgarie, no 23796/10, § 63, 17 mars 2016, et Codarcea c. Roumanie, no 31675/04, § 101, 2 juin 2009).

52. L’État doit non seulement à s’abstenir de provoquer la mort de manière volontaire et irrégulière, mais aussi prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie et de l’intégrité physique des personnes relevant de sa juridiction. Ces principes s’appliquent également dans le domaine de la santé publique (voir, par exemple, Calvelli et Ciglio c. Italie [GC], no 32967/96, § 48, CEDH 2002‑I). En effet, on ne saurait exclure que les actes et omissions des autorités dans le cadre des politiques de santé publique peuvent, dans certaines circonstances, engager leur responsabilité sous l’angle du volet matériel des articles 2 et 8 (Powell c. Royaume-Uni (déc.), no 45305/99, CEDH 2000‑V).

53. Les obligations positives que ces dispositions font peser sur l’État impliquent la mise en place par lui d’un cadre législatif et réglementaire imposant aux hôpitaux, qu’ils soient privés ou publics, l’adoption de mesures propres à assurer la protection de la vie et de l’intégrité physique des malades. Cette obligation repose sur la nécessité de préserver ces derniers, autant que faire se peut, des conséquences graves que peuvent avoir à cet égard les interventions médicales (Codarcea c. Roumanie, no 31675/04, § 104, 2 juin 2009).

54. Les articles 2 et 8 de la Convention implique également l’obligation d’instaurer un système judiciaire efficace et indépendant permettant d’établir la cause du décès ou des atteintes à l’intégrité physique d’un individu se trouvant sous la responsabilité de professionnels de la santé, qu’ils agissent dans le cadre du secteur public ou qu’ils travaillant dans des structures privées et, le cas échéant, d’obliger ceux-ci à répondre de leurs actes (Calvelli et Ciglio, précité, § 49).

55. L’obligation de l’État au regard des article 2 et 8 de la Convention ne peut être satisfaite si les mécanismes de protection prévus en droit interne n’existent qu’en théorie : il faut surtout qu’ils fonctionnent effectivement en pratique (Šilih c. Slovénie [GC], no 71463/01, § 195, 9 avril 2009).

56. Par ailleurs, même si la Convention ne garantit pas en soi le droit à l’ouverture de poursuites pénales contre des tiers, la Cour a maintes fois affirmé que le système judiciaire efficace exigé par les articles 2 et 8 de la Convention peut comporter et, dans certaines circonstances, doit comporter, un mécanisme de répression pénale (Calvelli et Ciglio, précité, § 51). Toutefois, si l’atteinte au droit à la vie ou à l’intégrité physique n’est pas volontaire, l’obligation positive découlant de ces dispositions de mettre en place un système judiciaire efficace n’exige pas nécessairement dans tous les cas un recours de nature pénale. Dans le contexte spécifique des négligences médicales, pareille obligation peut être remplie aussi, par exemple, si le système juridique en cause offre aux intéressés un recours devant les juridictions civiles, seul ou conjointement avec un recours devant les juridictions pénales, aux fins d’établir la responsabilité des médecins en cause et, le cas échéant, d’obtenir l’application de toute sanction civile appropriée, tels le versement de dommages-intérêts et la publication de l’arrêt. Des mesures disciplinaires peuvent également être envisagées (Vo c. France [GC], no 53924/00, § 90, CEDH 2004‑VIII, et Gray c. Allemagne, no 49278/09, § 80 à 82, 22 mai 2014).

b) Application de ces principes au cas d’espèce

57. La Cour observe que la requérante Duru Kurt a subi deux interventions chirurgicales, l’une pour soigner une maladie cardiaque congénitale particulièrement grave et la seconde pour remédier à une complication consécutive à la première. Cette seconde opération a entraîné des séquelles neurologiques lourdes. Les parents tiennent les médecins pour responsables du handicap dont est désormais atteinte leur fille et considèrent que les autorités judiciaires ont été inefficaces dans l’établissement des responsabilités.

58. La Cour relève qu’il n’y a pas de controverse entre les parties quant à l’existence d’un cadre législatif et réglementaire imposant aux hôpitaux, qu’ils soient privés ou publics, l’adoption de mesures propres à assurer la protection de la vie des malades. La contestation porte sur la capacité du système judiciaire à vérifier en l’espèce le respect par l’équipe médicale de ses obligations professionnelles et à en sanctionner l’éventuelle méconnaissance.

59. Dès lors, la tâche de la Cour consiste à contrôler l’effectivité des recours dont les requérants ont usé et à déterminer ainsi si le système judiciaire a assuré la mise en œuvre adéquate du cadre législatif et réglementaire conçu pour protéger le droit à l’intégrité physique des patients. Cela implique de vérifier que ledit recours a réellement permis aux requérants de faire examiner leurs allégations et de faire sanctionner toute méconnaissance de la réglementation par les médecins qui aurait éventuellement été constatée.

60. En l’espèce, la Cour note que le système judiciaire interne offrait aux requérants deux recours, l’un de nature civile et l’autre de nature pénale. Elle estime toutefois que, dans les circonstances de la présente affaire, il n’est pas nécessaire de s’attarder sur la procédure pénale, car, comme il a été précédemment souligné, l’obligation procédurale découlant de l’article 2 de la Convention n’exige pas nécessairement de l’État qu’il garantisse des poursuites pénales dans des affaires de négligence médicale (voir dans le même sens (Delice c. Turquie (déc.), no 38804/09, § 54, 10 novembre 2015). D’ailleurs, elle observe que les observations des parties portent essentiellement sur le recours en indemnisation.

61. La Cour observe que, à l’issue de la procédure civile, les tribunaux ont rejeté les demandes d’indemnisation des requérants après avoir obtenu un rapport d’expertise concluant à l’absence de faute des médecins.

62. Les requérants ont contesté la pertinence et le caractère suffisant de ce rapport et ont demandé, en vain, l’obtention d’un nouveau rapport d’expertise.

63. Il n’appartient pas à la Cour de remettre en cause les conclusions des expertises en se livrant à des conjectures, à partir des renseignements médicaux dont elle dispose, sur leur caractère correct d’un point de vue scientifique (Tysiąc c. Pologne, précité, § 119, et Yardımcı c. Turquie, no 25266/05, § 59, 5 janvier 2010). La Cour estime que l’obligation d’appréciation, par les tribunaux, de rapports d’experts médicaux dans des affaires de négligence médicale alléguée ne peut aller jusqu’à imposer des charges inutiles ou disproportionnées à l’État dans l’exécution de ses obligations positives découlant de l’article 8. L’intensité du travail d’évaluation à laquelle doivent se livrer les tribunaux doit être appréciée au cas par cas, en tenant compte de la nature de la question médicale concernée, de sa complexité et, en particulier, de la question de savoir si le demandeur, alléguant une faute dans le chef des professionnels de la santé, était en mesure de formuler des allégations concrètes et spécifiques de négligence qui nécessitaient une réponse d’experts médicaux chargés de fournir un rapport. Elle rappelle néanmoins qu’elle a déjà jugé qu’une procédure était inefficace au regard des obligations procédurales lorsque la décision à laquelle elle aboutissait était fondée sur des rapports d’expertise éludant ou n’abordant pas de manière satisfaisante la question centrale que les experts devaient trancher et que les arguments, sinon décisifs, du moins principaux des requérants ne recevaient pas de réponse spécifique et explicite (voir Altuğ et autres c. Turquie, no 32086/07, §§ 77-86, 30 juin 2015, où les rapports médicaux insistaient sur l’existence d’un risque mortel en cas d’injection de pénicilline et concluaient à l’absence de faute des médecins sans chercher à déterminer si les intéressés avaient satisfait à leurs obligations professionnelles).

64. En l’espèce, la Cour relève que le rapport obtenu par le TGI énumère, en citant une importante bibliographie, les taux de complications et de décès lors de ou à la suite d’interventions telles que celles qu’avait subies l’enfant en l’espèce. Il conclut à une absence de faute et donc de responsabilité des médecins en raison de l’existence de ces risques très élevés.

65. La Cour constate que la maladie de la requérante Duru Kurt nécessitait des interventions chirurgicales hautement complexes de nature cardiovasculaire. Elle accepte dès lors, dans les circonstances particulières de la présente affaire, que les requérants ne sauraient se voir reprocher d’avoir sollicité une nouvelle expertise devant les juridictions nationales en des termes généraux, en concentrant leurs critiques sur le manque de motivation dans le rapport du 31 juillet 2009 et sur l’absence d’explication concernant la corrélation entre les standards applicables en la matière et le traitement médical concret auquel avait été soumise la patiente.

66. La question à trancher par les experts consistait à déterminer si, indépendamment du risque que présentait l’intervention, les médecins avaient contribué à la réalisation du dommage. En effet, ce n’est que lorsqu’il a été établi que les médecins ont réalisé l’opération selon les règles de l’art, en prenant dûment en compte les risques que présentait celle-ci, que les séquelles peuvent être considérées comme relevant de l’aléa thérapeutique. S’il devait en aller autrement, aucun chirurgien ne serait jamais inquiété étant donné que le risque est inhérent à toute intervention chirurgicale.

67. Or le rapport d’expertise du 31 juillet 2009 n’aborde nullement cette question puisqu’il n’examine pas si et dans quelle mesure les médecins concernés ont ou non agi en adéquation avec les normes de la médecine moderne avant, pendant et après l’opération. Par exemple, il ne précise pas quels actes concrets ont été réalisés par les médecins pendant l’opération et durant le suivi postopératoire au cours duquel l’accident neurologique semble être survenu, ni ne les confronte aux règles et protocoles régissant la matière.

68. Si le rapport précité conclut finalement à l’absence de faute de la part des médecins, il ne précise pas sur quels éléments concrets, en dehors d’éléments bibliographiques attestant l’existence de risques, il fonde cette conclusion, qui relève dès lors de l’affirmation plus que de la démonstration. Ce rapport est donc insuffisamment motivé au regard de la question sur laquelle il était censé apporter un éclairage technique (voir, mutatis mutandis, Eugenia Lazăr c. Roumanie, no 32146/05, §§ 82 à 85, 16 février 2010).

69. Même si les conclusions d’une expertise ne lient pas le juge, force est d’admettre qu’elles peuvent exercer une influence déterminante sur l’appréciation de ce dernier dans la mesure où elles relèvent d’un domaine technique échappant à sa connaissance.

70. Or, face au caractère insuffisamment motivé du rapport en cause et aux protestations des requérants, le TGI n’a pas estimé utile de faire droit à la demande de contre-expertise des intéressés, considérant ledit rapport comme suffisant. La Cour de cassation a elle aussi rejeté la demande tendant à l’obtention d’un nouveau rapport et à l’appui de laquelle les requérants avaient présenté un certain nombre d’arguments (voir paragraphe 32).

71. À la lumière de ces éléments, la Cour estime les requérants n’ont pas bénéficié d’une réaction judiciaire adéquate respectant les exigences inhérentes à la protection du droit à l’intégrité physique de Duru Kurt.

72. Il y a donc eu violation de l’article 8 de la Convention.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

73. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

74. Les requérants réclament divers montants pour la réparation du préjudice matériel qu’ils auraient subi. Ils s’appuient à cet égard sur un rapport d’expertise établi dans le cadre de la procédure civile pour solliciter :

. 223 981 livres turques (TRY) pour le manque à gagner lié à l’incapacité permanente de l’enfant ;

. 234 685 TRY pour les frais d’assistance aux gestes de la vie quotidienne ;

. 240 799 TRY au titre des intérêts applicables aux deux montants précédents à partir de la date de l’opération.

75. Le total de ces sommes s’élève à 699 465 TRY, soit 299 483 euros (EUR), d’après le calcul des requérants à la date de dépôt de leurs observations.

76. Au titre du préjudice moral qu’ils allèguent avoir subi, les requérants sollicitent la même somme que celle qu’ils avaient demandée devant le TGI, à savoir 80 000 TRY (soit 34 261 EUR à la date de dépôt de leurs observations). Ils estiment que cette somme doit être assortie d’intérêts moratoires. Selon leurs calculs, ces intérêts atteindraient 17 987 EUR.

77. Quant aux frais et dépens, les requérants demandent 2 390 TRY (soit 1 023 EUR à la date de dépôt des observations). Cette somme correspond aux frais de la procédure engagée devant le TGI et pour laquelle ils présentent un certain nombre de justificatifs.

78. Le Gouvernement conteste ces prétentions, qu’il juge excessives, infondées et contraires à la jurisprudence de la Cour, et considère qu’elles doivent être rejetées dans leur ensemble.

79. La Cour estime que le lien de causalité entre le préjudice matériel subi par les requérants et la violation constatée n’est pas établi et rejette de ce fait les demandes formulées à ce titre. En effet, elle ne saurait spéculer sur ce qu’aurait été l’issue des recours intentés par les requérants en l’absence des insuffisances qu’elle a relevées.

80. Elle considère cependant que les intéressés ont subi un préjudice moral certain et estime raisonnable de leur accorder 7 500 EUR conjointement à ce titre.

81. Quant aux frais et dépens, compte tenu de sa jurisprudence et des documents présentés par les requérants, elle alloue à ces derniers la somme de 1 023 EUR.

82. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention ;

3. Dit

a) que l’État défendeur doit verser aux requérants conjointement, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement :

i) 7 500 EUR (sept mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

ii) 1 023 EUR (mille vingt-trois euros), plus tout montant pouvant être dû par les requérants à titre d’impôt, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 6 juin 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Stanley NaismithRobert Spano
GreffierPrésident


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